COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 02 JUIN 2015
N°2015/334
Rôle N° 12/22977
[E] [O] épouse [W]
C/
[I] [H]
Grosse délivrée le :
à :
- Me Edith ANGELICO, avocat au barreau de TOULON
- Monsieur [I] [H]
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section Activités Diverses - en date du 28 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/760.
APPELANTE
Madame [E] [O] épouse [W], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Edith ANGELICO, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [I] [H] pris en sa qualité d'exploitant d'entreprise individuelle située [Adresse 2], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2015 et prorogé au 02 juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 juin 2015
Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [E] [O] était engagée en qualité de 'dessinateur projeteur compositeur' par Monsieur [I] [H], architecte, d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminée le 1er septembre 2009, qui s'est poursuivi pour une durée indéterminée le 19 décembre 2009.
Dans un courrier du 7 mai 2010, une inspectrice du travail informait Monsieur [H] de ce qu'elle avait été destinataire d'un courrier de Madame [O], et lui demandait de la tenir informée des suites qu'il réserverait aux demandes de cette dernière en lui précisant les règles légales en matière d'examen médical préalable à l'embauche, de régularité mensuelle du paiement du salaire, de durée hebdomadaire du travail.
Madame [O] était arrêtée le 19 mai 2010 pour un 'syndrome dépressif réactionnel au sein de problèmes professionnels', et son arrêt était prolongé sans interruption jusqu'au 8 décembre 2010.
Après une tentative infructueuse pour parvenir à une rupture conventionnelle du contrat de travail, Monsieur [H] convoquait Madame [O] le 19 juillet 2010 à un entretien préalable de licenciement, qui s'est tenu le 28 juillet 2010.
Il ne sera pas suivi d'effet.
Le 29 juillet 2010, Madame [O] saisissait le conseil de prud'hommes de Toulon en résiliation du contrat de travail et paiement de diverses sommes.
Par courrier du 7 décembre 2010, elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail.
Un jugement de départage du 12 juin 2012 a dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, a débouté en conséquence Madame [O] de sa demande, l'a condamnée à payer à Monsieur [H] la somme de 1.117,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'a condamnée aux dépens, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 9 décembre 2012.
Dans des écritures du 2 avril 2015, reprises oralement à l'audience de ce même jour, Madame [O] demande à la cour de débouter Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes, de dire que les manquements de Monsieur [H] sont suffisamment graves pour justifier une prise d'acte de rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs, de requalifier la prise d'acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner Monsieur [H] à lui payer les sommes de 7.097,56 euros au titre d'heures supplémentaires, 14.308,26 euros au titre de la dissimulation d'emploi salarié, 2.384,71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 948,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis et les heures supplémentaires, 596,16 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 7.154,13 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive, d'ordonner la remise sous astreinte de documents rectifiés, de condamner Monsieur [H] aux dépens et à lui payer une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des écritures du 2 avril 2015, reprises oralement à l'audience de ce même jour, Monsieur [H] demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Madame [O] aux dépens et à lui payer une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS
1) Madame [O] réclame le paiement d'une somme de 7.097,56 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires.
Aux termes de l'article L.3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Au soutien de sa prétention, Madame [O] produit un cahier dans lequel elle a consigné par écrit ses heures de travail jour après jour, et verse un certain nombre d'attestations témoignant du fait qu'elle partait souvent tôt le matin et rentrait tard le soir.
Elle produit encore un relevé de ses passages au péage de l'autoroute qu'elle devait emprunter pour se rendre de son domicile à son lieu de travail, et en revenir.
Les mentions portées au cahier sont en cohérence, à quelques exceptions près (notamment le 14 avril 2010), avec le relevé des passages au péage de l'autoroute.
Ces même mentions sont également en cohérence entre elles, là encore à quelques exceptions près (par exemple pour la journée du 28 août 2010, le nombre d'heures déclarées travaillées ne correspond pas au calcul des heures supplémentaires décomptées pour cette journée).
Monsieur [H] ne peut pas soutenir qu'il n'aurait pas commandé ou avalisé les heures supplémentaires qui ont été effectuées alors qu'eu égard à la relative modestie de son cabinet d'architecture, et de ce que Madame [O] était sa principale collaboratrice, il devait nécessairement savoir quel était le volume de travail requis en ce qui concernait cette dernière par l'activité du cabinet.
Il suit de ces éléments l'accomplissement d'heures supplémentaires qui n'ont pas été totalement compensées, contrairement à ce que soutient Monsieur [H], par les 5 semaines de récupération qu'il a accordées à Madame [O] en 2009 (semaines 52 et 53), et en 2010 (semaines 4, 14, et 16), ce qui fonde Madame [O] à obtenir le paiement d'une somme (en brut) de 3.180 euros au titre de ses heures supplémentaires non prises en compte au titre desdites récupérations.
2) Il est constant que son salaire d'avril 2010 n'a été réglé à Madame [O] que le 3 juin 2010.
3) Ce retard de paiement de son salaire, joint au défaut de paiement de ses heures supplémentaires, fonde Madame [O] à demander que sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail entraîne les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il s'ensuit les conséquences financières suivantes en faveur de Madame [O] :
- indemnité compensatrice de préavis : 2.384,71 euros (brut);
- indemnité compensatrice de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires et sur indemnité compensatrice de préavis : 556,47 euros (brut);
- indemnité légale de licenciement : 596,16 euros;
- dommages et intérêts pour rupture abusive : 4.768 euros.
En revanche, le caractère intentionnel de la dissimulation des heures supplémentaires n'étant pas retenu, en raison de la courte période pendant laquelle il ya eu absence de déclaration, et également de la relative imprécision sur leur nombre à déclarer (eu égard en particulier aux semaines de récupération accordées en compensation par Monsieur [H]), Madame [O] est déboutée de sa demande indemnitaire sur ce fondement.
4) Monsieur [H] doit remettre les documents suivants rectifiés en conséquence du présent arrêt : le bulletin de salaire du mois de décembre 2010, le solde de tout compte, le certificat de travail, l'attestation pour Pôle Emploi.
Il n'y a pas lieu dès à présent à astreinte.
5) Monsieur [H] est débouté de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis.
6) Monsieur [H] supporte les dépens de première instance et les dépens d'appel.
Il est équitable d'allouer à Madame [O] une somme de 1.000 euros sur le fondement en première instance et en appel de l'article 700 du Code de procédure civile.
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Il suit de l'ensemble de ce qui précède que le jugement doit être infirmé sauf en ce qu'il a débouté Madame [O] de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé, et les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, en matière prud'homale, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [O] de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé, et les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires,
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit que la prise de rupture de son contrat de travail par Madame [E] [O] entraîne les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne Monsieur [I] [H] à payer à Madame [E] [O] les sommes de 3.180 euros (brut), 2.384,71 euros (brut), 556,47 euros (brut), 596,16 euros, 4.768 euros,
Dit que Monsieur [I] [H] doit remettre à Madame [E] [O], sans qu'il y ait lieu dès à présent à astreinte, les documents rectifiés suivants : le bulletin de salaire du mois de décembre 2010, le solde de tout compte, le certificat de travail, l'attestation pour Pôle Emploi,
Déboute Monsieur [I] [H] de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,
Dit qu'il supporte les dépens de première instance et les dépens d'appel,
Le condamne à payer à Madame [E] [O] la somme de 1.000 euros sur le fondement en première instance et en appel de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT