COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 12 NOVEMBRE 2015
N° 2015/742
SP
Rôle N° 14/22129
SELARL CAPSTAN COTE D'AZUR
C/
[UD] [OE]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de GRASSE
Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section AD - en date du 22 Octobre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1376.
APPELANTE
SELARL CAPSTAN COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michel DUHAUT, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Madame [UD] [OE], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2015.
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [UD] [OE] a été embauchée à compter du 3 novembre 1992 en qualité de secrétaire assistante, par la société d'avocats [FV] [CM] et associés. Son contrat a ensuite été transféré à la Selarl Capstan Côte d'Azur. Au dernier état de la relation de travail, l'intéressée percevait une rémunération mensuelle brute de 2185 euros pour 121,33 heures de travail par mois.
La société Capstan Côte d'Azur est une société employant habituellement moins de 11 salariés dont le gérant est Monsieur [RT] [PJ] avocat au barreau de Grasse, faisant partie du groupe Capstan.
La convention collective applicable est celle du personnel salarié des cabinets d'avocats.
La Selarl Capstan était, jusqu'en janvier 2010, composée de 2 avocats associés, à savoir Me [PJ], associé majoritaire et gérant, responsable du pôle « conseil », et Me [ZQ] associée minoritaire responsable du pôle « judiciaire ». Les associés se sont séparés le 15 janvier 2010.
Le secrétariat du cabinet était à cette période composée de 4 personnes à savoir, par ordre d'ancienneté :
'[TR] [U], employé à temps plein, en charge de la comptabilité du cabinet et affectée au département conseil et à la facturation afférente
'Madame [OE], employée à 4/5, affectée au département judiciaire et à la facturation afférente
'Madame [JK] [O], employée à 4/5, affectée au département judiciaire, et qui s'est trouvée en position d'arrêt à partir du 1er décembre 2009
'Madame [WB] [MZ] secrétaire affectée au standard
Madame [OE] expose que lors d'un entretien avec Me [PJ], elle a sollicité le 18 janvier 2010, son passage à temps complet sur 4 jours à partir du 1er février 2010, à l'identique de ce qui avait été accordé à l'autre secrétaire Madame [U], et soutient qu'aucune réponse ne lui ayant été apportée, elle a adressé un courriel en ce sens à Me [PJ] le 26 janvier 2010, suivi d'un mail le 28 janvier 2010. Par courrier du 28 janvier 2010, l'employeur a opposé un refus à la demande de passage à temps plein, et a en outre indiqué les modalités d'organisation de l'activité des secrétaires pendant l'absence de Madame [O].
À partir du 1er février 2010 et jusqu'au 15 février 2010, Madame [OE] a été placée en arrêt maladie.
Par courriel du 13 février 2010, Madame [OE] s'est étonnée du refus opposé à sa demande de passage à temps complet mais a indiqué qu'elle suivrait l'ensemble des instructions qui lui avaient été données.
L'employeur répondait à ce message par un courrier recommandé du 17 février 2010, dans lequel il demandait notamment à la salariée de se ressaisir. Dans un courrier recommandé en réponse du 9 mars 2010, Madame [OE] répondait aux griefs formés contre elle, et dénonçait une défiance à son égard, et une situation d'isolement ne lui permettant plus d'exercer ses fonctions dans les conditions normales et sereines. L'employeur répondait par courrier recommandé du 5 mai 2010, courrier auquel la salariée répondait elle-même le 18 juin 2010.
La salariée était de nouveau placée en arrêt travail du 18 octobre 2010 jusqu'au 31 janvier 2011.
Reprochant à son employeur un refus de passage à temps complet alors même que d'une part, elle effectuait depuis de nombreux mois des heures complémentaires et que d'autre part, la nouvelle répartition des tâches conduisait à une augmentation de sa charge de travail, et reprochant en outre à son employeur d'avoir formulé à son encontre une série de reproches injustifiés sans tenir compte de sa détresse professionnelle, Mme [OE] a informé la société Capstan Côte d'Azur par lettre recommandée avec accusé réception du 6 décembre 2010, qu'elle était contrainte de saisir la juridiction prud'homale afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a effectivement saisi le conseil des prud'hommes le 28 décembre 2010.
Lors de la visite de reprise du 1er février 2011, le médecin du travail a déclaré l'intéressée inapte à la reprise de son poste. La salariée était en outre de nouveau en arrêt maladie du 1er février 2011 au 23 mars 2011.
Le 15 février 2011, le médecin du travail déclarait toutefois la salariée apte à la reprise de son poste de travail. Madame [OE] formait alors un recours hiérarchique à l'encontre de ce second avis rendu par le médecin du travail.
Lors de la visite médicale du 28 mars 2011, le médecin du travail déclarait la salariée inapte temporaire, à revoir dans 3 semaines après avis complémentaire.
La salariée était de nouveau en arrêt maladie du 29 mars 2011 au 29 avril 2011.
Lors de la visite médicale en date du 2 mai 2011, le médecin du travail déclarait l'intéressée temporairement inapte à son poste de travail.
Lors d'une seconde visite médicale du 11 mai 2011, le médecin du travail déclarait Madame [OE] : « inapte à son poste première visite article R 46 24'31 du code du travail à revoir dans 15 jours ». À l'issue de la première visite de reprise du 31 mai 2011, le médecin du travail déclarait Madame [OE] inapte à son poste de travail. Lors de la seconde visite médicale de reprise du 14 juin 2011, le médecin du travail la déclarait inapte définitivement à son poste de travail et indiquait qu'un reclassement sur un autre site pourrait être envisagé.
Par lettre recommandée AR du 5 juillet 2011, la société Capstan Côte d'Azur proposait à Madame [OE] de la reclasser sur un poste de réceptionniste standardiste à temps complet sur le site de [Adresse 1] ou sur un poste de secrétaire assistante à temps partiel sur le site de [Localité 1].
Selon courrier recommandé AR du 23 juillet 2011, Madame [OE] informait la société employeur de son impossibilité d'accepter les solutions de reclassement et de l'incompatibilité de la première proposition avec son état de santé.
Par lettre recommandée AR du 28 juillet 2011, la société Capstan Côte d'Azur informait l'intéressée que, compte tenu de son refus des 2 propositions qui lui avaient été faites, elle se trouvait dans l'impossibilité de procéder à son reclassement.
Après convocation par courrier du 27 juillet 2011, à un entretien préalable fixé au 8 août 2011, l'employeur licenciait Madame [OE] par lettre du 11 août 2011 pour inaptitude physique définitive à son poste de travail.
Suite à la saisine de Madame [OE] en décembre 2010, le conseil des prud'hommes de Nice, par jugement de départage du 22 octobre 2014, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 11 août 2011, dit que cette rupture est assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a condamné la société Capstan à verser à Madame [OE] les somme de 4370, 04 € d'indemnité de préavis et 437 € de congés payés y afférents, 36 000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, et de 2000 € sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil des prud'hommes a ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de 22 370,04 € et a condamné la société défenderesse aux dépens.
La Selarl Capstan cote d'azur a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Capstan Côte d'Azur, appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Nice du 19 février 2014 en toutes ses dispositions, et en conséquence de débouter Madame [OE] de l'ensemble de ses demandes. Y ajoutant, la société Capstan sollicite de voir condamner Madame [OE] à lui restituer les sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement de départage, et de la voir condamner à payer 2500 € titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
À cet effet, la société Capstan Côte d'Azur expose que l'activité du cabinet est scindée en 2, d'une part l'activité « conseil formation » sous la responsabilité de Me [PJ] et d'autre part l'activité « contentieuse judiciaire » qui était sous la responsabilité de Me [ZQ], en collaboration avec 2 autres avocates Me [CG] et Me [VI], et l'assistance de Mme [OE] secrétaire assistante à 4/5eme, et de Mme [O] secrétaire.
L'employeur ajoute que l'association entre Me [PJ] et Me [ZQ] a pris fin le 15 janvier 2010, et celle-ci a quitté le cabinet accompagnée d'une partie de l'équipe judicaire dont Me [VI], et que concomitamment Mme [OE] a sollicité un passage à temps complet sur 4 jours qui lui a été refusé pour des motifs « objectifs et vérifiables » ; que Madame [OE] a particulièrement mal vécu le départ de l'avocate avec laquelle elle collaborait depuis des années, et la réorganisation du service judiciaire qui en est découlée, réorganisation rendue en outre nécessaire par le fait que Madame [O] a fait l'objet d'un arrêt de travail puis d'un congé maternité.
L'employeur soutient que Madame [OE] ne souhaitait pas accepter la moindre modification de ses conditions de travail, ni être placée sous l'autorité directe d'un autre avocat que Maître [ZQ], et qu'elle a alors adopté un comportement négatif n'hésitant pas à remettre en cause les instructions de Me [PJ] ou de ses avocates collaboratrices en charge du département judiciaire, et a alterné des conflits avec la quasi majorité des membres du cabinet et les périodes de suspension du contrat de travail.
La société Capstan fait valoir qu'un salarié ne peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail qu'en cas de manquement de l'employeur à ses obligations présentant une gravité suffisante ; qu'en l'espèce la prétendue inégalité de traitement n'est pas établie, la société n'ayant pas fait droit à la demande de passage à temps complet pour des raisons légitimes, dans la mesure où concomitamment 2 avocates et un certain nombre de clients quittaient le cabinet, lequel connaissait une baisse de volume d'activité judiciaire.
L'employeur soutient en outre qu'au jour de la demande de passage à temps complet, soit le 26 janvier 2010, rien n'établit que l'intéressée effectuait des heures complémentaires, et qu' il verse aux débats les relevés individuels d'heures signés par Madame [OE] et jusque-là non contestés ; que l'absence de prime en décembre 2009 est justifiée par les mauvais résultats de l'équipe judiciaire et la non atteinte des objectifs fixés, et qu'ainsi Madame [O], la seconde secrétaire affectée au service contentieux n'a pas non plus perçu de prime exceptionnelle au titre de cet exercice; que Madame [OE] a bien bénéficié de son entretien annuel d'évaluation en tout début d'année 2010 concernant la période 2009 ; qu'aucun repas de fin d'année n'a eu lieu au mois de décembre 2009, et que l'intéressée était en congé lorsque de manière improvisée quelques membres du cabinet ont organisé un déjeuner le 24 décembre 2009.
La société Capstan invoque les contradictions dans la position de Madame [OE], qui après avoir sollicité son passage à temps complet, prétend avoir subi la modification de son périmètre d'intervention et la suppression de l'essentiel de ses attributions. En tout état de cause, l'employeur soutient que l'intéressée a continué à exercer des tâches conformes à ses fonctions et ses qualifications et qu'aucune responsabilité ne lui a été retirée.
L'employeur conteste en outre les reproches formulés par la salariée sur des prétendues mise à l'écart et remise en cause de ses compétences et un prétendu comportement dégradant de sa part.
La société Capstan conteste également le non-respect par elle de l'obligation d'assurer la protection de la santé physique et mentale de sa salariée, et soutient qu'il n'y a aucune preuve d'un quelconque lien de causalité entre les arrêts de travail de Madame [OE], et le prétendu comportement de l'employeur.
Concernant le moyen soulevé à titre subsidiaire par Madame [OE] de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude physique définitive et impossibilité de reclassement, la société Capstan fait valoir en substance que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'agissements fautifs de sa part, et d'un lien de causalité avec la déclaration d'inaptitude, et soutient avoir respecté son obligation de reclassement, précisant que les sociétés Capstan ne constituent pas un groupe au sens juridique et économique du terme, et que Capstan France ne détient que 5 % du capital des différents cabinets bénéficiant de l'enseigne Capstan, et qu'ainsi chaque cabinet est totalement indépendant de la gestion de ses personnels.
Concernant l'indemnisation sollicitée au titre de l'exécution déloyale du contrat et la rupture abusive et vexatoire, la société Capstan fait valoir que Madame [OE] sollicite l'équivalent de 27 mois de salaire, sans pourtant préciser la nature et l'étendue de son préjudice ni verser de pièce aux débats pour justifier de sa situation tant personnelle que professionnelle.
L'intimée, Madame [OE] demande à la cour de confirmer le jugement du 22 octobre 2014, et y ajoutant de dire bien-fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à titre subsidiaire de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la société Capstan Côte d'Azur à lui régler les sommes de :
'1000 € bruts au titre des rappels de salaires sur prime de fin d'année 2009 dite « exceptionnelle »
'4370,0 4 € bruts à titre d'indemnité de préavis outre 437 € bruts au titre des congés payés y afférents
'60 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat travail et rupture abusive et vexatoire
Madame [OE] sollicite en outre de voir dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice, et la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
À cet effet, Madame [OE] fait valoir en substance que la relation contractuelle s'est déroulée sans difficulté jusqu'au cours de l'année 2008, date à partir de laquelle ses conditions travail, comme celles d'autres salariés du cabinet, se sont progressivement dégradées de manière importante, et qu'en outre elle a subi un stress professionnel provoqué notamment par l'importance de sa charge de travail liée à l'absence à compter du 1er décembre 2009 de la seconde secrétaire judiciaire, Madame [O].
À l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, elle invoque les manquements suivants :
'une inégalité de traitement
'une modification et une suppression imposées de ses fonctions
'une mise à l'écart et une remise en cause injustifiée de ses compétences
'une violation de l'obligation de protection de la santé des travailleurs
'une déloyauté d'une exceptionnelle gravité dans le cadre de la procédure de déclaration d'inaptitude.
Elle soutient en outre que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil des prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE
Sur la demande de résiliation judiciaire
Un salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations, présentant un caractère de gravité suffisante, et rendant impossible la poursuite du contrat travail.
En l'espèce Madame [OE] invoque les manquements suivants :
'une inégalité de traitement
'la modification et la suppression imposées des fonctions
'une mise à l'écart et une remise en cause injustifiée de ses compétences
'une violation de l'obligation de protection de la santé des travailleurs
'une déloyauté d'une exceptionnelle gravité dans le cadre de la procédure de déclaration d'inaptitude.
Sur l'inégalité de traitement
Madame [OE] invoque d'une part le refus de passage à temps complet, et d'autre part, une inégalité de traitement en matière salariale.
*Le refus de passer à temps plein
Il n'est pas contesté que Madame [OE] a sollicité pour la première fois son passage à temps plein lors d'un entretien le 18 janvier 2010 avec Me [PJ]. Celui-ci a réservé sa réponse, et Madame [OE] l'a relancé par courriel du 28 janvier 2010. Dans cette demande, elle invoque seulement la surcharge de travail liée à l'absence de la 2è secrétaire du service Madame [JK] [O], en congé depuis le 1er décembre 2009.
Il résulte des débats que Maître [ZQ] sous la responsabilité de laquelle Madame [OE] travaillait au sein du service « judiciaire », a quitté le cabinet le 15 janvier 2010.
Il résulte de l'examen des fiches de paye versées aux débats qu'aucune heure supplémentaire n'était comptabilisée dans la rémunération de Madame [OE]. Ainsi le récapitulatif de la rémunération nette imposable perçue du 1er au 31 décembre 2009 fait état d'un salaire net imposable de 21 425 € dont zéro heure supplémentaire.
L'absence d'heures supplémentaires comptabilisées est confirmée par l'examen mois par mois des bulletins de salaire.
Madame [OE] verse néanmoins au débat plusieurs attestations tendant à établir qu'elle effectuait régulièrement des heures supplémentaires (témoignage des Mesdames [YX] [LU] avocate au sein du cabinet jusqu'en janvier 2010, Mme [R] réceptionniste du 1er avril 2009 jusqu'au 22 mai 2009, Mme [O] placée en congé à partir du 1er décembre 2009, et Mme [HA] standardiste de 2004 à avril 2009)
Ces témoignages sont cependant tous relatifs à une période antérieure au départ de Me [ZQ].
L'employeur qui conteste que l'intéressée ait eu à effectuer des heures supplémentaires, verse en outre le témoignage de Mme [IF] [CG] qui a travaillé de mai 2008 à novembre 2010 en tant qu'avocate collaborateur au département judiciaire, aux termes duquel : « depuis mon entrée au cabinet j'ai toujours constaté que [UD] partait tous les jours à heures fixes pour aller chercher ses enfants à l'école (elle résidait dans le Var assez loin du bureau). Lorsqu'il lui est arrivé très exceptionnellement de rester un peu plus tard, elle récupérait toujours dans la semaine son temps de dépassement. J'atteste d'ailleurs avoir de nombreuses reprises préparé moi-même des dossiers de plaidoiries, urgent en fin d'après-midi ou en fin de journée car [UD] est déjà partie. Par contre il est notable qu'elle arrivait systématiquement en retard le matin de l'ordre de 15 à 20 minutes »
La preuve que Madame [OE] était contrainte de faire des heures supplémentaires au moment où elle a formé sa demande de passage à temps plein, est donc insuffisamment rapportée.
Il résulte en revanche des débats et des pièces versées, que la 2e secrétaire du pôle contentieux, Madame [O], après avoir été en congé maternité au cours de l'année 2008, a été absente à compter du 1er décembre 2009 et n'a pas repris son travail puisqu' elle a été placée en congé parental.
Il est constant que cette personne travaillait à 4/5eme avant son départ, et qu'aucune embauche n'a été réalisée par l'employeur à la suite de ce départ. C'est donc en interne que la société Capstan a organisé le remplacement.
C'est d'ailleurs le seul motif de l'absence de Madame [O] qui a été invoqué par Madame [OE] à l'appui de sa demande de passage à temps complet le 26 janvier 2010.
L'employeur a motivé son refus, le 28 janvier 2010, de faire droit à la demande de temps plein de Madame [OE], d'une part sur le fait que la demande d'organisation d'un temps plein sur 4 jours présentait peu d'intérêt pour le service, et seule une répartition de l'activité sur 5 jours pourrait éventuellement présenter un intérêt, et d'autre part sur l'absence de perspectives sur le volume d'activité judiciaire dans les prochains mois ne lui permettant pas de s'engager durablement sur une augmentation du volume d'activité des secrétaires affectés à cette activité.
Pour soutenir qu'elle a subi une véritable inégalité de traitement dans le cadre de l'exercice de ses fonctions par rapport à d'autres salariés de la société, Madame [OE] fait valoir qu'une autre salariée, Madame [TR] [U] était affectée au secrétariat du cabinet, et bénéficiait déjà d'un temps plein réalisé sur la base de 4 jours de travail par semaine.
En réponse, l'employeur fait valoir que Madame [U] était employée à temps complet, et que seul un aménagement de son temps travail sur 4 jours lui avait été consenti à compter du 1er janvier 2009; que Madame [OE] bénéficiait déjà d'une telle répartition et que sa demande était toute autre et visait seulement à modifier la durée de son temps travail.
Il n'est pas contestable que le cabinet a vécu fin 2009-debut 2010 un changement important puisque l'associée unique de Me [PJ] a quitté le cabinet, de sorte que le motif pris de l'absence de perspectives sur le volume d'activité judiciaire dans les prochains mois apparait légitime.
Madame [U] était affectée à temps plein depuis plusieurs années dans le 2e département, celui qui ne connaissait pas de modification, de sorte qu'il ne peut être prétendu, qu'elle aurait bénéficié d'un traitement de faveur par rapport à Madame [OE].
Par ailleurs l'absence de Madame [O] a été palliée par une réorganisation interne, et Madame [OE], qui soutient qu'à la suite de cette réorganisation une grande partie de ses tâches lui a été retirée, ne peut venir prétendre que cette réorganisation nécessitait son passage à temps plein.
L'existence d'une inégalité de traitement du chef du refus de passer à temps plein n'est donc pas établie.
*inégalité de traitement en matière salariale
Madame [OE] fait valoir qu'à la fin de l'année 2009 et au cours de l'année 2010, elle n'a bénéficié d'aucune augmentation de salaire, ni du versement de la prime contrairement aux autres salariés, et notamment contrairement à Madame [WB] [MZ] ; qu'en particulier elle n'a pas bénéficié de primes à la fin de l'année 2009 et que cette absence de versement révèle en réalité la volonté de la société Capstan de la sanctionner de travailler principalement avec les membres de l'équipe judiciaire et en particulier Me [ZQ] associé minoritaire dont la société souhaitait le départ.
L'employeur allègue, et justifie par les pièces versées aux débats, que contrairement aux autres années, le département « judiciaire » n'a pas réalisé l'objectif assigné en 2009.
Mesdames [U] et [MZ], qui ont bénéficié de cette prime en 2009, n'étaient pas affectées à ce département.
En ce qui concerne l'absence d'augmentation en 2009, il ne résulte pas des pièces versées qu'il y ait eu une différence de traitement entre les salariés.
Il n'y a donc pas lieu de retenir que pour la prime annuelle de fin d'année 2009 et son salaire, Madame [OE] a subi une inégalité de traitement.
Madame [OE] soutient en outre qu'elle a été la seule salariée à ne pas avoir bénéficié de l'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2009, et que si elle a finalement bénéficié de cet entretien le 18 janvier 2010, ce n'est que 2 semaine après les autres salariés du secrétariat, et après s'en être émue auprès de l'employeur.
Dès lors qu'elle a bel et bien bénéficié de son entretien d'évaluation, dans un délai tout à fait raisonnable, alors même que le cabinet vivait incontestablement des perturbations importantes en début d'année 2010, le grief tiré d'un traitement inégalitaire n'est pas établi de ce chef.
Concernant l'absence d'invitation au repas de fin d'année, l'employeur démontre que celui-ci a eu le 24 décembre 2009, à une date où l'intéressée, comme d'autres, était en congé. Aucun élément ne permet en outre de retenir que ce repas était prévu de longue date, et qu'il ne s'agissait pas comme l'affirme l'employeur d'un repas improvisé. Dès lors le grief tiré d'un traitement inégalitaire doit être rejeté de ce chef.
En ce qui concerne la boîte de chocolat dont Madame [OE] n'aurait pas bénéficié à la fin de l'année 2009, l'employeur affirme qu'il a distribué spontanément les 2 ballotins de chocolats que lui avait offerts le commerçant à qui il avait commandé des confiseries destinées aux clients. Il démontre en effet avoir commandé auprès de Jeff de Bruges 36 ballotins de chocolats le 31 décembre 2000, pour un montant de 718 €, de sorte que sa version est confirmée par les pièces versées aux débats sans que Madame [OE] n'apporte d'éléments permettant de retenir un traitement inégalitaire à son égard.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le premier grief tiré d'un traitement inégalitaire est insuffisamment démontré.
Sur la modification et la suppression imposées des fonctions
Madame [OE] soutient qu'après qu' elle a informé son employeur par courriel du 28 janvier 2010, du stress engendré par l'augmentation importante de sa charge de travail, et du retard qu'elle avait accumulé, une nouvelle répartition des tâche a alors été mise en place, et que cette réorganisation s'est en réalité traduite par une suppression pour elle d'une grande partie des responsabilités et attributions qu'elle assumait antérieurement. Elle soutient qu'elle était isolée de toute communication avec des personnes extérieures (clients et avocats), et n'assurait plus la gestion de l'ensemble des courriers de l'équipe judiciaire, la privant ainsi de toute information sur le suivi des dossiers, ne voyait plus transmettre les travaux mensuels lui permettant de suivre la facturation et le chiffre d'affaires, se voyait retirer la charge d'assumer les encaissements et écartée des réunions d'agenda. Elle soutient que concomitamment Madame [MZ] s'est vue attribuer une part importante des responsabilités qu'elle exerçait auparavant.
L'employeur conteste formellement ces accusations, soutient que la preuve n'est pas rapportée, et s'étonne que Madame [OE] après avoir sollicité son passage à temps complet en raison du volume de travail accompli, prétende avoir subi la suppression de l'essentiel de ses attributions.
La cour constate que Madame [OE] au soutien de ses allégations sur une diminution de ses attributions et son isolement vise dans ses écritures la seule pièce 38, qui est un courriel que Me [PJ] lui a adressé le 28 janvier 2010. Ce document est une consigne envoyée à Madame [CS] dans un dossier, avec copie à Madame [MZ]. Ce document est insuffisant à démontrer la diminution des attributions de la salariée.
Sur la mise à l'écart, la remise en cause à justifier ses compétences et le comportement dégradant de l'employeur
Madame [OE] soutient qu'à partir du printemps 2008 ses conditions de travail ont commencé à se dégrader.
Au soutien de son allégation, elle invoque les témoignages de Mesdames [YX] [LU], [SY], [R] et [HA].
Ces témoignages rapportent la dégradation de l'ambiance générale du fait de l'arrivée de Madame [QO] [KP] qui a bénéficié d'un certain « favoritisme ». Ces témoignages ne rapportent pas de faits précis à l'égard de Madame [OE]. C'est ainsi que Madame [SY] témoigne de sa propre situation en expliquant que maître [PJ] n'hésitait pas à la rabaisser, mais n'invoque pas la situation de Madame [OE]. Madame [R] explique avoir rompu sa période d'essai car elle se sentait très mal à l'aise à cause du comportement de Me [PJ], mais ne rapporte aucun élément concernant Madame [OE].
Seule Madame [HA] rapporte le fait suivant : « j'ai été témoin d'une altercation entre Mademoiselle [KP] et [UD], Madame [KP] disant à [UD] « rabaisse ton caquet ».
Madame [OE] affirme en outre qu'elle n'a été informée du départ de Me [ZQ] que postérieurement à celui-ci, la laissant dans l'impossibilité de dire au revoir à cette avocate avec laquelle elle avait travaillé de nombreuses années. Cette allégation n'est toutefois étayée par aucune pièce.
Madame [OE] soutient qu'elle est devenue quasiment « transparente » puisque Me [PJ]
évitait au maximum les échanges verbaux avec elle et s'abstenait même de manière très régulière de la saluer.
Aucun témoignage ne vient étayer toutefois ces affirmations.
Madame [OE] invoque le ton qu'elle qualifie d'agressif, employé par son employeur dans les échanges de courriers en 2010.
La lecture attentive de ces courriers permet de constater la cordialité des premières réponses de Me [PJ]. C'est 17 février 2010, que l'intéressé rappelle à sa salariée qu'il lui appartient également de faire preuve d'un bon état esprit, de bonne volonté, et lui demande de se ressaisir.
Or la société verse aux débats plusieurs témoignages de nature à établir qu'à la même période en effet la qualité du travail de Madame [OE] s'est dégradée.
Ainsi Mme [FC] avocate au sein du cabinet de mai 2008 à novembre 2010, indique « à compter du mois de janvier 2010, suite au départ de [XS] [ZQ] l'attitude de [UD] [CS] a radicalement changé. Elle s'est volontairement mise à l'écart du groupe, n'adressant plus la parole à personne, ne déjeunant plus à midi dans la salle de repas du cabinet, faisant souvent preuve d'arrogance et d'un manque d'empathie évidente à l'encontre de la plupart d'entre nous et notamment de [WB] [MZ]. Elle passait très souvent de longs appels depuis son portable, enfermée dans son bureau. Cela contrastait avec l'attitude d'[RT] [PJ] qui pendant cette période a énormément investi pour s'approprier l'activité judiciaire dont [XS] [ZQ] avait intégralement la charge avant son départ du cabinet. Sur le plan professionnel, à compter du départ de [XS] [ZQ] la qualité du travail de [UD] [CS] s'est curieusement et brutalement dégradée. [UD] [CS] est devenu moins rigoureuse, moins investie et se plaignait sans cesse notamment d'avoir trop travail (alors que l'activité judiciaire avait pourtant considérablement diminuée sur cette période). J'ai constaté à plusieurs reprises que [UD] faisait preuve d'une mauvaise volonté flagrante dans l'application des consignes et directives d'[RT] [PJ] et dans l'accomplissement de ses tâches. Elle avait manifestement décidé d'adopter une attitude de défiance voire de provocation à l'égard d'[RT] [PJ]. »
Mme [MZ] témoigne ainsi « je suis employée depuis le 24 juin 2009 au sein du cabinet Capstan Côte d'Azur. À cette époque [RT] [PJ] et [XS] [ZQ] étaient les 2 associés du cabinet. (') depuis le départ de [XS] [ZQ], [UD] [CS] a commencé à avoir un étrange comportement. Elle n'était jamais de bonne humeur et montrait son mécontentement de travailler (aucune envie/motivation). Par exemple, elle allait chercher le fax avec les mains dans les poches en traînant des pieds. Elle est même venue me dire qu'elle ne voulait plus me former car elle n'en avait plus envie. Pour la soulager dans son travail, j'ai changé mes horaires pour répondre au téléphone le matin. [RT] [PJ] n'a jamais manqué de respect à qui que ce soit au sein du cabinet. Nous avons une relation professionnelle agréable. (') »
Pour combattre ce témoignage, Madame [OE] soutient qu'elle avait avec Mme [MZ] d'excellentes relations comme en témoigne le fait que celle-ci lui avait dédicacé un catalogue de mode collection 2010 (pièce 43). Le fait toutefois que les 2 salariés aient entretenu d'excellentes relations, n'est pas de nature à jeter le discrédit sur le témoignage de Madame [MZ], au contraire.
La preuve d'un mauvais comportement de Me [PJ] à l'égard de Mme [OE] est en conséquence insuffisamment rapportée.
Sur le non-respect par l'employeur de son obligation d'assurer la protection de la santé physique et mentale des salariés
Madame [OE] invoque les dispositions de l'article L 4121'2 du code du travail et soutient qu'en l'espèce elle a subi de la part de son employeur une inégalité de traitement, une diminution importante de ses attributions, une mise à l'écart, et un comportement déstabilisant de la part de celui-ci qui a notamment remis en cause de manière injustifiée ses compétences et son comportement professionnel.
Elle ajoute que les arrêts maladie étaient justifiés par une profonde dépression réactionnelle à sa situation professionnelle, l'ayant contraint à devoir prendre de nombreux médicaments et notamment des psychotropes, et que malgré les échanges de courriers entre les parties, l'employeur n'a pris aucune mesure afin de tenter de préserver sa santé physique et mentale, alors même que celle-ci l'avait alerté à plusieurs reprises sur les difficultés qu'elle rencontrait dans le cadre de l'exécution de ses fonctions.
Si les manquements tenant à l'inégalité de traitement, la diminution des attributions, la mise à l'écart, le comportement déstabilisant sont insuffisamment démontrés, il résulte toutefois des pièces versées aux débats que le climat au sein du cabinet s'était fortement dégradé au cours de l'année 2009.
À cet égard, Madame [OE] verse aux débats les témoignages suivants :
'Me [YX] [LU] avocate au sein du cabinet de janvier 2008 à janvier 2010 : « en effet il régnait au sein du cabinet une ambiance assez oppressante que chacun a ressentie. Lors de mon intégration j'ai pu constater une certaine volonté d'[RT] [PJ] de diviser les équipes d'un point de vue relationnel. Il existait une tension au sein du cabinet laquelle s'est amplifiée lors du rapprochement d'[RT] [PJ] de [QO] [KP]. Cette ambiance spéciale s'est notamment caractérisée par un favoritisme volontairement affiché envers [QO] [KP] mais également par l'absence de respect des règles élémentaires de politesse notamment envers le secrétariat judiciaire et parfois même envers l'équipe tout entière. De nombreuses collaboratrices ont quitté le cabinet car il était évident que l'ambiance ainsi instaurée n'allait pas s'améliorer.(')
'Madame [HA] : « [RT] [PJ] nous a annoncé sa relation avec [QO] [KP](') l'ambiance a commencé à se dégrader. Monsieur [PJ] et Mademoiselle [KP] se permettaient des réflexions désagréables envers le personnel(') Monsieur [PJ] disait également bonjour et au revoir quand il en avait envie. Certaines attitudes au sein du bureau entre Monsieur [PJ] et Madame [KP] étaient déplacées(') Monsieur [PJ] était désagréable avec moi au téléphone disant à peine merci. Mademoiselle [KP] avait une attitude très hautaine envers le personnel dès sa relation avec Monsieur [PJ]. L'ambiance devenait trop pesante et ayant eu l'opportunité de trouver un autre emploi j'ai pris la décision de quitter le cabinet ».
Les témoignages de Madame [YX] [LU], [O] et de Madame [HA] démontrent en outre que jusqu'au départ de Me [ZQ], Madame [OE] effectuait des heures supplémentaires non comptabilisées, était particulièrement disponible et investie par son travail.
Les échanges de courriers postérieurs au refus opposé par l'employeur du passage à temps plein, démontrent la souffrance psychologique de Madame [OE], qui dénonce les nombreux mois qu'elle a passés à ne pas compter ses heures, dans une ambiance difficile. Le départ de l'avocat associé avec lequel elle a travaillé pendant de nombreuses années, concomitamment à l'arrêt maladie de sa seule collègue au secrétariat du département judiciaire, était en outre de nature à déstabiliser l'intéressée. Les documents médicaux versés aux débats démontrent qu'elle s'est vue prescrire à la même période des médicaments type somnifères et anxiolytiques. Madame [OE] verse au départ le certificat du docteur [EQ] psychiatre, qui certifie l'avoir eu en traitement depuis le 5 mai 2010, pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel en relation avec son travail.
En outre l'inaptitude de l'intéressée à son poste de travail résulte directement de ses conditions de travail au sein du cabinet Capstan, puisqu'un reclassement sur un autre site est envisageable.
L'obligation de sécurité s'impose à l'employeur dans son pouvoir d'organisation de l'entreprise. Il lui appartient de prendre toutes les mesures préventives nécessaires à la sauvegarde de la santé et la sécurité de ses salariés. La situation de Madame [OE] présentait un risque objectif dans la mesure où une grande partie de l'équipe du département judiciaire avait quitté le cabinet, alors même qu'il y avait une scission manifeste entre les 2 départements.
Pourtant, les courriers adressés par Madame [OE], salariée très ancienne et manifestement très appréciée en tout cas jusqu'en début d'année 2010, et le départ concomitants de plusieurs membres du département « judiciaire » constituent des éléments objectifs qui permettaient de diagnostiquer un risque.
En ne prenant aucune mesure pour remédier à la situation de souffrance pourtant clairement exprimée par l'intéressée, et matérialisée par des circonstances objectives, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. Ces manquements ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, puisque l'intéressée, après avoir été placée à plusieurs reprises en arrêt maladie pour « dépression », a finalement été placée en position d'inaptitude.
Il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de Madame [OE] et de juger bien fondée sa demande de résiliation judiciaire du contrat travail aux torts de l'employeur, qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle sérieuse. Il y a lieu de fixer la date de la résiliation du contrat à la date d'envoi de la lettre de licenciement, soit le 11 août 2011.
Sur les demandes indemnitaires
*demande au titre de la prime exceptionnelle de fin d'année 2009
L'employeur démontre que le département « judiciaire » n'avait pas rempli ses objectifs 2009, de sorte qu'aucun élément ne permet de retenir qu'il devait une rémunération de ce chef à Madame [OE]. Cette demande doit être rejetée.
* Indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis
Pour s'opposer à cette demande, l'employeur fait valoir que l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due lorsque le salarié est dans l'incapacité d'exécuter son préavis, et en l'espèce en cas d'inaptitude.
Dès lors toutefois que la rupture du contrat de travail n'est pas la conséquence du licenciement pour inaptitude prononcée par l'employeur, mais la décision de résiliation prononcée par la juridiction, aux torts de l'employeur, résiliation qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents sont dus.
La demande de ce chef présentée Madame [OE], dont le montant n'est pas sérieusement contesté par l'employeur, doit en conséquence être accueillie. La société Capstan sera en conséquence condamnée à payer la somme de 4370,04 € bruts outre 437 € bruts de ces chefs.
*Dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour rupture abusive et vexatoire :
Madame [OE] fait valoir que l'entreprise occupait moins de 11 salariés, et que le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvre le droit au paiement de dommages et intérêts calculés en fonction du préjudice subi.
Elle évoque à cet effet « les manquements particulièrement graves de son employeur » qui l'ont contraint à saisir la juridiction prud'homale, et le fait que les manquements ont eu des conséquences particulièrement importantes sur son état de santé puisqu'elle a été déclarée inapte.
Elle n'apporte toutefois aucun élément sur sa situation personnelle actuelle, et notamment sur le fait de savoir si elle a retrouvé un emploi équivalent.
Le préjudice financier résultant du licenciement est dès lors non renseigné.
Par ailleurs, le caractère vexatoire du licenciement qui justifierait une indemnité distincte de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse n'est pas démontré.
Au regard de son ancienneté dans l'entreprise, 18 ans, de son niveau de rémunération, de son âge au moment de la rupture du contrat (42 ans), il y a lieu d'allouer la somme de 30 600 € (représentant 14 mois de salaires bruts).
Les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice soit à compter du 3 janvier 2011. Les intérêts dus pour au moins une année produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.
Sur les autres demandes
Il serait inéquitable de laisser supporter à Madame [OE] la charge des frais irrépétibles par elle exposée à l'occasion de la procédure. Il y a lieu de confirmer la décision du conseil des prud'hommes de ce chef en ce qu'il a condamné la société Capstan à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société succombant supportera les dépens de première instance et d'appel, et verra sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile rejetée.
L'exécution provisoire du jugement du conseil des prud'hommes ayant été accordé à hauteur d'un montant inférieur à celui tranché par la cour d'appel dans la présente décision, la demande de restitution des sommes d'ores et déjà perçues est sans objet.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit les parties en leurs appels
Sur le fond
Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Nice du 22 octobre 2014 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Madame [OE] à son employeur à compter du 11 août 2011, en ce qu'il a dit cette rupture assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la Selarl Capstan à payer à Madame [UD] [OE] les sommes de 4370,04 € d'indemnité de préavis et 437 € de congés payés y afférents, et de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau pour le surplus
Condamne la Selarl Capstan à payer à Madame [UD] [OE] la somme de 30 600 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2011
Dit que les intérêts dus pour au moins une année produiront eux-mêmes intérêts
Déboute Madame [UD] [OE] de sa demande de rappel de salaire sur prime de fin d'année 2009 et de sa demande pour licenciement vexatoire
Condamne la Selarl Capstan aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT