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15/05/2015 | FRANCE | N°12/10802

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 15 mai 2015, 12/10802


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 MAI 2015



N° 2015/



Rôle N° 12/10802





Société ESSO RAFFINAGE





C/



[H] [V]

















Grosse délivrée

le :



à :



SCP CAPSTAN, avocat au barreau de PARIS



Me Silvia SAPPA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section I - en date du 31 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1174.







APPELANTE



Société ESSO RAFFINAGE, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me A...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 MAI 2015

N° 2015/

Rôle N° 12/10802

Société ESSO RAFFINAGE

C/

[H] [V]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP CAPSTAN, avocat au barreau de PARIS

Me Silvia SAPPA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section I - en date du 31 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1174.

APPELANTE

Société ESSO RAFFINAGE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Arnaud TEISSIER de la SCP CAPSTAN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me BARBARIN, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [H] [V], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Silvia SAPPA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère

Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2015.

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat à durée indéterminée du 22 mai 2003, M. [H] [V] a été engagé en qualité d'opérateur extérieur par la SA ESSO RAFFINAGE SAF, désormais dénommée la SAS ESSO RAFFINAGE (ERSAS), avec reprise de son ancienneté depuis 1991. Il a été affecté à la raffinerie ESSO de [Localité 1], en qualité d'opérateur extérieur USP B2, coefficient 200. Il était 'posté' c'est à dire, qu'il travaillait en 3x8 continus et qu'en contrepartie, il percevait une prime de quart correspondant à 18 % du salaire de base mensuel.

Le salarié a été en arrêt maladie du 8 décembre 2003 au 31 juillet 2004. Il a bénéficié du maintien total de la prime de quart jusqu'au 18 mars 2004, puis d'un maintien partiel à 50 % de cette prime jusqu'au 18 juin 2004.

Il a été placé à mi-temps thérapeutique du 1er août 2004 au 30 juin 2005. Travaillant sur un poste à la journée, il a été déposté et ce jusqu'au 19 mars 2006 inclus.

Le 20 mars 2006, le salarié a été affecté à un emploi posté en 2x8 continus comme responsable de quart au laboratoire, en remplacement de Mme [L], en arrêt maladie. Cette salarié ayant été déclaré définitivement inapte à son poste de travail, il s'est vu confier ce poste de manière définitive à compter du 1er décembre 2007. Il a bénéficié à ce titre du coefficient 215, en application des dispositions de la conversion collective de branche applicable.

Le 6 mai 2009, revendiquant notamment le paiement d'un rappel de prime de quart, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues, section industrie, lequel a, par jugement en date du 31 mai 2012, :

-dit qu'en août 2004, le salarié a été déposté en journée à l'initiative de son employeur ;

-condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

*7.590,30 € à titre de rappel de prime de quart jusqu'en mars 2006 ;

*759,03 € au titre des congés payés y afférents ;

-rappellé l'exécution provisoire de plein droit, suite aux dispositions des articles R 1454-15 et R 1454-28 du code du travail ;

-dit qu'il sera appliqué à ces sommes les intérêts légaux à compter de la date de la saisine ;

-condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 1.300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-ordonné selon les dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, l'exécution provisoire pour les créances ne bénéficiant pas de l'exécution provisoire de droit ou excédant le plafond prévu à l'article R 1454-28 du code du travail ;

-débouté le salarié du surplus de ses demandes ;

-débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle ;

-condamné l'employeur aux entiers dépens.

Le 12 juin 2012, l'employeur a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées par la SA ESSO RAFFINAGE SAF, le 11 mars 2015, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-constater qu'il existe dans l'établissement de [Localité 1] des règles applicables différentes selon la durée et la nature du dépostage ;

-constater que le salarié a fait l'objet d'un dépostage temporaire du 1er août 2004 au 19 mars 2006 en raison de son état de santé ;

-constater que son traitement en termes de prime de quart est conforme aux règles applicables au sein de la société en cas de dépostage temporaire ne résultant pas de l'initiative de l'employeur ;

-constater qu'il n'existe aucune disposition conventionnelle relative au dépostage temporaire applicable au sein de la société et qui permette de caractériser une discrimination en raison de l'état de santé du salarié ;

-constater qu'il n'existe aucun usage maintenant la prime de quart dans son intégralité pendant toute la durée du dépostage temporaire ;

-constater l'absence de toute rupture d'égalité de traitement à l'encontre du salarié ;

-constater que le salarié ne peut prétendre à aucune modification de coefficient et à aucun rappel de salaire ;

-constater l'absence de toute exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

en conséquence,

-débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et infirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Martigues en ce qu'elle a affirmé que le dépostage du salarié est à l'initiative de l'employeur et condamné la société à lui verser la somme de 7.590,30 € à titre de rappel de prime de quart jusqu'en mars 2006, outre 759,03 € au titre des congés payés y afférents ;

-confirmer la décision du 31 mai 2012 pour le surplus ;

-condamner le salarié à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner le salarié aux entiers dépens, comprenant en outre les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir, dont les frais d'huissier.

Vu les écritures de M. [H] [V] déposées le 22 septembre 2014, par lesquelles il demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu l'existence d'un usage au sein de l'établissement de [Localité 1] aux termes duquel lorsque le dépostage est à l'initiative de l'employeur, le salarié bénéficie du maintien de sa prime de quart à 100 % et lorsque le salarié est à l'origine de son dépostage, il bénéficie d'un maintien de la prime de quart à 50 % sans limitation de durée ;

par conséquent,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'un rappel de prime et des congés payés y afférents, ainsi qu'à la somme de 1.300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-le réformer pour le surplus et statuant à nouveau ;

-constater que seuls les salariés dont le dépostage serait consécutif à une inaptitude professionnelle constatée par la médecine du travail ont été privés du maintien même partiel de la prime de quart ;

-juger que la pratique instaurée par l'employeur au sein de son établissement secondaire de [Localité 1] en ce qui concerne les conditions de maintien de la prime de quart en cas de dépostage crée une discrimination salariale en raison de l'état de santé ;

-condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.500 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

-constater qu'à compter du 20 mars 2006, le salarié a été affecté en remplacement d'un salarié en régime 2x8 continus ;

-constater que le salarié remplacé relève du coefficient 215 ;

-constater que le salarié ne s'est vu appliquer que le coefficient 200 de mars 2006 à novembre 2007;

-juger que le salarié aurait du relever du coefficient 215 à compter du mois de septembre 2006 et du coefficient 230 à compter du 1er décembre 2005 ;

-condamner l'employeur au paiement des sommes de 9.558,78 € au titre des rappels de salaire pour la période du 1er décembre 2007 au 31 décembre 2010 ;

-condamner l'employeur au paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire, sauf pour cette dernière à tenir compte du rappel précité dans le calcul de l'indemnité de congés payés à venir ;

-condamner l'employeur au paiement du reliquat de la prime de quart de 13 % sur ce rappel de salaire;

-condamner l'employeur au paiement de la somme de 1.242,64 € bruts au titre du rappel de prime de quart de décembre 2000 67 à décembre 2010 inclus ;

-condamner l'employeur au paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire sauf pour cette dernière à tenir compte du rappel précité dans le calcul de l'indemnité de congés payés à venir ;

-dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier et le montant des sommes de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 11 mars 2015.

SUR CE

Sur la prime de quart :

Conformément à l'article 701 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole applicable en l'espèce, tout salarié posté, c'est-à-dire, 'travaillant d'une seule traite, isolément ou en équipe, en dehors du cadre de l'horaire normal de jour de l'établissement', bénéficie d'une prime spécifique dite prime de quart.

Il existe trois types de travail posté : continu (équipes fonctionnant 24h/24,7 jours/7) ; semi-continu (avec un arrêt hebdomadaire) et discontinu (arrêt la nuit et en fin de semaine. Le travail posté au sein de l'industrie du pétrole est organisé selon quatre modalités différentes dont le travail posté en 3x8 continus.

L'article 701 b) de la convention collective définit les travailleurs postés en continu ceux qui appartiennent à des équipes successives fonctionnant en permanence par rotation de 24 heures sur 24, sans interruption la nuit, le dimanche et les jours fériés, qu'il y ait ou non arrêt pendant les congés payés, ces salariés percevant une prime d'un montant égal à 18 % de leur salaire hors primes.

Les parties s'accordent à reconnaître que les effets du dépostage sur le bénéfice de la prime de quart doivent être appréhendés différemment selon que l'employeur est à l'initiative du dépostage ou qu'il intervient pour tout autre cause.

Il apparaît également qu'il existe au sein des établissements des règles différentes selon que le dépostage est temporaire ou définitif. C'est ainsi que l'article 12 de l'accord collectif du 31 mars 1983, concernant le personnel posté, fait la distinction entre les mises à la journée temporaire et les mises à la journée définitive.

En l'espèce, le salarié a été affecté à compter du 1er février 2003 sur un travail posté 3x8 continus. Il percevait donc une prime de quart de 18 % de son salaire de base.

Le salarié a été en arrêt maladie du 8 décembre 2003 au 1er février 2004, puis du 13 février jusqu'au 31 juillet 2004. Il a bénéficié du maintien total de sa prime de quart jusqu'au 18 mars 2004, puis du maintien partiel à 50 % de cette prime jusqu'au 18 juin 2004.

Selon avis du 5 août 2004 le médecin du travail a considéré que le salarié était inapte temporairement et qu'il pouvait être 'affecté sur un poste administratif dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique organisée sur des journées complètes'.

Le travail administratif étant nécessairement effectué en journée, la possibilité d'être posté était par conséquent exclue pour le salarié. Il a donc été déposté à compter du mois d'août 2004 de manière temporaire, dans le cadre du mi-temps thérapeutique et il a travaillé en journée.

Selon avis du 29 juin 2005, le médecin du travail l'a déclaré 'apte uniquement en poste aménagé en travail administratif'. Le salarié a alors été affecté sur un poste à la journée, au Groupe Contrôles de la Division Prévention et Contrôles pour une mission consistant à effectuer des analyses de laboratoire.

À compter du 20 mars 2006, le salarié est devenu responsable de quart au laboratoire. Il est passé en régime de travail en 2x8 continus, de sorte qu'il a bénéficié d'une prime de quart de 13 % de son salaire de base.

Le salarié considère que pendant les périodes d'arrêt maladie, l'employeur était tenu de maintenir le paiement de la prime de quart, mais également pendant son mi-temps thérapeutique.

Cependant, il ressort de l'article 12 de l'accord collectif du 31 mars 1983 en vigueur dans l'entreprise, concernant le personnel posté en 3x8 continus que : «[...] Pour la maladie, il est admis que la prime de quart sera maintenue dans le salaire de référence servant de base de calcul des droits au 'plan maladie' pour toute absence d'une durée au plus égale à 8 jours calendaires.

Pour les absences de plus longue durée, la prime de quart sera exclue du salaire de référence dès le premier jour d'absence et remplacée à cette date par une indemnité compensatrice égale à :

-100 % de la prime pendant 3 mois ;

-50 % de la prime entre 3 et 6 mois.

La prise en compte de l'indemnité compensatrice est toutefois subordonnée à l'existence de droits au 'plan maladie' et, dans l'affirmative, limitée à la durée de ces droits si cette durée est inférieure à 6 mois.

Pour l'inaptitude temporaire ou définitive, l'indemnité compensatrice n'est versée que si l'intéressé a travaillé au moins 10 ans en quarts continus. Si cette condition est remplie et si, dans le cas d'inaptitude temporaire, l'interruption du travail en quarts continus est supérieure à 8 jours calendaires, la prime de quart est remplacée dès le premier jour par une indemnité égale à :

-100 % de la prime pendant 3 mois ;

-50 % de la prime entre 3 et 6 mois.

S'il y a enchaînement maladie/invalidité ou vice-versa, les périodes d'attribution de l'indemnité compensatrice ne se cumulent pas. Il en est de même dans le cas où il y a plusieurs périodes d'inaptitude temporaire. [...]»

Le salarié ayant été en arrêt maladie du 8 décembre 2003 au 1er février 2004, puis du 13 février 2004 jusqu'au 31 juillet 2004, c'est donc à juste titre que l'employeur a maintenu sa prime du quart en totalité pendant 3 mois, puis à 50 % pendant les trois mois suivants.

Le salarié n'ignorait pas les règles applicables dans l'entreprise. En effet, suivant courrier du 27 août 2004, l'employeur lui a rappelé : «Dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, vous êtes affecté temporairement, depuis le 2 août 2004, pour une durée allant à ce jour jusqu'au 2 septembre 2004 inclus, à un poste à la journée. Ce détachement temporaire pourra bien entendu être maintenu si votre mi-temps thérapeutique est prolongé au-delà du 2 septembre 2004 par votre médecin traitant.

Comme vous le savez, vous ne percevez plus votre prime de quart depuis le 18 juin 2004. Les périodes traitées en indemnité compensatrice de prime de quart se cumulent entre elles, y compris l'enchaînement maladie/inaptitude temporaire, nous restons donc dans ce même cas. [...]

Si vous deviez de nouveau être affecté à un poste en quart, votre statut serait bien entendu modifié en conséquence...» Le salarié n'a pas contesté ce courrier. Au contraire il l'a contresigné et apposé la mention 'lu et approuvé'.

Le salarié considère qu'en supprimant sa prime de quart de juin 2004 à mars 2006, l'employeur a violé l'usage existant en la matière, consistant à maintenir le bénéfice de la prime de quart à 100 % lorsque le dépostage est à l'initiative de l'employeur et à le maintenir à 50 % sans limitation de durée, lorsque le salarié est à l'origine de son dépostage.

Au soutien de ses allégations, il évoque la situation de M. [B], de M. [P] et de M. [M] qui sont passés en journée avec un maintien de la prime de quart à 100 %, ainsi que celle de M. [S], de M. [W], de M. [X] et de M. [A] qui ont été dépostés avec maintien d'une prime de conversion égale à 50 % de la prime de quart d'origine.

Cependant la situation du salarié n'est pas la même que celles des salariés qu'il mentionne, dans la mesure où il est établi que ceux-ci ont fait l'objet d'un dépostage à titre définitif, alors que le salarié a été déposté de manière temporaire pour la période allant du 1er août 2004 au 19 mars 2006.

Le dépostage définitif est prévu par l'article 711 de la convention collective, relatif à l'indemnité de conversion, lequel énonce : «Lorsqu'un salarié visé au paragraphe 701 b, âgé de plus de 50 ans ou ayant travaillé au moins dix ans en services continus (éventuellement en plusieurs périodes) est affecté définitivement, et à l'initiative de l'employeur, à un emploi en journée normale, il reçoit la classification correspondant à son nouvel emploi et une rémunération au moins égale à sa rémunération antérieure, à l'exclusion de la prime de quart : il bénéficie en outre, pour compenser la suppression de la prime de quart, d'une indemnité dite de conversion, proportionnelle à la dernière prime de quart mensuelle qu'il a perçue...»

Le salarié n'ayant pas été définitivement affecté à un emploi en journée normale, mais seulement de manière temporaire, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, ne saurait revendiquer l'application de l'article 711 de la convention.

Enfin, le salarié considère que la suppression de la prime de quart constitue une discrimination en raison de son état de santé.

Si par principe l'absence pour maladie ne doit emporter aucune baisse de rémunération du salarié, il convient de distinguer suivant leur nature les primes ou gratifications pour déterminer le régime qui leur est applicable en cas de suspension du contrat de travail. Les primes sont dues intégralement lorsqu'elles ne sont pas liées au temps de travail du salarié ou de présence effective.

Or, selon l'article 701 f), les primes de quart et de poste sont attribuées pour chaque heure de travail effectif.

L'article 12 de l'accord du 31 mars 1983 précise : «Conformément aux dispositions de la convention collective, la prime de quart à 18 % n'est normalement versée que pour du travail effectif en quart [...] Dans tous les autres cas (maladie, inaptitude aux quarts, mises à la journée du fait de l'employeur), la prime de quart est supprimée dès la date du passage à la journée et remplacée par une indemnité compensatrice dégressive dès lors que la durée de ce passage à la journée excède 8 jours calendaires.»

Il convient également de noter que la prime de quart est supprimée également pour toutes les autres absences du salarié ne constituant pas du temps de travail effectif, telles que les absences pour événements familiaux, les congés de paternité, les congés payés...

Par conséquent, le salarié ne saurait valablement soutenir que la suppression de la prime de quart pendant l'arrêt maladie serait constitutive d'une discrimination en raison de son état de santé.

Force de constater que le salarié a été déposté de manière temporaire, durant la période incriminée, sans que l'employeur n'en soit à l'origine et que les règles applicables au sein de la société ont été parfaitement appliquées. Par conséquent, la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Martin doit être réformée et le salarié débouté de toutes ses demandes afférentes à la prime de quart et notamment, de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la demande de requalification :

Conformément au principe 'à travail égal, salaire égal', les salariés qui se trouvent dans une situation identique doivent être traités de manière identique.

Une différence de traitement peut cependant légitimement exister dès lors qu'elle repose sur des raisons objectives, étrangères à toute discrimination prohibée.

En l'espèce, le salarié revendique le bénéfice d'un salaire et d'un coefficient identiques à ceux dont bénéficiait Mme [L] qu'il a remplacée à compter du 20 mars 2006, dans un premier temps de manière temporaire puis, à partir de 1er décembre 2007, de manière définitive.

Alors qu'il a bénéficié du coefficient 200 du 1er mars 2006 au 30 novembre 2007, du coefficient 215 à compter du 1er décembre 2007 et du coefficient 230 à partir du 1er février 2011, le salarié réclame l'application du coefficient 215 à compter de septembre 2006 et du coefficient 230 à partir du 1er décembre 2007.

Selon l'article 417 de la convention collective de branche de l'industrie du pétrole : «Tout remplacement d'un agent de maîtrise ou assimilé dont l'emploi correspond à une classification supérieure, d'une durée excédant 15 jours consécutifs (congés payés exclus) donne droit au versement d'un supplément de salaire égal à la différence entre les appointements minima correspondant à l'emploi du remplacé et les appointements effectifs du remplaçant.»

Ainsi, contrairement à ce qu'affirme l'intimé, aucune disposition ne prévoit que le salarié effectuant un remplacement doit bénéficier de la différence entre son salaire et le salaire dont bénéficiait le salarié remplacé.

Or, l'employeur établit par la production des bulletins de salaire que le salarié a bénéficié de primes de remplacement correspondant à la différence entre son propre salaire et les appointements minima de l'emploi du salarié remplacé et qu'il a toujours bénéficié d'un salaire supérieur au minimum attaché au coefficient de la salariée qu'il remplaçait.

S'agissant du coefficient, l'article 417 a) 5° de la convention collectif dispose : «Après 4 mois de remplacement dans un emploi d'ouvrier ou d'employé, ou après 6 mois de remplacement dans un emploi d'agent de maîtrise, l'ouvrier ou l'employé sera promu à la classification de l'emploi du remplacé, sauf dans le cas où le retour de ce dernier est prévu.»

Conformément à cet article, le salarié ne pouvait pas bénéficier du coefficient 215, correspondant à la classification de l'emploi qu'il occupait en remplacement de la salairée absente, tant que son retour était prévu. Dès qu'elle a été déclarée inapte définitivement à son poste de travail, le salarié a été affecté de manière définitive à ce poste et s'est vu octroyer le coefficient 215 le 1er décembre 2007, puis le coefficient 230 à partir du 1er février 2011.

Le salarié ne saurait revendiquer, à compter du 1er décembre 2007, l'application du coefficient 230 qui était celui de Mme [L] dans la mesure où leur parcours et leur formation professionnelle ne sont pas identiques. En effet, contrairement au salarié, Mme [L] était chimiste de formation et titulaire d'une licence professionnelle de sécurité des biens et des personnes, ce qui justifie le fait que son coefficient était supérieur à celui attaché à l'emploi occupé.

Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes en requalification tant salariale que de coefficient.

Sur les demandes au titre de la différence de traitement :

Le salarié soutient qu'il fait l'objet d'une différence de traitement, au motif que le dernier salarié arrivé au sein du service en 2008 a relevé du coefficient 270, dès son entrée en fonction, alors qu'il exerce les mêmes fonctions que lui. Il demande donc qu'il soit fait injonction à l'employeur de communiquer toutes les déclarations annuelles de salaires des salariés travaillant dans son service pour les années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 afin de pouvoir éclaircir la situation en matière de classification et éventuellement de rémunération. Il sollicite également la condamnation de l'employeur à lui régler des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat.

Cependant, l'employeur établit par les éléments qu'il produit, notamment la lettre d'affectation dans le service du 31 juillet 2008, que ce salarié bénéfiçiait déjà du coefficient 270, de sorte que ce coefficient est resté inchangé, la mutation étant intervenue à la demande de l'employeur et que ce salarié travaillait déjà en continu, de sorte qu'il a continué à bénéficier de la prime de quart, celle-ci étant cependant ramenée à 13 % de son salaire de base, puisqu'il est passé d'un rythme de travail en 3x8 à un travail en 2x8.

Force est de constater que l'inégalité de traitement invoquée par le salarié n'est pas caractérisée, de sorte que la décision déférée qui a débouté le salarié de sa demande de communication de pièces à ce titre, ainsi que de celle tendant à obtenir des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat doit être confirmée.

Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties, ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.

Le salarié qui succombe doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.

La décision déférée qui a alloué au salarié la somme de 1.300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner l'employeur aux dépens de première instance sera donc réformée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en requalification tant salariale que de coefficient, ainsi que de celle tendant à obtenir la communication de pièces, outre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Le réforme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Constate que l'employeur a fait une juste application de l'article 12 de l'accord collectif du 31 mars 1983 en vigueur dans l'entreprise, concernant le personnel posté en 3x8 continus

Dit que la suppression de la prime de quart pendant l'arrêt maladie du salarié n'est pas constitutive d'une discrimination en raison de son état de santé.

Déboute M. [H] [V] de ses demandes de rappel de primes de quart et de congés payés y afférents.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

Condamne M. [H] [V] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/10802
Date de la décision : 15/05/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°12/10802 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-15;12.10802 ?
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