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24/04/2015 | FRANCE | N°12/24628

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 24 avril 2015, 12/24628


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 24 AVRIL 2015



N° 2015/288













Rôle N° 12/24628





[F] [N]





C/



SARL LES CHEFS ASSOCIES

[A] [A]

































Grosse délivrée

le :



à :

- Me Vincent MARQUET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



- Me Pieter-Jan PEET

ERS, avocat au barreau de PARIS



- Monsieur [A] [A]





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section Encadrement - en date du 27 Novembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/113.

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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 24 AVRIL 2015

N° 2015/288

Rôle N° 12/24628

[F] [N]

C/

SARL LES CHEFS ASSOCIES

[A] [A]

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Vincent MARQUET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

- Me Pieter-Jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS

- Monsieur [A] [A]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section Encadrement - en date du 27 Novembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/113.

APPELANT

Monsieur [F] [N],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Vincent MARQUET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

SARL LES CHEFS ASSOCIES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Pieter-Jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 3])

Monsieur [A] [A], commissaire à l'exécution du plan de la SARL LES CHEFS ASSOCIES, demeurant [Adresse 4]

non comparant - ni représenté

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Fabienne ADAM, Conseiller

Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 février 2015 et prorogé au 24 mars 2015, 14 avril , 21 avril et 24 avril 2015

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2015.

Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

3

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

MONSIEUR [F] [N] a été embauché en qualité de chef d'établissement (niveau V échelon 1 statut cadre de la convention collective des Cafés Hôtels Restaurants) de '[Établissement 1]' par la SARL LES CHEFS ASSOCIES selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2003 pour un salaire mensuel brut de 3.869,40 € au dernier état de sa collaboration.

Le 1er février 2010, M.[N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire.

Le salarié a été licencié pour faute grave le 22 février 2010.

Saisi le 30 mars 2010 d'une contestation de son licenciement et des demandes en paiement suivantes:

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 108.000 €,

- salaire du 01/0212010 au 23/02/2010 pour mise à pied injustifiée 1.913,82 €,

- indemnité compensatrice de préavis, 13.500 €,

- indemnité de congés payés y afférents, 1.350 €,

- indemnité de licenciement conventionnelle, 2.887,49 €

- rappel de salaire (18 jours de repos travaillés) en 2009, 2.609,06 €,

- indemnité pour travail dissimulé, 27.000 €,

- article 700 du code de Procédure Civile, 3.000 €,

le conseil de prud'hommes de Draguignan a, par jugement du 27 novembre 2012:

- requalifié le licenciement pour faute grave de M.[N] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la société LES CHEFS ASSOCIES à verser à Monsieur [F] [N] les sommes suivantes au titre:

* du paiement de la période de mise à pied du 01 au 23/02/2010, 1.913, 82 €,

* de l'indemnité de préavis, 13.500 €,

* des congés payés de la période de préavis, 1.350 €,

* de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 2.887,49 €,

* de l'article 700 du code de procédure civile, 1.500 €,

- mis hors de cause Maître [A],

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

- condamné la société LES CHEFS ASSOCIES aux dépens.

Le 28 décembre 2012, M.[N] a relevé appel de cette décision.

' Dans ses écritures développées à la barre et par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'appelant demande à la cour de :

'DIRE ET JUGER sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé antérieurement à la notification de la lettre de licenciement du 22 février 2012, au plus tard par la correspondance intitulée « note de service» du 12 février 2012, et ce sans aucune énonciation de motifs,

DIRE ET JUGER en tout état de cause que le licenciement prononcé à l'encontre Monsieur [N] est abusif et ne repose ni sur une faute grave, ni sur un motif réel et sérieux,

ANNULER la mise à pied à titre conservatoire imposée à Monsieur [N] entre le 1er février 2010 et la date du licenciement;

DIRE ET JUGER en toutes hypothèses que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,

CONDAMNER la Société S.A.R.L Les Chefs associés au paiement des sommes suivantes au profit de Monsieur [N] :

*108.000,00 EUROS à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

*1.913,82 EUROS au titre de la mise à pied injustifiée,

*13.500,00 EUROS à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*1.350,00 EUROS à titre de congés payés sur préavis,

*2.887,49 EUROS à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*27.000 EUROS à titre d'indemnité forfaitaire pour le travail dissimulé

* 4.000,00 EUROS au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la SARL LES CHEFS ASSOCIES aux entiers dépens.'

4

' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience et par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'intimée demande à la cour de :

'- INFIRMER le jugement en ce qu'il a considéré que les faits de harcèlement constituaient une simple cause réelle et sérieuse et non pas une faute grave

- CONSTATER les actes de bannissement et d'isolement de la victime, l'entrave à l'exercice de ses fonctions, sa dévalorisation publique, sa mise au placard dans un local 'faisant fonction de vestiaires, d'entrepôts pour les appareils d'entretien', les reproches injustifiés qui lui ont été adressés par M [N] - CONSTATER que la SARL LES CHEFS ASSOCIES, tenue à une obligation de sécurité de résultat, était fondée à engager une procédure de licenciement pour faute grave à l'endroit de M. [F] [N] afin d'éviter que les faits de harcèlement moral se réitèrent pendant le préavis et ceci quel que soit les performances et l'ancienneté de l'intéressé.

Et, en conséquence,

- DIRE ET JUGER que le licenciement de M. [F] [N] repose sur une faute grave

- DEBOUTER M. [F] [N] de l'ensemble de ses demandes comme mal fondées sur le fondement des dispositions des articles L. 1152-4, L. 1153-5, L. 1152-5 et L. 1153-6 du Code du travail.

- CONDAMNER M. [F] [N] à rembourser à la SARL LES CHEFS ASSOCIES les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, soit l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité de préavis, l'indemnité de congés payées y afférentes et le salaire de la mise à pied, soit la somme nette 17.642,20 € (pièce 112).

CONDAMNER M. [F] [N] à verser à la SARL LES CHEFS ASSOCIES la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la recevabilité de l'appel :

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.

Sur le fond :

M.[N] affirme que la procédure de licenciement n'a pas été respectée, qu'il n'a pas été convoqué à l'entretien préalable, que le jour de l'entretien préalable le 10 février 2010, son employeur lui a signifié que sa décision de se séparer de lui était déjà prise, et même que cette décision lui avait été notifiée verbalement plusieurs semaines auparavant par un autre intervenant M.[L], directeur financier. Il se fonde également sur la note de service du 12 février 2010 qui, d'après lui, a annoncé à l'ensemble du personnel son départ définitif de l'entreprise. M.[N] en conclut que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour avoir été effectif avant la notification de la lettre de licenciement et au plus tard par la correspondance intitulée note de service du 12 février 2010 sans aucune énonciation des motifs.

La société LES CHEFS ASSOCIES conteste cette version et produit la convocation à entretien préalable adressée à M.[N] contenant également sa mise à pied à titre conservatoire datée du1er février 2010 et la preuve du dépôt de cette lettre recommandée en date du 2 février 2010. L'examen de la note de service du 12 février 2010 révèle seulement que l'employeur a avisé le personnel de ce que l'intérim, dans les fonctions de directeur d'exploitation, était assuré par M.[N] [P], ' jusqu'à temps que je prenne une décision définitive qui devrait intervenir en mars prochain'. Cela ne fait que démontrer qu'après l'entretien préalable, l'employeur était dans la période de réflexion préalable au licenciement.

Eu égard à la mise à pied conservatoire décidée à l'encontre de M.[N], il était logique, au regard de l'importance de l'établissement, que l'employeur assure le remplacement temporaire du directeur d'exploitation.

Il résulte des ces pièces, contrairement aux affirmations de M.[N], que la procédure de licenciement, telle que prévue par les articles L1232-2 et suivants du code du travail a été respectée, la notification du licenciement par la lettre du 22 février 2010 étant intervenue après un délai de réflexion ayant suivi l'entretien préalable du 10 février 2010 auquel M.[N] avait régulièrement été convoqué.

5

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi motivée :

'Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 10 février 2010 en présence du conseiller dont vous aviez souhaité l'assistance, nous nous voyons contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave et à vous le notifier par la présente. Comme nous vous l'avons indiqué, cette faute grave découle d'une accumulation d'agissements délibérés de votre part, qui sont caractérisés ainsi qu'il suit.

En ma qualité de gérant de notre société, il m'appartient de veiller à faire une juste distinction entre l'exercice normal du pouvoir de direction et son abus. En particulier, il est de mon devoir de réprimer tout abus susceptible de porter atteinte à la dignité, la santé ou la sécurité des salariés.

Or, votre mode de management jugé pathogène est trop souvent la source d'une dégradation des conditions de travail des salariés placés sous votre subordination entraînant une véritable souffrance au travail. A titre d'exemple:

Le 26 décembre 2009, nous avons reçu une lettre recommandée émanant de notre Assistante commerciale, [Q] [Y] qui se plaignait d'être la victime de harcèlement moral, de management autoritaire de votre part et de reproches injustifiés nuisant à son équilibre dans l'entreprise, à la rentabilité de son travail et au bon fonctionnement de la société. Pour mémoire, des faits similaires vous avaient déjà été reprochés en août 2009 par notre Chef de réception, [U] [J], qui a maintenant quitté l'entreprise.

Avant de prendre la moindre décision j'ai tenu à vérifier la réalité des faits ainsi dénoncés en interrogeant les personnes concernées.

Le 8 janvier 2010 j'ai ainsi demandé à [R] [D], Directeur Général d'[H] [Q] Entreprise de rencontrer les cadres de l'entreprise - [B] [C] (Chef de cuisine) et [N] [P] (Directeur de restaurant) - afin qu'ils s'expriment sur votre façon de diriger l'entreprise et de manager le personnel.

Ils ont clairement critiqué votre autoritarisme, votre manque de dialogue et de concertation ainsi que votre façon déplacée de parler et de traiter certains salariés et notamment [Q] [Y].

Il a également été amené à contacter différents salariés de sociétés de notre groupe, qui sont en relation avec vous ou [Q] [Y], dans le cadre d'action marketing ou d'autres fonctions supports. Parmi ceux-ci, [X] [L] comptable, [N] [M] et [W] [X] de [Établissement 2], [C] [K] en charge du marketing, [G] [R], directeur des vins, [E] [E], Directrice de [Établissement 3]. Ces derniers se sont montrés également très critiques, principalement au sujet de votre management du personnel.

Cette enquête a ainsi clairement permis de vérifier la réalité des accusations qui avaient été portées à notre connaissance par Mlle [Q] [Y].

Vous comprendrez dans ces conditions que, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et de leurs conséquences sur le bon fonctionnement du service, votre maintien dans l'entreprise, ne serait-ce que pendant le temps limité du préavis, s'avère inconcevable.

Le licenciement auquel nous nous voyons contraints de procéder à votre encontre pour faute grave prend donc effet à la date de première présentation de la présente lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

La période non travaillée du 6 février 2010 à la date de présentation de la présente, rendue nécessaire le temps de la procédure, ne sera pas rémunérée.'

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il appartient à l'employeur qui s'en prévaut d'en rapporter la réalité et la gravité.

Il résulte de l'article L1152-1du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses salariés. Ayant connaissance d'une souffrance au travail, l'employeur ne peut, sans engager sa responsabilité, laisser une telle situation perdurer ; il a l'obligation de trouver une solution pour y remédier .

En l'espèce, l'employeur en la personne de Monsieur [H] [Q] gérant de la société LES CHEFS ASSOCIES, a été saisi par un courrier du 26 décembre 2009 de Madame [Q] [Y], attachée commerciale au sein de [Établissement 1] (et de [Établissement 3]), de faits de harcèlement moral commis à son encontre par M.[N]. Cette salariée y fait état de faits qui durent depuis juin 2009 et qui se sont accélérés depuis septembre 2009.

6

Elle dénonce le désintérêt de M.[N] pour son travail et même une hostilité manifeste et expose deux faits précis à titre d'exemple: lors de la venue de M.[Q] dans l'établissement, M.[N] lui a demandé, la veille pour le lendemain, de ne pas revenir à l'Abbaye en employant le terme d'interdiction de séjour et, deuxième fait, après l'avoir traitée de 'taupe avec [Localité 1]', M.[N] lui a demandé de quitter son bureau et l'a envoyée dans un local exigu à usage collectif dans lequel les femmes de chambre, le personnel d'entretien, la réceptionniste viennent souvent, l'obligeant à interrompre son travail pour leur permettre le passage. Dans sa lettre, Mme [Y] affirme également être injustement accusée de la mésentente de l'équipe, de la mauvaise ambiance qui règne sur le site, du départ d'une collaboratrice Mme [J], de la perte du mariage [B] (faits effectivement visés dans le mail de M.[N] à Mme [Y] du 27 novembre 2009).

Avant toute décision, l'employeur a diligenté une enquête, dont M.[N] a été informé (mail de M.[Q] du 15 janvier 2010) qu'il a confiée le 8 janvier 2010 à Monsieur [R] [D] qui a interrogé M.[C] chef de cuisine, M.[P] directeur du restaurant, Mme [Y], il a visité le bureau de cette dernière, il s'est entretenu à deux reprises avec M.[N] et a organisé un entretien commun entre M.[N], M.[P] M.[C]. L'enquête a donc été contradictoire et a donné lieu à un rapport. La conclusion du rapporteur est la suivante: 'je pense que les témoignages que nous avons recueillis confirment la matérialité des faits qui nous ont été rapportés par [Q] [Y]'.

Le rapport est précis et circonstancié.

Il a été constaté par le chargé d'enquête que le bureau de Mme [Y] est effectivement 'un local aveugle de petite taille qui sert notamment de vestiaire. Elle doit se lever chaque fois que la réceptionniste doit prendre ou poser un manteau d'un client. Je considère que ce local n'est pas approprié à sa fonction'.

Cette constatation est également confirmée par l'attestation de Mme [U] gouvernante qui écrit 'depuis le 1/12/1999 je n'ai jamais vu aucun salarié travailler dans le local d'entretien/vestiaire à l'exception de Madame [Q][Y] sur ordre de Monsieur [F] [N] en 2009. J'ai du, ainsi que les femmes de chambre, déranger [Q][Y] pendant son travail afin de récupérer divers matériels destinés au service des chambres et stockés dans ce local dont les photos jointes correspondent à la situation réelle'.

D'autres attestations sont versées aux débats par l'employeur ; celles de Mme [E], directrice d'un autre établissement du Groupe [Q], [Établissement 3], (Mme [Y] était employée en qualité de commerciale pour ces deux établissements), de M.[L], directeur administratif et financier, de Mme [K] chargée de mission; tous ces témoignages détaillés, précis, concordent pour décrire la souffrance morale de Mme [Y], ' le paroxysme de sa souffrance morale a eu lieu quand [F] [N] l'a obligé à quitter son bureau pour un local servant de vestiaire et d'entrepôt de matériels utilisés par les femmes de chambre. Je pense qu'elle avait la sensation de ne plus être une salariée normale' 'elle m'a fait part de l'humiliation qu'elle a ressentie d'être ainsi mise au placard au sens propre du terme devant l'ensemble de ses collègues. Sans parler du fait qu'à partir de ce jour M.[N] parlait d'[Q] en l'appelant 'la taupe' ou 'la taupe de [Localité 1]' en s'adressant à elle ou en parlant d'elle au personnel de l'établissement' ' M.[N] l'ignorait ostensiblement en s'abstenant de donner suite à ses demandes d'explication, d'information, de réunion. Elle était devenue invisible, pour ainsi dire, véritablement laissée-pour-compte.'

La lettre d'une autre salariée en date du 10 août 2009, Madame [U] [J], dont il est question également dans la lettre de licenciement, dénonce le harcèlement moral et la discrimination dont a fait preuve M.[N] à son encontre. Elle y fait état d'attaques incessantes, notamment concernant son physique. Elle indique à la fin de sa lettre que cette situation la désole 'car [Établissement 1] est une magnifique demeure où j'ai de bonne relations avec mes collègues de travail et où je contribue au mieux à la satisfaction de nos clients'. Contrairement à ce qu'affirme M.[N] soutenant que Mme [Y] était à l'origine du départ de Mme [J] (mail qu'il a adressé à Mme [Y] le 27 novembre 2009 rédigé en ces termes 'je vous demande de travailler en meilleure cohésion avec l'équipe en place depuis de nombreuses années et d'éviter de casser les uns et les autres avec des mails en copie caché dont l'interprétation est en général exagérée, déformée et qui ne vous donnent malheureusement pas de crédit, comme vous avez pu le constater sur les deux clash entre [U] et la perte du mariage [B] dus à de mauvaise cohésion entre vous et [N]').

7

De plus il est remarqué que M.[N] ne s'explique pas sur l'attribution du bureau/vestiaire/placard, ni sur le surnom de 'taupe' ainsi que sur 'l'interdiction de séjour' intimée à sa collaboratrice lors de la venue de M.[Q].

Le fait qu'il travaille pour le groupe [Q] depuis longtemps et qu'il n'ait jamais été sanctionné, n'invalide pas pour autant une procédure de licenciement pour faute grave.

Enfin, il est souligné que le harcèlement commis par un salarié sur un autre salarié, s'il est suffisamment établi, ne peut que constituer une faute grave, c'est à dire une faute qui ne permet pas de maintenir le salarié dans l'entreprise et ce, du fait même des conséquences extrêmement dommageables pour la santé de la victime qu'une telle attitude peut avoir et que l'employeur, du fait de son obligation de sécurité de résultat ne peut pas cautionner.

L'ensemble des éléments apportés par l'employeur établit suffisamment le comportement irrespectueux, autoritariste de M.[N] envers le personnel et en particulier Mme [Y].

Dès lors le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse sera réformé, le licenciement pour faute grave de M.[N] sera déclaré fondé et M.[N] sera débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à son licenciement.

Sur les versements en espèces que M.[N] estime correspondre à des salaires non déclarés et qui justifieraient l'attribution d'une indemnité de six mois de salaire pour travail dissimulé en application des articles L8221-5 et L8223-1 du code du travail, les pièces versées par l'employeur démontrent suffisamment qu'il s'agissait des pourboires redistribués entre les salariés et non du versement occulte d'une parties des salaires. Le jugement en ce qu'il a débouté M.[N] de cette demande sera confirmé.

Le jugement sera de même confirmé en ce qu'il a mis hors de cause Maître [A] [A] alors commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde arrêté le 10 mars 2009 au motif retenu par le premier juge.

Sur la demande reconventionnelle de la société LES CHEFS ASSOCIES consistant à voir condamner M.[N] à rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, soit l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité de préavis, l'indemnité de congés payées y afférentes et le salaire de la mise à pied, soit la somme nette 17.642,20 €, il est rappelé que le présent arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par M.[N] qui, en application de l'article 700 du code de procédure civile, sera condamné à verser la somme de 800 € .

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause Maître [A] [A] mandataire judiciaire, en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [N] de sa demande au titre d'un travail dissimulé, et l'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit fondé le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [N],

Déboute Monsieur [F] [N] de l'ensemble de ses demandes fondées sur le licenciement et ses conséquences pécuniaires,

8

Dit que le présent arrêt infirmatif pour partie emporte de plein droit obligation à restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt,

Condamne Monsieur [F] [N] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne Monsieur [F] [N] à payer à la société LES CHEFS ASSOCIES la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 12/24628
Date de la décision : 24/04/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°12/24628 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-24;12.24628 ?
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