COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 14 AVRIL 2015
N° 2015/
Rôle N° 14/07949
[G] [F]
C/
S.A. U COTTONE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Laurence GAERTNER DE ROCCA SERRA, avocat au barreau de BASTIA
Me Angeline TOMASI, avocat au barreau de BASTIA
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Arrêt en date du 14 avril 2015 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation de PARIS en date du 15 Janvier 2014, qui a cassé l'arrêt rendu le 21 mars 2012 par la Cour d'Appel de BASTIA.
APPELANT
Monsieur [G] [F], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Laurence GAERTNER DE ROCCA SERRA, avocat au barreau de BASTIA (10 Bd Gaudin 20200BASTIA)
INTIMEE
S.A. U COTTONE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Angeline TOMASI, avocat au barreau de BASTIA
([Adresse 2])
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Février 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2015.
Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [G] [F], qui a été salarié de la SA U Cottone, exploitant un supermarché à l'enseigne U en Corse, du 20 mai 1986 au 3 mars 2010 , a saisi en 2008 le conseil de prud'hommes de Bastia afin d'obtenir, à titre principal, le paiement d'un complément de salaire, d'un solde des congés payés, de dommages et intérêts pour comportement abusif de l'employeur ainsi que le remboursement d'une somme de 36 705, 08 € correspondant à des retenues pratiquées par la société U Cottone sur ses salaires de 2004 à 2006.
Ayant été débouté de toutes ses demandes par jugement du conseil de prud'hommes daté du 11 mai 2011, M. [G] [F] en a relevé appel devant la cour d'appel de Bastia, laquelle, par arrêt du 21 mars 2012, a infirmé partiellement la décision des premiers juges et condamné la société U Cottone à payer à M. [G] [F] 3 299,01 € à titre de complément de salaire pour la période de septembre 2007 à novembre 2007 et 31 409,60 € en remboursement de compensations salariales illégales et de retenues pour acomptes injustifiées pratiquées par l'employeur sur les salaires au cours des années 2004 à 2006.
A la suite d'un pourvoi formé par la société U Cottone, la Cour de cassation, par décision du 15 janvier 2014, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 21 mars 2012 «... mais seulement en ce qu'il a condamné la société U Cottone à verser à M. [F] la somme de 31409,60 € au titre des retenues pratiquées sur son salaire... » au motif que la compensation des sommes restant dues par le salarié au titre d'un prêt consenti dans le cadre d'une convention distincte du contrat de travail et qui ne constitue pas ainsi que la cour d'appel l'a, à tort, considéré une avance sur salaire, s'applique sur la fraction saisissable du salaire et renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Aix en Provence.
A l'audience de cette cour, M. [G] [F] a conclu à l'infirmation du « jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bastia en date du 11 mai 2011 sur le point objet de l'arrêt de cassation susvisé » et a sollicité la condamnation de la société U Cottone à lui payer 29 680,67 € représentant les retenues sur salaire qu'il estime avoir été effectuées irrégulièrement par cette dernière ainsi que 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société U Cottone soutient que seule une somme de 1 272,38 € a été compensée sur les salaires de M. [G] [F] au-delà des montants autorisés par la loi, lequelle doit se compenser avec la somme de 1 000 € que M. [G] [F] reste lui devoir.
Elle sollicite, en outre, la condamnation de l'appelant au paiement de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 11 février 2015.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que l'examen des bulletins de salaire de M. [G] [F], salarié de la société U Cottone du 20 mai 1986 au 3 mars 2010, révèle que de 2004 à 2006 l'employeur a opéré chaque mois sur le salaire net imposable des retenues pour des sommes variables inscrites sous les intitulés comptables suivants : « acompte espèces », « compte mag », « acompte par virement », « remboursement de prêt » ; que la société U Cottone, à qui il incombe de prouver, conformément à l'article 1291 du code civil, qu'elle possède sur son salarié une créance certaine, liquide et exigible pouvant se compenser avec ses salaires, soutient que ces retenues correspondent principalement à:
2 prêts, d'un montant de 3 000 € et de 6 000 € consentis en 2004 et 2005 à M. [G] [F],
des achats effectués dans le supermarché par le salarié,
des virements bancaires en faveur de ce dernier,
des acomptes en espèces, destinés notamment au règlement de loyers ;
Attendu que M. [G] [F] conteste dans ses conclusions en cause d'appel non seulement le montant des retenues opérées sur ses salaires par rapport aux limites et plafonds légaux relatifs aux sommes saisissables sur les rémunérations mais également leur bien fondé, notamment la réalité comme le montant des achats en magasin, des acomptes et virements dont fait état la société U Cottone ;
Attendu qu' à l'examen des pièces produites par la société U Cottone il y a lieu de constater ;
-qu'il est impossible de déterminer la nature comme le montant des achats que M. [G] [F] a pu faire dans le magasin, en l'absence de notes de caisse, de factures ou de pièces comptables contresignées par ce dernier ;
-que les photocopies d'un cahier de comptes manuscrit et le document informatique intitulé « impression de compte », produits par l'employeur, ne comportant aucune approbation par M. [G] [F] des sommes qui y sont portées, sont dépourvus de toute valeur probatoire compte tenu de leur caractère unilatéral,
-que les contrats de prêts personnels consentis à M. [G] [F] dont les modalités de remboursement sont contestées, et qui n'ont manifestement fait l'objet d'aucun titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible, n'ont pas été versés aux débats, à l'exception de tableaux d'amortissement qui ne prouvent en rien, quand bien même seraient-il contresignés, l'existence d'un engagement contractuel régulier, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier les obligations de remboursement du salarié ;
-que les seules demandes d'acomptes signées par M. [G] [F] (pièces 8 de l'employeur) représentent un montant inférieur à 1 000 € soit une somme sans commune mesure avec les retenues sur salaire opérées à ce titre,
-que des factures de location de véhicules au nom de la société U Cottone et leurs consommations d'essence, sont mises à la charge de M. [G] [F] sans que le bien fondé d'une telle imputation puisse être vérifiée,
-que dans une note interne du 7 juillet 2006, le gérant de la SA U Cottone qui était le bailleur à titre personnel de M. [G] [F] selon le bail versé aux débats, demande la déduction sur le salaire de ce dernier d'une somme de 1 580 € au titre des loyers du premier trimestre 2006, laquelle n'apparaît aucunement constituer une créance de l'employeur sur le salarié ;
Attendu que le fait que M. [G] [F] n'ait pas contesté les retenues sur salaire pendant la relation de travail ne saurait constituer la preuve de leur bien-fondé contrairement à ce que soutient la société U Cottone ;
Attendu qu'en l'état de l'ensemble de ces constatations, et en raison de l'impossibilité de faire le moindre recoupement cohérent entre les pièces produites par l'employeur et les retenues opérées sur les salaires de M. [G] [F] dont le bien fondé, ne peut ainsi être constaté, la cour fera intégralement droit à la demande en remboursement de la somme de 29 680,67 € correspondant aux retenues irrégulièrement pratiquées ;
Attendu que l'équité justifie d'allouer à M. [G] [F], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de la société U Cottone ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
-Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bastia du 11 mai 2011 en ce qu'il a rejeté la demande en remboursement des retenues opérées par la société U Cottone sur les salaires de M. [G] [F],
-Statuant à nouveau et y ajoutant :
-Condamne la société U Cottone à rembourser à M. [G] [F] une somme de 29 680,67 au titre des retenues pratiquées sur ses salaires au cours des années 2004 à 2006 et à lui payer 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne la société U Cottone aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
G. BOURGEOIS