COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 19 MARS 2015
N° 2015/146
GP
Rôle N° 13/14814
[J] [I]
C/
SAS MARIA HELENA
Grosse délivrée
le :
à :
Me Benoît HUBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 18 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1943.
APPELANT
Monsieur [J] [I], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Benoît HUBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Claudie HUBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS MARIA HELENA, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE substitué par Me Diane DENTAL, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Février 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Brigitte PELTIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015.
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [J] [I] a été embauché en qualité d'infirmier le 14 septembre 2006 par la SAS MARIA HELENA.
Il a été en arrêt de travail à partir du 8 février 2010. Sa demande de prise en charge au titre d'un accident du travail a été rejetée par la CPAM des Alpes-Maritimes.
Monsieur [J] [I] a saisi la juridiction prud'homale, par requête du 7 octobre 2011, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et d'indemnités de rupture.
Il a été déclaré inapte à son poste de travail le 7 octobre 2011 et inapte définitif à tout poste dans l'entreprise lors de la deuxième visite médicale en date du 26 octobre 2011.
Monsieur [J] [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé du 28 novembre 2011, faisant valoir qu'il était victime de harcèlement de la part de son employeur et que ce dernier n'avait fait aucun effort sérieux pour envisager son éventuel reclassement depuis la deuxième visite de reprise par le médecin du travail.
Par jugement du 18 juin 2013, le Conseil de prud'hommes de Nice a débouté Monsieur [J] [I] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Ayant relevé appel, Monsieur [J] [I] conclut à la réformation du jugement aux fins de voir juger que le comportement de l'employeur à son égard a été constitutif de harcèlement moral, de voir juger que sa prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul et de nul effet, en conséquence, de voir condamner la SAS MARIA HELENA à lui verser :
-50 000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral,
-35 000 € de dommages intérêts pour licenciement nul,
-5614,20 € au titre du préavis,
-561,42 € au titre des congés payés incidents,
-2807,10 € au titre de l'indemnité de licenciement,
de voir juger que les dispositions protectrices des salariés protégés doivent trouver application, en conséquence, de voir condamner la SAS MARIA HELENA à lui verser la somme de 60 698 € à titre de dommages intérêts pour violation du statut protecteur, en sus de toutes les indemnités dues pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappelées plus haut.
Monsieur [J] [I] fait valoir que plusieurs de ses collègues de travail attestent qu'il a subi un harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques, qu'il a été élu délégué du personnel à compter du mois de mars 2009, que sa situation s'est aggravée avec l'arrivée de la nouvelle direction, que le 8 février 2010, il contestait la modification intempestive de son planning, que le directeur Monsieur [RV] a proféré des propos désagréables à son encontre et a eu un comportement physique menaçant, que très choqué il s'est retrouvée en arrêt maladie dès le 8 février 2010, qu'il ressort des pièces qu'il verse aux débats qu'il a été l'objet d'agissements répétés de harcèlement moral se manifestant par des propos agressifs, injurieux, humiliants et des modifications inopinées de son planning, qu'il a été arrêté pour un syndrome anxio-dépressif pendant 18 mois et a ensuite été déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise et qu'il doit être reçu en l'ensemble de ses demandes.
La SAS MARIA HELENA conclut à la confirmation du jugement entrepris aux fins de voir constater que les griefs de Monsieur [J] [I] sont injustifiés et insusceptibles de justifier en tout état de cause sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail, de voir juger que la prise d'acte de Monsieur [J] [I] produit les effets d'une démission, de voir débouter Monsieur [J] [I] de toutes ses demandes, et à la condamnation de Monsieur [J] [I] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir que Monsieur [J] [I] a multiplié les propos désobligeants à l'encontre de sa hiérarchie, qu'il a provoqué une altercation verbale avec l'employeur pour ensuite faire croire à une agression le 8 février 2010, que les attestations produites par le salarié sont particulièrement critiquables et contestables, qu'il s'agit de témoignages de complaisance, que le Procureur de la République a classé la plainte de Monsieur [J] [I] sans suite, que la Commission de recours amiable de la CPAM a rejeté la demande de reconnaissance d'accident du travail formulée par le salarié, que le harcèlement moral invoqué par Monsieur [J] [I] est infondé, que l'employeur a interrogé à plusieurs reprise le médecin du travail sur des postes de reclassement de Monsieur [J] [I], qu'elle a rempli son obligation de recherche de reclassement, que Monsieur [J] [I] qui ne justifie pas de sa situation suite à la prise d'acte de son contrat de travail a précipité la rupture de son contrat de manière opportune alors qu'il avait très certainement trouvé un autre emploi et que l'appelant doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur le harcèlement moral :
Monsieur [J] [I] produit, à l'appui du harcèlement moral dont il déclare avoir été victime, les éléments suivants :
-l'attestation du 6 octobre 2011 de Madame [D] [TU], salariée de la SAS MARIA HELENA, qui témoigne en ces termes : « atteste que mon collègue Mr [J] [I] infirmier au même établissement avait une attitude irréprochable quant à son respect vis-à-vis des salariés et très apprécié par les patients et leurs familles , il était très respectueux avec nous, très professionnel, mais hélas l'attitude de la direction surtout Melle [KE] [X] (Maîtresse de maison) et le nouveau directeur Mr [RV] [ZR] et sa mère très agressifs avec lui. Ils lui parlaient mal, ils lui criaient dessus à haute voix durant le mois de novembre-décembre 2009 janvier 2010, j'ai entendu l'infirmière référente Mme [VO] [B] le ridiculisait dans l'infirmerie du 2ème étage. Ses propos étaient = vous êtes nul, je me demande comment vous avez eu votre diplôme d'infirmier tant les salariés connaissent que vous êtes nul. Mr [RV] m'a dit en présence de Mlle [U] [R] au sein de l'établissement : c'est vrai, je me suis un peu emporté, je l'ai poussé ([I]) contre le mûre (sic) ».
Moi aussi j'ai subi une grande pression surtout après le départ en arrêt maladie de Mr HIDOURT' Le directeur me parlait mal, me changeait le planning, puis me convoquait au bureau en me ridiculisant et me menaçant avec son avocat je connais donc la pression et l'harcèlement que Mr [I] a subi, mais lui, c'est encore pire car le directeur lui mettait la pression devant tout le monde, lui changeait le planning, elles [B] [VO], [X] [KE] parlaient avec nous-les salariés-pour qu'on ne vote pas pour Mr [I] en tant que délégué du personnel. Une situation très difficile, où j'ai vu Mr [I] pleurer une fois dans l'établissement à cause de la pression. Je suis aussi en arrêt maladie pour harcèlement moral et dépression due à Mr [RV] » ;
-l'attestation du 15 juin 2011 de Madame [R] [U], ASH, qui témoigne en ces termes : «Mr [I] était un infirmier très souriant, très respectueux. Il nous a jamais manqué de respect et il était très professionnel et très apprécié humainement par les patients et les familles, mais la direction lui mettait une pression insoutenable, ça parlait que de Monsieur [I] dans l'établissement. La maîtresse de maison Mme [KE] [X] essayait à chaque fois de déstabiliser la position de Mr [I] pour qu'on ne vote pas pour lui en tant que délégué du personnel. Elle lui parlait mal depuis des années, elle lui faisait des remarques humiliantes devant nous pour le ridiculiser, elle ne faisait que : ça mais comment ' Mais pourquoi, oh lala, vous connaissez rien. Le directeur [RV] [ZR] a ensuite exercé la pression en novembre en changeant l'organisation de travail, augmentation de la charge de travail, la direction et l'infirmière référente Mme [R] [VO] parlaient très mal à Mr [I] et lui criaient dessus. On a vu Mr [I] déstabilisé, très stressé, il faisait beaucoup d'heures supplémentaires car il avait peur de la direction. Mr [RV] m'avait révélé, en présence de Mme [TU] [D], comment d'énervement, il avait juste poussé Mr [I] contre le mur le 08.02.2010, sans avoir l'intention de le frapper car il était au moment de colère » ;
-l'attestation du 13 juin 2010 de Madame [IF] [O], salariée de la SAS MARIA HELENA, qui témoigne en ces termes : « atteste que Mr [I] [N] [MD], infirmier au sein de l'établissement, est respectueux vis-à-vis des salariés, ainsi et surtout apprécié par les résidents et leurs familles. Mais également très impliqué dans son travail. En l'occurrence j'ai constaté et ce à plusieurs reprises que la direction, l'infirmière ainsi que la référente aide-soignante sous-estimaient la qualité du travail de Mr [I], en évoquant par des propos rabaissants, humiliants, mettant en jeu ses compétences. Durant cette période, j'ai constaté que Mr [I] était triste, angoissé mais cela ne nuisait pas à son travail vis-à-vis des résidents et du personnel. Je peux comprendre la situation de Mr [I] car moi-même j'ai subi d'énormes pressions, agression sur mon lieu de travail en étant enceinte, d'où aucune sanction n'a été donnée à cette employée par la direction. J'ai subi des pressions morales depuis mon entrée dans la société par les employés et la direction » ;
-l'attestation du 2 novembre 2011 de Madame [Q] [S], agent de service depuis le 1er septembre 2009 qui atteste en ces termes : « mon collègue Monsieur [J] [I] était un infirmier digne de respect, toujours souriant agréable et humain avec l'ensemble du personnel, très apprécié des résidents et de leurs familles. Il était à notre écoute en tant que délégué du personnel. Depuis la présence de la nouvelle direction, Mr et Mme [RV], l'organisation du travail était vite changée, et la pression est vite devenue difficile' [B] et Ariel parlaient mal à [N], elles lui mettaient la pression'Mr [RV] s'entendait très bien avec les employés jusqu'à ce que [B] lui a parlé, depuis tout a changé' » ;
-l'attestation entièrement dactylographiée de Monsieur [RQ] [M], aide-soignant vacataire depuis juin 2008, qui témoigne en ces termes : « j'ai constaté durant cette période que la direction ne respectait pas humainement Monsieur [I], elle lui parlait mal, le déstabilisait par rapport à ses décisions' » ;
-l'attestation du 16 décembre 2011 de Madame [H] [G], ASH licenciée pour inaptitude, qui témoigne en ces termes : « Monsieur [J] [I] s'est toujours investi dans son travail, était toujours à l'écoute des collègues ainsi que des résidents. Ce Monsieur faisait preuve d'une grande patience, pourtant souvent surchargé de travail, c'est pour cette raison que je n'ai pas compris que la Direction se comporte de cette manière avec lui (pressions, menaces, insultes, manque de respect, etc.). Je précise toutefois que je n'ai jamais travaillé du temps de Monsieur [RV] » ;
-un courrier du 10 janvier 2011 adressé à l'inspecteur du travail et ayant pour objet un « harcèlement moral sur le lieu du travail », signé par 10 salariés (dont M. [J] [I]) et 4 anciens salariés de la SAS MARIA HELENA qui déclarent subir « quotidiennement depuis des mois la pression de la direction représentée par Monsieur [RV], la maîtresse de maison : Mademoiselle [KE] [X] ainsi que l'infirmière référente :Madame [VO] [B]. Cette pression est due en grande partie à des remarques désobligeantes de la part de la direction, des propos dévalorisants, des demandes contradictoires, des menaces, des agressions verbales, intimidation, insultes ; et propos mensongers, changements intempestif de planning, dévalorisation et humiliations sur le lieu du travail' » ;
-un certificat médical du 8 février 2010 du Docteur [L] attestant que Monsieur [J] [I] « présente un état de stress majeur (qui) nécessite un traitement médical ainsi qu'une consultation légiste » ; la visite initiale d'arrêt de travail à la date du 8 février 2010 mentionnant un « état anxio-dépressif post agression sur le lieu de travail + douleurs épaule gauche » ; une déclaration d'accident du travail du 9 février 2010 mentionnant : « le Directeur exerçant une pression importante sur moi-même (infirmier et délégué du personnel) m'a changé les horaires dans l'établissement= 7h30-11h30, 16h30-19h30. Oralement je lui ai demandé de me fournir le nouveau planning. Il m'a redit : revenez sur l'ancien planning. Très énervé, il m'a poussé brutalement et fortement contre le mur en face son bureau et a voulu-devant l'infirmière coordinatrice-me donner un coup de poing » ; la déclaration de main courante effectuée par Monsieur [J] [I] le 10 février 2010 ; le certificat du Docteur [CW] en date du 11 février 2010, dans lequel est mentionné « Pleurs pendant l'examen » et une ITT inférieure à huit jours ; le procès-verbal de déclaration de Monsieur [J] [I] en date du 14 février 2010 pour des violences volontaires exercées par Monsieur [ZR] [RV], directeur de la maison de retraite [PW] [K] ; la décision de la Commission de Recours Amiable du 15 novembre 2010 rejetant la demande de Monsieur [J] [I] de reconnaissance d'un accident du travail.
Les éléments ainsi versés par le salarié et pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il appartient donc à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La SAS MARIA HELENA produit les pièces suivantes :
-des documents datés et signés par des salariés attestant avoir été informés de la modification des plannings et horaires de travail à compter du 1er février 2011 « et les accepter. Le délai de prévenance étant suffisant » : 1 daté du 22 janvier 2011, 6 datés du 24 janvier 2011, 2 datés du 25 janvier 2011, 1 daté du 31 janvier 2011 et 1 daté du 8 février 2011 ;
La Cour observe que deux salariés au moins n'ont pas été prévenus de la modification des horaires de travail dans un délai « suffisant », un ayant même été averti postérieurement à cette décision de modification des horaires ;
-un courrier non daté de Madame [B] [VO] adressé à l'attention de Madame [A], courrier non signé et qui n'a donc pas de valeur probante ;
-un courriel en réponse de Monsieur [ZR] [RV], directeur, contestant la version des événements du 8 février 2010 présentée par Monsieur [J] [I] ;
-la décision du Procureur de la République du 31 mars 2010 classant sans suite la plainte déposée par Monsieur [J] [I] le 14 février 2010 pour violences contre Monsieur [ZR] [RV] ;
Aucun élément n'est versé quant à l'enquête qui aurait été diligentée et quant à l'audition d'éventuels témoins ;
-une lettre de procuration de Monsieur [J] [I] du 3 février 2011 désignant Mademoiselle [D] [TU] pour récupérer son chèque et son salaire auprès de l'employeur ; un planning justifiant de l'absence de [R] [U] le 8 février 2010 [à noter que Mme [TU] ne prétend pas dans son attestation que c'est le 8 février 2010 que M. [RV] lui a dit, en présence de Mlle [U], qu'il s'était « un peu emporté » contre M. [I] et l'avait poussé contre le mur] ; une convocation de la SAS MARIA HELENA devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Nice sur requête de Madame [D] [TU] en date du 12 avril 2012 aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail et de paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et d'indemnités de rupture ; une décision de radiation concernant cette affaire en date du 1er octobre 2013 ;
La SAS MARIA HELENA fait valoir que Mademoiselle [D] [TU] est une amie de Monsieur [J] [I] et qu'au regard du contentieux l'opposant à l'employeur, ses déclarations sont nécessairement partiales et revanchardes.
Cependant, le témoignage de Madame [D] [TU] est corroboré par d'autres témoignages versés par le salarié ;
-les fiches d'inaptitude de Madame [IF] [O], dont la fiche d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise du 14 septembre 2010 ; un courrier du 10 octobre 2010 de Madame [IF] [O] précisant qu'elle a été engagée à compter du 9 mai 2006, qu'elle a été en arrêt maladie à partir du 2 août 2009 jusqu'au 6 octobre 2009, puis en congé maternité jusqu'au 10 juin 2010 et, par la suite, en arrêt de travail ;
La SAS MARIA HELENA souligne que Madame [IF] [O] (de même que Madame [Q] [S] ou Monsieur [RQ] [Y]) n'a jamais connu la nouvelle direction qui était prétendument à l'origine du harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [J] [I]. Cependant, ce dernier, ainsi que d'autres témoins, dénonce le harcèlement exercé tant par la nouvelle direction en la personne de Monsieur [ZR] [RV] que par Mesdames [VO] et [KE] y compris antérieurement à l'arrivée de Monsieur [RV].
Si la SAS MARIA HELENA fait valoir que l'attestation de Madame [IF] [O] n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile en ce que sa rédactrice n'indique pas qu'elle a connaissance que son attestation est destinée à être produite en justice et qu'elle s'expose à des sanctions pénales en cas de fausse déclaration, cette attestation entièrement écrite de la main de Madame [IF] [O] qui précise son identité, adresse et numéro de téléphone, et portant la signature de son auteur conforme à celle apposée sur la copie de la pièce d'identité jointe, présente des garanties suffisantes d'authenticité et de régularité pour être retenue aux débats.
A noter qu'aucune des attestations versées par l'employeur ne comporte la mention que son auteur a connaissance que son témoignage est destiné à être produit en justice et qu'il s'expose à des sanctions pénales en cas de fausse déclaration ; la Cour retient également ces témoignages manuscrits et signés par leurs auteurs, dont la signature est conforme à celle apposée sur les pièces d'identité jointes ;
-des courriers de mai 2011 concernant « [F] » ([XN]), « [ZM] » [note dans le cahier de transmission de [F] acceptant mal des remarques (non précisées) de [ZM] qui, en retour, dénonce l'agression de [F]] et un courrier du 3 mai 2011 de Madame [GG] [TP] dénonçant l'attitude du mari de Madame [XN] ; un courrier du 11 mars 2011 de Madame [ZM] [T] relatant une agression verbale et des insultes de la part de Madame [E] [VT] ; des courriers des 21 et 24 novembre 2010 de [NX] dénonçant l'attitude de Mesdemoiselles Messaouri [VT] et [F] [XN] ; la première page d'un courrier du 21 juin 2010 de Madame [XS] [V] dénonçant l'attitude de l'aide-soignante référente, Madame Messaouri [VT], la surchargeant de travail et lui manquant de respect ; une copie de la page du cahier de transmission de mars 2011, sur lequel des employés s'adressent mutuellement des reproches ;
La SAS MARIA HELENA soutient que ces pièces démontrent que trois des salariées, qui ont signé le courrier du 10 janvier 2011 adressé à l'inspecteur du travail, ont elles-mêmes été accusées de harcèlement par d'autres salariées.
Cependant, ces différentes pièces dénotent tout au plus un climat délétère dans l'entreprise, sans apporter aucune précision quant au harcèlement moral dénoncé dans le courrier adressé à l'inspection du travail et qui vise le directeur de l'établissement, Monsieur [ZR] [RV], la maîtresse de maison, Mademoiselle [KE] [X] et l'infirmière référente, Madame [B] [VO] ;
- des copies du cahier de transmission sur la période du 8 janvier 2010 au 17 janvier 2010 ; l'employeur vise cette pièce en soulignant que Monsieur [J] [I] n'hésitait pas à donner des ordres à sa supérieure hiérarchique Madame [VO].
Cependant, il ne résulte pas de ces extraits du cahier de transmission que les échanges professionnels écrits par les salariés (non identifiés) au sujet des patients soient empreints de discourtoisie ou d'irrespect.
Il n'est pas prétendu que Monsieur [J] [I] ait fait l'objet d'observation ou de rappel à l'ordre quant à des propos désobligeants qu'il aurait tenus à l'encontre de sa hiérarchie ;
-une convocation de la SAS MARIA HELENA devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Nice sur requête de Madame [R] [U] en date du 12 avril 2012 aux fins d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et d'indemnités de rupture ; une décision de radiation concernant cette affaire en date du 1er octobre 2013 ;
A noter que le témoignage de Madame [R] [U] produit par le salarié, s'il ne comporte pas la mention que son auteur sait qu'il est destiné à être produit en justice et qu'il a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales, est entièrement manuscrit et présente des garanties suffisantes de régularité, avec notamment la signature de son auteur conforme à celle apposée sur la copie de la pièce d'identité jointe, pour être retenue aux débats.
Par ailleurs, le témoignage de Madame [R] [U] est corroboré par d'autres éléments versés par l'appelant ;
-l'attestation du 28 février 2013 de Madame [Z] [VO] qui témoigne n'avoir assisté à aucune agressivité de la part de Monsieur [ZR] [RV] depuis son arrivée en 2009, que celui-ci s'est toujours montré attentif aux demandes de ses salariés, très attaché au bien-être des salariés et des résidents ;
-l'attestation du 1er mars 2013 de Madame [X] [KE] qui « déclare que Monsieur [RV] [ZR] n'a jamais fait preuve d'harcèlement vis-à-vis du personnel ou (d'elle-même) ' Il est toujours le premier à venir en aide au personnel et aux résidents en difficultés » ;
-l'attestation du 1er mars 2013 de Madame [GG] [FJ] qui déclare n'avoir rencontré aucune difficulté avec Monsieur [ZR] [RV] depuis fin 2009, que ce dernier est toujours prêt à soutenir son personnel en cas de problème, qu'il est très humain, disponible et à l'écoute du personnel ainsi que des résidents et familles ;
-l'attestation entièrement dactylographiée du 18 mars 2013 de Mademoiselle [C] [EH], psychologue clinicienne, qui atteste avoir d'excellentes relations avec Monsieur [ZR] [RV], de la grande moralité de ce dernier et de son attitude respectueuse vis-à-vis de l'ensemble du personnel ;
-une plainte de Madame [W] [P] adressée au Procureur de la république de Nice du 11 mars 2011 contre la société MULTI RESTAURATION MEDITERRANEE et Monsieur [ZR] [RV] pour fausse déclaration relative à l'existence d'une entrevue entre les responsables de la société MULTI RESTAURATION et Madame [W] [P] et à l'abandon de poste par cette dernière, préalablement au transfert de l'activité de la maison de retraite [PW] [K] ; l'arrêt du 31 janvier 2013 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant débouté Madame [W] [P] de ses demandes ;
Ces pièces sont relatives à un contentieux concernant le licenciement d'une salariée préalablement au transfert de l'activité de l'entreprise, sans que ne soit évoquée l'existence d'un harcèlement moral.
Si l'employeur cherche à jeter le discrédit sur la crédibilité et l'objectivité des témoignages versé par le salarié et produit des témoignages attestant des qualité humaines du directeur, Monsieur [ZR] [RV], et de l'absence de harcèlement moral exercé à l'encontre du personnel (sans que les témoins apportent une quelconque précision sur les agissements de la direction vis-à-vis de M. [I]), il ne démontre pas pour autant que les agissements rapportés par plusieurs employés de la SAS MARIA HELENA, concernant des pressions, des cris et propos humiliants destinés à déstabiliser Monsieur [I] et à le ridiculiser devant ses collègues de travail de la part de la hiérarchie tant antérieurement à l'arrivée du nouveau directeur que postérieurement à cette arrivée, sont inexacts ou qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En conséquence, l'existence du harcèlement moral subi par Monsieur [J] [I] est établie.
Au vu des pièces médicales versées par le salarié, qui a été en arrêt de travail pour état dépressif pendant 20 mois jusqu'à sa déclaration d'inaptitude et au vu de la dégradation de ses conditions de travail telle que rapportée par les témoins, la Cour alloue à Monsieur [J] [I] 15 000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :
En l'état du harcèlement exercé par l'employeur et du comportement physique menaçant de Monsieur [ZR] [RV], tel que reconnu par ce dernier devant témoins (attestations de Mmes [D] [TU] et [R] [U]), en date du 8 février 2010, compromettant gravement la poursuite de la relation contractuelle, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [J] [I] est justifiée.
La SAS MARIA HELENA ne peut tirer argument de l'ancienneté du harcèlement moral par rapport à la date de la prise d'acte de rupture par le salarié alors que celui-ci a subi un arrêt de travail pendant 20 mois pour état dépressif à la suite des agissements de son employeur. La longueur de l'arrêt de travail pour état dépressif et la déclaration d'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise caractérisent davantage la gravité des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles.
La rupture du contrat de travail à la suite du harcèlement moral exercé par l'employeur ayant entraîné une dégradation de l'état de santé de Monsieur [J] [I] et, en final, sa déclaration d'inaptitude, est nulle en vertu de l'article L.1152-3 du code du travail.
Il convient de faire droit à la réclamation du salarié au titre du préavis et de lui allouer l'indemnité de 5614,20 €, dont le calcul du montant n'est pas discuté, ainsi que 561,42 € au titre des congés payés sur préavis. Il sera également alloué à Monsieur [J] [I] la somme de 2807,10 € à titre d'indemnité de licenciement dont le calcul du montant n'est pas discuté.
Monsieur [J] [I] ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle postérieurement à sa prise d'acte et sur son préjudice.
En considération de son ancienneté de cinq ans dans l'entreprise et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour alloue à Monsieur [J] [I] la somme de 17 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement nul.
Sur la violation du statut protecteur :
Il n'est pas contesté que Monsieur [J] [I] était délégué du personnel depuis mars 2009.
Il s'ensuit que la rupture du contrat de travail sans autorisation administrative de licenciement produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
Le salarié licencié en violation de son statut protecteur et qui ne demande pas sa réintégration peut prétendre soit à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de sa période de protection s'il présente sa demande d'indemnisation avant cette date, soit à une indemnité dont le montant est fixé par le juge en fonction du préjudice subi lorsqu'il introduit sa demande après l'expiration de sa période de protection sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables.
Monsieur [J] [I], qui n'a pas demandé sa réintégration, a présenté sa demande en paiement de l'indemnité pour violation de son statut protecteur par conclusions transmises au greffe de la Cour le 3 novembre 2014, soit postérieurement à l'expiration de la période de protection, et ne justifie pas de motifs qui ne lui seraient pas imputables.
En conséquence, il a droit au paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur en fonction de son préjudice, dont l'entière réparation est accordée par la Cour à hauteur de 10 000 €.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Infirme le jugement,
Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [J] [I] produit des effets d'un licenciement nul,
Condamne la SAS MARIA HELENA à payer à Monsieur [J] [I] :
-15 000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral,
-5614,20 € d'indemnité compensatrice de préavis,
-561,42 € de congés payés sur préavis,
-2807,10 € d'indemnité légale de licenciement,
-17 000 € de dommages intérêts pour licenciement nul,
-10 000 € de dommages intérêts pour violation du statut protecteur,
Condamne la SAS MARIA HELENA aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT