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18/11/2015 | FRANCE | N°15/00105

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre d, 18 novembre 2015, 15/00105


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre D



ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2015

A.V

N° 2015/41













Rôle N° 15/00105







MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE





C/



[S] [L]





















Grosse délivrée

le :

à :



Madame [O] [G], Substitut général (2)



Me David PELLETIER











Décisi

on déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/1227.





APPELANT





LE PROCUREUR GÉNÉRAL

PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 1]



représenté par Madame [O] [G], Substitut général.









INTIME



...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre D

ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2015

A.V

N° 2015/41

Rôle N° 15/00105

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

C/

[S] [L]

Grosse délivrée

le :

à :

Madame [O] [G], Substitut général (2)

Me David PELLETIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/1227.

APPELANT

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 1]

représenté par Madame [O] [G], Substitut général.

INTIME

Monsieur [S] [L]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (MAROC)

demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/001061 du 16/03/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté et assisté par Me David PELLETIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre COLLOMB, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VIDAL, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

M. Dominique RICARD, Président de chambre

Mme Florence TESSIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2015,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 18 mai 2009, M. [S] [L], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (Maroc) a souscrit une déclaration d'acquisition de nationalité française à raison de son mariage, le [Date mariage 1] 2004, avec Mme [M] [U], de nationalité française, devant le juge d'instance d'Avignon en signant une attestation de communauté de vie. Cette déclaration a été enregistrée au tribunal d'instance d'Avignon le 22 avril 2010.

Suivant acte d'huissier en date du 11 janvier 2013, le procureur de la République a fait assigner M. [S] [L] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'annulation de l'enregistrement de cette déclaration et de constatation de l'extranéité de l'intéressé.

Par jugement en date du 4 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Marseille a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par le défendeur, considérant que le ministère public avait agi dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il avait été avisé du prétendu mensonge caractérisant la fraude, mais a débouté le procureur de la République de sa demande d'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [S] [L] en retenant que, si la communauté de vie entre les époux avait cessé dans les douze mois suivant la déclaration puisque la convention de divorce mentionne une date de séparation au 12 juin 2009 alors que la déclaration de nationalité française a été faite le 18 mai 2009, il n'est pas rapporté la preuve d'un mensonge ou d'une fraude, à défaut pour le demandeur de démontrer qu'à la date de la déclaration les époux avaient déjà décidé de se séparer, alors au contraire que l'ensemble des pièces démontre la réalité de la communauté de vie des époux.

Le ministère public a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 7 janvier 2015.

------------------

Le ministère public, en l'état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 mars 2015, demande à la cour de :

- Constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- Infirmer le jugement au fond,

- constater l'extranéité de M. [S] [L],

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Il rappelle que l'article 21-2 du code civil pose comme conditions de la validité de la déclaration de nationalité, outre le respect d'un délai de deux ans à compter du mariage, qu'à la date de la déclaration la communauté de vie, tant affective que matérielle, n'ait pas cessé entre les époux.

Il fait valoir qu'en l'espèce, la déclaration a été souscrite le 18 mai 2009, alors que les époux ont déposé une requête en divorce le 8 juillet 2009 pour laquelle l'épouse avait présenté une demande d'aide juridictionnelle ayant donné lieu à une décision le 23 avril 2009, ce qui démontre qu'à la date de la déclaration, les époux avaient déjà la volonté de mettre un terme à leur communauté de vie. Il indique en outre que la date de séparation de fait a été fixée par les époux eux-mêmes au 12 juin 2009, soit moins d'un mois après la déclaration de nationalité française, mais que lors de la visite à domicile du 1er octobre 2009, ils ont déclaré la continuité de leur communauté de vie. Il en déduit que c'est par mensonge que M. [S] [L] a souscrit sa déclaration acquisitive de nationalité française. Il ajoute que, s'il a pu y avoir une communauté de vie matérielle, il n'y avait pas de communauté de vie affective puisque l'épouse a entretenu, durant le mariage, une relation extra-conjugale dont est issu un enfant, conçu peu de temps après la souscription de la déclaration.

M. [S] [L], en l'état de ses conclusions signifiées par RPVA le 18 juin 2015, sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de condamner le procureur général au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient les arguments suivants :

en premier lieu, les époux [L] présentaient, à la date de la déclaration, une communauté de vie affective et matérielle incontestable et le fait que Mme [U] ait déposé une demande d'aide juridictionnelle en avril 2009 ne démontre en rien que M. [S] [L] était informé de la volonté de divorcer de son épouse ;

en deuxième lieu, ce n'est que le 12 juin 2009 que Mme [U], ayant fait une rencontre qu'elle a tenue secrète, est partie vivre chez ses parents ; si une requête a été déposée le 8 juillet 2009, M. [S] [L] a tout fait pour que son épouse, qui était enceinte, revienne au domicile conjugal, de sorte qu'il n'a pas menti lors de la visite des services de police en octobre 2009 ;

en troisième lieu, le procureur général ne rapporte pas la preuve d'une fraude ou d'un mensonge au sens de l'article 26-4 alinéa 3 du code civil, nécessaire dès lors que l'instance a été engagée au-delà des deux ans suivant la déclaration ;

en quatrième lieu, la présence de M. [S] [L] auprès de sa fille [H] avec laquelle il vit seul est indispensable, il est parfaitement inséré dans la société française et l'annulation de la nationalité française aurait des conséquences dramatiques sur sa situation personnelle en France.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 octobre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que l'article 21-2 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce prévoit que l'apatride ou l'étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ;

Que la communauté de vie dont s'agit est celle visée à l'article 215 du code civil et suppose, non seulement une cohabitation effective, mais également une véritable intention des époux, sur le plan affectif et intellectuel, d'établir une relation conjugale suivie et durable qui doit exister à la date de la déclaration ;

Que l'article 26-4 du code civil  dispose que l'enregistrement de la déclaration de nationalité française peut être contesté par le ministère public dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, mais qu'il peut encore être contesté, au-delà de ce délai en cas de mensonge ou de fraude, dans le délai de deux ans de leur découverte ;

Attendu qu'en l'espèce, la déclaration de nationalité française a été souscrite par M. [S] [L] le 18 mai 2009 et enregistrée le 22 avril 2010 ;

Que le tribunal a justement retenu que l'action en annulation de la déclaration de nationalité française était recevable dès lors qu'était invoquée l'existence d'un mensonge ou d'une fraude dont le ministère de la justice n'avait été avisé que le 27 avril 2011, mais que cela implique bien entendu pour que l'action soit bien fondée que le mensonge ou la fraude soit établie et qu'il soit démontré l'absence de communauté de vie entre les époux à la date de la déclaration ;

Attendu qu'il est constant que les deux époux ont signé devant le juge d'instance d'Avignon, le 18 mai 2009, une attestation sur l'honneur aux termes de laquelle ils certifiaient sur l'honneur que leur communauté de vie affective et matérielle était continue depuis leur mariage et subsistait encore à ce jour ; que le 8 juillet 2009, ils ont déposé une requête conjointe en divorce à laquelle était jointe une convention de divorce fixant la date de séparation des époux au 12 juin 2009 ; que la requête mentionnait par ailleurs que Mme [M] [U] était bénéficiaire de l'aide juridictionnelle par décision du 23 avril 2009 ;

Que force est de constater, au regard de ces éléments, que lors de la déclaration sur l'honneur faite par les deux époux, ceux-ci étaient déjà engagés dans le processus de leur prochain divorce puisque Mme [M] [U] à tout le moins avait déjà déposé depuis plusieurs semaines une demande d'aide juridictionnelle préalable à l'engagement du divorce ; que cette constatation met à néant les déclarations faites par celle-ci dans son attestation sur l'honneur selon lesquelles elle n'aurait décidé de divorcer qu'en juin 2009, à la suite d'une rencontre avec un jeune, à l'insu de son époux, et de la découverte de sa grossesse ;

Que, par ailleurs, nonobstant la fixation, dans la convention jointe à leur requête en divorce, de la date de leur séparation au 12 juin 2009, M. [S] [L] a prétendu faussement, le 2 octobre 2009, aux enquêteurs de police effectuant une enquête de communauté de vie, suite à sa déclaration de nationalité française du 18 mai 2009, que la communauté de vie avec Mme [M] [U] était effective et totale ;

Que ces éléments caractérisent le mensonge permettent au ministère public de contester la déclaration faite par M. [S] [L] et suffisent à établir le défaut de communauté vie réelle entre les époux à la date de la déclaration et l'absence de véritable intention des époux, à cette date, de poursuivre ensemble une vie commune stable et durable ;

Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le ministère public ne rapportait pas la preuve du mensonge ou de la fraude et échouait à contester la réalité de l'intention matrimoniale et de la communauté de vie des époux, d'annuler la déclaration de nationalité française de M. [S] [L] en date du 18 mai 2009 enregistrée le 22 avril 2010 et de constater l'extranéité de M. [S] [L] ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

et en dernier ressort,

Constate que le récépissé de l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré par le ministère de la justice ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [S] [L] tirée de la prescription de l'action du ministère public ;

L'infirme en toutes ses autres dispositions ;

Annule la declaration de nationalité française de M. [S] [L] en date du 18 mai 2009 enregistrée le 22 avril 2010 ;

Constate l'extranéité de M. [S] [L] ;

Ordonne la mention du présent arrêt en application de l'article 28 du code civil.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [S] [L] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre d
Numéro d'arrêt : 15/00105
Date de la décision : 18/11/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°15/00105 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-18;15.00105 ?
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