COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUILLET 2015
N° 2015/456
Rôle N° 12/19876
[X] [E]
C/
SAS SOGETRA
SAS CRIT
Grosse délivrée
le :
à :
Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
Me Michel IZARD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Me Jerry DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FRÉJUS - section I - en date du 26 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/125.
APPELANT
Monsieur [X] [E],
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEES
SAS SOGETRA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Me Michel IZARD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
SAS CRIT,prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Jerry DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Mai 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2015.
Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans le délai légal et par déclaration écrite régulière en la forme reçue le 19 octobre 2012 au greffe de la juridiction, M. [X] [E] a relevé appel du jugement rendu le 26 septembre 2012 par le conseil de prud'hommes de Fréjus qui, après requalification en contrat de travail à durée indéterminée des divers contrats de missions d'intérim par lui exécutés pour le compte de l'entreprise utilisatrice la société Sogetra, a condamné celle-ci à lui payer 1 820,04 € à titre d'indemnité de requalification, 3 640 € à titre d'indemnité de préavis, 364 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 3 427,73 € à titre d'indemnité légale de licenciement, 10 920,24 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, ordonné sous astreinte pécuniaire à la société Sogetra de lui remettre des documents sociaux rectifiés, condamné la société Crit Intérim à relever et garantir la société Sogetra du paiement de la moitié desdites condamnations, et débouté M. [E] de ses plus amples demandes pécuniaires.
Selon ses écritures déposées le 28 mai 2015, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, M. [E] demande à la cour, à titre principal de confirmer le jugement entrepris sauf à élever à 30 000 € le montant des dommages-intérêts lui ayant été alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui accorder en outre 5 118,75 € à titre de rappel de salaires pour les périodes « intercalaires » ainsi que 511,87 € au titre des congés payés y afférents ; subsidiairement de dire que la société Sogetra n'a pas respecté le délai de carence prévu à l'article L. 1251-36 du Code du travail et de la condamner dans les mêmes termes ; encore plus subsidiairement de dire que la société Crit Intérim n'a pas respecté le délai de carence prévu à l'article L. 1251-36 du Code du travail et de la condamner dans les mêmes termes ; en tout cas de condamner la partie succombante à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Selon ses écritures pareillement déposées, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, la société Sogetra demande au contraire à la cour d'infirmer partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau, dire M. [E] irrecevable en ses demandes dirigées contre elle, l'en débouter et le condamner reconventionnellement à lui payer 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, en tout état de cause condamner la société Crit Intérim à la relever et garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre et élever à 50 000 € les dommages-intérêts que celle-ci sera tenue de lui verser sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, condamner en outre « solidairement » M. [E] et la société Crit Intérim à lui payer 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Crit Intérim, selon ses écritures pareillement déposées, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, soulève l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal de grande instance de Draguignan, subsidiairement demande de débouter tant M. [E] que la société Sogetra de leurs demandes respectives dirigées contre elle, reconventionnellement de condamner la société Sogetra à lui payer 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur ce :
La société SAS Sogetra, entreprise de bâtiment et travaux publics implantée à [Localité 1] (Var), disposait en 2009 d'un effectif supérieur à onze salariés.
Selon les pièces produites, principalement les contrats d'intérim et les bulletins de paie remis au salarié, à la demande de la société Sogetra invoquant un « accroissement temporaire d'activité », la société Crit Intérim ' entreprise de travail temporaire ' a mis à sa disposition comme entreprise utilisatrice M. [X] [E] pendant la période allant du 17 janvier 2000 au 27 février 2009 pour effectuer les missions suivantes :
-en qualité d'aide-boiseur du 17 janvier 2000 au 31 janvier 2000 ; du 1er février 2000 au 29 février 2000 ; du 1er mars 2000 au 10 mars 2000 puis du 14 mars 2000 au 31 mars 2000 ; du 4 avril 2000 au 21 avril 2000 puis du 25 avril 2000 au 27 avril 2000 ; du 2 mai 2000 au 31 mai 2000 ; du 2 juin 2000 au 30 juin 2000 ; du 4 juillet 2000 au 28 juillet 2000 ; du 31 juillet 2000 au 4 août 2000 ; du 4 septembre 2000 au 29 septembre 2000 ; du 2 octobre 2000 au 27 octobre 2000 puis du 31 octobre 2000 au 31 octobre 2000 ; du 1er novembre 2000 au 24 novembre 2000 puis du 27 novembre 2000 au 30 novembre 2000 ; du 1er décembre 2000 au 22 décembre 2000 ; du 3 janvier 2001 au 31 janvier 2001 ; du 1er février 2001 au 16 février 2001 puis du 20 février 2001 au 28 février 2001 ; du 1er mars 2001 au 23 mars 2001 puis du 26 mars 2001 au 30 mars 2001 ; du 1er mai 2001 au 10 mai 2001 puis du 14 mai 2001 au 31 mai 2001 ; du 2 juillet 2001 au 26 juillet 2001 puis le 31 juillet 2001 ; du 1er au 2 août 2001 ; du 1er au 5 octobre 2001 puis du 8 octobre au 12 octobre 2001 puis du 15 au 19 octobre 2001 puis du 23 octobre au 26 octobre 2001 et du 29 au 31 octobre 2001 ; du 12 au 16 novembre 2001 puis du 19 novembre au 23 novembre 2001 et du 26 au 30 novembre 2001 ; du 3 au 7 décembre 2001 puis du 10 au 14 décembre 2001 et du 18 au 21 décembre 2001 ; le 1er février, du 5 au 15 février 2002 puis du 19 au 21 février 2002 et du 24 au 28 février 2002 ; le 1er mars ; du 4 au 29 mars 2002 ; du 3 avril au 30 avril 2002 ; du 3 au 7 mai 2002 puis du 13 au 31 mai 2002 ; le 3 juin puis du 10 au 28 juin 2002 ; du 1er au 31 juillet 2002 ; du 1er au 14 août 2002 puis du 19 au 30 août 2002; du 2 au 6 septembre puis du 10 au 27 septembre 2002 ; du 2 au 22 octobre 2002 puis du 28 au 31 octobre 2002; du 4 au 8 novembre puis du 12 au 22 novembre 2002 et du 27 au 29 novembre 2002 ; du 2 au 4 décembre 2002 puis du 9 au 24 décembre 2002 ; du 6 au 30 janvier 2003 ; du 4 au 7 février 2003 puis du 12 au 17 février 2003 et du 24 au 28 février 2003 ; du 1 er au 4 avril puis les 8 et 9 avril 2003 ; du 5 au 30 mai 2003 ;
- en qualité de coffreur du 2 au 30 juin 2003 ; du 1er au 18 juillet 2003; du 15 au 30 septembre 2003 ; du 26 au 27 février 2004 ; du 1er au 31 mars 2004 ; du 1er au 30 avril 2004 ; du 3 au 28 mai 2004 ; du 1er au 30 juin 2004 ; du 1er au 30 juillet 2004 ; du 4 au 27 octobre 2004 ; du 2 au 26 novembre 2004 ; du 1er au 9 décembre 2004 ; du 12 au 31 janvier 2005 ; du 1 er au 24 février 2005 ; du 1 er au 31 mars 2005 ; du 1 er au 29 avril 2005 ; du 2 au 26 mai 2005 ; du 2 au 30 juin 2005 ; du 1er au 28 juillet 2005 ; du 29 au 31 août 2005 ; du 1er au 22 septembre 2005 ; du 24 au 28 octobre 2005 ; du 2 au 30 novembre 2005 ; du 1 er au 23 décembre 2005 ; du 2 au 31 janvier 2006 ; du 1 er au 28 février 2006 ; du 1 er au 15 mars 2006 puis du 21 au 31 mars 2006 ; du 3 au 30 avril 2006 ; du 1er au 31 mai 2006 ; du 1er au 30 juin 2006 ; du 3 au 4 juillet 2006 ; du 11 au 30 septembre 2006 ; du 2 au 31 octobre 2006 ; du 1 er au 30 novembre 2006 ; du 1 er au 22 décembre 2006 ; du 3 au 31 janvier 2007 ; du 5 au 23 février 2007 ; du 12 au 30 mars 2007 ; du 2 au 30 avril 2007 ; du 1er au 31 mai 2007 ; du 1er au 29 juin 2007 ; du 2 au 12 juillet 2007 ; du 3 au 28 septembre 2007 ; du 1er au 31 octobre 2007 ; du 1er au 30 novembre 2007 ; du 3 au 23 décembre 2007 ; du 2 au 31 janvier 2008 ; du 1er au 29 février 2008 ; du 3 au 30 mars 2008 ; du 1er au 30 avril 2008 ; du 1er au 31 mai 2008; du 2 au 30 juin 2008 ; du 1er au 20 juillet 2008 ; du 1er au 28 septembre 2008 ; du 1er au 31 octobre 2008 ; du 3 au 30 novembre 2008 ; du 1er au 23 décembre 2008 ; du 5 au 30 janvier 2009 ; enfin du 2 au 27 février 2009.
Dans le dernier état de ses missions, il percevait un salaire mensuel brut de1 820,04 € pour 151,67 heures.
Au-delà du 27 février 2009, la société Crit Intérim a cessé d'affecter à M. [E] de nouvelles missions, tandis que la société Sogetra s'est abstenue elle-même de l'employer directement.
Il a saisi dans ces conditions le 28 février 2011 la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir requalifier sa relation de travail ci-avant exposée, et cette procédure a abouti au jugement querellé.
Aux termes de l'article L. 1251-5 du Code du travail : "Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d' un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine".
La juridiction prud'homale se trouvant ainsi expressément compétente, l'exception d'incompétence soulevée par la société Sogetra ne peut qu'être rejetée comme infondée.
Selon les articles L.1251-1 et L 1251-5 du Code du travail le recours au travail temporaire n'est permis que dans des cas strictement définis, parmi lesquels l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
L'article L 1251-6 ajoute que, quel que soit son motif, le contrat de mission ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'article L .1251-12 dispose par ailleurs que la durée totale du contrat de mission ne peut excéder dix-huit mois compte tenu, le cas échéant, du renouvellement intervenant dans les conditions prévues à l'Article L1251-35.
L'article L. 1251-40 dispose enfin que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-12, et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
En l'espèce, il ressort des pièces comptables qu'elle communique que pendant la période litigieuse le chiffre d'affaire annuel de la société Sogetra a été en constante et forte augmentation, s'étant élevé de 2 760 821 € en 2001 à 11 561 533 € en 2008, cependant que l'effectif des salariés permanents de l'entreprise est resté remarquablement stable, évoluant de 17 salariés en 2006 à seulement 19 en 2008.
Il est constaté par ailleurs qu'en guise de cause exprimée de leur conclusion, les contrats de mise à disposition de M. [E] se bornent tous à viser laconiquement un « un accroissement temporaire d'activité », sans que cette notion soit jamais explicitée ni autrement justifiée, et la société Sogetra ne produit dans la présente instance aucune pièce mettant en évidence le caractère temporaire de l'augmentation de son activité.
Un tel caractère est au demeurant contredit par la durée même de la collaboration de M. [E] qui de manière stable et durable a ainsi été affecté sur les divers chantiers de la société Sogetra, de janvier 2000 à mai 2003 en qualité d'aide-boiseur, puis de juin 2003 à février 2009 en qualité de coffreur, soit au total plus de neuf années, certes entrecoupées de courtes périodes non travaillées mais trop brèves pour être significatives, et le plus souvent d'ailleurs au mois d'août, époque des congés annuels de l'effectif de son personnel.
Il y a lieu en conséquence de dire M. [E] bien fondé en sa demande de requalification des multiples contrats d'intérim litigieux en un unique contrat de travail de travail d'une durée globale indéterminée au service de la société Sogetra ayant pris effet le 17 juillet 2000 et rompu à l'initiative de l'employeur sans cause réelle et sérieuse le 27 février 2009 au motif fallacieux de l'arrivée prétendue du terme de la mission pour laquelle la société Crit Intérim l'avait mis à sa disposition.
L'article L. 1251-40 du Code du travail susdit visant formellement et uniquement l'entreprise utilisatrice des services du salarié intérimaire comme celle devant répondre en droit des conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet au premier jour de sa mission, la société Sogetra doit donc en l'espèce être considérée comme l'employeur de M. [E].
En application des articles L. 1251-41, L. 1234-1, L.1234-9 et R. 1234-2 du Code du travail du Code du travail, M. [E] est dès lors fondé à solliciter la condamnation de la société Sogetra à lui payer 1 820,04 € à titre d'indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire, 3 640 € bruts à titre d'indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire, 364 € bruts au titre des congés payés sur préavis, et 3 427,73 € à titre d'indemnité légale de licenciement.
L'intéressé, âgé de 35 ans, démontrant après la rupture avoir souffert du chômage indemnisé jusqu'en décembre 2011, il est en outre justifié sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail de lui allouer 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Il convient par ailleurs de faire application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du Code du travail et de condamner l'employeur à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à M. [E] du 27 février 2009 au 27 août 2009.
Dans la limite de la prescription prévue à l'article L. 3245-1 du Code du travail depuis sa première mise en demeure, en l'occurrence sa demande à l'audience du 27 juin 2012 devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, soit la période du 27 juin 2007 au 27 février 2009, M. [E] est en outre fondé à solliciter un rappel de salaire au titre des périodes dites « intercalaires » entre la fin d'une mission et le début de la suivante pendant lesquelles la société Sogetra ne lui a pas fourni de travail bien que lui-même doive alors être présumé à la disposition de son employeur en vertu du contrat de travail à durée indéterminée liant les parties, selon la requalification ci-avant décidée.
Il lui est ainsi dû à ce titre, déduction faite des périodes correspondant à des congés payés, la somme de 805 € pour la période du 13/7 au 2/9/2007, de 420 € pour celle du 24/12/2007 au 1/1/2008, de 420 € pour celle du 21/7/2008 au 31/8/2008 et de 630 € pour celle du 24/12/2008 au 4 janvier 2009, soit la somme globale de 2 275 € bruts, ainsi que 227,50 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférente.
La société Sogetra demande enfin que la société Crit Intérim soit condamnée à la relever et garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre, d'autre part tenue de lui payer 50 000 € de dommages-intérêts, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil au motif que l'entreprise de travail temporaire aurait manqué fautivement à son devoir de conseil en mettant à sa disposition pendant plusieurs années le même salarié intérimaire sans l'avertir du risque encouru de requalification de la relation de travail par application de l'article L. 1251-40 du Code travail.
En vertu de l'article L. 1251-41 susdit, du principe de l'unicité de l'instance prud'homale prévu à l'article R. 1452-6 du même Code et celui selon lequel l'accessoire suit le principal, la compétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur une telle demande apparaît certaine.
Au surplus, la cour, qui connaît de l'appel des décisions prononcées par l'ensemble des juridictions de son ressort, est nécessairement compétente pour statuer sur l'appel du chef de disposition ayant condamné la société Crit Intérim à relever et garantir la société Sogetra
L'exception d'incompétence soulevée de ce chef par la société Crit Intérim doit donc être rejetée comme infondée.
Au fond, l'engagement de la responsabilité de la société Sogetra envers M. [E] résulte essentiellement de sa violation de l'article L.1251-6 susdit faisant interdiction à l'entreprise utilisatrice de recourir à un salarié intérimaire afin de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
A cet égard la société Sogetra était à même, disposant en effet seule de toutes les informations économiques nécessaires sur sa propre entreprise, d'apprécier que l'emploi d'aide boiseur puis de coffreur pour lequel elle a sollicité des années durant la mise à disposition d'un salarié intérimaire correspondait en fait à un poste lié à son activité normale, ce qui commandait l'embauche d'un salarié par contrat à durée indéterminée.
Pour sa part la société Crit Intérim n'était tenue de ce chef à aucun devoir de conseil spécifique, sauf à s'ingérer fautivement dans les affaires d'autrui, et son rôle devait se limiter, dès lors que la demande lui était faite, à mettre à la disposition de la société Sogetra un salarié intérimaire le temps requis et qui disposât des compétences nécessaires aux tâches à accomplir, peu important son identité.
La société Sogetra doit en conséquence être déboutée de son appel en garantie comme de sa demande indemnitaire, et de ce chef le jugement entrepris infirmé.
Sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, il est enfin équitable d'allouer, à la charge de la société Sogetra, 1 500 € à M. [E] et 1 000 € à la société Crit Intérim au titre du remboursement de leurs frais irrépétibles respectifs.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe ;
Confirme le jugement entrepris, sauf relativement d'une part au montant des dommages-intérêts alloués à M. [X] [E] pour licenciement abusif, d'autre part au rejet de sa demande de rappel de salaire, enfin à la condamnation de la société Crit Intérim à relever et garantir la société Sogetra de partie des condamnations mises à sa charge ;
Statuant à nouveau de ces chefs, condamne la société Sogetra à payer à M. [E] la somme globale de 2 275 € bruts à titre de rappel de salaire, 227,50 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférente, 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
Dit par ailleurs la société Sogetra mal fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société Crit Intérim et l'en déboute ;
Y ajoutant ;
Condamne la société Sogetra à rembourser à Pôle Emploi de Fréjus les indemnités de chômage versées à M. [E] du 27 février 2009 au 27 août 2009 ;
Dit à cet effet qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée pour information par le greffe de la juridiction de céans à l'organisme concerné (situé [Adresse 2]) ;
Sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne en outre la société Sogetra à payer 1 500 € à M. [E] et 1 000 € à la société Crit Intérim au titre du remboursement de leurs frais irrépétibles respectifs ;
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT