COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2015
N° 2015/369
Rôle N° 13/16054
[Q] [T] épouse [N]
C/
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Fabien COLLADO, avocat au barreau de GRASSE,
- Me Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section Encadrement - en date du 30 Décembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1744.
APPELANTE
Madame [Q] [T] épouse [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Fabien COLLADO, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 2]
représentée par Me Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2015 prorogé au 02 juin 2015 et 09 Juin 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2015.
Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [Q] [T] épouse [N] a conclu avec son conjoint Monsieur [Z] [N] un premier contrat de cogérance avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE pour la gestion d'une supérette le 2 juin 1989 à [Localité 1], suivi de plusieurs autres contrats du même type, le dernier en date du 21 juillet 2000 pour une supérette sise à [Localité 2].
Par suite de problèmes de santé ayant débuté en mai 2006, suivi d'une chute dans un escalier en juin 2006, Mme [N] a connu une période d'incapacité totale de travail jusqu'en mai 2009. Le 14 mai 2009, le médecin conseil de la sécurité sociale a indiqué que celle-ci présentait un état d'invalidité, 2ème catégorie, réduisant son activité, d'après elle, au 1/3 de sa capacité de travail . Elle a poursuivi son activité ainsi jusqu'à l'accident de son conjoint intervenu dans le magasin le 20 janvier 2010, date à laquelle elle s'est trouvée en arrêt de travail.
Le 13 décembre 2010, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande tendant à voir, dans un premier temps, requalifier le contrat de co-gérance non salariée en contrat de travail, dans un deuxième temps, résilier le contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, en ce qu'elle n'aurait pas pris toutes les mesures de sécurité qui s'imposaient, et, dans un troisième temps, condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer les sommes suivantes:
' 2.332,83 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis
' 233,28 € au titre des congés payés y afférents
' 5.832,07 € au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
' 18.662,64 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 15.000 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence.
' 84.210 € au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires.
' 4.665,66 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
'1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 30 décembre 2011, Mme [N] a été déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Le 2 février 2012, Mme [N] a relevé appel de cette décision.
Le 24 septembre 2012, M.[N] a été classé en invalidité catégorie 2 et par courrier du 30 octobre 2012, il a sollicité de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE l'organisation d'une visite de reprise; la première a eu lieu le 20 novembre 2012 et la seconde le 2 janvier 2013. M.[N] a été déclaré inapte au poste de gérant mandataire.
De même, Mme [N] a passé une première visite de reprise le 6 décembre 2012 puis une seconde le 2 janvier 2013 à l'issue desquelles elle a été déclarée inapte au poste de gérant mandataire non salarié.
Le 1er février 2013, Mme [N] a été convoquée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à un entretien préalable à une éventuelle rupture du contrat de cogérance mandataire non salariée.
Par courrier du 18 février 2013, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a notifié à Mme [N] la rupture du contrat aux motifs de l'inaptitude de cette dernière à exercer sa fonction de cogérant mandataire non salarié et de l'impossibilité d'opérer un reclassement. La même procédure a été suivie à l'égard de M.[N].
La cour a rendu le 4 juin 2013 un arrêt prononçant la radiation de l'instance et le 15 juillet 2013 Mme [N] a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle.
A la même date que Mme [N], M. [N] a engagé une procédure prud'homale sur les mêmes fondements et il a également été débouté de l'ensemble de ses demandes par un jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 30 décembre 2011 dont il a relevé appel le 2 février 2012.
' Dans ses écritures développées à la barre, l'appelante Mme [N] demande à la cour de:
'A titre principal :
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-+ Constater que la rupture du contrat de gérance non salariée pour inaptitude est intervenue le 18 février 2013 à l'initiative de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE
-+ Requalifier le contrat de gérant en un contrat de travail à durée indéterminée
-+ Constater l'absence de tentative de reclassement du salarié
-+ Dire que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse
En conséquence:
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 1.467,98 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 146,79 € au titre des congés payés y afférents.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 4.648,41€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 17.615,76 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 3.986,17 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires réalisées.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 398,61 € à titre de congés payés sur rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 4.403,64 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Madame [N] une indemnité de 411,67 € sur le fondement de l'article L. 1226-4 du code du travail
-+Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Mme [N] une indemnité de 26.028,59 € au titre de la suspension anormale du contrat.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Madame [N] une indemnité de 1.098 € à titre de dommages et intérêts pour impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Madame [N] une indemnité de 733,99 € sur le fondement de l'article L. 1235-2 du code du travail.
-+ Ordonner la remise par la société DISTRIBUTION CASINO France de l'ensemble des documents sociaux à Mme [N], à savoir, l'ensemble des bulletins de salaire rectifiés, l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail ainsi que le solde de tout compte.
A titre subsidiaire :
-+ Constater que la rupture du contrat de gérance non salariée pour inaptitude est intervenue le 18 février 2013 à l'initiative de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE
-+ Constater l'absence de tentative de reclassement de Mme [N]
-+ Dire que la rupture du contrat de gérance non salariée est sans cause réelle ni sérieuse
En conséquence :
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 1.467,98 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 146,79 € au titre des congés payés y afférents.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 3.376,35 € au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 17.615,35 € à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse,
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 3.986,17€ à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires réalisées.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 398,61€ à titre de congés payés sur rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Monsieur [N] une indemnité de 968,14 € sur le fondement de l'article L. 1226-11 du code du travail.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Madame [N] une indemnité de 411,67 € sur le fondement des articles L. 1226-4 du code du travail.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer une indemnité de 26.028,59 € au titre de la suspension anormale du contrat.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Mme [N] une indemnité de 3.254,01€ au titre de la perte d'un avantage à la retraite.
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-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Madame [N] une indemnité de 1.098 € à titre de dommages et intérêts pour impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation.
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO à payer à Madame [N] une indemnité de 733,99 € sur le fondement de l'article L. 1235-2 du code du travail.
-+ Ordonner la remise par la société DISTRIBUTION CASINO France de l'ensemble des documents
-+ Dire que les sommes porteront intérêts à compter de la présente décision et ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil.
En tout état de cause :
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France à payer à Madame [N] la somme de 10. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure de première instance et d'appel.
-+ Ordonner la communication et la rectification des documents sociaux à savoir l'attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte et le certificat de travail sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir;
-+ Condamner la société DISTRIBUTION CASINO France aux entiers dépens'.
' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience, l'intimée demande à la cour de :
'Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
A Titre principal:
Dire qu'il n'existe aucun lien de subordination entre DISTRIBUTION CASINO FRANCE et les consorts [N], dans le cadre des relations contractuelles les liant.
Confirmer le jugement entrepris en rejetant les prétentions de Madame [Q] [N] quant à la requalification du contrat de co-gérance en contrat de travail.
Dire qu'en l'absence de contrat de travail, liant les parties, DISTRIBUTION CASINO France n'était pas tenu à une obligation de reclassement.
En rejetant la demande de requalification du contrat de co-gérance en contrat de travail, il conviendra de débouter Madame [N] de la demande d'analyser la rupture du contrat «en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du non respect de l'obligation de reclassement »,
Confirmer le jugement entrepris en déboutant Madame [N] de sa demande « d'indemnité compensatrice de préavis» comme non fondée.
Très subsidiairement, dire que Madame [N] ne pourrait prétendre de ce fait qu'à une somme de 1.025,10 €.
Confirmer le jugement entrepris en déboutant Madame [N] de sa demande « d'indemnité conventionnelle de licenciement» comme non fondée.
Très subsidiairement, dire que Madame [N] ne pourrait prétendre de ce fait qu'à une somme de 2.648,10 €.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [N] de la demande d'analyser la rupture du contrat « en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du non respect de l'obligation de reclassement »,
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 17.615,76€ au titre de dommages et intérêts de ce chef.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [N] de sa demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 10.000 € au titre de dommages et intérêts «pour préjudice distinct »,
Débouter Madame [N] de la demande tendant à voir déclarer nulle la clause de non concurrence.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 15.000 € au titre de dommages et intérêts pour préjudice résultant de l'existence de cette clause de non concurrence.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 21.292,72 € au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 3.986,17 € au titre du rappel de salaire sur les heures supplémentaires et la somme de 398,61 € au titre des congés payés y afférent.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 10.250 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Débouter Mme [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO FRANCE à lui payer la somme de 4.403,64 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 411,76 € sur le fondement de l'article L.1226-4 du Code du Travail.
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Débouter Mme [N] de la demande de condamnation de la société DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 26.028,59 € au titre de 'suspension anormale du contrat'.
Débouter Mme [N] de la demande de condamnation de la société DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 1.098 € au titre d'impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation, cette possibilité étant visée dans la lettre de rupture.
Débouter Mme [N] de la demande de condamnation de la société DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 733,99 € sur le fondement de l'article L1235-2 du code du travail.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [N] de la demande de délivrance, sous astreinte, de documents sociaux.
A Titre subsidiaire :
Constater que, du fait de l'impossibilité pour les co-gérants de remplir le mandat qui leur a été confié, le contrat de co-gérance ne pouvait perdurer.
Débouter Madame [N] de la demande tendant à voir déclarer la rupture du contrat de co-gérance liant les parties, prononcée en date du 18 février 2013, dénuée de cause réelle et sérieuse.
Dire que DISTRIBUTION CASINO France n'était pas tenue à « une obligation de reclassement» dans le cadre de cette rupture.
Débouter Madame [N] de sa demande «d'indemnité compensatrice de préavis» comme non fondée.
Très subsidiairement, dire que Madame [N] ne pourrait prétendre de ce fait qu'à une somme de 1.025,10 €.
Débouter Madame [N] de sa demande « d'indemnité conventionnelle de licenciement» comme non fondée.
Très subsidiairement, dire que Madame [N] ne pourrait prétendre de ce fait qu'à une somme de 2.648,10 €.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 17.615,76 € au titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse.
Dire que le gérant mandataire non salarié ne peut à la fois prétendre à une indemnité de résiliation conventionnelle et à des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat.
Débouter Madame [N] de la demande tendant à voir déclarer nulle la clause de non concurrence.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 15.000 € au titre de dommages et intérêts pour préjudice résultant de l'existence de cette clause de non concurrence.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 3.986,17 € au titre de rappel de salaire sur 'les heures supplémentaires prétendument réalisées' et la somme de 398,61€ au titre de congés payés afférent.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 411,67 € sur le fondement de l'article L.1226-4 du Code du Travail.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 26.028,59 € au titre 'de suspension anormale du contrat'
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 3.254,01 € au titre de ' la perte d'un avantage à la retraite'.
Débouter Mme [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 1.098 € au titre de dommages et intérêts pour impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation.
Débouter Madame [N] de la demande de condamnation de DISTRIBUTION CASINO France à lui payer la somme de 733,99 € sur le fondement de l'article L1235-2 du code du travail.
Débouter Madame [N] la demande de délivrance, sous astreinte, de documents sociaux.
La condamner à payer à DISTRIBUTION CASINO France au titre de l'article 700 du C.P.C la somme de 1.500 €.
La condamner aux entiers dépens de la procédure par application de l'article 696 du C.P.C'.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
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Sur le fond :
- sur la demande de requalification du contrat-
Mme [N] sollicite la requalification du contrat de cogérance non salariée la liant à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en un contrat de travail.
Il est souligné que M. et Mme [N] ont signé avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, sans réserve, à cinq reprises, un contrat spécifique, leur conférant la qualité de cogérants mandataires non salariés d'une succursale de commerce de détail alimentaire.
Ce statut particulier est prévu dans le code du travail par les articles L7322-1 et suivants ainsi que par les dispositions de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés du 18 juillet 1963 modifié.
Il s'agit d'un contrat de mandat conférant la gestion non salariée d'une succursale de commerce de détail alimentaire.
Mme [N] soutient que ce contrat est en réalité un contrat de travail.
Le contrat de travail, qui attribue la qualité de salarié, est caractérisé par trois éléments:
- un travail
- un salaire
- un lien de subordination.
Le lien de subordination est constitué par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives , d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Il s'agit de déterminer un lien de subordination juridique et non par un lien de dépendance économique.
C'est à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail à en rapporter la preuve.
Mme [N] soutient qu'elle n'avait aucune indépendance et elle met en avant :
- des prix imposés,
- des contrôle réguliers,
- des horaires de travail imposés.
L'article L7322-2 du code du travail prévoit :
« Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité.
La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposés est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat ».
Le dernier alinéa de ce texte répond déjà à l'argument des prix imposés par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
Sur la rémunération, il est relevé que Mme [N] était rémunérée par une commission fixe sur les ventes, arrêtée à 6% et que M. et Mme [N] avaient eux même décidé de la répartir de la manière suivante: 70% pour M.[N] et 30% pour Mme [N] . Il a été jugé que le couple est 'considéré comme gérant unique recevant une rémunération unique, répartie ensuite selon un pourcentage convenu entre le mari et la femme'.
Il ne s'agit donc pas de salaires.
Le contrat de cogérance non salariée des époux [N] prévoyait en son article 2: "Les co-gérants seront indépendants dans leur gestion, dans la limite du dit mandat ... de même, ils engageront à leur frais, pour leur propre compte et sous leur seule responsabilité, le personnel qu'ils estimeront utile à leur exploitation".
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Or dès lors qu'un gérant peut se substituer un tiers ou employer du personnel, il ne peut revendiquer la qualité de salarié.
Certes, souvent cette embauche est décidée en fonction de l'importance de la clientèle et du chiffre d'affaires réalisé, néanmoins cette possibilité existe et elle a bien été donnée à M. et Mme [N].
L'indépendance dans la gestion était également affirmée dans le contrat de cogérance.
Sur l'ouverture du magasin, il était prévu au contrat selon une disposition générale, que celle ci devait être assurée 'conformément aux coutumes locales des commerçants détaillants d'alimentation générale'. En dehors de cette indication, M. et Mme [N], qui avaient eux mêmes fixés par courrier du 31 juillet 2000 les horaires d'ouverture de la manière suivante,
*jour de fermeture hebdomadaire le dimanche et le lundi toute la journée,
*horaires d'ouverture de 7h30 à 12h30 et de 15h30 à 19h30,
ne démontrent pas avoir reçu une quelconque directive. Il en est de même quant à l'organisation et répartition du travail entre eux deux.
Sur les contrôles, étant rappelé que le mandant, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, reste propriétaire des marchandises qu'il confie aux mandataires, le contrôle sur ces marchandises, le contrôle sur le respect de la politique commerciale (participation aux opérations promotionnelles, tenue vestimentaire), le contrôle sur la concordance entre les ventes réalisées et les sommes encaissées selon les prix qui peuvent être imposés, et donc par suite les opérations d'inventaire avec comme corollaire la possibilité pour le mandant de rompre le contrat pour manquant de marchandises, ressortent logiquement des dispositions du contrat de mandat de cogérance non salariée et constituent l'exercice par le mandant, non pas d'un pouvoir disciplinaire d'employeur, mais seulement d'un contrôle du respect des obligations contractuelles.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [N] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination ; c'est donc à bon droit que la juridiction prud'homale l'a déboutée de sa demande de requalification du contrat de cogérance en un contrat de travail ainsi que de sa demande de constat d'une rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ( Mme [N] faisant valoir que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait nullement recherché un reclassement pour elle suite au constat de son inaptitude) et des demandes subséquentes, à savoir le paiement d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents, le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande d'une indemnité en application de l'article L1226-4 du code du travail (Mme [N] soutenant qu'étant ni licenciée ni reclassée à l'issue du délai d'un mois après la deuxième visite de reprise ayant donné lieu au constat de son inaptitude, le paiement de ce qu'elle considère comme un salaire devait être repris), l'indemnité correspondant à un mois de commission (chiffrée à 733,99 €) fondée sur l'article L1235-2 du code du travail pour irrégularité de procédure, la remise de documents sociaux (bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Assedic) sous astreinte, et enfin la demande d'indemnité pour impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation (cette possibilité étant visée dans la lettre de rupture du contrat).
- sur la rupture du contrat de gérance non salariée-
Mme [N] fonde sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de gérance non salariée sur le fait que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rompu le 18 février 2013 le contrat au seul motif de son inaptitude professionnelle et non sur l'impossibilité de la reclasser suite à cette inaptitude. Elle vise le manquement de 'l'employeur' à son obligation de reclassement.
Il est rappelé que le contrat de travail n'a pas été retenu. Il n'y a donc pas d'un côté un employeur et de l'autre un salarié.
Sur les dispositions du code du travail applicables au gérants non salariés tels que définis à l'article L7322-2 du code du travail, il convient de se référer à l'article L7322-1 du même code.
Il s'évince de cet article que seules certaines dispositions du code du travail sont applicables ' l'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre 1er de la troisième partie relative à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail, lorsque les
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conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord'.
Les dispositions des articles L1226-2 et suivants du code du travail ne font pas partie des dispositions applicables au gérant non salarié d'une succursale de commerce de détail alimentaire.
Il en résulte que cette obligation de rechercher loyalement un reclassement et selon certaines conditions bien précises qui incombe à l'employeur en cas de déclaration d'inaptitude du salarié suite à une maladie ou un accident non professionnel, n'incombe pas en revanche au mandant dans le cadre du contrat de gérance mandataire non salariée d'une succursale de commerce de détail alimentaire.
En l'espèce le constat de son inaptitude n'est pas remis en cause par Mme [N] ; aucune obligation de recherche d'un reclassement ne s'imposait à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ; par conséquent, l'impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat par Mme [N] constituait bien une cause effective et objective de rupture de ce contrat par le mandant, une cause réelle et sérieuse.
C'est donc à bon droit que Mme [N] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts relative au préjudice qui d'après elle résultait d'une rupture abusive du contrat.
Mme [N] réclame le paiement d'une indemnité conventionnelle de rupture, soit la somme de 3.376,35€ en visant les dispositions concernant le licenciement (L1231-1 du code du travail). Or, Mme [N] ne peut bénéficier que de l'indemnité conventionnelle de résiliation prévue à l'article 15 de l'accord collectif du 15 juillet 1963. La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, après avoir détaillé le mode de calcul de cette indemnité, rappelle que Mme [N] a perçu la somme de 2.188,63€ à ce titre, ce qui n'est pas démenti par l'appelante. Mme [N] sera donc déboutée de cette demande.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis, si ce ne sont pas les dispositions du code du travail en matière de licenciement qui s'appliquent, en revanche l'accord collectif du 18 juillet 1963 susvisé en son article 14 dispose que chacune des parties pourra mettre fin au contrat de gérance en prévenant l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception un mois à l'avance mais que toutefois, en cas de rupture par l'entreprise, les gérants comptant deux ans d'ancienneté à la date de la rupture, bénéficieront d'un préavis de 2 mois. En l'espèce, même si l'entreprise n'a pu que constater l'impossibilité pour les cogérants de remplir le mandat qui leur était confié, elle est bien à l'initiative de la rupture du contrat. Dès lors, il sera fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement ci dessus évoqué et la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sera condamnée à payer à Mme [N] la somme 1.025,10 € à ce titre.
-Sur les heures supplémentaires et congés payés afférents-
Reprenant l'article L7322-1 du code du travail en ce qu'il prévoit 'l'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés...', l'appelante soutient que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE était tenue de respecter les dispositions des articles 3111-1 et suivants du code du travail.
Néanmoins, cet article prévoit l'application par l'entreprise propriétaire des dispositions relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés de même que celle des dispositions relatives à la sécurité et à la santé au travail, seulement lorsque que les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement 'ont été fixées par elle ou soumises à son accord'. Ce dernier point n'est pas établi en l'espèce puisqu'il a été démontré ci-dessus que les gérants ont eux mêmes fixé leurs horaires de travail, qu'ils étaient libres d'organiser leur travail et qu'ils ne démontrent pas que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE leur a imposé, à titre individuel l'exécution d'horaires de travail déterminés en dehors des horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale, ni qu'elle leur a imposé un travail supplémentaire.
Par conséquent Madame [N] ne peut prétendre au paiement d' heures supplémentaires et des congés payés afférents ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour le travail dissimulé qui en serait la résultante . Le rejet de ces prétentions par le premier juge sera donc également confirmé. Mme [N] qui a modifié le montant des sommes réclamées à ce titre en cause d'appel sera déboutée de cette demande nouvelle.
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De même, Mme [N] sera déboutée de deux autres demandes nouvelles en appel, d'une part, de sa demande de dommages et intérêts pour suspension anormale du contrat, dans la mesure où rien ne l'empêchait de prendre l'initiative de la rupture plus tôt si elle estimait la durée de cette suspension, due à son incapacité à remplir ses obligations du fait de sa maladie, 'anormale' et dès lors qu'aucun reproche ne peut être fait au mandant, et d'autre part, de sa demande de dommages et intérêts pour perte de droit à la retraite et ce pour des motifs similaires.
-Sur la clause de non concurrence-
Mme [N] invoque la nullité de la clause de non concurrence contenue dans le contrat de cogérance au motif qu'elle ne prévoit pas de contrepartie financière et sollicite des dommages et intérêts en réparation pour un montant de 15.000 €.
Il est rappelé, à nouveau, que cette clause n'intervient pas dans un contrat de travail mais dans un contrat de cogérance librement consenti par les parties. Si la clause de non concurrence imposée au salarié, qu'il convient de protéger particulièrement, ne prévoit pas de contrepartie financière, le salarié et lui seul, peut alors se prévaloir de la nullité de cette clause, car la contrepartie financière de l'obligation de non concurrence, allouée en raison d'un travail antérieur, a dans ce cas le caractère d'un salaire.
Il en va différemment dans le cadre du contrat de cogérance non salariée, aucun lien de subordination n'existe entre les parties qui consentent librement à leurs engagements respectifs. De plus, il n'est pas discuté en l'espèce que dans la lettre de rupture du 18 février 2013, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a fait savoir qu'elle n'entendait pas se prévaloir de la clause de non rétablissement.
Par suite, c'est encore à bon droit que le premier juge a débouté Mme [N] de sa demande.
Enfin sur la demande fondée sur les dispositions de l'article L1226-4 du code du travail quant à la reprise du paiement du salaire (de la moyenne mensuelle des commissions) lorsque 'le salarié', passé le délai d'un mois après la constatation de son inaptitude, n'est ni reclassé ni licencié, elle ne pouvait qu'être rejetée, Mme [N] n'étant pas salarié ne pouvait prétendre à l'application de ce texte dans le cadre de la rupture du contrat de cogérance non salariée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
-sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile-
Le paiement des dépens sera assuré par Mme [N] qui succombe, pour la majeure partie, en son appel ; aucune considération d'équité ou relative à la situation des parties ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l'indemnité de préavis,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Madame [Q] [T] épouse [N] la somme de 1.025,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis dans le cadre de la rupture du contrat de cogérance non salariée et en application de l'article 14 de l'accord collectif du 18 juillet 1963, avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt capitalisables selon les modalités de l'article 1154 du code civil,
Déboute Madame [Q] [T] épouse [N] de toutes les demandes nouvelles formulées en appel,
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Condamne Madame [Q] [T] épouse [N] aux dépens d'appel.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes respectives faites sur ce fondement.
LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT.