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19/03/2015 | FRANCE | N°14/10717

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 19 mars 2015, 14/10717


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2015



N°2015/142

BP/













Rôle N° 14/10717







[J] [H]





C/



Société AUSY













































Grosse délivrée le :

à :

Me Eric VEZZANI, avocat au barreau de NICE



Me N

icolas SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section E - en date du 30 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/572.





APPELANTE



Madame [J] [H], demeurant [Adresse 1]



r...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2015

N°2015/142

BP/

Rôle N° 14/10717

[J] [H]

C/

Société AUSY

Grosse délivrée le :

à :

Me Eric VEZZANI, avocat au barreau de NICE

Me Nicolas SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section E - en date du 30 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/572.

APPELANTE

Madame [J] [H], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Eric VEZZANI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Société AUSY, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Nicolas SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 2]) substitué par Me Paul VAN DETH, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte PELTIER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par déclaration en date du 24 mai 2014, Mme [J] [H], engagée le 28-08-06 par la société devenue Ausy à compter du mois de juillet 2007, en qualité d'ingénieur affaire puis directrice d'agence à compter de 2010, licenciée pour faute grave le 11 avril 2013, a formé appel d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grasse ayant condamné l'employeur au paiement d'un rappel de 1.000 euros à titre de prime outre 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, mais l'ayant débouté de toutes ses autres demandes formées à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour harcèlement.

Aux termes de leurs écritures, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, et des prétentions, les parties formulent les demandes suivantes  :

Mme [H] conclut à l'infirmation du jugement entrepris, excepté en ce qui concerne la condamnation prononcée ; à l'absence de faute, à l'existence d'un harcèlement dont elle a été victime, au paiement des sommes de 4.250 euros et 6.000 euros à titre de rappel de salaire sur les parts variables 2012 et 2013, 18.750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 12.500 euros à titre d'indemnité de licenciement, 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation du véhicule de fonction, 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'entiers dépens.

Elle soutient que la relation de travail s'est dégradée à compter de l'arrivée de M. [U] en qualité de directeur opérationnel de la région Paca ; qu'elle a été victime d'un harcèlement résultant d'un isolement, du non traitement de ses demandes en personnel outre de contraintes abusivement imposées ; qu'elle n'a commis aucune faute et démontre que les griefs ne sont pas fondés ; que ses demandes en paiement sont justifiées ;

La société Ausy conclut à la confirmation du jugement entrepris, à l'existence d'une faute grave, à l'absence de harcèlement, au débouté adverse.

Elle fait valoir que les griefs tirés de la dégradation de la qualité du travail de la salariée, de son refus de se conformer aux processus internes, de son comportement général, sont bien fondés ; qu'il n'a existé aucun harcèlement, la direction d'Ausy ayant au contraire été particulièrement bienveillante ; que ses demandes en paiement ne sont pas fondées ;

SUR CE

Sur les rappels de salaire :

Au titre de la prime de mission :

La société Ausy demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle ne conteste pas la condamnation prononcée par les premiers juges ; le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef  ;

Au titre de la part variable :

Mme [H] expose qu'elle percevait un fixe de 50.000 euros annuels bruts auquel s'ajoutait une part variable de 25.000 euros bruts à objectifs semestriels atteints, avec majoration en cas de dépassement, et qu'il lui était réglé à ce titre une avance sur commission de 1.000 euros bruts par mois, la régularisation devant intervenir en fin de semestre ; que l'employeur n'a pas soldé les comptes du fait du licenciement ;

1- concernant l'année 2012 :

Elle rappelle qu'il lui est due la somme de (25.000/2=) 12.500 euros au titre du dernier semestre et observe n'avoir perçu qu'une somme de 8.250 euros à titre d'avance, dont 4.000 euros versés au mois de novembre 2012 soit un mois avant l'échéance de régularisation ; que l'employeur ne démontre pas qu'elle n'aurait pas atteint les objectifs fixés ; qu'au contraire il ressort du tableau de classement des commerciaux qu'elle était placée en 4ème position ;

La société Ausy qui n'allègue même pas avoir remplie la salariée de ses droits, se borne à soutenir, pour l'année 2012, que la salariée qui a reçu des avances ne démontre pas la teneur et l'étendue des primes ;

Toutefois, il est constant que le contrat de travail stipule le paiement d'une part variable « de 25.000 euros à objectif atteint » ; il appartient dès lors à l'employeur de démontrer qu'il s'est libéré de son obligation ; faute de démonstration, la demande en paiement sera accueillie à concurrence de la somme réclamée de 4.250 euros correspondant au solde demeurée impayé ;

2- concernant l'année 2013 :

La société Ausy fait valoir que la lettre d'objectifs pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2012, stipule que la prime ne sera due qu'à « l'unique condition que vous soyez salariée et non démissionnaire de la société au dernier jour de la période définie » ;

Toutefois, il sera observé que cette modification de la rémunération telle que résultant, comme il vient d'être dit, du contrat de travail, ne concerne que les objectifs du dernier semestre 2012 et non ceux de l'année 2013, lesquels n'ont au demeurant pas été transmis à Mme [H], et que cette modification n'a de surcroît pas fait l'objet d'un avenant susceptible de la rendre opposable à la salariée ;

Par suite, et alors que l'employeur ne prétend pas que la salariée n'aurait pas atteint ses objectifs, que la salariée démontre avoir perçu une avance de 2.000 euros en janvier et février 2013, il sera fait droit à sa demande à concurrence de la somme de ([12.500/6x3] - 2.000 = 4.250 euros à la date du licenciement ;

Sur le licenciement :

La faute grave est définie comme résultant d'un fait, ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié et constituant une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis et dont la preuve incombe à l'employeur;

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige énonce les griefs suivants, à l'analyse desquels la cour se limitera donc, en écartant comme inopérants les autres faits dénoncés aux termes des conclusions développées par l'employeur :

1- « la baisse de votre activité sur le second semestre 2012 et le premier semestre 2013 due à votre comportement », l'employeur ajoutant que les résultats commerciaux ont connu une baisse significative liée à un manque de dynamisme commercial et ce malgré de nombreuses mises en garde lors des réunions commerciales hebdomadaires ;

Toutefois, force est d'admettre comme le soutient la salariée qu'il n'est pas justifié d'aucun des multiples avertissements que l'employeur affirme avoir adressé à la salariée, non plus que de la baisse de ses résultats commerciaux ; au contraire, comme il a été vu ci avant, l'employeur n'a pas prétendu et en tout état de cause pas établi que Mme [H] n'avait pas atteint ses objectifs donnant lieu au paiement de la part variable convenue, observation devant être faite qu'il ressort de nombreux courriels produits au dossier qu'elle apparaissait souvent au cours des derniers semestres en tête du classement des commerciaux ; au demeurant et à supposer cette baisse de résultat établie, il est constant que, sauf volonté délibérée, non alléguée au cas d'espèce, l'insuffisance en résultant ne pourrait être qualifiée de faute grave ;

Il en est de même pour le grief également rattaché à ce paragraphe s'agissant « de l'échec de l'encadrement d'un commercial junior à compter du mois de septembre 2011 (') [ayant eu pour conséquence] de ne pas produire de succès pour ce commercial junior », qui sera repris et donc examiné dans le paragraphe consacré aux prétendus problèmes de comportement de comportement de la salariée ;

Enfin, l'employeur soutient encore dans ce paragraphe que plusieurs clients (Steria depuis le mois de juin 2011, Amadeus depuis le 22 mars 2013) l'ont informé ne plus vouloir Mme [H] comme interlocutrice « faute de relation de confiance dûment établie avec eux » ; toutefois, Mme [H] oppose la prescription des faits relatifs à Steria et démontre avoir réceptionné à l'occasion de ce transfert, des courriels attestant des bons retours émis par les représentants de ce client, tout en observant à juste titre que l'allégation de l'employeur ne résulte en définitive d'aucune des pièces produites ; en tout état de cause, et à la supposer établie, une telle insuffisance ne serait également pas de nature à caractériser une faute grave ;

2- « vos problèmes de comportement interne avec nos salariés » :

L'employeur fait grief à Mme [H] de problèmes « relationnels persistants (') à savoir des mésententes et des tensions qui ont été nuisibles au travail de l'équipe commerciale au sein de la DOP (allant jusqu'aux menaces physiques). Ce point a été constaté à de nombreuses reprises par vos collègues qui s'en sont plaints auprès de nous, nous obligeant ainsi à intervenir. Encore plus grave, quatre salariés en contact avec vous au quotidien ont actionné en début d'année le dispositif d'alerte AUSY santéautravail du fait de vos agissements mettant en péril leur santé au travail. Ils nous ont alertés sur vos actes de déstabilisation, intimidations critiques méprisantes...provoquant une réelle souffrance au travail à leur encontre. Nous avons immédiatement mis au point un plan d'actions en local, et vous avez eu une mise en garde énergique de votre manager à ce sujet restée sans réel effet d'amélioration de votre part. »

Il soutient que le comportement de Mme [H] a été agressif vis à vis de ses subordonnés ainsi qu'à l'encontre des autres salariés de la société ; il produit :

- s'agissant des subordonnés,

'une attestation d'un autre directeur d'agence rapportant en août 2013, avoir intégré dans son équipe depuis février 2012 un manager junior, [L] [B], qui a révélé après 7 mois d'activité de réelles qualités commerciales alors qu'il était arrivé démotivé après une période de 6 mois dans l'agence de Mme [H] dont « les qualités managériales dans ce contexte n'ont pas été démontrées » ;

'l'attestation du dit [L] [B], également datée du mois d'août 2013, qui relate que « le management de Mme [H] n'avait aucune cohérence » et sans autre précision, qu'il était « arrivé à plusieurs reprises que Mme [H] tienne des propos humiliants et violents en publique à mon égard. », mais ce, sans précision de faits ou de dates ;

- s'agissant des autres salariés,

'l'attestation d'une responsable administrative, qui se déclare également sans lien de subordination avec l'employeur et expose avoir observé que Mme [H] avait fait preuve de mépris et « mauvais esprit dans les relations de travail » avec les personnes de son équipe, avant août 2010, époque à laquelle elle était responsable recrutement PACA, comme depuis son changement de fonction ;

'l'attestation d'une directrice d'agence qui relate que le mercredi 5 septembre 2012, Mme [H] l'a « menacée verbalement » en présence de M. [U], et ce sans rapporter les circonstances de cet incident ;

'l'attestation d'une coordinatrice recrutement qui indique que Mme [H] a à plusieurs reprises fait des remarques déplacées à l'équipe de recrutement, et lui a fait « des remarques blessantes et rabaissantes » sur la qualité de son travail ainsi que sur sa personnalité ;

'l'attestation de M. [N] [E] qui se déclare étudiant et sans lien de subordination avec l'employeur et expose, que chargé du recrutement notamment pour Mme [H], il avait été pris à partie par cette dernière, qui lui avait reproché de ne plus traiter ses besoins en recrutement et avait été « très critique sur [son] travail » alors que « depuis son départ l'ambiance est plus sereine »

'les trois signalements effectués sur la boite courriel « santéautravail » respectivement datés des 15, 16 et 20 février 2013, émanant de

- [X] [H] qui se plaint d'altercations avec Mme [H] qui a « ses têtes de Turcs » et déclenche des disputes en provoquant

- [C] [S] qui transmet le courriel de [N] [E] en date du 9 janvier 2013 relatant l'incident du 3 janvier 2013 (objet de l'attestation vue ci-avant) résultant de ce que Mme [H] lui avait fait observer qu'il commettait une erreur en écartant un profil dont le descriptif « auditeur d'infrastructure linux » en caractérisait la compétence et lui avait dit qu'être en apprentissage n'était pas une raison pour faire une erreur

- [Z] [Q] se plaignant de ce que l'agence est divisée en 2 clans et de l'ambiance électrique, et ce sans mettre en cause aucune personne en particulier

'le courriel adressé par la responsable des affaires sociales aux quatre salariés ci avant cités, indiquant les avoir chacun contacté pour faire un point sur la situation ainsi que sur les solutions envisageables et précisant « les faits que vous avez relatés sont préoccupants même si leur appréciation relèvent aussi inévitablement pour une part de votre ressenti »

'un courriel adressé par M. [U] à Mme [H] en date du 5 mars 2013 indiquant avoir constaté l'amélioration de ses relations avec ses collègues et lui précisant souhaiter qu'elle continue en ce sens et que « ces rapports professionnels puissent bénéficier de la naturelle politesse qui consiste à dire bonjour et au revoir chaque jour » en concluant « Je te sais moteur dans cette prise de conscience et nous verrons prochainement à t'apporter une formation à la communication pour t'accompagner dans ta démarche » ;

Toutefois, Mme [H] fait valoir que les attestations produites, vides de contenu réel, doivent être rapprochées du problème qu'elle développe au titre du harcèlement dont elle a été victime, à savoir que ses besoins en recrutement n'étaient pas traités ; qu'elles concernent des faits déjà anciens ; que le courrier de M. [U] démontre qu'il ne pouvait s'agir de reproches sérieux susceptibles de justifier la rupture du contrat de travail ; elle produit en outre de nombreuses attestations élogieuses émanant de salariés qui ont travaillé à ses côtés durant plusieurs années ; elle observe qu'elle ne pouvait plaire à tout le monde et qu'il est naturel que la direction ait pu trouver des salariés pour la dénigrer ; que le représentant syndical du CHSCT confirme qu'aucune saisine ne l'a impliquée ;

De fait, l'examen des pièces versées au soutien de ce deuxième grief, ne permet de caractériser aucun comportement précis susceptible de constituer une faute grave, observation devant être faite d'une part que le courriel sus visé adressé par la responsable des affaires sociales, permet d'écarter l'existence de faits de harcèlement imputables à Mme [H], d'autre part qu'il résulte du courriel également sus visé du directeur opérationnel qu'il a lui-même observé une amélioration des relations après avoir eu un entretien avec Mme [H] à ce sujet ; ainsi et en tout état de cause, il n'est justifié ni d'une « mise en garde énergique de votre manager à ce sujet » encore moins de ce que celle-ci serait « restée sans réel effet d'amélioration de votre part. »

3- « vos refus réitérés de vous conformer aux processus internes d'AUSY » :

A titre d'exemple l'employeur cite

'un congé accordé sans respect de la procédure de validation, objet d'un courriel en mars 2013 ; toutefois, la salariée conteste cette appréciation en faisant valoir que la validation par le directeur du projet n'est requise que dans l'hypothèse où le consultant est en cours d'exécution ; qu'au cas d'espèce, le consultant se trouvait en fin de mission, motif pour lequel elle avait compétence pour délivrer le congé ; or, force est d'admettre que l'employeur n'apporte aucun démenti à cette interprétation au titre de laquelle elle s'est expliqué par courriel non contredit ;

'une absence de sollicitation des consultants pour compléter la matrice des compétences ainsi que des mises à jour aléatoires de l'outil ; toutefois et comme le soutient encore Mme [H], l'employeur ne démontre pas une véritable carence de sa part dès lors qu'il ressort d'un courriel en date du 11 février 2013 qu'elle apparaissait en deuxième position s'agissant des fiches de renseignements des matrices de compétence, aucune démonstration de mises à jour aléatoires n'étant par ailleurs rapportée ;

'défaillances dans la saisie des bilans annuels des consultants, résultant de l'absence de signature des bilans annuels de deux consultants en février et mars 2013, grief au titre duquel l'employeur omet de s'expliquer ;

De fait et comme le soutient Mme [H] le courriel de M. [U] en date du mois de février 2013 : « Toi quand tu ne veux pas appliquer mes procédures, tu ne veux pas. Tu peux me rajouter la calculatrice Ausy stp pour que j'ai l'info complète » permet de relativiser la gravité du grief ;

Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'analyser chacune des 183 pièces produites par la salariée à laquelle n'incombe pas la charge de la preuve de l'absence de faute grave, que l'employeur qui n'a adressé aucun avertissement durant toute la relation de travail et a au contraire souvent délivré des félicitations à la salariée, ne démontre pas la réalité d'une cause réelle et sérieuse de licenciement a fortiori d'une faute grave résultant des griefs énoncés, même pris dans leur ensemble ;

Le jugement déféré sera donc infirmé et il sera alloué à Mme [H] paiement des sommes non contestées en leur montant, de 18.750 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, 12.500 euros à titre d'indemnité de licenciement ; il lui sera en outre alloué au titre du préjudice résultant de la privation de son véhicule de fonction la somme de 500 euros fondée, à défaut de tout autre justificatif, sur l'évaluation à la somme de 330 euros de cet avantage en nature, telle que ressortant de son bulletin de salaire ;

Mme [H] dont le salaire mensuel s'élevait à la somme de 6.250 euros bénéficiait de 7 années d'ancienneté à la date du licenciement ; elle justifie avoir été admise à Pôle Emploi, avoir retrouvé un poste en contrat à durée indéterminée à compter du 26 août 2013 jusqu'au 18 avril 2014 s'agissant toutefois d'un emploi à temps partiel à concurrence de 20h par semaine ; elle indique avoir perçu des indemnités Pôle Emploi à concurrence de 13.600 euros en 2013 et 46.510 euros en 2014 et avoir ainsi subi un préjudice de l'ordre de 2.000 euros par mois ; il lui sera dès lors alloué une somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En application de l'article L. 1235-4 du Code du Travail : 'Dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11 du Code du Travail, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage par salarié intéressé. / Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées', de sorte qu'il sera ordonné le remboursement des allocations chômage versées par Pôle Emploi dans la limite de 6 mois ;

Sur le harcèlement :

En application de l'article L.1152-1 du code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Mme [H] justifie avoir sollicité dès le 4-02-13 un rendez-vous auprès du médecin du travail, produit un certificat de son médecin traitant affirmant avoir souvent évoqué avec elle « les tensions au sein de son environnement professionnel responsables d'un état de stress » ; elle pointe divers agissements ayant eu pour objet ou conséquence de l'isoler professionnellement et ainsi la placer en position d'échec professionnel s'agissant  :

- du non traitement par la cellule recrutement de ses demandes de besoins en personnel, au sujet duquel elle justifie avoir alerté M. [U] à de nombreuses reprises (cf courriels de rappels en date des 18-12-12 et 3-01-13)

- de son éviction du compte client Steria dont elle s'est plainte le 28-06-11 ;

- du remplacement abusif de l'ingénieur d'affaire avec laquelle elle travaillait en parfaite harmonie et efficacité, affectée à une autre directrice d'agence, tandis qu'il lui était imposé, sans concertation préalable et ce, contrairement à l'usage dans l'entreprise, un nouveau collaborateur en la personne de [L] [B], auquel elle s'était vu interdire de confier des comptes existants (courriel du 28-06-11) alors que ce salarié avait pu s'occuper de tels comptes dès qu'il avait été réaffecté à un autre directeur ;

- de l'absence de suite donnée à sa demande de renfort technico-commercial, dont elle déplore avoir été privée depuis le mois de février 2012, malgré l'élargissement de son périmètre du fait de la reprise du client Amadeus, ce qui résulte de divers courriels, notamment du 11 février et 15 mars 2013 ;

- de l'absence de notification de sa lettre d'objectifs pour le 1er semestre 2013 qu'elle interprète rétroactivement comme signe annonciateur de l'éviction dont elle allait faire l'objet ;

- d'une réunion en déjeuner avec ses homologues, tenue hors sa présence le 25 janvier, dont elle avait été écartée la veille alors qu'initialement conviée, et au cours de laquelle des annonces importantes avaient été faites (courriel de Mme [H] du 15 février et réponse de M. [U] ne niant pas les faits et se bornant à affirmer avoir souhaité faire un point spécifique avec les deux autres directeurs quant à leur encadrement) alors qu'à l'inverse elle était convoquée à des réunions matinales au prétexte que la présence des managers était nécessaire bien que certains d'entre eux n'y étaient pas ce qui résulte de son courriel du 15 mars 2013 ;

Or, si l'employeur conteste tout acte de harcèlement, il ne justifie aucunement de la réalité du motif allégué, tiré de la prétendue demande du client, s'agissant du retrait du compte Steria et de la réaffectation de la collaboratrice avec laquelle Mme [H] travaillait ; il ne conteste pas avoir imposé un collaborateur à Mme [H], et ce, en contradiction avec sa fiche de poste lui assurant le soin de recruter ses collaborateurs mais se borne à faire valoir que cette fiche mentionne expressément n'avoir pas de valeur contractuelle, sans justifier de motifs objectifs l'ayant conduit à une décision contraire à l'usage adopté jusqu'alors ; il se borne également à contester avoir imposé à Mme [H] de ne pas affecter [L] [B] à des comptes existants alors cependant que cette directive résulte du courriel du 28-06-11 au titre duquel il omet de s'expliquer ; de même, s'il fait valoir que le contrat de travail de la salariée ne prévoyait pas l'affectation d'un renfort commercial, il ne conteste pas que la satisfaction de cette demande formée par la salariée avait bien été envisagée comme cela résulte des courriels produits mais ne justifie pas de causes objectifs s'y étant opposées au regard notamment du périmètre d'activité de cette dernière ; il ne donne aucune explication ni quant à l'absence de fiche d'objectifs pour le 1er semestre 2013, ni au titre de la réunion dont elle avait été évincée la veille ; enfin, il ne démontre aucunement, en dépit des nombreuses alertes de la salariée avoir permis à la cellule de recrutement de donner à Mme [H] des moyens satisfaisants en matière de recrutement dans son périmètre ;

Il s'ensuit que pris dans leur ensemble, les griefs énoncés permettent de présumer d'agissements répétés de harcèlement moral ayant conduit à un isolement professionnel susceptible de mettre la salariée en échec professionnel, ayant eu une incidence sur sa santé, et que l'employeur ne démontre pas que ceux-ci étaient motivées par des éléments étrangers à tout harcèlement moral ; Mme [H] justifie en conséquence d'une situation de harcèlement ;

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande formée sur ce fondement, et il sera alloué de ce chef paiement d'une somme de 5.000 euros ;

Les dépens, ainsi qu'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seront supportés par la société Ausy qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière prud'homale, et par mise à disposition au greffe,

Réforme le jugement déféré excepté en ce qui concerne la condamnation prononcée au titre de la prime de mission, et statuant à nouveau,

Dit le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Ausy à payer à Mme [J] [H] les sommes suivantes :

- 8.500 euros à titre de rappel de salaire sur part variable,

- 18.750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 12.500 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 500 euros au titre du préjudice matériel résultant de la privation de son véhicule de fonction,

- 65.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Ausy à rembourser à Pôle Emploi le montant des indemnités de chômage versées dans la limite de 6 mois.

Dit qu'une copie du présent arrêt sera adressée par le Greffe de cette chambre à Pôle Emploi.

Condamne la société Ausy aux entiers dépens.

Déboute les parties de toutes demandes, fins et conclusions autres, plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/10717
Date de la décision : 19/03/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°14/10717 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-19;14.10717 ?
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