COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 03 JUILLET 2015
N°2015/
Rôle N° 12/22259
[K] [O] [S]
C/
SA SITA SUD
Grosse délivrée le :
à :
Me Sébastien TOMI, avocat au barreau de LYON
Me Dominique PEROL, avocat au barreau de LYON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 30 Octobre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1123.
APPELANTE
Madame [K] [O] [S], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Sébastien TOMI, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
SA SITA SUD, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Dominique PEROL, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère
Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2015
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 17 août 2005, Mme [K] [S] a été engagée par la SAS SITA SUD, en qualité de responsable paie et administration du personnel, statut cadre, avec reprise de l'ancienneté acquise au sein du groupe depuis le 1er janvier 1980. Selon avenant du 27 juin 2007, elle a été nommée au poste de contrôleur de gestion sociale. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 3.005 € sur 13 mois, outre une rémunération variable qui s'est élevée à 4.297 € bruts pour l'année 2010.
La salariée a été absente pour maladie à compter du 22 février 2010.
Après convocation le 24 août 2010 à un entretien préalable fixé au 3 septembre, l'employeur a licencié la salariée par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2010, rédigée en ces termes : «... nous vous notifions par la présente votre licenciement en raison de votre absence prolongée qui perturbe le bon fonctionnement du service et rend nécessaire votre remplacement définitif.
En effet, vous occupez le poste de contrôleur de gestion sociale au sein de la Direction Générale de SITA SUD depuis le 1er juillet 2007 et assurez notamment la fiabilité, l'édition, l'analyse et la transmission des informations sociales et financières concernant les ressources humaines de l'entreprise.
Vous êtes la seule dans l'entreprise à occuper ce poste très important pour la Direction.
Ce poste implique, outre de bonnes compétences techniques, une excellente connaissance de notre métier et de notre entreprise qui comportent de nombreuses particularités dans votre domaine d'activité (multiplicité des rubriques de paye, spécificité du logiciel HRA adapté aux conventions collectives applicables au sein de nos entités juridiques, nombreux usages en matière sociale, compilation d'un grand nombre de données dans l'élaboration des reportings groupe, découpage de nos activités sur de multiples sections analytiques notamment).
Or, vous êtes absente de votre poste de travail depuis le 22 février 2010, avec un premier arrêt de 15 jours, suivi d'arrêts successivement renouvelés d'une durée d'un mois.
Cette absence prolongée perturbe considérablement l'organisation et le fonctionnement des services support de notre siège.
À titre illustratif plus qu'exhaustif, nous devons faire face à une vraie carence dans l'analyse de la masse salariale à chaque comité de pilotage métier.
En outre, nous devons déplorer des erreurs et des retards dans la transmission des données communiquées aux autres services internes et externes, qui ne deviennent plus supportables.
Enfin, nous avons commandé et acheté en décembre 2009 un logiciel de reporting qui vous était destiné, non exploité à ce jour.
Votre absence est d'autant plus préjudiciable que vous évoluiez dans une équipe de taille modeste au sein de laquelle vous déteniez et centralisiez, notamment en raison de votre ancienneté, l'essentiel des données et informations à caractère social et financier.
Du fait de la courte durée de vos arrêts et de l'incertitude quant à la durée totale de votre absence, nous ne disposions d'aucune visibilité sur notre organisation à court terme.
Vous n'avez d'ailleurs donné aucune nouvelle depuis votre arrêt initial, en dépit des appels téléphoniques de vos collègues et de moi-même destinés à prendre de vos nouvelles.
Votre remplacement est assuré partiellement par d'autres collaborateurs de l'équipe qui bien que ne disposant pas de vos compétences techniques ont une bonne connaissance de l'entreprise et de notre métier (M. [M] [N] notamment). Ces salariés ont assumé une partie de vos missions en plus de leurs tâches habituelles. Certaines de vos missions, liées à l'analyse des données sociales et financières notamment, ne sont malheureusement plus réalisées depuis le mois de février dernier.
Il n'était en effet pas possible de recourir à du personnel externe pour pourvoir votre remplacement, compte tenu de la durée de vos arrêts de travail successifs et de la spécificité de vos fonctions qui impliquent de connaître parfaitement l'entreprise, ses pratiques et les problématiques propres à notre métier.
Le délai pour rendre un remplaçant opérationnel, bien supérieur à un mois, ne permettait pas votre remplacement par des salariés recrutés en externe pour une durée déterminée.
Votre absence prolongée perturbe la bonne organisation et le bon fonctionnement de l'entreprise et crée une surcharge de travail pour les collaborateurs qui assurent temporairement votre remplacement qui n'est aujourd'hui plus acceptable.
Les modalités actuelles de votre remplacement ne peuvent perdurer plus longtemps et rendent nécessaires, compte tenu du trouble occasionné au fonctionnement de notre organisation, votre remplacement définitif.
Aussi, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement...»
Le 1er octobre 2010, contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel a, par jugement en date du 30 octobre 2012, :
-dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
-débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;
-condamné la salariée à verser à l'employeur la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Le 23 novembre 2012, la salariée a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Vu les écritures déposées par Mme [K] [S], le 3 juin 2015, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
-réformer le jugement dont appel ;
-constater que le licenciement notifié le 10 septembre 2010 est intervenu en toute hâte et précipitation et ce, alors même que son retour aux effectifs était prévu sous forme de mi-temps thérapeutique le 17 septembre 2010 ;
-constater que l'employeur ne justifie nullement de la perturbation de l'entreprise ;
-constater que l'employeur avait très précisément pallié son absence sans générer aucune perturbation au niveau de l'entreprise ;
-constater qu'en tout état de cause l'employeur avait la possibilité d'assurer son remplacement temporaire par des contrats précaires ;
-constater que M. [Q] l'a remplacée à compter du 1er avril 2011 ;
-constater que le délai entre la date de notification de son congédiement et la date de son remplacement effectif par M. [Q] est manifestement déraisonnable au sens de la jurisprudence de la Cour de Cassation ;
-constater que Mme [L] ne remplace nullement M. [Q], dès l'instant où la rémunération portée à l'intéressée est très largement supérieure à celle qui était versée à M. [Q] et où l'intitulé des poste ne correspond nullement ;
-juger en conséquence dénué de toute cause réelle et sérieuse le licenciement du 10 septembre 2010;
-condamner en conséquence l'intimée à lui payer les sommes de :
*90.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture des relations contractuelles ;
*3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner l'employeur aux entiers dépens.
Vu les écritures de la SAS SITA SUD déposées le 28 mai 2015, par lesquelles elle demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré ;
-juger que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;
-débouter en conséquence la salariée de l'ensemble de ses demandes injustifiées et non fondées ;
-condamner la salariée à lui verser une indemnité de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 3 juin 2015.
SUR CE
Sur le licenciement :
Conformément à l'article L 1132-1 du code du travail, l'absence du salarié pour maladie ne peut en aucun cas justifier un licenciement. Cependant, les perturbations causées dans le fonctionnement de l'entreprise par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié en raison de sa maladie peuvent constituer une cause de licenciement si elles rendent nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 septembre 2010 fait état d'une absence prolongée de la salariée qui perturbe le bon fonctionnement du service et rend nécessaire son remplacement définitif.
La salariée a été absente de façon continue à compter du 22 février 2010, avec un premier arrêt de 15 jours, suivi d'arrêts successivement renouvelés d'une durée d'un mois. Le 16 août 2010, la salariée a adressé à l'employeur un avis de prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 16 septembre 2010.
Estimant qu'il était nécessaire de procéder au remplacement définitif de la salariée en raison du trouble occasionné, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 3 septembre 2010.
Or, M. [R] [D] qui a assisté la salariée à cette occasion atteste que la salariée a indiqué à l'employeur au cours de cet entretien qu'elle pouvait reprendre son travail à mi-temps thérapeutique le 17 septembre 2010 et qu'elle lui a remis un certificat médical rédigé par Docteur [B], le 16 août 2010, aux termes duquel celui-ci a certifié que l'état de santé de la salariée permettait d'envisager qu'elle puisse reprendre son travail à mi-temps thérapeutique à l'issue de la période d'arrêt maladie.
L'employeur ne saurait donc valablement soutenir que la salariée n'a fait qu'évoquer cette éventualité et ce, de manière extrêmement laconique et totalement hypothétique, sans aucune précision de date. Il ne démontre pas davantage que la salariée a précisé qu'elle souhaitait évoquer cette possibilité avec son médecin traitant en mentionnant qu'elle n'était pas certaine que son état de santé puisse permettre une reprise d'activité à court terme, même dans le cadre d'une mesure de mi-temps thérapeutique, ainsi qu'il le soutient dans ses écritures.
Il est ainsi établi que l'employeur connaissait, au moment de l'entretien préalable, la date du retour de la salariée, lequel était imminent.
Le fait que la salariée lui ait adressé, le 18 septembre 2010, un certificat médical du Docteur [B] faisant état d'une aggravation de son état de la santé ne lui permettant plus de reprendre son travail à mi-temps thérapeutique comme cela avait été envisagé est sans incidence, dans la mesure où ce certificat médical a été établi postérieurement à la notification du licenciement le 10 septembre 2010.
La reprise du travail à mi-temps thérapeutique de la salariée étant envisagée à brève échéance, l'employeur ne pouvait donc pas fonder le licenciement sur la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif. Le licenciement du 10 septembre 2010 apparaît donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision déférée qui a estimé le contraire sera donc infirmée.
Tenant l'âge de la salariée au moment de la rupture du contrat (50 ans), de son ancienneté (30 ans) de sa rémunération moyenne mensuelle brute (3.613,50 €) et de l'absence de justification de sa situation après la rupture, il y a lieu de lui allouer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes :
La décision qui a condamné la salariée à verser à l'employeur la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens doit être infirmée.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à la salariée à ce titre la somme de 2.000 €.
L'employeur qui succombe doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.
S'agissant d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise de plus de onze salariés, il y a lieu de faire application de l'article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la SAS SITA SUD à payer à Mme [K] [S] les sommes suivantes:
-50.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne le remboursement par la SAS SITA SUD aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme [K] [S] dans la limite de six mois.
Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.
Condamne la SAS SITA SUD aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT