COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 15 SEPTEMBRE 2015
G.T
N° 2015/
Rôle N° 14/16933
[E] [N]
C/
[J] [T] épouse [C]
Grosse délivrée
le :
à :Me EZZINE
Me TARLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02180.
APPELANT
Monsieur [E] [N]
né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 2] (TUNISIE) (99), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Marie- Madeleine EZZINE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [J] [T] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laure PERRET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2015,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les faits, la procédure et les prétentions :
Par assignation en date du 12 mars 2013, au visa de l'article 1326 et des articles 1134 et 1147 du Code civil, Monsieur [N] a demandé au tribunal d'Aix-en-Provence de constater la validité de la reconnaissance de dette consentie le 1er février 2012 par Madame [C], pour 30'000 €;
il était demandé au tribunal de condamner Madame [C] au paiement de cette somme en principal, avec intérêts au taux légal depuis le 21 mai 2012, outre 2000 € au titre du préjudice moral de tracas, et 1500 € au titre des frais inéquitablement exposés .
Par jugement contradictoire en date du 26 juin 2014, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a débouté le demandeur , en retenant que la reconnaissance de dette n'est pas causée, la preuve du versement de la somme n'étant pas rapportée, et que s'il s'agit d'une contre-lettre portant majoration du prix de vente de l'immeuble, cette convention est nulle de nullité absolue par application de l'article 1321 ' un du Code civil .
Monsieur [N] a relevé appel le 2 septembre 2014 de façon régulière et non contestée.
Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile .
L'appelant a conclu le 1er décembre 2014 à titre principal à la régularité de la reconnaissance de dette et au bien-fondé de la demande de condamnation hauteur de 30'000 € sur cette base , outre 10'000 € au titre du préjudice moral de tracas;
à titre subsidiaire, une somme de 10'000 € est réclamée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Madame [C], intimée , a conclu le 9 décembre 2014 à la confirmation, avec allocation d'une somme de 5000 € au titre des frais inéquitablement exposés.
L'ordonnance de clôture est en date du 2 juin 2015 .
SUR CE :
Attendu qu'une reconnaissance de dette doit répondre aux exigences formelles de l'article 1326 du Code civil , dont il n'est pas contesté qu'elles sont remplies en l'espèce ;
Attendu que le premier juge ne pouvait donc motiver sur l'absence de cause , en assimilant une reconnaissance de dette remplissant ces exigences à un prêt , et en exigeant du porteur de cette reconnaissance qu'il démontre le versement de la somme ainsi prêtée à la personne ayant reconnu sa dette ;
que le jugement sera infirmé sur ce premier volet ;
Attendu que la plus grande incertitude règne sur les circonstances de l'établissement de cette reconnaissance de dette ;
Attendu que si Monsieur [N] a indiqué dans son assignation initiale que Madame [C] avait sollicité auprès de lui qu'il fasse grâce à son fils d'une somme de 30'000 € , à charge pour elle de la rembourser , dans le cadre d'une vente d'un bâtiment par la fratrie [N] , force est de constater que dans ses conclusions de premier ressort, Madame [C] a affirmé que l'acte de vente régularisé par cette fratrie ne contient aucune dissimulation de prix ;
qu'elle continue en appel à soutenir au principal qu'il s'agit d'un prêt pour lui permettre de procéder à des investissements dans son commerce, dont les fonds ne lui auraient pas été délivrés , tout en soutenant que la propre thèse de son adversaire a pour effet d'annuler l'acte par application de l'article 1321 ' un du Code civil, sans pour autant solliciter expressément, dans le dispositif de ses conclusions qui saisit la cour, cette nullité, puisqu'il est demandé confirmation du premier jugement qui lui-même s'est borné à prononcer un débouté, au terme d'un raisonnement alternatif (s'il s'agit d'un prêt, il n'est pas causé, s'il s'agit d'une contre-lettre, elle est nulle') ;
Attendu que l'acte de vente immobilière est en date du 21 mai 2012, ne concerne à aucun titre [E] [N] ou [J] [C], étant précisé que la reconnaissance de dette a été enregistrée le 1er février 2012;
Attendu que les parties à l'acte de vente ne sont pas au présent débat , rien ne permettant pas conséquent d'établir qu'une partie du prix ait été dissimulée , sachant enfin, ce qui est essentiel, que Madame [C] continue de soutenir en appel qu'il s'agissait d'un prêt pour permettre des investissements dans son entreprise de négoce de produits d'hygiène et d'entretien;
Attendu qu'au-delà de ces obstacles juridiques , et en toute hypothèse, cette reconnaissance de dette ne saurait être assimilée à une contre-lettre au sens de l'article 1321 ' un du Code civil, aucune démonstration certaine n'étant rapportée que les vendeurs et les acheteurs sont concernés par les effets de la reconnaissance de dette publiée plusieurs mois avant la vente, ou que le prix apparaissant à l'acte a été à leur égard majoré ou minoré par l'effet de la reconnaissance de dette litigieuse , à laquelle ils ne sont nullement tenus, en termes de créance ou de dette ;
Attendu que le premier jugement sera donc infirmé sur ce deuxième volet ;
Attendu qu'il convient donc de faire droit à la demande principale fondée sur la reconnaissance de dette , rien ne permettant de caractériser un préjudice moral distinct, a fortiori à hauteur de 10'000 € .
Attendu qu'en revanche ,une somme de 1500 € est parfaitement justifiée au titre des frais inéquitablement exposés ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement :
Déclare l'appel fondé ;
Infirme le jugement de premier ressort :
Statuant à nouveau, condamne Madame [C] à payer à Monsieur [N] une somme de 30'000 € en principal, outre l'intérêt légal à compter du 21 mai 2012, et la somme de 1500 € au titre des frais inéquitablement exposés ;
Condamne Madame [C] aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRESIDENT