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17/09/2015 | FRANCE | N°14/14254

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 17 septembre 2015, 14/14254


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 17 SEPTEMBRE 2015



N°2015/628



BP











Rôle N° 14/14254







[D] [C] [J]





C/



Etablissement EHPAD CROIX ROUGE RUSSE

























Grosse délivrée le :

à :

Me Robin EVRARD, avocat au barreau de NICE



Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS




Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 10 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° F12/01590.





APPELANTE



Madame [D] [C] [J], demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 17 SEPTEMBRE 2015

N°2015/628

BP

Rôle N° 14/14254

[D] [C] [J]

C/

Etablissement EHPAD CROIX ROUGE RUSSE

Grosse délivrée le :

à :

Me Robin EVRARD, avocat au barreau de NICE

Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 10 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° F12/01590.

APPELANTE

Madame [D] [C] [J], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Robin EVRARD, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Etablissement EHPAD CROIX ROUGE RUSSE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS

([Adresse 3])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte PELTIER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2015

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions des parties, déposées et développées oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions ;

Le 1er septembre 2003, Mme [J] a été engagée en qualité d'aide médico-psychologique par l'EHPAD Croix Rouge Russe pour un temps partiel de 28 heures hebdomadaires ; elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 1.433,80 euros ; le 18 novembre 2006, elle a été engagée en qualité d'aide médico-psychologique par l'EPHAD Pauliani pour un temps partiel de 15 heures hebdomadaires ; par courrier du 10 juillet 2012, Mme [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail avec l'EHPAD Croix rouge puis a signé un contrat à durée indéterminée à temps plein avec l'EPHAD Pauliani ; elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nice le 24 décembre 2012.

Par déclaration enregistrée le 18 juillet 2014, Mme [J] a interjeté appel du jugement en date du 10 juin, au terme duquel le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, l'a déboutée de ses demandes et condamnée au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

Mme [J] conclut à l'infirmation de la décision entreprise, à une rupture aux torts exclusifs de l'employeur emportant les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamnation de l'EHPAD Croix Rouge Russe à lui payer les sommes de 2.827,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, 7.069 euros à titre d'indemnité de licenciement, 1.413,80 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière, 25.448,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elle sollicite en outre remise sous astreinte de l'attestation Pôle Emploi avec mention du licenciement.

Elle soutient que l'employeur, à la suite d'un changement de direction, a procédé à une modification fautive du contrat de travail, n'a pas respecté sa vie personnelle et familiale ; que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement abusif ; que ses demandes en paiement sont justifiées ; qu'elle démontre que l'employeur lui a demandé de démissionner ; qu'en méconnaissance de l'article L.3123-24 du code du travail son contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de ses jours de travail au cours de la semaine ; que son emploi du temps se répartissait jusqu'au mois de septembre 2011 en semaine 1 le lundi après-midi et mardi après-midi (à [Q] le mercredi, jeudi et vendredi après-midi), en semaine 2 le mercredi, jeudi après-midi et vendredi après-midi (ou repos) (à [Q] le lundi, samedi et dimanche après-midi) ; qu'à compter du mois de septembre 2011, l'employeur a voulu lui a imposé une nouvelle répartition du contrat de travail constituant une modification de son contrat de travail, en raison duquel un avenant lui était proposé au cours d'un entretien en date du 29 mars 2012, modifiant également sa durée de travail hebdomadaire qui passait à 30 heures par semaine 2 semaines sur 3 outre 2 week-end travaillés sur 3, ce qui ne lui laissait plus aucun week-end de disponible compte tenu de son second emploi ; que ces nouveaux horaires portaient une atteinte excessive au respect de sa vie personnelle et familiale et à son droit au repos ; qu'elle ne disposait plus de week-end de repos ce qu'elle avait exposé par courrier du 8 mai 2012 ; qu'épuisée par le rythme du travail imposé, les atteintes à son emploi du temps habituel l'ont conduit à un état anxio-dépressif prolongé dont elle justifie et un arrêt de travail ; qu'en outre le nouvel emploi du temps portant sur les matinées, les tâches étaient essentiellement celles d'une aide-soignante alors que les fonctions d'aide médico-psychologique étaient effectuées l'après-midi ; qu'ainsi elle se trouvait privée de l'exercice de l'essence même de sa fonction, s'agissant d'une véritable rétrogradation ; que c'est dans ce seul contexte qu'elle a accepté de travailler à temps plein à la fondation Pauliani ;

L'EHPAD Croix Rouge Russe conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Mme [J] au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts procédure abusive, 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'entiers dépens.

Il soutient que les modifications intervenues à compter du mois de septembre 2011 pour les besoins du service n'affectaient aucunement son second emploi du temps, ni sa vie privée, les plannings étant établis après information préalable et en tenant compte dans la mesure du possible des souhaits de la salariée ; qu'elle ne s'était pas présentée à son poste de travail le 16 décembre 2011 alors qu'il lui avait été expliqué qu'il était impossible de modifier cet horaire ; qu'elle n'avait cependant pas été sanctionnée pour cette absence et qu'au contraire, il lui avait été offert d'effectuer une formation diplômante ; que c'est dans ce contexte qu'il lui avait été proposé trois postes différents : aide médico-psychologique à temps complet à l'unité de soins protégés, aide médico-psychologique à temps complet à l'EPHAD, un poste à 80 % d'animateur socio-culturel à l'EPHAD ; que concomitamment il lui était proposé une modification dans la répartition de ses horaires le 13 mars 2012 ; que compte tenu du refus de la salariée, le contrat de travail s'était poursuivi aux conditions antérieures ; qu'il avait même envisagé une rupture conventionnelle qui n'avait pas été acceptée compte tenu des prétentions financières élevées de la salariée ; qu'elle a respecté les obligations professionnelles de la salariée à l'égard de son autre employeur ainsi que sa vie personnelle puisque son repos hebdomadaire était préservé ; elle conteste les demandes et soutient que la rupture intervenue à l'initiative de la salariée ne s'analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais en une démission claire et non équivoque, non sollicitée par l'employeur.

SUR CE

En application de l'article L 3123-14 du code du travail : « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. / Il mentionne : / 1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; / 2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; / 3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié (...) » ;

Il est constant que le contrat liant les parties a été souscrit pour une durée hebdomadaire de 28 heures, sans précision de la répartition du temps de travail de la salariée.

Par courrier du 10 juillet 2012, Mme [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en rappelant avoir contesté à plusieurs reprises la modification des horaires qui lui avait été imposée, laquelle portait atteinte aux clauses essentielles de son contrat de travail et perturbait anormalement sa vie familiale, tout en indiquant entendre saisir le conseil de prud'hommes pour faire qualifier la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; L'EHPAD Croix Rouge Russe n'est donc pas fondé à soutenir que cette lettre s'analyse en une démission claire et non équivoque, peu important que la salariée ait signé le 11 juillet 2012 avec l'EPHAD Pauliani un avenant de passage à temps complet à compter du 10 juillet, après avoir (selon les termes de cet avenant) accepté le 3 avril 2012 la proposition de cet employeur ; la circonstance tirée de ce que la salariée n'a saisi le conseil de prud'hommes que 6 mois plus tard n'est également pas de nature à permettre de qualifier la prise d'acte en démission de claire et non équivoque.

Or, il ressort en outre des pièces du dossier que

- par courrier du 25 novembre 2011, Mme [J] communiquait à l'employeur ses jours d'intervention à l'EPHAD [Q] de 14h15 à 19h15 des mois de décembre 2011 à mars 2012 et, il ressort de la lettre de l'employeur en date du 13 décembre 2011, qu'alors qu'elle était en fonction à [Q] le vendredi 16 décembre, celui-ci déclarait entendre maintenir le planning « à charge pour [elle] de modifier [son] planning auprès de [son] second employeur » ; et de fait, si sur nouveau courrier de la salariée, sommée de justifier de son absence ce jour là, aucune sanction n'était prononcée, son bulletin de salaire porte mention de la déduction de la rémunération afférente à cette journée ;

- par courrier du 13 mars 2012, L'EHPAD Croix Rouge Russe avisait la salariée de la modification de son emploi du temps à compter du 2 avril 2012, portant les durées hebdomadaires à 30 heures la semaine 1 (s'agissant du lundi après-midi et du jeudi au dimanche en matinées) à 24 heures en semaine 2 (s'agissant du mardi et mercredi en matinées et jeudi et vendredi après-midi) à 30 heures en semaine 3 (s'agissant du lundi au mercredi en matinées et samedi et dimanche après-midi), tout en se « réservant la possibilité de modifier cette répartition en fonction des nécessités de l'entreprise (') en respectant un délai de prévenance de sept jours », susceptible de réduction en cas d'urgence ;

- par courrier du 19 mars 2012, en réponse à une demande d'aménagement des dits horaires, l'employeur maintenait l'emploi du temps en observant avoir respecté le délai de prévenance de 7 jours ;

- par courrier du 8 mai 2012, la salariée refusait les horaires qui lui étaient imposés rappelant qu'elle avait néanmoins travaillé les samedi 5 et dimanche 6 mai qui étaient ses jours de repos ;

- par courrier recommandé du 25 mai 2012, la salariée faisait observer que l'avenant qui lui avait été soumis, daté du 29 mars, modifiait considérablement son contrat de travail fixant son horaire hebdomadaire à 28 heures et qu'elle ne pouvait en conséquence l'accepter compte tenu de son activité professionnelle complémentaire outre ses contraintes familiales, et qu'à défaut de transaction conventionnelle préservant ses droits au regard de cette rupture unilatérale du contrat initial elle serait contrainte de saisir la juridiction compétente.

- Mme [J] a été déclarée par le médecin du travail inapte temporaire pour soins le 31 mai 2012, date à compter de laquelle son médecin traitant lui a prescrit un arrêt de travail.

Il en résulte que L'EHPAD Croix Rouge Russe a bien imposé des modifications horaires à la salariée à tout le moins les vendredi 16 décembre 2011, samedi 5 et dimanche 6 mai, et a refusé de tirer conséquence du refus de celle-ci d'accepter ces modifications telles que mentionnées dans un avenant daté du 29 mars 2012 ; il n'est donc pas fondé à soutenir avoir pris en compte les souhaits de la salariée, peu important encore que cette dernière ait décliné la proposition d'un emploi à temps plein, préférant maintenir ses 80 % ou même ait obtenu une assurance d'embauche à temps plein de son autre employeur ; par ailleurs, les manquements de l'employeur au regard des modifications dans la répartition du temps de travail étant ainsi caractérisées, il n'est également pas fondé à soutenir qu'aucun manquement ne pouvait lui être reproché à la date du 10 juillet dès lors que la salariée s'était trouvée en arrêt maladie du 31 mai au 25 juin, en congés payés du 26 juin au 7 juillet puis en repos du 7 au 9 juillet, observation devant être faite que le repos et les congés payés ne sont en tout état de cause pas des périodes de suspension du contrat de travail ; enfin, si l'employeur soutient qu'il avait renoncé à imposer les horaires tels que mentionnés à l'avenant, il sera observé qu'il ne justifie toutefois pas avoir proposé de régulariser un avenant conforme aux horaires anciens de la salarié, motif pour lequel son manquement, imposant à la salariée à temps partiel de demeurer à sa disposition, ne peut être qualifié que de grave, empêchant la continuation du contrat de travail.

Il suit de ce qui précède que Mme [J] est en conséquence fondée à soutenir que sa prise d'acte doit recevoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Il s'ensuit que le jugement déféré sera infirmé et qu'il sera alloué à Mme [J] paiement des sommes non discutées en leur montant, dues à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement.

S'il est établi que Mme [J], qui bénéficiait d'une ancienneté de 9 ans dans une entreprise comptant plus de 10 salariés, a travaillé à temps plein pour l'EPHAD Pauliani à compter du 10 juillet 2012, elle démontre avoir été victime au mois de mai d'un épisode anxio-dépressif réactionnel aux modifications lui ayant été imposées dans la répartition de son temps de travail ; il lui sera dès lors alloué une somme de 8.500 euros à titre de dommages et intérêts ; en revanche, et s'agissant d'une prise d'acte requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande en dommages et intérêts pour procédure irrégulière, non plus que la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée.

Les dépens ainsi qu'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seront supportés par la société l'EHPAD Croix Rouge Russe qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Dit que la prise d'acte du 10 juillet 2012 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne l'EHPAD Croix Rouge Russe à payer à Mme [J] les sommes de 2.827,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 282,76 euros au titre des congés payés y afférents, 7.069 euros à titre d'indemnité de licenciement, 8.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Condamne Mme [J] aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/14254
Date de la décision : 17/09/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/14254 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-17;14.14254 ?
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