COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2015
N° 2015/
NT/FP-D
Rôle N° 14/12333
[X] [X]
C/
Association ADAPEI.AM
Grosse délivrée
le :
à :
Me Audrey CAMPANI, avocat au barreau de NICE
Me Sylvain JACQUES, avocat au barreau de GRASSE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 04 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/411.
APPELANTE
Madame [X] [X], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Audrey CAMPANI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Association ADAPEI.AM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sylvain JACQUES, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Avril 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mademoiselle Wafa SAHRAOUI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2015.
Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mme [X] [X] a été engagée par l'ADAPEI des Alpes Maritimes le 28 octobre 2002 en qualité d'aide médico-psychologique et affectée au sien de l'établissement « Les Lucioles » à [Localité 1].
Le 9 février 2006, elle a été élue déléguée du personnel suppléante.
Victime d'un accident de travail le 2 septembre 2006, Mme [X] [X] a été déclarée inapte à son poste de travail à la suite de 2 visites du médecin du travail datées des 31 août 2009 et 14 septembre 2009 et licenciée pour inaptitude par lettre du 13 octobre 2009.
Contestant la régularité de son licenciement et le non-respect par l'employeur de son statut d'élue du personnel, Mme [X] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice qui, par décision du 4 juin 2013, notifiée le 21 juin 2013 a constaté qu'au jour du licenciement l'association l'ADAPEI des Alpes Maritimes n'avait pas connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude, dit le licenciement régulier et condamné l'ADAPEI des Alpes Maritimes à remettre sous astreinte les documents de fin de contrat et à payer à la salariée :
14 880,14 € au titre de la procédure spéciale, statut protecteur,
23 160,72 € pour non consultation des délégués du personnel,
5 790, 18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ,
1 000 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par lettre recommandée dont le cachet postal est daté du 25 juin 2013, Mme [X] [X] a relevé appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation.
Elle demande à la cour de condamner l'ADAPEI des Alpes Maritimes à lui payer :
1 930,06 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement en raison du non respect des délais légaux entre la convocation à l'entretien préalable et la tenue de celui-ci,
18 592,81 € au titre du non-respect de son statut de salariée protégée,
5 790,18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
11 580,36 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
34 741,08 € au titre de la nullité du licenciement,
40 000 € en réparation de son préjudice moral,
20 000 € en réparation de son préjudice financier,
5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
Elle sollicite également la remise sous astreinte des documents de fin de contrat.
L'ADAPEI des Alpes Maritimes reconnaît dans ses conclusions en cause d'appel le défaut, involontaire, de consultation des délégués du personnel et d'autorisation administrative de licenciement.
Elle demande néanmoins la constatation du caractère tardif de la demande de Mme [X] [X] au titre de la méconnaissance de son statut protecteur, la réduction de ses demandes à de plus justes proportions et sa condamnation au paiement de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 1er avril 2015.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'il est constant que Mme [X] [X], engagée par l'ADAPEI des Alpes Maritimes le 28 octobre 2002 en qualité d'aide médico-psychologique et élue le 9 février 2006 déléguée du personnel suppléante ainsi que le confirme l'inspection du travail (pièce 2 de la salariée), a été déclarée inapte à son poste de travail à la suite de 2 visites du médecin du travail effectuées les 31 août 2009 et 14 septembre 2009 et licenciée pour inaptitude par lettre du 13 octobre 2009 ainsi motivée :
« ...compte tenu de l'impossibilité de vous reclasser sur un poste en adéquation avec votre état de santé, nous vous confirmons que nous sommes dans l'obligation de rompre votre contrat de travail. Cette décision prend effet à compter du 20 octobre 2009... » ;
Attendu que les convocations des services de la médecine du travail adressées à l'ADAPEI des Alpes Maritimes (pièce 7 de la salariée) mentionnent explicitement qu'il s'agissait de visites médicales de reprise consécutives à un accident du travail, de sorte que l'employeur ne saurait soutenir avoir ignoré la nature professionnelle de l'inaptitude constatée par le médecin du travail ; qu'il n'est pas discuté que l'ADAPEI des Alpes Maritimes n'a pas sollicité l'avis des délégués du personnel quant au reclassement, exigé par l'article L 1226-10 du code du travail en cas de licenciement d'un salarié inapte à la suite d'un accident professionnel et n'a ni sollicité l'autorisation de l'inspection du travail ni consulté le comité d'entreprise avant le licenciement, formalités exigées par l'article L2421-3 du code du travail du fait de la qualité de déléguée du personnel suppléante de Mme [X] [X] ; que le licenciement sera, en conséquence, déclaré nul pour la double raison du non-respect des règles relatives au licenciement du salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail et du non-respect des règles applicables au licenciement du salarié protégé ;
Attendu qu'en application de l'article L 1226-15 du code du travail, Mme [X] [X] a droit, en raison de l'irrégularité de son licenciement pour inaptitude professionnelle du fait de la non- consultation des délégués du personnel, à une indemnité qui ne saurait être inférieure à 12 mois de salaire ; que compte tenu de l'âge de la salariée, née en 1956, de son salaire mensuel moyen brut s'élevant à 1 930,06 €, de son ancienneté dans l'entreprise (6 ans et 11 mois) et des pièces et explications à l'audience relatives à sa situation personnelle et professionnelle, la cour lui allouera une indemnité fixée à 25 000 € ; qu'il lui sera, en outre, accordé, en application de l'article L 1226-14 du code du travail :
-une indemnité compensatrice d'un montant égale à l'indemnité compensatrice de préavis soit 3860,12 € (2 mois x 1 930,06 €), les dispositions de l'article L 5213-9 du code du travail, revendiquées par l'appelante, qui prévoient le doublement de la durée du délai-congé en faveur du salarié handicapé, n'étant pas applicables à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L 1226-14 du code du travail ;
-une indemnité spéciale de licenciement correspondant au double de l'indemnité légale de licenciement, la référence à l'indemnité conventionnelle de licenciement, évoquée par la salariée dans ses écritures, devant être écartée, d'un montant de 5 339,82 € (1 930,06 €/5 x 6 ans + 1930,06/5 € X 11/12 mois x2)
Attendu que Mme [X] [X] sollicite, d'autre part, le paiement de 18 592,81 € correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à la fin de sa période de protection en tant que déléguée du personnel suppléante, du fait du non-respect de la procédure spéciale de licenciement attachée à son statut de salariée protégée ; que cette indemnité réparant le même préjudice que l'indemnité accordée en application de l'article L 1226-15, cette demande sera rejetée ;
Attendu que la cour rejettera, en outre, les demandes en dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, Mme [X] [X] ne démontrant pas la réalité d'un préjudice non réparé par l'allocation allouée en application de l'article L 1226-15 du code du travail ; qu'il sera néanmoins fait exception de la remise avec un retard non discuté de 2 mois, en décembre 2012, des documents de fin de contrat, qui a nécessairement occasionné à la salariée un préjudice particulier que la cour réparera par l'allocation d'une indemnité fixée à 250 € ;
Attendu que Mme [X] [X] réclame également le paiement d'un mois de salaire, soit 1930,6 €, du fait que l'employeur n'aurait pas respecté le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation à l'entretien préalable, présentée le 5 octobre 2010 et la tenue de celui-ci le 9 octobre 2010 ; que l'indemnité sollicitée ne se cumulant pas avec celle accordée au bénéfice de l'article L1226-15 du code du travail, la demande sera rejetée ;
Attendu que l'ADAPEI des Alpes Maritimes sera tenue de remettre à Mme [X] [X] des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte, bulletin de salaire, certificat de travail) rectifiés compte tenu de cette décision, sans qu'il y ait lieu cependant à fixation d'une astreinte ;
Attendu que l'équité justifie d'allouer à Mme [X] [X] 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de l'ADAPEI des Alpes Maritimes qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
-Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nice du 4 juin 2013 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau
-Prononce la nullité du licenciement de Mme [X] [X] ;
-Condamne l'ADAPEI des Alpes Maritimes des Alpes Maritimes à payer à Mme [X] [X] :
25 000 € à titre d'indemnité de licenciement nul en application de l'article L1226-15 du code du travail,
3 860,12 € à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis,
5 339,82 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement,
250 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fins de contrat ;
-Dit que ces condamnations sont prononcées en deniers ou quittances compte tenu de l'indemnité de licenciement d'un montant de 7 000, 82 € perçue par la salariée ;
-Condamne l'ADAPEI des Alpes Maritimes des Alpes Maritimes à payer à Mme [X] [X] 1800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Enjoint à l'ADAPEI des Alpes Maritimes de remettre à Mme [X] [X] des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte, bulletin de salaire, certificat de travail) rectifiés compte tenu de cette décision ;
-Rejette toute demande plus ample ou contraire ;
-Condamne l'ADAPEI des Alpes Maritimes des Alpes Maritimes aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
G. BOURGEOIS