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19/11/2015 | FRANCE | N°14/19050

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre c, 19 novembre 2015, 14/19050


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1re chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2015



N° 2015/861













Rôle N° 14/19050







ONIAM



C/



[O] [Y]

SA HÔPITAL PRIVE BEAUREGARD

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR





















Grosse délivrée

le :

à :

Me JOURDAN

Me TROJMAN

Me ZANDOTTI

Me PINATEL


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Décision déférée à la cour :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 17 septembre 2014 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/03448.





APPELANT



L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, DES AFFECTIONS I...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2015

N° 2015/861

Rôle N° 14/19050

ONIAM

C/

[O] [Y]

SA HÔPITAL PRIVE BEAUREGARD

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

Grosse délivrée

le :

à :

Me JOURDAN

Me TROJMAN

Me ZANDOTTI

Me PINATEL

Décision déférée à la cour :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 17 septembre 2014 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/03448.

APPELANT

L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGÈNES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES - ONIAM

dont le siège est [Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

assisté par Me Patrick DE LA GRANGE avocat au barreau de Paris substitué par Me Sabine SALANON-DANGLADE, avocat au barreau de Marseille, plaidant

INTIMÉES

Madame [O] [Y]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Henri TROJMAN, avocat au barreau de Marseille, plaidant

LA SA HÔPITAL PRIVÉ BEAUREGARD

dont le siège est [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Bruno ZANDOTTI substitué par Me Stéphane GALLO, avocats au barreau de Marseille, plaidant

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

dont le siège est [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de Marseille

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 octobre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Lise Leroy-Gissinger, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Monsieur Serge KERRAUDREN, président

Mme Danielle DEMONT, conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2015,

Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :

Le 12 septembre 2011, Mme [Y], âgée de 50 ans et porteuse d'une prothèse totale du genou gauche, a été opérée pour changement de cette prothèse, en raison d'une raideur douloureuse du genou, à l'hôpital privé [Établissement 1], par le Dr [J]. Le 4 novembre 2011, une nouvelle intervention a été pratiquée pour nettoyage cicatriciel et prélèvements bactériologiques. Les prélèvements ont mis en évidence la présence de trois germes et une antibiothérapie a été mise en place.

Malgré un suivi régulier par un infectiologue, le Dr [N], à [Localité 2], des difficultés de cicatrisation ont perduré et une infection était toujours présente au 30 janvier 2012, ce qui a justifié le maintien de l'antibiothérapie.

Le 19 décembre 2012, une nouvelle intervention avec ablation totale de la prothèse a été pratiquée à la suite de la réapparition, à compter du mois de juillet, d'un phénomène inflammatoire.

A partir du 18 mai 2013, Mme [Y] a consulté le centre hospitalier de [Localité 3] où un nettoyage du genou a été effectué et où sera pratiquée le 8 août 2013 une amputation transfémorale au niveau de la cuisse gauche.

Le 13 février 2013, Mme [Y] avait saisi le président du tribunal de grande instance de Marseille en référé, qui a ordonné une expertise médicale, par une ordonnance du 28 mars 2013.

L'expert, le Dr [G], a déposé son rapport le 12 mai 2014.

Le 10 juillet 2014, Mme [Y] a assigné en référé l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infestions nosocomiales (l'ONIAM) et l'hôpital privé [Établissement 1], en sollicitant la condamnation du premier à lui verser 355 552 euros et subsidiairement celle de l'hôpital à lui verser la somme de 265 552 euros.

Par ordonnance du 17 septembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a condamné l'ONIAM à verser à Mme [Y] une provision de 150 000 euros et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le juge a retenu que la discussion ne porte pas sur les conditions applicables aux infections nosocomiales mais sur celles de l'aléa thérapeutique.

Par déclaration du 1er octobre 2010, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, l'ONIAM a formé un appel général contre cette décision.

Par ses dernières conclusions du 15 avril 2015, l'ONIAM demande à la cour :

A titre principal,

- de réformer l'ordonnance et statuant à nouveau de constater que l'accident dont a été victime Mme [Y] est une infection nosocomiale et qu'en l'état actuel il n'est pas établi qu'elle présente une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieure à 25% de sorte qu'elle n'est pas fondée à exercer un recours contre l'ONIAM et que ses demandes doivent être rejetées,

A titre infiniment subsidiaire,

- de réduire à de plus justes proportions la provision accordée et de rejeter toute autre de mande.

Par ses dernières conclusions du 19 février 2015, comportant un appel incident, Mme [Y], demande à la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a dit que l'ONIAM devait indemniser son préjudice,

y ajoutant

- condamner l'ONIAM à lui payer une provision de 429 639 euros ainsi que 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [Y], en s'appuyant sur les conclusions d'un expert psychiatre qu'elle a chargé d'une expertise amiable, le Dr [F], soutient que son atteinte à l'intégrité physique et psychique prévisible est supérieure à 25% dès lors que celui-ci a quantifié à 15% le préjudice psychique qu'elle présente.

Par ses dernières conclusions du 9 février 2015, l'hôpital privé [Établissement 1] a sollicité de la cour qu'elle confirme l'ordonnance en ce qu'elle a débouté Mme [Y] de ses demandes formulées à son encontre, dise que toute demande dirigée contre lui s'oppose à une contestation sérieuse. Très subsidiairement, il a sollicité la réduction des sommes demandées et le débouté des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A titre reconventionnel, il demande que l'ONIAM soit condamné à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que c'est à juste titre que le premier juge a retenu un aléa thérapeutique et qu'en tout état de cause, le taux de 40% retenu par l'expert est un taux plancher de sorte que le taux présenté par Mme [Y] est bien supérieur à 25 %.

La CPAM du Var, assignée le 16 janvier 2015 à personne habilitée a conclu le 6 mars 2015 à la confirmation de l'ordonnance.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte du rapport déposé par l'expert judiciaire, que dès le 21 octobre 2011, soit moins de deux mois après l'intervention de changement de la prothèse de genou, des symptômes d'infection, tenant à une petite déhiscence de la cicatrice, sont apparus, symptômes qui se sont confirmés début novembre par l'identification de trois germes. Après cette infection initiale, des soins presque continus ont dû être donnés à Mme [Y], sans que l'infection, qui s'est poursuivie à bas bruit, ait pu être totalement jugulée, jusqu'à la dépose de la prothèse puis l'amputation d'une partie du membre inférieur de la patiente.

Bien que l'expert rattache l'état de Mme [Y] à la désunion cutanée de la cicatrice apparue après l'intervention de septembre 2011 et analyse ce phénomène comme un aléa thérapeutique, l'ONIAM et Mme [Y] soutiennent que l'enchaînement décrit par l'expert et partiellement rappelé ci-dessus met en évidence la survenue d'une infection nosocomiale au sens du code de la santé publique. Dès lors qu'il résulte clairement du rapport d'expertise que la patiente a été victime d'une infection survenue au cours ou au décours d'une prise en charge médicale et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge, il n'y a pas de contestation sérieuse quant au fait qu'elle ait été victime d'une infection à caractère nosocomial.

Selon l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, les établissements de santé sont responsables de plein droit des dommages résultant d'infections nosocomiales, mais, l'article L. 1142-1 prévoit que ces infections ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale lorsque les dommages qui en résultent correspondent à un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique supérieur à 25 %.

Pour faire valoir que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'ONIAM soutient que le Dr [G] a évalué à 40% le taux d'IPP de Mme [Y], mais qu'en raison de l'état antérieur qu'elle présentait, entraînant une atteinte à l'intégrité physique et psychique de 15 %, le taux imputable à l'infection est de 25%.

Cependant, si Mme [Y] ne conteste pas l'évaluation à 40% du taux d'atteinte à l'intégrité physique résultant de la seule amputation, elle justifie par la production de l'expertise amiable du Dr [F], qui, sans être contradictoire, repose sur des éléments non contredits par l'ONIAM, que son état psychique est très altéré depuis de son amputation, ce qui l'a conduit à faire une tentative de suicide en juin 2014. Le psychiatre évalue l'atteinte à l'intégrité physique et psychique, au seul plan psychiatrique, à 15%.

Dans ces conditions, le droit de créance de Mme [Y] sur l'ONIAM en raison de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée lors de l'opération de changement de prothèse en septembre 2011 ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Sur le montant de la provision :

L'ONIAM sollicite la réduction de la provision allouée et Mme [Y] son augmentation.

Aux termes du rapport de non consolidation du Dr [G] produit, Mme [Y] se déplace en fauteuil roulant, les tentatives d'adaptation d'une prothèse n'ayant pas encore réussi, et présente un préjudice esthétique et des souffrances endurées qui ne seront pas quantifiés à moins de 5/7. Par ailleurs, la période de déficit fonctionnel temporaire, qui sera important compte tenu de l'amputation, sera longue puisque Mme [Y] n'était pas consolidée au 12 mai 2014. Mme [Y], qui indique ne plus pouvoir habiter dans son appartement ne donne pas de pièce relative à ses conditions de vie actuelles et n'indique pas la date à laquelle elle a pu regagner son domicile. Si elle demande la somme provisionnelle de 200 000 euros pour acquérir un bien de plain pied, alors qu'elle est actuellement locataire, elle ne justifie pas de l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait de se reloger en location dans un logement adapté à son handicap.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la somme de 150 000 euros allouée par le premier juge constitue une juste évaluation de son préjudice non sérieusement contestable à ce jour.

Sur les demandes annexes :

L'ONIAM succombant en son appel, il sera condamné aux dépens et à verser à Mme [Y] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas accueillir la demande formée sur le même fondement par l'hôpital privé [Établissement 1].

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme [Y] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette la demande formée par l'hôpital privé [Établissement 1] sur le même fondement,

- Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infestions nosocomiales aux dépens de l'instance d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre c
Numéro d'arrêt : 14/19050
Date de la décision : 19/11/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°14/19050 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-19;14.19050 ?
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