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05/11/2015 | FRANCE | N°13/14745

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 05 novembre 2015, 13/14745


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 05 NOVEMBRE 2015



N° 2015/ 357













Rôle N° 13/14745







[F] [P]





C/



SARL MANI

SCP [U]-[D],





















Grosse délivrée

le :

à :



- Me DAVAL-GUEDJ



- Me RICHARD















Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 03 Juillet 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00621.





APPELANT





Monsieur [F] [P],

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté et plaidant par Me Renaud RENEVIER, avocat au barreau de NICE,




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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 NOVEMBRE 2015

N° 2015/ 357

Rôle N° 13/14745

[F] [P]

C/

SARL MANI

SCP [U]-[D],

Grosse délivrée

le :

à :

- Me DAVAL-GUEDJ

- Me RICHARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 03 Juillet 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00621.

APPELANT

Monsieur [F] [P],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté et plaidant par Me Renaud RENEVIER, avocat au barreau de NICE,

INTIMEES

SARL MANI,

demeurant [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Jean-luc RICHARD de la SELARL RICHARD & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Patrice ZOLEKO TSANE, avocat au barreau de NICE

SCP [U]-[D], représentée par Maitre [L] [I] [U], mandataire, es qualité de liquidateur de la SARL MANI,

demeurant [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Jean-luc RICHARD de la SELARL RICHARD & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Patrice ZOLEKO TSANE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2015,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Monsieur [F] [P] commerçant est propriétaire depuis 1979-1988 d'une activité de commerce de vente-réparation-accessoires de cycles et motocycles située dans 4 locaux de [Adresse 4], comportant depuis 1980 une concession de la marque PEUGEOT à l'enseigne et depuis 1994 une concession de la marque HONDA à l'enseigne ; après compromis du 11 septembre 2007 il a cédé 2 fonds de commerce par actes du 12 novembre à compter du 13 :

- celui de la première concession au prix de 90 000 € 00 à la S.A.R.L. MANI, représentée par Madame [O] [X] et Messieurs [E] et [J] [X], les locaux (magasin et arrière-magasin) étant situés au numéro 7 de la rue et propriété de la S.C.I. LELEU ayant pour gérant le même Monsieur [P]; un bail commercial a été conclu le même jour que la cession pour un loyer commercial annuel de

15 000 € 00 H.T., avec une garantie bancaire (caution pour loyers) de 3 750 € 00;

- celui de la seconde concession au prix de 210 000 € 00 à la S.A.R.L. [X] MOTOS, représentée par ces 3 consorts [X], les locaux étant situés aux numéros 6 (atelier et sanitaire), 6 bis (magasin, bureau et cave) et 14 (neuf emplacements de parking) de la rue, et propriétés du cédant pour les 2 premiers, et de la société LELEU pour le 3ème; un bail commercial a été conclu le même jour que la cession pour des loyers commerciaux annuels respectifs de 30 000 € 00 H.T. et de 11 400 € 00 H.T.;

Les 2 actes de cession précisent en page 18 que les 2 fonds de commerce, faute de comptabilité particulière à chacun, ont ensemble :

- pour 2004 un chiffre d'affaires H.T. de 1 384 138 € 91 et un résultat de 122 578 € 83;

- pour 2005 un chiffre d'affaires H.T. de 1 520 129 € 00 et un résultat de 105 723 € 00;

- pour 2006 un chiffre d'affaires H.T. de 1 750 354 € 00 et un résultat de 116 260 € 00;

- depuis le 1er janvier 2007 un chiffre d'affaires H.T. de 1 305 366 € 00.

Le 17 novembre 2010 la société MANI a fait assigner Monsieur [P] en nullité de la cession, en dommages et intérêts et en restitution de la caution devant le Tribunal de Grande Instance de NICE. Le lendemain elle a été mise en redressement judiciaire. La liquidation judiciaire de cette société a été prononcée le 12 janvier 2011.

La juridiction précitée s'est par décision du 23 mars 2012 déclarée incompétente au profit du Tribunal de Commerce de NICE; ce dernier par jugement du 3 juillet 2013 a :

* dit que la cession de fonds de commerce du 12 novembre 2007 est entachée de nullité aux torts exclusifs de Monsieur [P];

* prononcé la nullité de ladite cession;

* condamné Monsieur [P] à :

- payer à la société MANI représentée par Maître [U] son liquidateur la somme de 100 000 € 00 de dommages et intérêts;

- la restitution de la caution payée par cette société pour un montant de 3 600 € 00;

* ordonné l'exécution provisoire; celle-ci a été suspendue par ordonnance de référé du

5 août 2013 Monsieur [P] ayant justifié avoir obtenu le 8 une caution bancaire garantissant le paiement des 2 sommes précitées au profit de Maître [U] mandataire liquidateur;

* condamné Monsieur [P] à payer à la société MANI représentée par Maître [U] son liquidateur la somme de 3 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [F] [P] a régulièrement interjeté appel le 15-16 juillet 2013. Par conclusions du 15 décembre 2014 il soutient notamment que :

- il n'a commis aucun dol lors de la cession de son fonds de commerce unique aux sociétés MANI et [X]; le jugement n'est pas motivé car il reprend l'argumentation de la société MANI; celle-ci l'a assigné la veille de son redressement judiciaire, et devant le Tribunal de Grande Instance qui est incompétent en matière de vente de fonds de commerce entre 2 commerçants;

- les marques PEUGEOT et HONDA ont cohabité jusqu'en 2000 dans un seul local à usage d'atelier-hall d'exposition-vente; il n'y a jamais eu 2 fonds de commerce séparés; lors des discussions avec les consorts [X] la marque HONDA leur a sans intervention de lui-même imposé la création de 2 sociétés distinctes; les futurs acheteurs ont été reçus à 6 reprises par son expert-comptable, à qui ils ont demandé d'établir 1 prévisionnel pour chacune des 2 activités;

- la société MANI a signé l'acte de cession parfaitement informée de tous les éléments comptables, factuels et juridiques relatifs à l'activité; elle ne prouve pas une manoeuvre ou une réticence de lui-même ayant pour objet de vicier son consentement;

- son adversaire ne justifie pas avoir réalisé un chiffre d'affaires quasi inexistant et un résultat lourdement déficitaire;

- lui-même a cédé une activité unique regroupant 2 contrats de concession, l'expert-comptable ayant établi un bilan unique, et notamment pour les années 2204 à 2006 des comptes faisant la distinction entre les chiffres HONDA et les chiffres PEUGEOT; les pièces 16 et 18 de la société MANI ne précisent ni leur provenance ni la personne concernée, s'appliqueraient à la seule activité HONDA et n'ont aucune valeur comptable;

- l'absence d'atelier PEUGEOT était connue par le bail avec la société LELEU du même jour que la cession, et Monsieur [J] [X] auparavant client de lui-même savait que l'atelier était de tout temps commun aux 2 marques;

- le stock comprenait des pièces et accessoires neufs et donc non obsolètes en 2010; lui-même ne sait pas si ceux incriminés par la société MANI sont ceux qu'il lui a vendus; un inventaire avait été fait au moment de la cession;

- le ravalement a été voté le 24 octobre 2008 soit 11 mois après la cession, et est intervenu en 2010 avec une déclaration d'ouverture de chantier le 12, alors que la société MANI avait définitivement quitté les lieux le 6; celle-ci était informée que le local faisait partie d'un immeuble en copropriété;

- les 2 actes de cession précisent que les cessionnaires sont informés que les 2 activités sont exploitées avec une seule et même comptabilité; le bilan regroupe les ventes de marchandises et de services pour aboutir au chiffre d'affaires global, tandis que le compte de résultat détaille par type de produits ou services et par marque; la société MANI ne faut nullement la preuve de l'absence de rentabilité de l'activité PEUGEOT; la ventilation totale était impossible vu l'activité unique de lui-même; pour l'activité PEUGEOT I il n'y avait ni insuffisance de chiffre d'affaires ni absence de résultat à cacher, mais une activité plus rentable que celle de HONDA; les 3 prévisionnels dont disposaient les consorts [X] (1 pour chaque activité et 1 global) leur ont permis d'obtenir un financement bancaire pour 100 % de leurs acquisitions, et l'auteur de ces documents a ventilé les chiffres d'affaires pour chaque activité; le tableau de bord produit par la société MANI pour 2006 contient des chiffres partiels et non révisés; la nullité de la cession à la société [X] lui a été refusée par un jugement du 24 mai 2011 (dont 32 elle n'a pas relevé appel) qui sur la base des mêmes arguments et documents que ceux de la société MANI a écarté le dol par lui-même;

- le dépôt de garantie qu'il a été condamné à rembourser avait été versé à la société LELEU seul bailleur de la société MANI, et il n'a donc pas à le payer.

L'appelant demande à la Cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- dire et juger que Maître [U] es qualité de liquidateur de la société MANI :

. est mal fondé à exciper d'un dol concernant l'acquisition faite par ladite société de l'activité relative aux cycles PEUGEOT;

. est mal fondé à exciper d'un dol concernant la prétendue découverte de l'absence d'atelier dans le local loué à la société LELEU au [Adresse 3];

. est mal fondé à reprocher à Monsieur [P] - qui n'est pas son bailleur - de lui avoir caché en novembre 2007 la décision qui sera prise un an plus tard par la copropriété d'organiser le ravalement de la façade de l'immeuble, travaux qui seront réalisés en janvier / juillet 2010, soit à une date où la société MANI avait cessé toute activité;

. ne saurait valablement demander à Monsieur [P], qui n'est pas son bailleur, le remboursement d'un dépôt de garantie remis à la société LELEU bailleur lors de la signature du bail commercial, étant précisé que la créance de son bailleur absorbe largement le montant dudit dépôt;

- le débouter de toutes ses demandes;

- le cas échéant désigner un expert avec pour mission de déterminer :

. si l'activité de la société MANI pour la période 2007 / 2010 a fait apparaître un défaut de chiffre d'affaires et / ou de résultat;

. si l'activité PEUGEOT dans les 3 années antérieures souffrait de ce défaut;

après s'être fait remettre par Maître [U] - ou par l'administration fiscale - les seuls comptes établis par la société MANI et les 3 bilans remis au cessionnaire par Monsieur [P] lors de la cession, et tout autre document utile à sa mission;

- condamner la liquidation de la société MANI au paiement de la somme de 5 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Concluant le 16 octobre 2014 la S.A.R.L. MANI et Maître [L] [I] [U] mandataire judiciaire membre de la S.C.P. [U] - [D] ès qualité de liquidateur de cette société répondent notamment que :

- de l'absence de ventilation des comptes entre les 2 fonds de commerce est résultée une information très lacunaire de l'acquéreur; les chiffres d'affaires ont masqué une absence de résultat pour la vente des véhicules PEUGEOT, les ventes enregistrées concernant essentiellement les véhicules HONDA; la part négligeable des premiers (en 2006 chiffre d'affaires de 519 786 € 00 sur le total de 1 750 354 € 00, et résultat de - 94 252 € 00 sur le total de + 116 260 € 00) rend sans objet la cession du fonds de commerce; la société MANI a contracté de bonne foi avec Monsieur [P], mais n'aurait pas conclu de cession si cette absence de résultat avait été portée à sa connaissance; l'absence de ventilation complète était destinée à masquer l'absence de rentabilité de la branche PEUGEOT et à induire en erreur, ce qui constitue des manoeuvres dolosives de Monsieur [P] l'ayant mis rapidement la société MANI dans une grave impasse financière d'où son redressement judiciaire puis sa liquidation judiciaire;

- Monsieur [P] n'a pas communiqué des informations précises et chiffrées avant la cession, laquelle n'a pu être réalisée que grâce à ses manoeuvres ou réticences dolosives; le même ne communique aucune pièce ni commencement de preuve susceptible de contredire les pièces de la société MANI; les pièces 16 et 18 que celle-ci communique proviennent du propre expert-comptable de Monsieur [P], et elle ne les a connues qu'en 2011 soit 4 ans après la cession; les ventes PEUGEOT représentent 25 % du chiffre d'affaires avec une marge commerciale de 24,70 %; les informations qu'elle a eues étaient lacunaires et incorrectes;

- il existe un dol émanant de Monsieur [P] comme l'a motivé le jugement qui est précis et détaillé : défaut de ventilation des résultats et chiffres d'affaires réalisés et communication volontaire des chiffres inexacts en violation de l'article L. 141-1 du Code de Commerce, alors que cette ventilation était tout à fait réalisable d'un point de vue comptable puisqu'étaient distinguables les produits HONDA et les produits PEUGEOT; une part importante du stock PEUGEOT est manifestement obsolète et n'a plus aucune valeur marchande; Monsieur [P] pouvait lors de la cession obtenir une attestation de la société PEUGEOT; toutes les concessions de cyclomoteurs de cette marque étaient déficitaires régionalement et même nationalement vu leur perte de marché, ce que Monsieur [P] ne pouvait ignorer; le même ne peut soutenir que son comptable aurait réalisé la ventilation des chiffres d'affaires pour chacun des 2 fonds de commerce; il a dissimulé des éléments indispensables et menti sur la consistance du fonds de commerce PEUGEOT; la société MANI s'est aperçue que l'atelier de la concession HONDA servait également pour la concession PEUGEOT d'où une dépendance et une contrainte pour celle-ci; le système d'évacuation des gaz brûlés, obligatoire selon les normes sanitaires pour tout réparateur d'engins à moteur, n'existe que dans la concession HONDA, ce qui fait que le fonds de commerce PEUGEOT ne pouvait être cédé comme fonds de réparation de motocycles, Monsieur [P] ayant exploité ce local sans pouvoir y réparer ces dernières; les conditions de la concession HONDA interdisent l'accès d'une autre marque dans le local, qui est exploité par la société [X] MOTOS distincte de la société MANI; Monsieur [P] n'a jamais avertie cette dernière que l'ensemble de la façade de l'immeuble lieu du local commercial devait faire l'objet d'un ravalement, lequel a compromis l'accès ainsi que la vente potentielle à un tiers; un simple mensonge non appuyé d'actes extérieurs peut constituer un dol;

- les mentions inexactes de l'acte de cession sont sanctionnées par la nullité, les mentions devant se rapporter exclusivement à l'activité du fonds cédé; la déclaration de l'acquéreur qu'il a pris connaissance des chiffres d'affaires et bénéfices ne saurait remplacer leur indication précise et exacte.

Les intimés demandent à la Cour, vu les articles 1109 et 1116, 1382 et 1134 du Code Civil, et la loi du 29 juin 1935, de :

- débouter Monsieur [P] de ses demandes;

- confirmer le jugement;

- condamner Monsieur [P] à payer à la société MANI la somme de 10 000 € 00 par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2015.

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M O T I F S D E L ' A R R E T :

La cession de fonds de commerce sous conditions suspensives du 11 septembre 2007 qui constitue un compromis de vente par Monsieur [P] à la société MANI, tout comme la cession (effective) du 12 novembre, stipulent clairement respectivement en leurs pages 8 et 18 :

'En l'absence de comptabilité particulière au fonds de commerce cédé, le cédant ne peut déterminer ni le chiffre d'affaires ni le résultat qui s'y rapporte. En effet sa comptabilité ne fait ressortir que les chiffres d'affaires et résultats globaux correspondant aux deux fonds de commerce qu'il exploite.

'Il précise toutefois avoir réalisé, au titre de ses deux fonds de commerce (...) les chiffres d'affaires et résultats suivants :

- pour 2004 un chiffre d'affaires H.T. de 1 384 138 € 91 et un résultat de 122 578 € 83;

- pour 2005 un chiffre d'affaires H.T. de 1 520 129 € 00 et un résultat de 105 723 € 00;

- pour 2006 un chiffre d'affaires H.T. de 1 750 354 € 00 et un résultat de 116 260 € 00;

- depuis le 1er janvier 2007 un chiffre d'affaires H.T. de 1 305 366 € 00'.

Ces éléments signifient qu'avant la cession comme au jour de celle-ci la société MANI savait parfaitement que les chiffres d'affaires et résultats indiqués par Monsieur [P] concernaient non le seul fonds de commerce qu'elle achetait, mais celui-ci et un autre acquis le même jour par une entité distincte la société [X] MOTOS; elle ne peut donc se plaindre d'une absence de ventilation des comptes entre ces 2 fonds dont elle a eu nécessairement conscience et qui n'a donc pas vicié son consentement faute de dol.

Cependant les comptes annuels de Monsieur [P] pour les années 2004, 2005 et 2006 mentionnent, pour les soldes intermédiaires de gestion détaillés comme pour les comptes de résultat détaillés, la répartition des achats et des ventes entre HONDA et PEUGEOT, situation que de façon superfétatoire Monsieur [M] [H] expert comptable de l'intéressé a attestée le 23 novembre 2010, et la société MANI ne démontre pas ne pas avoir eu connaissance de ces éléments chiffrés.

La Cour déplore que la société MANI ne communique aucune de ses pièces comptables qui permettraient de comparer ses chiffres au cours des 3 ans de son activité in bonis (12 novembre 2007 au 18 novembre 2010) avec ceux stipulés par Monsieur [P] dans l'acte de cession.

Les seules pièces utiles de cette société sont au nombre de 3, annexées semble-t-il à un courriel envoyé les 8 et 17 juin 2011 par la société HONDA :

- un tableau de bord (comptable) 2006;

- une évolution du résultat pour la même année qui progresse vers le haut;

- des soldes intermédiaires de gestion (cumulés) sans précision d'année.

Cependant ces pièces sont parcellaires car ne constituant pas les chiffres d'affaires et les résultats d'exploitation exigés par l'article L. 141-1 du Code de Commerce, et ne démontrent aucunement l'absence de rentabilité de la branche PEUGEOT vendue par Monsieur [P]. De plus ce dernier, ainsi que l'atteste PEUGEOT SCOOTERS, avait acquis chaque année de 2003 à 2006 environ 250 000 € 00 H.T. de véhicules, pièces de rechange et accessoires, ce qui n'est pas négligeable.

Les éléments ci-dessus démontrent que la société MANI était parfaitement et correctement informée de la particularité comptable de Monsieur [P] qui ne lui a donc rien caché, et ne rapporte pas la preuve de l'absence de rentabilité de la branche PEUGEOT qu'elle a acquise; en outre la première a attendu 3 ans après la cession pour assigner le second, et dans l'intervalle ne lui a adressé aucune réclamation ni critique; c'est en conséquence à tort que le Tribunal de Commerce a retenu un comportement dolosif de Monsieur [P] et a prononcé la nullité de la cession. Le jugement est infirmé.

Avant de signer tant le compromis du 11 septembre que la cession du 12 novembre 2007 cette société a évidemment visité les lieux, ce qui fait qu'elle s'est nécessairement rendue compte qu'il n'existait ni un atelier ni un système d'évacuation des gaz brûlés; elle n'est donc pas fondée à reprocher cette double absence à Monsieur [P].

Le ravalement de l'immeuble où la société MANI exploite son fonds de commerce a été décidé le 24 octobre 2008, commencé le 12 janvier 2010 et réceptionné le 6 juillet suivant; l'intéressée ne justifie pas que cette opération était certaine lors de son acquisition du 12 novembre 2007 et lui avait été alors cachée par Monsieur [P].

Le courriel envoyé le 4 octobre 2010 par AUTOMOTO 2000 à Monsieur [J] [X] est vague : 'd'après une étude rapide il nous semble que beaucoup de [votre stock de] pièces [de rechange Peugeot] sont tombées en désuétude', et intervient près de 3 ans après la cession de celles-ci par Monsieur [P] à la société MANI; pour ce double motif cette dernière ne démontre pas l'obsolescence du stock acheté à Monsieur [P].

Les critiques de la société MANI sur ces 3 points sont également non fondées.

Sur les autres demandes :

La caution de 3 600 € 00 que Monsieur [P] a été condamné par le jugement à restituer à la société MANI concerne le bail commercial consentie à celle-ci non par celui-là mais par la seule société LELEU; c'est donc à bon droit que Monsieur [P] demande l'infirmation de sa condamnation.

Enfin la liquidation judiciaire de la société MANI fait obstacle à la demande de Monsieur [P] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Infirme en totalité le jugement du 3 juillet 2013, et déboute la S.A.R.L. MANI et Maître [L] [I] [U] mandataire judiciaire membre de la S.C.P. [U] - [D] ès qualité de liquidateur de cette société de toutes leurs demandes.

Rejette la demande de Monsieur [F] [P] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la S.A.R.L. MANI et Maître [L] [I] [U] mandataire judiciaire membre de la S.C.P. [U] - [D] ès qualité de liquidateur de cette société aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 13/14745
Date de la décision : 05/11/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°13/14745 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-05;13.14745 ?
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