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11/06/2015 | FRANCE | N°14/01303

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 11 juin 2015, 14/01303


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2015



N° 2015/373

JPM











Rôle N° 14/01303





Association ACCOMPAGNEMENT PROMOTION INSERTION - API PROVENCE





C/



[F] [G]



























Grosse délivrée

le :

à :

Me Manuella GUERRE, avocat au barreau de GRASSE



Me Noëlle ROUVIER, avocat au b

arreau de DRAGUIGNAN





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de GRASSE - section E - en date du 21 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1828.







APPELANT...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2015

N° 2015/373

JPM

Rôle N° 14/01303

Association ACCOMPAGNEMENT PROMOTION INSERTION - API PROVENCE

C/

[F] [G]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Manuella GUERRE, avocat au barreau de GRASSE

Me Noëlle ROUVIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de GRASSE - section E - en date du 21 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1828.

APPELANTE

Association ACCOMPAGNEMENT PROMOTION INSERTION - API PROVENCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Manuella GUERRE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [F] [G], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Noëlle ROUVIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2015.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Madame [F] [G] a été embauchée par l'Association API PROVENCE, en qualité d'animatrice, statut employée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 5 septembre 2002. Dans le dernier état des relations contractuelles, la salariée a exercé les fonctions de directrice, action sociale, statut cadre.

Par lettre du 6 septembre 2010, la salariée a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 17 septembre 2010, en vue de son licenciement pour motif économique.

Par lettre du 17 septembre 2010, l'Association a porté à la connaissance de la salariée les motifs économiques à l'origine d'une nouvelle organisation conduisant à la suppression de son poste et elle lui a proposé, au titre du reclassement interne, le poste de référent 'médiation locative et sociale'. Par la même lettre, l'Association lui a remis les documents afférents à une convention de reclassement personnalisé en lui notifiant le délai légal de 21 jours à compter de ladite lettre.

Par lettre du 1er octobre 2010, la salariée a fait connaître qu'elle refusait le poste proposé et qu'elle acceptait la convention de reclassement personnalisé.

Par lettre du 7 octobre 2010, l'Association a notifié à la salariée que sa radiation des effectifs interviendrait le 8 octobre 2010 et, par lettre du 20 octobre 2010, elle lui a remis les documents de rupture.

Contestant son licenciement et réclamant diverses indemnités, la salariée a saisi, le 17 mars 2011, le conseil de prud'hommes de Grasse lequel, par jugement sur départage du 21 décembre 2012, a constaté que le licenciement de la salariée, par le directeur de l'Association, était sans cause réelle et sérieuse, a condamné cette Association à lui payer les sommes de:

-22389,42€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-8034,78€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-803,47€ au titre des congés payés afférents;

-3000€ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral;

-700€ au titre de l'article 700 du code procédure civile

et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

C'est le jugement dont l'Association API PROVENCE a régulièrement interjeté appe.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

L'Association API PROVENCE demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a statué sur la cause du licenciement et l'a condamnée à payer diverses sommes, le confirmer en ce qu'il a débouté la salariée de ses autres prétentions, statuer à nouveau, dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'elle n' a commis aucun manquement, en conséquence, débouter la salariée de toutes ses prétentions et la condamner à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile pour la première instance et celle de 3500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile pour la procédure d'appel.

Elle soutient que Monsieur [N], directeur général de l'Association, signataire des lettres afférentes à la rupture du contrat de travail, avait agi en vertu d'une délégation de pouvoirs donnée par le président de l'Association; que Monsieur [N] avait autorité sur les salariés qui lui étaient directement rattachés ce qui recouvrait pour lui le pouvoir de les licencier; qu'en tout état de cause, le conseil d'administration avait autorisé le projet de licenciement collectif découlant de la réorganisation de l'Association; que le 12 février 2013, la délégation de pouvoir incluant le pouvoir de licencier avait été réitérée; que s'agissant du motif économique de la rupture, elle produisait diverses pièces qui, selon elle, justifiaient de ses difficultés économiques et de la légitimité de sa réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité; qu'elle avait recherché loyalement les possibilités de reclassement; qu'elle ajoutait que la cour administrative d'appel de Marseille , saisie de la contestation du licenciement collectif pour motif économique par une salariée protégée, avait jugé que le motif économique était fondé et que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement; qu'en tout état de cause, la demande d'indemnisation au titre du licenciement était injustifiée dans son montant; que l'ordre des licenciements avait bien été respecté; qu'enfin, elle contestait l'existence de pressions exercées par l'employeur au cours de l'exécution de la relation de travail et, par voie de conséquence, l'existence d'un préjudice moral subi par la salariée.

Madame [F] [G] demande à la cour de:

-confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur la rupture du contrat de travail, sur l'existence d'un préjudice moral et en ce qu'il a alloué une indemnité au titre de l'article 700 du code procédure civile, y ajoutant, condamner l'appelante à lui payer les sommes de :

-50000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-11194,71€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ou 8034,78€, au cas où la cour tiendrait compte d'un versement effectué à concurrence de la somme de 3159,93€;

-1119,47€ ou 803,47€ au titre des congés payés afférents;

-10000€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral;

-à titre subsidiaire, dire que l'ordre des licenciements n'a pas été respecté et, en conséquence, condamner l'appelante à lui payer les sommes de:

-50000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-10072,68€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ou 6912,75€,au cas où la cour tiendrait compte d'un versement effectué à concurrence de la somme de 3159,93€,

-1007,26€ ou 691,27€ au titre des congés payés afférents;

-10000€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral;

-condamner l'appelante à lui payer la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Elle fait valoir que le directeur général de l'Association, qui avait procédé à son licenciement, n'avait pas le pouvoir de le faire, cette prérogative n'appartenant qu'au seul président; que la délégation produite n'était pas datée et, au demeurant, ne visait pas le pouvoir de licencier; que le licenciement était, pour ce seul motif, sans cause réelle et sérieuse; que sur le fond, elle contestait la réalité , l'origine et le caractère durable des difficultés économiques alléguées; qu'elle contestait aussi la recherche d'un reclassement loyal; que l'employeur, qui avait annoncé la création de plusieurs postes dans le cadre de la réorganisation, ne lui en avait proposé qu'un seul; que subsidiairement, l'ordre des licenciements n'avait pas été respecté; que l'Association s'était abstenue de déterminer cet ordre; que s'agissant du déroulement de la relation de travail, elle invoquait diverses pressions subies à l'origine d'un préjudice moral dont elle sollicitait aussi l'indemnisation.

SUR CE

Sur le licenciement

Il résulte des articles 14 , 15 et 18 des statuts de l'Association API PROVENCE que le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus en ce qui concerne le fonctionnement de l'Association et l'administration de son patrimoine, faisant et autorisant tous les actes et opérations permis à l'Association, qu'il peut déléguer, pour une durée déterminée, tout ou partie de ses pouvoirs au bureau ou donner, pour un objet déterminé, mandat à un administrateur, un membre du bureau ou toute personne de son choix, que le président, ou à défaut le vice-président, du conseil d'administration représente l'Association en justice et dans tous les actes de la vie civile, que le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour régir, gérer et administrer l'Association et qu'il a la faculté de déléguer certains de ses pouvoirs aux membres du bureau et au directeur général. Il suit de ces dispositions statutaires que le conseil d'administration et le président de l'Association étaient seuls investis du pouvoir de licencier, ce pouvoir pouvant cependant être délégué.

En l'espèce, il est constant que les diverses lettres afférentes à la rupture du contrat de travail de la salariée qui a été licenciée pour motif économique, en l'espèce, la convocation du 6 septembre 2010 à un entretien préalable en vue du licenciement, la lettre du 17 septembre 2010 exposant les difficultés économiques à l'origine de la suppression du poste de la salariée et lui proposant la convention de reclassement personnalisé, la lettre du 1er octobre 2010 notifiant la rupture du contrat de travail consécutivement à l'acceptation par la salariée de ladite convention, ont toutes été signées par Monsieur [O] [N] dont le nom et la qualité de directeur général figurent sur chacune d'elles. Pour prétendre que Monsieur [N] avait reçu le pouvoir de licencier, l'Association invoque l'existence d'une délégation de pouvoir et produit une délégation écrite (sa pièce n°13). Toutefois , il sera constaté que cette délégation de pouvoirs n'est pas datée et, au demeurant, que le pouvoir de licencier n' y est pas visé puisque l'article 1 de cette délégation énonce en termes généraux que Monsieur [N] 'disposera de tous les moyens nécessaires. Il assumera personnellement les obligations et responsabilités pouvant découler de ses attributions et pouvoirs' et que l'article 3 énonce, en termes tout aussi généraux, que Monsieur [N] a 'autorité sur l'ensemble du personnel ...il reconnaît donc être responsable des éventuels manquements des salariés qui lui sont directement rattachés.' Contrairement à ce que l'Association soutient, il ne saurait se déduire de ces deux articles la preuve d'une délégation du pouvoir de licencier même implicite. Les délibérations de l'assemblée générale produites aux débats pour la période antérieure au licenciement, également invoquées par l'appelante, ne visent aucun pouvoir donné à Monsieur [N] de licencier les salariés, en sa qualité de directeur général, mais seulement celui de signer des chèques et de procéder aux opérations courantes de fonctionnement. Enfin, la décision du conseil d'administration du 12 février 2013, reconnaissant que le directeur général avait le pouvoir de licencier depuis une précédente délégation du 24 juin 2008, ne saurait pallier rétroactivement le défaut de justification d'une délégation de pouvoir régulièrement donnée à cette date.

Dans ces conditions, le jugement qui, après avoir constaté l'absence de délégation de pouvoir régulière, en a tiré la conséquence que le défaut de qualité du signataire de la lettre de rupture rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il ne soit dès lors nécessaire d'examiner le moyen tiré du défaut de reclassement et le moyen subsidiaire tiré de l'ordre des licenciements, mérite confirmation.

Au jour du licenciement, la salariée avait huit d'années d'ancienneté dans une entreprise comptant plus de onze salariés. Son salaire moyen brut était de 3731,57€. Elle est née en 1964. Elle justifie avoir suivi des actions de formation qualifiante, avoir procédé à plusieurs recherches d'emploi et avoir bénéficié, pour le début de l'année 2011, d'une allocation spécifique de reclassement d'un montant mensuel net de 2801,78€ et, pour la fin de l'année 2011, de l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant mensuel net de 1877,05€. Elle produit un bulletin de salaire du mois de janvier 2015 établissant qu'elle avait retrouvé un emploi d'attachée territoriale au sein du CCAS de Nice , catégorie A, statut non titulaire, pour un salaire brut mensuel de 2674,69€.Elle n'a donc pas retrouvé son niveau de rémunération antérieure. En l'état de tous ces éléments, la cour, entrant en voie de réformation, condamnera l'Association appelante à lui payer la somme de 30000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la salariée a droit à une indemnité compensatrice au titre du préavis. Les éléments produits permettent de fixer son salaire moyen à la somme de 3731,57€,comme cela résulte de l'attestation pôle emploi, soit une indemnité de ce chef égale à 11194,71€. Toutefois, l'employeur ayant déjà versé à ce titre la somme de 3159,93€, la condamnation ne portera que sur le solde restant dû soit la somme de 8034,78€. A cette dernière somme s'ajoute l'incidence sur les congés payés soit la somme de 803,47€. Le jugement qui a condamné l'Association a payé lesdites sommes sera donc confirmé.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Si la salariée n'énonce pas très clairement que sa demande est fondée sur le harcèlement moral, il se déduit cependant du régime de la preuve, auquel elle se réfère et dont elle sollicite l'application, qu'elle fonde bien sa demande sur le harcèlement moral, moyen d'ailleurs examiné par le premier juge et auquel l'appelante répond précisément en cause d'appel.

Au soutien de cette demande d'indemnisation, la salariée fait valoir que l'employeur l'avait, pendant plusieurs mois, poussé à la démission, après que les directeurs opérationnels aient fait état auprès de l'employeur de ses difficiles conditions de travail, qu'elle avait été évincée des réunions de direction, qu'elle avait été la seule à ne pas avoir bénéficié d'un assistant, malgré l'ampleur de sa tâche comprenant deux départements, que pour toute réponse, elle avait reçu, le 23 avril 2009, un avertissement pour des dysfonctionnements répétés , avertissement qu'elle avait contesté, que l'employeur avait bloqué le dialogue social dans l'entreprise, qu'en novembre 2009, elle avait constaté que la gestion de certains dossiers lui avaient été retirée, qu'en mars 2010, elle avait fait observer à l'employeur que plus aucune information relative à son champ d'activité ne lui était communiquée, qu'elle avait été en réalité mise au placard, que de nouveaux reproches lui avaient alors été adressés au sujet d'un prétendu emploi chez un autre employeur, que son secrétariat avait été supprimé, qu'une mutation lui avait été imposée [Localité 1] à [Localité 2], qu'elle avait dû déménager seule son bureau.

Elle produit, pour étayer ces divers griefs, les pièces suivantes:

-un compte-rendu de réunion du 4 février 2008 et un compte -rendu de réunion du 18 février 2008, émanant de la direction générale, dans lesquels il est fait état, pour le premier document, du blocage des accords d'entreprise et, pour le second, de la décision du directeur général de voir les directeurs financiers constituer son équipe de direction et les directeurs d'unité opérationnelle appliquer les consignes données par la direction générale;

-un document du 12 janvier 2009, établi par des directeurs d'unité opérationnelle à l'attention de l'Association, dénonçant un climat social délétère et inquiétant, une souffrance au travail, un défaut d'information, voire une méconnaissance, du comité d'encadrement opération et la suppression des réunions des directeurs d'unité opérationnelle , le non respect des valeurs éthiques énoncées dans la charte, l'existence de dysfonctionnements organisationnels tels que le fait que la directrice de l'action sociale, en l'espèce, Madame [G], était la seule à ne pas avoir d'assistant au regard de l'ampleur de sa tâche sur deux départements;

-une lettre adressée à l'Association, le 6 janvier 2009, par cinq directeurs d'unité opérationnelle, dénonçant une rétention d'information, une dégradation du climat social, une opacité du budget et s'interrogeant sur la réorganisation économique ou sur un plan de sauvegarde des emplois:

-une lettre du 23 avril 2009 du directeur général lui reprochant, en sa qualité de directrice de l'action sociale, divers dysfonctionnements répétés depuis un an, dans la mise en oeuvre de l'organisation en matière de subvention de fonctionnement, les derniers retards étant qualifiés de majeurs et mettant en péril l'octroi de subvention;

-la réponse du 5 juin 2009 de la salariée contestant les reproches ci-dessus en indiquant de façon très détaillée avoir notamment suivi le protocole appelé 'schéma de procédure de demandes de subvention', datant du 1er mai 2007, et rappelant que tous les dossiers de subvention ne passaient pas nécessairement par elle, cette réponse se terminant par une demande d'information sur les dossiers concernés par les dysfonctionnements;

-un courriel du directeur général, du 19 novembre 2009, lui retirant la responsabilité du dossier subvention;

- une lettre du 2 février 2010, adressée par le syndicat CGT et le syndicat UNSA à l'Association, faisant état d'une situation sociale préoccupante dénoncée par des salariés (maltraitance, rétention d'informations, suppression des moyens entraînant une surcharge de travail, une pression morale, des injonctions paradoxales, la suppression du comité d'encadrement et d'orientation, le basculement d'un management participatif...) le tout entraînant de la souffrance chez le personnel, dont une augmentation de 20% des arrêts maladie chez les cadres, des démissions ou des ruptures conventionnelles, une tentative de suicide. Cette lettre énonce aussi que malgré les alertes courant juin, septembre, novembre 2009, l'employeur n'avait pas restauré le climat social dans l'entreprise;

-une lettre de la salariée, adressée le 9 juillet 2010 au directeur général, déplorant, d'une part, que pour la première fois, depuis 2006, il lui avait été demandé par le directeur général, le 23 avril 2010, de rédiger son rapport d'activité selon un cahier des charges précis alors que le fond et la forme de ses rapports des années précédentes avaient toujours donné lieu à des félicitations et qu'à la date du 9 juillet 2010, ce cahier des charges ne lui avait toujours pas été transmis par lui, et dénonçant, d'autre part, comme elle lui avait déjà indiqué, par courriel du 24 mars 2010, qu'elle n'était plus destinataire d'informations entrant dans son champ d'intervention, cette situation ayant débuté en octobre 2009;

-la réponse, non datée du directeur général mais réceptionnée fin août 2010 par la salariée, lui faisant savoir qu'il avait lui même achevé le rapport d'activité, le 18 juin 2010, lequel rapport avait été présenté par lui au conseil d'administration, lors de sa réunion du 22 juin 2010, qu'il lui reprochait, au motif qu'elle était censée connaître les échéances, de n'avoir pas pris l'initiative de lui adresser un projet de rapport, que certes, il aurait pu l'informer de la rédaction du rapport mais que ses charges de travail l'avaient contraint à édicter des priorités, qu'il contestait la qualité du rapport dressé par elle en 2008, qu'il lui rappelait, au sujet du déficit d'information dont elle se plaignait, qu'il lui appartenait de passer au siège récupérer elle-même les informations, ce que, contrairement aux autres directeurs, elle ne faisait pas et, enfin, qu'elle n'avait pas à représenter pendant ses réunions une autre structure que celle de son employeur;

-la réponse faite par elle, le 5 septembre 2010, lui rappelant qu'il n'avait jamais répondu à ses nombreuses relances des 28 avril, 30 avril et 11 mai 2010, par lesquelles elle lui avait réclamé le cahier des charges, qu'elle contestait donc le fait de devoir appliquer un cadre de travail non précisé, que pour le rapport d'activité 2008, elle avait dû le rédiger seule puisqu'il lui avait supprimé son secrétariat et, enfin, qu'elle ne comprenait pas l'allusion au fait qu'elle aurait pu consacrer son temps de travail à un autre employeur;

-le courriel ci-dessus évoqué du 30 avril 2011;

-un échange de courriels, entre son directeur général et elle , les 3 et 5 août 2010, lui demandant, pour des motifs de mission urgente (accompagnement des sinistrés du Var), de transférer provisoirement le bureau de Madame [G] [C]l à [Localité 2], demande à laquelle elle avait déféré tout en faisant savoir qu'une autre solution, moins déstabilisante pour elle, aurait pu être prise alors qu'elle partait en congés.

Sur ce dernier point, la salariée reconnaît elle-même l'existence d'une situation d'urgence de sorte que le fait de lui avoir demandé de changer de bureau, fut ce de façon précipitée, pour un motif impérieux, de surcroît en lien direct avec l'objet et l'activité de l'Association, ne saurait être objectivement retenu contre l'employeur.

De même, il sera constaté que les faits invoqués au soutien du grief tiré de la dégradation du climat social dans l'entreprise, des défaillances imputées à l'employeur dans les réunions du CEO (comité d'encadrement opération) et des défaillances dans l'organisation des services, dirigés par les directeurs d'unité opérationnelle, ne sauraient laisser présumer, même pris dans leur ensemble, une situation de harcèlement moral à l'égard de Madame [G]. En effet, les faits dénoncés dans les lettres de doléances des syndicats ne sont pas objectivés par des éléments matériels. Il sera en outre relevé que si le dialogue social avait pu être difficile dans l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'aucune entrave n'avait été dénoncée ou établie, que les documents internes produits par l'employeur, notamment les diverses réunions du comité d'entreprise, démontrent que ce dialogue social avait quand même eu lieu, que les délégués du personnel avaient continué à être réunis et consultés, que le 15 septembre 2008, un accord d'entreprise avait même été signé et, en définitive, que les modifications dans l'organisation des services qu'il était reproché à l'employeur d'avoir décidées, procédaient de son pouvoir de direction obéissant à un objectif de rationalisation du fonctionnement interne de l'Association, que tant cet objectif que les critiques émises par les directeurs opérationnels sur l' opportunité et l' efficacité de ces décisions restaient étrangers à un quelconque harcèlement moral.

En revanche, le fait d'avoir laissé Madame [G] être la seule directrice sans assistant, malgré l'importance de ses tâches, de lui avoir retiré, deux ans plus tôt, son secrétariat, de lui avoir reproché, pour la première fois et après huit années d'ancienneté, divers dysfonctionnements graves alors que la salariée avait expliqué, sans jamais avoir été contredite, avoir suivi le schéma procédural préconisé par l'employeur, de lui avoir retiré une partie de ses tâches consistant à gérer le dossier subvention, de lui avoir soudainement imposé, contrairement aux années précédentes, un cadre précis pour la rédaction du rapport annuel d'activité devant être présenté au conseil d'administration, de ne lui avoir pas transmis ce cadre, malgré les relances de la salariée, d'avoir passé outre la rédaction de ce rapport, sans l'en informer, de lui avoir imputé d'utiliser une partie de son temps de travail, payé par l'Association, pour les besoins d'un autre employeur et d'avoir omis de lui communiquer des informations entrant dans son champ de compétence, constituent autant d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, lesquels, pris dans leur ensemble, laissent présumer une situation de harcèlement moral.

Il incombe dès lors à l'employeur de rapporter la preuve des éléments objectifs justifiant de tels agissements. Pour l'essentiel des agissements litigieux, l 'Association reprend ou renvoie aux mêmes pièces que celle de l'intimée. .

S'agissant des faits reprochés à la salariée, dans la lettre du 23 avril 2009, l'employeur se borne à expliquer qu'il ne s'agissait pas d'une sanction mais d'une simple note. Cette explication reste inopérante dans la mesure où cette lettre imputait de graves dysfonctionnements à la salariée et qu'elle était susceptible d'être classée dans son dossier. S'agissant des faits eux-mêmes, l'employeur, qui se limite à renvoyer à la motivation circonstanciée de cette lettre, ne produit pour autant aucun élément matériel étayant de tels reproches. Or, alors que la salariée avait contesté les faits de façon très précise, dans sa lettre du 5 juin 2009, en rappelant, d'une part, qu'elle n'avait fait que suivre le schéma procédural de l'employeur et en sollicitant, d'autre part, des précisions sur les noms des dossiers, ce qui aurait permis une discussion contradictoire puisqu'elle indiquait aussi que tous les dossiers ne passaient par elle, l'employeur s'était bien gardé de répondre à cette lettre de la salariée de sorte qu'aujourd'hui , il est incapable de justifier du non respect par elle des procédures internes ainsi que des dossiers concernés. En outre, par un courriel du 19 novembre 2009, le directeur général, invoquant des dysfonctionnements rencontrés dans le dossier subvention, sans que l'on sache s'ils s'agissait des mêmes dysfonctionnements que ceux évoqués par lui le 23 avril 2009, avait notifié à la salariée que le dossier subvention passait désormais sous la responsabilité de la direction générale. Si les motifs de bonne gestion invoqués aussi dans ce courriel étaient légitimes de la part de l'employeur et s'il y était encore indiqué qu'elle conservait, pour ce dossier, le volet technico-social, de sorte qu'elle n'était pas totalement dessaisie, il n'en demeurait pas moins qu'une autre partie de ce dossier lui avait bel et bien été retirée au profit de la direction générale, que la motivation première de ce retrait partiel d'une partie de ses tâches reposait sur des dysfonctionnements qui lui étaient imputés et qu'en l'état, ces dysfonctionnements n'étaient pas démontrés.

Ensuite, s'agissant du cahier des charges concernant la rédaction du rapport d'activité annuelle, il est constant qu'au cours des années précédentes , Madame [G] avait été chargée de rédiger ce rapport, que pour la première fois, en 2010, le directeur général lui avait demandé de suivre un schéma précis appelé par les parties, cahier des charges. Il est démontré par Madame [G] que, malgré les demandes réitérées de cette dernière , le directeur général, qui ne l'avait pas contesté, ne lui avait jamais transmis ce cahier des charges, qu'il avait en définitive rédigé seul le rapport d'activité sans prévenir Madame [G] et il l'avait transmis directement au conseil d'administration à l'insu de la salariée. L'explication donnée par le directeur général consistant à soutenir, dans sa réponse écrite, qu'il appartenait à Madame [G] de prendre l'initiative de rédiger un projet de rapport, au motif qu'elle connaissait les échéances du calendrier, est totalement inopérante dans la mesure où cela revenait à la soumettre à des instructions contradictoires ou paradoxales, la salariée ne pouvant pas, même d'initiative, suivre un cadre de rédaction qu'elle avait réclamé plusieurs fois et qui ne lui avait jamais été communiqué. Le comportement du directeur général avait eu en réalité pour objet, ou en tout cas pour effet, ce qu'il ne pouvait pas ignorer, de laisser croire à la salariée qu'elle était devenue inutile et, partant, à porter atteinte à sa dignité. Enfin, l'accusation, dans la lettre du directeur général, de ce que la salariée avait réservé une partie de son temps de travail, pour le compte d'un autre employeur, n'est pas étayée et apparaît, en l'état, de nature à remettre gravement en cause, sans raison, la loyauté de la salariée.

Les agissements ci-dessus analysés, qui ne sont pas justifiés par des éléments objectifs, suffisent à eux seuls à caractériser des faits de harcèlement moral, sans qu'il ne soit besoin d'examiner les faits afférents à l'absence d'assistant, à la suppression de son secrétariat et ceux tirés du défaut de communication des informations entrant dans le champ d'intervention de la salariée. Compte tenu de la nature du manquement constaté et de la durée des agissements, l' Association sera condamnée à payer la somme de 5000€ à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, le jugement étant réformé sur ce point.

Sur l'article 700 du code procédure civile

L'équite commande d'allouer à l'intimée la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale;

Reçoit l'Association API PROVENCE en son appel;

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Grasse du 21 décembre 2012 en ce qu'il a statué sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral, statuant à nouveau, condamne l'Association API PROVENCE à payer à Madame [F] [G] les sommes de:

-30000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-5000€ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral;

Confirme le jugement pour le surplus et, y ajoutant, condamne ladite Association à payer à Madame [F] [G] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Condamne l'Association API PROVENCE aux entiers dépens

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/01303
Date de la décision : 11/06/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-11;14.01303 ?
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