La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2015 | FRANCE | N°14/00394

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 21 avril 2015, 14/00394


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 21 AVRIL 2015

G.T

N° 2015/













Rôle N° 14/00394







SELARL [E]





C/



SA HOPITAL PRIVE MARSEILLE - BEAUREGARD - VERT COTEAU





















Grosse délivrée

le :

à :ME PETRONI

ME PETIT

















Décision déférée à l

a Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 10 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/09626.





APPELANTE



SELARL [E], société de médecins ophtalmologues, agissant par son gérant en exercice, [Adresse 2]



représentée et plaidant par Me Caroline PETRONI, avocat au barre...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 21 AVRIL 2015

G.T

N° 2015/

Rôle N° 14/00394

SELARL [E]

C/

SA HOPITAL PRIVE MARSEILLE - BEAUREGARD - VERT COTEAU

Grosse délivrée

le :

à :ME PETRONI

ME PETIT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 10 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/09626.

APPELANTE

SELARL [E], société de médecins ophtalmologues, agissant par son gérant en exercice, [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Caroline PETRONI, avocat au barreau de MARSEILLE , de la SCP ANDRE ET ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,

INTIMEE

SA HOPITAL PRIVE BEAUREGARD - VERT COTEAU, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Charles-Henri PETIT de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Anne-Sophie MOULIN, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sophie PICARD, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mars 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Georges TORREGROSA, Président

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2015,

Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les faits, la procédure et les prétentions :

Monsieur [E] , puis la Selarl [E] , ont exercé et exercent à titre libéral la spécialité le médecin ophtalmologue.

Cette spécialité a été exercée au sein de l'hôpital privé Beauregard entre mars 2003 et avril 2011, par mise à disposition d'un bloc opératoire à raison d'une demie vacation par semaine avec le personnel attaché. Une redevance était prévue correspondante à 5 % TTC des honoraires.

Le 21 mars 2011, la Selarl [E] informait la direction de l'hôpital de sa volonté de cesser son activité au sein de la structure à compter du 18 avril 2011.

Par acte en date du 11 juillet 2011 et conclusions postérieures, l'hôpital de Beauregard estime qu'un préavis de 12 mois n'a pas été respecté correspondant aux usages et à l'ancienneté du médecin sortant. Une somme de 86'789,85 euros était réclamée à titre de dommages-intérêts pour le manque-à-gagner sur la période de préavis non respectée.

Par jugement contradictoire en date du 10 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Marseille a retenu un préavis de six mois et condamné le médecin à payer à l'hôpital une somme de 44'637,96 euros en principal.

La Selarl [E] a relevé appel de façon régulière et non contestée le 10 janvier 2014. Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'appelant a conclu le 7 novembre 2014 au visa en substance de l'article 4113 ' neuf du code de la santé publique.

Au principal, la cour jugera qu'il s'agit d'un contrat d'entreprise et que les parties n'ont pas entendu se placer sous le rapport de droit né d'un contrat d'exercice libéral à défaut de réservation d'exclusivité réciproque et de pérennité voulue;

L'hôpital sera débouté et le jugement réformé en ce sens.

Au principal encore, l'appelant n'a commis aucune faute susceptible de constituer un préjudice au détriment de l'hôpital dans l'exercice de la rupture de relations contractuelles, et l'hôpital n'a subi aucun préjudice. Il n'y a pas eu de désorganisation de l'hôpital.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a considéré que l'intervalle particulièrement ténu entre ces dates, à savoir 28 jours, constitue nécessairement un abus de la faculté de rupture.

De même le jugement sera réformé en ce qu'il a retenu un manque-à-gagner sur la base de 107 opérations sur six mois.

À titre infiniment subsidiaire, l'expert sera désigné pour l'estimation du quantum du préjudice et une somme de 3000 € est réclamée au titre des frais inéquitablement exposés .

L'hôpital privé Marseille Beauregard Vert coteau, intimé , a conclu le 7 novembre 2014 de façon récapitulative en demandant le Rabat de l'ordonnance de clôture est la confirmation du jugement avec condamnation de l'appelant à payer une somme de 37'104 17 €. En principal, avec intérêts légaux depuis le 11 juillet 2011 et capitalisation annuelle. Une somme de 3000 € réclamés au titre des frais inéquitablement exposés ;

L'ordonnance de clôture est en date du 4 novembre 2014.

SUR CE :

Attendu que l'appelant soutient d'abord au principal , à suivre le libellé de ses conclusions, que l'appréciation du caractère abusif et donc fautif de l'exercice d'un droit de rupture contractuelle est commandé par la nature de la relation de droit nouée entre les parties;

Que la nature des obligations mises à la charge de chacune des parties retracées dans les factures versées à la procédure ressortit au contrat d'entreprise, et qu'il n'est nullement rapporté la preuve que les parties auraient entendu se placer sous le rapport de droit né d'un contrat d'exercice libéral, aucun élément factuel ressortissant au contrat d'exercice de l'ordre des médecins revendiqué par le demandeur ne révélant cette intention quant à une exclusivité réciproque et quant à la pérennité voulue de la relation;

Attendu qu'en réalité , cette argumentation vise à rejeter la portée des pièces numéro cinq et six de l'hôpital émise pour la première par l'ordre national des médecins, relative au contrat entre les praticiens et les cliniques privées, et pour la seconde par le comité de liaison et d'action de l'hospitalisation privée, s'agissant de recommandations relatives au contrat d'exercice libéral;

Attendu que les recommandations portaient entre autres sur la faculté de rompre à tout moment un contrat à durée indéterminée, sous réserve d'un préavis variable selon la durée des relations contractuelles passées, et dont l'hôpital estimait donc en premier ressort qu'il pouvait être porté à un an ;

Mais attendu qu'en toute hypothèse , et au-delà de la qualification du contrat liant les parties, qui n'était en réalité ni un contrat d'entreprise , ni un contrat de louage de choses , la cour n'est saisie que des circonstances de la rupture du contrat qui existait incontestablement entre les parties, et non pas de la nature du contrat en lui-même , et donc de la portée de la pièce numéro six qui n'était fournie qu'à titre de recommandation du comité de liaison , et qui devient paradoxalement le centre de la discussion juridique soutenue par l'appelant;

Attendu que force est de constater d'ailleurs qu'au-delà de cette discussion , les pièces de l'appelant ne reviennent pas sur les éléments objectifs permettant d'affirmer que depuis mars 2003, il existait un contrat verbal entre les parties , l'absence d'écrit n'ayant aucun effet sur la validité dudit contrat en droit civil , malgré les termes de l'article L 41 13 ' neuf du code de la santé publique ;

Attendu qu'il ne peut être sérieusement contesté que ce contrat permettait au docteur [E] l'exercice de la chirurgie ophtalmologique à titre libéral au sein de la clinique, une demi-journée par semaine, sans exclusivité ni cessibilité du contrat, avec mise à disposition du praticien des moyens nécessaires à l'exercice de son art ;

Attendu qu'il s'agissait de chirurgie ambulatoire, avec possibilité néanmoins de prise en charge en hospitalisation complète , prise en charge par l'hôpital du recouvrement des honoraires auprès des organismes d'assurance-maladie, et rétrocession par le praticien d'une redevance de 5 % toutes taxe comprises des honoraires encaissés ;

Attendu que ces éléments objectifs, non sérieusement contestés , recoupent en réalité l'essentiel de la description de son activité par l'appelant , qui s'attache à démontrer qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'entreprise , pour affirmer à tort qu'il s'agit d'un simple louage de choses , alors que son adversaire ne disconvient pas de l'évidence juridique minimale , à savoir qu'il exerçait à titre libéral dans une structure privée, sans exclusivité de part ou d'autre et sans engagement de durée susceptible de patrimonialiser la situation d'exercice de fait, la cour rappelant si besoin est qu'aucune demande de l'hôpital n'est formée sur ces fondements, et qu'ainsi l'essentiel de l'argumentation de l'appelant sur la nature du contrat non seulement est hors sujet, mais porte-à-faux référence faite aux fondements invoqués par l'hôpital ;

Attendu que l'existence d'un contrat verbal d'exercice libéral au sein d'une structure privée étant établie, il convient de l'exécuter de bonne foi comme tout contrat , et s'agissant d'une durée indéterminée de respecter en cas de rupture un délai de prévenance raisonnable qui, sans avoir à se référer obligatoirement aux recommandations professionnelles qui n'ont pas vocation à suppléer le silence du contrat , prend en compte notamment la durée et les modalités d'exercice dans l'établissement ;

Attendu que la cour rappelle que la faculté de rupture appartient à chaque partie, sans avoir à rendre compte des raisons qui motivent cette rupture, tout le débat en l'espèce sur les raisons réelles alléguées du docteur [E] étant superfétatoire , de même que le débat sur la proposition de reprise qui n'a pas abouti alors que l'assignation était lancée ;

que la seule question est celle des modalités de la rupture , et des dommages-intérêts qui s'en découlent si elle s'avère brutale et donc fautive, lorsque le délai de prévenance n'est pas suffisant ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté qu'après huit ans d'exercice stable et continu, une demi-journée par semaine, le docteur [E] a fait part le 21 mars 2011 de sa volonté d'arrêter sa collaboration au sein de l'établissement , en précisant qu'elle a été « en tout point positif et notamment au niveau de la qualité des soins délivrés » , aucune faute n'étant donc reprochée , bien au contraire, à l'hôpital ;

Attendu que le préavis indiqué était au 18 avril 2011 , soit 28 jours , sachant que le praticien précisait dans le même courrier que « d'après mes discussions, il semblerait que la libération de ce créneau soit profitable au développement de la stomatologie le lundi matin » ;

Attendu qu'il s'en déduit que le Docteur [E] lui-même convenait de la nécessité de respecter un délai de prévenance , et rassurait l'hôpital sur la possibilité selon lui d'occuper son créneau , ce qui manifeste bien à tout le moins la conviction partagée de ce qu'un bloc opératoire doit faire l'objet d'une utilisation optimisée pour rester rentable ;

Attendu que la cour estime ,dans ce cadre reprécisé , que le délai de 28 jours ne pouvait correspondre à un exercice antérieur stable et satisfaisant pour tous d'une durée de huit ans , même pour une demi-journée par semaine qui est loin d'être négligeable en termes de chiffre d'affaires , et qu'ainsi le délai de prévenance retenu par le premier juge à hauteur de six mois est tout à fait adapté et raisonnable ;

Attendu que s'agissant des dommages-intérêts, l'appelant estime que la démonstration d'une désorganisation de l'hôpital n'est pas rapportée, qu'une proposition de reprise émise de bonne foi n'a pas eu de suite et que l'hôpital est rémunéré sur les actes opératoires effectifs ;

Mais attendu que la proposition de reprise, fût-elle de bonne foi, n'a pas eu de suite et n'a pas d'incidence juridique sur la rupture intervenue et ses modalités ;

Attendu que s'agissant des actes opératoires effectifs , il est patent que la collaboration du docteur [E] avait donné lieu , sur huit années , à la perception d'un chiffre d'affaires et d'une redevance présentant un caractère de stabilité , les chiffres présentés en page 23 et 24 des conclusions de l'hôpital n'étant pas contestables à tout le moins pour le réel réalisé en 2010 , tant pour les honoraires du docteur que pour le chiffre d'affaires de l'hôpital , en pièce huit de l'annexe un notamment ;

Attendu qu'il ne peut être sérieusement mis en avant les principes déontologiques de l'exercice libéral de la médecine , et bien entendu l'interdiction d'imposer à un médecin l'exercice d'un certain nombre d'actes, pour contre battre la réalité d'une activité ancienne et stable générant un chiffre d'affaires pour l'hôpital, et des honoraires pour le médecin amputés en l'espèce d'une redevance , la démonstration étant suffisante que pour l'année 2011 , l'activité aurait pu continuer, la base réelle de 2010 constituant une approche sérieuse , sachant que 214 interventions ont généré 194'805 € , dont à déduire des charges que l'hôpital estime à 404,27 euros par intervention , sachant que pour 2011 le nombre d'interventions retenues par l'hôpital pour calculer son préjudice est de 214 (pareil qu'en 2010 ) , mais que le tarif par intervention et de 808,51 euros et non pas de 910,30 comme en 2010 :

Attendu que l'hôpital se livre logiquement à un calcul sur cinq mois de délai de prévenance qui n'a pas été respectée (six mois moins un mois ), et ajoute la redevance au prorata sur l'assiette de celle payée en 2010 ;

Attendu que si l'on doit retenir l'existence d'un aléa affectant la certitude de réaliser une marge nette sur les cinq mois qui auraient du normalement faire l'objet d'un préavis , il n'en demeure pas moins que par ailleurs l'hôpital offrait une structure générant des charges , dont certaines seulement peuvent être considérées comme directement induites par l'activité du praticien, à savoir l'affectation d'une infirmière, ses consommables et ses implants, ce qui est reconnu en page 22 des conclusions de l'hôpital ;

Que pour le reste, toute absence d'utilisation optimale du créneau horaire considéré génère nécessairement des pertes ;

Attendu qu'en définitive , compte tenu de ces divers éléments qui ne nécessitent pas le recours à une expertise , la cour s'estimant suffisamment éclairée , les dommages constitués, sur la période de cinq mois qui aurait dû continuer à faire l'objet de l'exercice libéral , par la nécessité de remanier l'organisation du créneau abandonné et par la perte de chiffre d'affaires net même affectée d'un aléa , tout à fait minime au vu de la stabilité de l'activité passée , peuvent être estimés à 30'000 € ;

Attendu qu'une somme de 1200 € est justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel;

PAR CES MOTIFS , LA COUR statuant contradictoirement :

Déclare l'appel très partiellement fondé ;

Confirme le jugement de premier ressort sur le principe de la condamnation , mais réformant sur le montant, condamne la Selarl [E] à payer à l'hôpital privé Beauregard la somme de 30'000 € avec intérêts au taux légal depuis le 11 juillet 2011 et capitalisation de ces intérêts pour ceux dus depuis au moins un an à compter de la même date ;

Confirme pour le surplus ;

Condamne l'appelant aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile , outre le paiement à l'intimé d'une somme de 1200 € au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 14/00394
Date de la décision : 21/04/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°14/00394 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-21;14.00394 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award