COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 13 OCTOBRE 2015
N°2015/
NT/FP-D
Rôle N° 13/24833
Association L'OEUVRE DE LA FOURMI
C/
[I] [R]
Grosse délivrée le :
à :
Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE
Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 03 Décembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1705.
APPELANTE
Association OEUVRE DE LA FOURMI, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Virginie POULET, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [I] [R], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Maeva BINIMELIS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2015
Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mme [I] [R] a été embauchée par l'association L'oeuvre de la fourmi, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, à compter du 4 janvier 1982, en qualité de responsable d'accueil.
Elle a été convoquée, par lettre du 15 avril 2011, à un entretien préalable à un licenciement économique qui s'est tenu le 28 avril 2011.
Ayant accepté le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé, son licenciement économique lui a été notifié suivant lettre recommandée datée du 24 mai 2011 ainsi motivée :
« A la suite de l'entretien préalable du 28 avril 2011 qui s'est tenu dans nos locaux, nous vous informons que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.
En effet, comme vous le savez, notre association est financée en grande partie par la subvention communale qui nous est attribuée chaque année.
Pour l'année 2010, cette subvention était d'un montant de 240 000 €. Pour l'année 2011 nous avons été informés que le montant de cette subvention serait diminuée puisqu'elle sera d'un montant de 200 000 €, soit 16 % de moins que l'année précédente.
Cette nouvelle baisse de subvention intervient alors que nous avions dû faire face en 2009 à une baisse de subvention de 60 000 €.
L'association a perdu plus d'un tiers de son financement en deux ans, soit 100 000 €, ce qui rend le maintien des activités sociales extrêmement précaire. Il nous faut donc dans ce contexte prendre des mesures afin de réduire nos charges ce qui nous conduit à supprimer votre poste de responsable de l'accueil. Nous avons tenté de trouver des solutions afin de procéder à votre reclassement mais nos recherches se sont malheureusement révélées infructueuses. Nous sommes donc dans l'obligation de procéder à votre licenciement pour motif économique compte tenu de l'absence de toute solution de reclassement... »
Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [I] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice qui, par jugement du 3 décembre 2013, notifié le 16 décembre 2013, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'association L'oeuvre de la fourmi à payer :
1 920 € au titre du licenciement irrégulier,
72 000 € au titre de l'inobservation de l'ordre des licenciements, défaut de reclassement, préjudice subi et absence de motif économique,
500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre dont le cachet postal est daté du 19 décembre 2013, l'association L'oeuvre de la fourmi
a relevé appel de cette décision.
Elle demande à la cour d'infirmer la décision prud'homale, de dire et juger le licenciement pour motif économique fondé, de rejeter toutes les demandes de la salariée et de la condamner au paiement de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [I] [R] conclut, au contraire, à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.
Elle sollicite, en outre 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 1er juillet 2015.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur le licenciement
Attendu qu'il résulte des pièces produites par l'association L'oeuvre de la fourmi (rapport moral et d'activité 2011, procès verbal de réunion du bureau de l'association du 12 avril 2011, rapport du commissaire aux comptes du 8 juin 2010) qu'à compter de l'année 2009, et particulièrement en 2011, elle a connu une baisse importante de ses subventions communales et départementales, constituant la majeure partie de ses ressources financières (tableau comparatif page 6 de ses conclusions) et s'est trouvée en déficit en 2011 comme en 2012 (résultat passant de 11 907 € en 2010, à - 30 959 € en 2011 et à - 11 755 € en 2012) , dégradation très nette de l'équilibre financier de la structure associative, soulignée par une note de l'expert comptable du 2 août 2013 (pièce 14 de appelante) qui précise que le principal poste de dépenses est celui du personnel et que la consommation des fonds associatifs est susceptible de menacer la pérennité de l'association ; que cette situation, évoquée par la lettre de licenciement, caractérise des difficultés économiques, au sens de l'article L 1233-3 du code du travail, de nature à justifier la suppression du poste de Mme [I] [R] dans la perspective d'une réduction des charges et d'un retour à l'équilibre, la cour observant, par ailleurs, que si des agents d'accueil ou de tri ont été recrutés, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée, après le licenciement de Mme [I] [R] (pièces 10 et 18 de l'intimée), ces derniers ont remplacé non l'intimée, occupant un poste de supervision de l'accueil selon la fiche de poste produite (pièce 5 de la salariée) mais Mme [N] [U], agent d'accueil, en arrêt de travail depuis 2009 ;
Attendu d'autre part, qu'il est constant que lors du licenciement, l'effectif de l'association était composé de :
1 responsable accueil (Mme [R])
1 agent de tri à l'accueil (Mme [U], en arrêt de travail depuis 2009)
1 secrétaire - assistante de direction à temps partiel,
1 assistante administrative, employée dans le cadre d'un contrat de professionnalisation,
1 couturière, responsable de l'atelier couture ;
Attendu que l'employeur démontre de façon convaincante qu'en raison de la petite dimension de l'association et de la structure de son activité, aucune solution de reclassement en interne n'existait ; qu'en outre, il n'est pas discuté qu'un poste de reclassement en CCAS a bien été envisagé en faveur de Mme [I] [R] qui l'a refusé ; que la cour ne constate donc pas que l'association L'oeuvre de la fourmi ait exécuté de façon insuffisante ou déloyale son obligation de reclassement ;
Attendu qu'en l'état de l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de tenir pour fondé le licenciement économique de Mme [I] [R], la décision déférée étant, sur ce point, infirmée ;
2) Sur la procédure de licenciement
Attendu qu'il est constant que l'entretien préalable au licenciement s'est déroulé le 28 avril 2011 en présence de M. [M] [D], trésorier de l'association (pièce 3 de la salariée), dont aucune pièce n'établit qu'il ait reçu une délégation de pouvoir de la présidente de l'association pour la représenter ; qu'il doit donc être relevé une irrégularité de procédure justifiant l'octroi à la salariée d'une indemnité fixée à 500 € ;
3) Sur les autres demandes
Attendu qu il y a lieu de confirmer la décision déférée ayant alloué à la salariée 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité n'exige pas de faire à nouveau application de ces dispositions en cause d'appel ;
Attendu que les dépens seront laissés à la charge de l'association L'Oeuvre de la fourmi qui succombe partiellement à l'instance ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nice du 3 décembre 2013 en ce qu'il a alloué 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [I] [R] ;
Infirmant pour le surplus, statuant à nouveau, y ajoutant :
Déclaré le licenciement économique de Mme [I] [R] justifié sur le fond mais irrégulier quant à la forme ;
Condamne en conséquence l'association L'oeuvre de la fourmi à payer 500 € à Mme [I] [R] à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure ;
Rejette toute demande plus ample au contraire ;
Condamne l'association L'Oeuvre de la fourmi aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
G. BOURGEOIS