COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2015
N° 2015/353
Rôle N° 11/08184
[S] [C]
C/
[Établissement 1] ([Établissement 1])
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Catherine MEYER ROYERE, avocat au barreau de TOULON
- Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section Activités Diverses - en date du 22 Avril 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 08/372.
APPELANTE
Madame [S] [C], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Catherine MEYER ROYERE, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
[Établissement 1] ([Établissement 1]), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2015 et prorogé au 02 et 09 juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 juin 2015.
Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [S] [C] est salariée en qualité de comptable à l'[Établissement 1], établissement public de coopération culturelle.
Elle relève de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, et dans le cadre de cette convention, dans la filière administration, du groupe 5 (anciennement TAM1) échelon 12.
Elle est membre d'une section syndicale et participe à un certain nombre de réunions en cette qualité.
Estimant être la victime d'une inégalité de rémunération, elle saisissait le conseil de prud'hommes de Toulon le 28 mars 2008 de diverses demandes de rappel de salaire et de primes.
Un jugement du 22 avril 2011 l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Elle a relevé appel de ce jugement le 3 mai 2011.
Dans des écritures du 26 mars 2015, reprises oralement à l'audience de ce même jour, Madame [C] demande à la cour de constater une inégalité de traitement en matière de rémunération entre les salariés du groupe de référence TAM1, une inégalité de traitement entre les salariés de la catégorie TAM1 dans l'attribution d'une prime de fin d'année, une inégalité de traitement entre les salariés dans la prise en charge de la mutuelle, des différences de traitement entre les hommes et les femmes au sein de l'[Établissement 1] et plus particulièrement pour la catégorie professionnelle TAM1, constater qu'elle exerçait des activités syndicales, en conséquence, condamner l'[Établissement 1] à lui payer un rappel de salaire de 99.302,83 euros bruts au titre de l'inégalité de traitement, un rappel de salaire de 18.707,98 euros bruts au titre de la prime d'ancienneté, un rappel de salaire de 11.801,08 euros au titre des congés payés sur le rappel de salaire et de la prime d'ancienneté, un rappel de prime de fin d'année de 32.714,92 euros bruts, condamner l'[Établissement 1] à régulariser les cotisations de retraite complémentaire sur le régime Capricas, le condamner à lui payer un rappel de participation à la mutuelle de 835,08 euros, le condamner aux dépens et à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des écritures du 26 mars 2015, reprises oralement à l'audience de ce même jour, l'[Établissement 1] demande in limine litis à la cour de se déclarer incompétente au profit du tribunal de grande instance de Toulon en ce qui concerne la demande relative à la régularisation des cotisations de retraite complémentaires, de confirmer le jugement, de débouter Madame [C] de l'ensemble de ses demandes, de la condamner aux dépens.
MOTIFS
1) Madame [C] estime qu'elle a été victime d'une inégalité de rémunération au titre de ses salaires, d'une prime d'ancienneté, et d'une prime de fin d'année, qui recouvre de la part de son employeur une discrimination d'ordre sexuel et syndical.
Pour établir cette inégalité de rémunération, elle compare l'évolution de sa rémunération à celle de deux autres salariés, relevant comme elle du groupe 5, Monsieur [U] et Madame [H].
Elle ne peut pas soutenir qu'elle effectuait un travail de valeur égale à celui de Monsieur [U] (aujourd'hui en retraite) quand sa qualité de comptable l'amenait à assurer un contrôle et un suivi budgétaire des factures, des bons de commandes, des spectacles, à préparer les règlements, et à vérifier les bulletins de paie, sans fonction d'encadrement, tandis que Monsieur [U], en sa qualité de 'chef décorateur', devait assumer la responsabilité de l'atelier de décoration (composé de trois personnes dont lui-même), en assurer la gestion administrative, travaillait en collaboration directe avec la production (metteur en scène et direction artistique), était en charge de la fabrication des décors.
La comparaison qu'elle fait de l'évolution respective de leur rémunération n'est donc pas opérante.
En revanche, sa comparaison avec l'évolution de la rémunération de Madame [H] est plus démonstrative.
En effet, cette dernière, qui est également comptable, et n'a pas plus de responsabilité au sein du même service administratif, qui n'a que 5 années d'ancienneté dans l'établissement (alors que Madame [C] en compte 31), avait au 1er août 2013 un salaire de base supérieur de 21,96 % au salaire minimum correspondant à son échelon (2), alors que Madame [C] avait un salaire de base seulement supérieur de 6,42 % au salaire minimum correspondant à son échelon (12), une telle différence n'étant pas explicable, compte tenu du peu d'ancienneté de Madame [H], par le seul fait que l'échelon 12 est l'échelon maximal auquel peut prétendre Madame [C] dans son groupe.
Il y a donc bien inégalité de traitement en défaveur de Madame [C].
S'il ne résulte de ce qui précède aucune supposition d'une discrimination d'ordre sexuel, il s'ensuit une supposition d'une discrimination d'ordre syndical, quand il est constant que Madame [C] est membre de façon active depuis de nombreuses années d'une section syndicale, et quand il ressort de surcroît des pièces qui sont versées au dossier qu'elle a été l'objet au cours de réunions auxquelles elle participait dans le cadre de ses fonctions syndicales de propos à l'agressivité marquée, supposition qui n'est pas combattue par l'employeur par des éléments étrangers à une telle discrimination.
*
En réparation du dommage résultant de cette inégalité de traitement discriminatoire, Madame [C] ne peut demander une réparation en nature consistant en un rappel de salaires calculé sur la base d'une différence de rémunération avec celle de Monsieur [U].
Son préjudice, en ce qui concerne son salaire, sera justement réparé par la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaires (en brut) résultant de la différence entre le salaire conventionnel augmenté d'un pourcentage de 22 % et le montant du salaire perçu, ce à compter du mois de septembre 2005, date à laquelle elle a accédé à l'échelon 12.
L'employeur devra également être condamné au paiement d'un rappel (en brut), pour la même période, de primes d'ancienneté résultant de la différence entre le montant d'une prime calculée en appliquant un pourcentage de 15 à 23 % (suivant les accords en vigueur successifs sur la période au sein de l'entreprise) sur le salaire conventionnel augmenté de 22 % et le montant des primes perçues, et d'un rappel (en brut) de congés payés à calculer sur les rappels de salaires et de primes d'ancienneté.
*
Madame [C] remet en cause le fait de n'avoir jamais perçu une prime de fin d'année qui était attribuée à Monsieur [U].
Il est constant, s'agissant d'une prime de fin d'année, qu'un certain nombre de salariés qui s'étaient vus gratifiés d'une telle prime par l'ancien employeur, au nombre desquels elle ne figurait pas, ont continué à la percevoir de la part de l'[Établissement 1] après le transfert de leurs contrats de travail en 2003.
Si, comme il le soutient, l'[Établissement 1] était dans l'obligation légale de continuer à verser ces primes à ceux qui en bénéficiait avant la cession de l'entreprise à son profit, il ne peut en conclure que le non paiement de cette prime à Madame [C], postérieurement au transfert des contrats de travail, ne constitue pas une rupture du principe de l'égalité de traitement, quand cette dernière n'a pas été engagée après, mais avant, ledit transfert.
Madame [C] est donc fondée à réclamer un rappel au titre de ces primes de fin d'année, de 2003 à 2013 (comme elle le demande), sur la base des salaires perçus de janvier 2013 à août 2005, et sur ceux des salaires réajustés de septembre 2005 à décembre 2013, et des mêmes critères qui ont été appliqués aux salariés ayant perçu ces primes.
2) Madame [C] demande à la cour de 'régulariser les cotisations de retraite complémentaire sur le régime Capricas' par application des dispositions de la convention collective.
L'[Établissement 1] estime la cour incompétente 'au profit du tribunal de grande instance de Toulon' aux motifs qu'échappent à la matière prud'homale les litiges portant sur la détermination de la caisse compétente, et les litiges portant sur l'application générale d'une convention collective sans se rapporter à une demande personnelle.
La cour, qui est saisie des appels des décisions des juridictions de première instance de son ressort, est nécessairement compétente pour connaître des litiges relevant de la compétence matérielle de telle ou telle desdites juridictions, sans qu'importe le fait qu'elle soit saisie en l'espèce à titre principal en matière prud'homale.
L'exception d'incompétence est donc rejetée.
Madame [C] n'a pas qualité pour présenter une demande qui ne lui est pas personnelle mais qui est faite pour l'ensemble des salariés de l'[Établissement 1].
Sa demande est donc rejetée comme irrecevable.
3) Madame [C] réclame le paiement d'une somme de 835,08 euros correspondant à un 'rappel de participation à la mutuelle', en exposant que jusqu'en septembre 2011 seuls les salariés cotisant à une mutuelle dite 'fonctionnaire' bénéficiait d'une participation de l'employeur à hauteur de 25 %, et que pour sa part elle avait continué d'adhérer à la mutuelle du midi et ne bénéficiait de ce fait d'aucune prise en charge.
Mais, ne rapportant pas la preuve, dont elle est débitrice en sa qualité de demanderesse en paiement, de ce qu'elle n'aurait pas pu choisir, comme l'évoque au contraire expressément l'[Établissement 1] dans ses écritures, d'être affiliée à une mutuelle de fonctionnaires ou assimilée comme telle plutôt que de rester adhérente à la mutuelle du midi, elle est déboutée de sa demande.
4) L'[Établissement 1] supporte les dépens de première instance et les dépens d'appel.
Il est équitable d'allouer à Madame [C] une somme de 3.000 euros sur le fondement en première instance et en appel de l'article 700 du Code de procédure civile.
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Il suit de l'ensemble de ce qui précède que le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, en matière prud'homale, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne l'[Établissement 1] à verser à Madame [S] [C] un rappel de salaires (en brut) résultant de la différence entre le salaire conventionnel augmenté d'un pourcentage de 22 % et le montant du salaire perçu, ce à compter du mois de septembre 2005, un rappel (en brut), pour la même période, de primes d'ancienneté résultant de la différence entre le montant d'une prime calculée en appliquant un pourcentage de 15 à 23 % (suivant les accords en vigueur successifs sur la période au sein de l'entreprise) sur le salaire conventionnel augmenté de 22 % et le montant des primes perçues, et un rappel (en brut) de congés payés à calculer sur les rappels de salaires et de primes d'ancienneté.
Condamne l'[Établissement 1] à payer à Madame [S] [C] des primes de fin d'année de 2003 à 2013 calculées sur la base des salaires perçus de janvier 2013 à août 2005, et sur ceux des salaires réajustés de septembre 2005 à décembre 2013, et des mêmes critères qui ont été appliqués aux salariés ayant perçu des primes,
Rejette l'exception d'incompétence de l'[Établissement 1] s'agissant de la demande de Madame [S] [C] tendant à 'régulariser les cotisations de retraite complémentaire sur le régime Capricas',
Rejette cette demande comme irrecevable,
Déboute Madame [S] [C] de sa demande en paiement d'un rappel de participation à la mutuelle,
Dit que l'[Établissement 1] supporte les dépens de première instance et les dépens d'appel,
Le condamne à payer à Madame [S] [C] une somme de 3.000 euros sur le fondement en première instance et en appel de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT