COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 19 MARS 2015
N° 2015/162
Rôle N° 13/01647
[D] [I]
[O] [G] [H] épouse [I]
C/
SA CAISSE D'EPARGNE
Grosse délivrée
le :
à :[Z]
JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 Janvier 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/08872.
APPELANTS
Monsieur [D] [I]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 2] (TUNISIE), demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté de Me Bernard KUCHUKIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [O] [G] [H] épouse [I]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Bernard KUCHUKIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est [Adresse 2]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Sophie BORODA, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Jean-claude BENSA, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015,
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [D] [I] et Madame [O] [H] se sont mariés sous le régime de la communauté légale le [Date mariage 1] 1971.
Monsieur [D] [I] a souscrit un contrat d'assurance d'assurance-vie «'NUANCES 3 D'» n°'617'401805 17 auprès de la CAISSE D'EPARGNE le 23 février 2006 pour la somme de 31'878'€.
Suivant acte du 29 février 2006, la CAISSE D'EPARGNE a consenti à Monsieur [F] [Q], compagnon de la fille des époux [I], un prêt professionnel d'un montant de 60'000'€.
En garanti de ce prêt, Monsieur [D] [I] aurait consenti à la CAISSE D'EPARGNE, ce qu'il conteste, un document intitulé «'avenant de nantissement'» de son contrat NUANCES 3 D pour un montant limité à 20'000 € et pour une durée de 5 ans.
Ce nantissement a été enregistré le 11'mai'2006 à la recette des impôts.
De plus, Madame [U] [I], fille de Monsieur [D] [I], s'est portée caution solidaire de l'engagement de son compagnon, Monsieur [F] [Q].
Monsieur [F] [Q] a été placé en liquidation judiciaire et la CAISSE D'EPARGNE a déclaré sa créance auprès de Maître [L], en qualité de liquidateur, par courrier du 26 mai 2009, pour un montant de 50'237,12 €.
Par lettre recommandée du 18 mai 2010, Monsieur [D] [I] a sollicité le rachat total de son assurance-vie qui se montait alors à la somme de 21 323,21 €, ce que la CAISSE D'EPARGNE a refusé.
Le 4 juin 2010, Monsieur [D] [I] a fait assigner en référé la CAISSE D'EPARGNE afin qu'elle soit condamnée à mobiliser le montant du contrat d'assurance NUANCE 3 D sur son compte courant, ce qu'elle a refusé en raison du nantissement.
Par ordonnance du 10 septembre 2010, le président du tribunal de grande instance de MARSEILLE a considéré qu'il existait une difficulté sérieuse et a refusé de faire droit à la demande de versement. Cette décision a été confirmée par arrêt du 16 juin 2011 lequel relevait qu'une sureté réelle consentie pour garantir une dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement, lequel ne se présume pas.
Suivant exploit du 25 avril 2012, Monsieur [D] [I] et Madame [O] [H] ont saisi le tribunal de grande instance de MARSEILLE en demandant que la CAISSE D'EPARGNE soit condamnée sous astreinte de 500 € par jour de retard à créditer le compte de Monsieur [D] [I] de la somme de 21 373,71 € et de tout accroissement de cette somme depuis le 18 mai 2010 outre la somme de 3 000 € de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement et celle 3 000 € au titre des frais irrépétibles.
*
Par jugement rendu le 17 janvier 2013, le tribunal de grande instance de MARSEILLE a':
dit que Monsieur [D] [I] a constitué au profit de la CAISSE D'EPARGNE un nantissement du compte NUANCES 3 D n° 617 401805 17 dont il était titulaire en garantie du contrat de prêt professionnel consenti par la banque à Monsieur [F] [Q],
dit qu'en conséquence la CAISSE D'EPARGNE s'est valablement opposée à la demande de rachat total du contrat formulée par Monsieur [D] [I] depuis le 18 mai 2010,
débouté les époux [I] de leurs demandes,
débouté la CAISSE D'EPARGNE de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un abus de procédure,
condamné les époux [I] à payer à la CAISSE D'EPARGNE la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les époux [I] aux dépens distraits en application de l'article 699 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire.
Le premier juge a retenu qu'il lui appartient de rechercher la commune intention des parties, qu'en l'espèce le document intitulé «'avenant de nantissement'» au contrat d'assurance-vie souscrit par Monsieur [D] [I], dont il ne conteste pas la signature, n'a pu laisser de doute à ce dernier sur la nature et la portée de son engagement qui consiste en la mise en gage pour la somme de 20 000 € du produit d'épargne NUANCE 3 D dont il était titulaire et ce pour garantir durant 5 ans le prêt consenti à Monsieur [F] [Q] dont les références sont mentionnées dans l'acte de nantissement, soit A 0746400 52B/565/131363 pour 60 000 €, qu'il est prévu que la date d'effet de ce nantissement est au 22 mars 2006, soit à la date prévue de délivrance du prêt à Monsieur [F] [Q], que le fait que l'engagement de nantissement ait été signé avant la date d'effet et la délivrance du prêt ne peut signifier, comme l'argue Monsieur [D] [I], qu'il s'agirait d'un faux, qu'il est courant et même recommandé que les établissements financiers recueillent les signatures d'engagement avant que de délivrer les fonds, faute de quoi ils s'exposeraient à maintes déconvenues, que quant au fait que l'imprimé soit renseigné par une autre écriture, ce qui n'est pas établi, aucune mention du contrat ne prévoit que c'est celui qui s'engage qui doit doit compléter le contrat, ce qui aurait tout aussi bien pu être fait par mention dactylographiée sans autre conséquence.
Le tribunal a relevé qu'à la suite de la date d'effet du contrat, la CAISSE D'EPARGNE a écrit à Monsieur [D] [I] le 30 mars 2006 pour lui rappeler la teneur du nantissement souscrit à son profit, soit que la banque avait été désignée comme bénéficiaire à concurrence des sommes engagées, le solde devant revenir à son conjoint ou à défaut à ses descendants, bénéficiaires désignés au contrat d'origine, que la date d'effet du nantissement est rappelée soit au 22 mars 2006, sa fin également au 5 mai 2011, et évidemment la référence du contrat ainsi gagé qui est le NUANCE 3 D n° 617 401805 17 et qu'enfin Monsieur [D] [I] a demandé par courrier manuscrit le 21 novembre 2007 à la CAISSE D'EPARGNE un retrait partiel de son contrat en indiquant qu'il était nanti à hauteur de 20 000 € pour le crédit n° 1317631.
Le premier juge a considéré enfin que l'ensemble de ces éléments ne laisse aucune place au doute quant à la portée de l'engagement de nantissement souscrit par Monsieur [D] [I], ni à la connaissance précise qu'il a pu avoir de ce que cet engagement avait pour conséquence, que dès lors les développements qu'il tente de faire sur la qualification juridique en cautionnement sont dénués de pertinence.
Monsieur [D] [I] et Madame [O] [H] épouse [I] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 24 janvier 2013.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 janvier 2015.
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Suivant dernières conclusions déposées et notifiées le 19 février 2013, Monsieur [D] [I] et Madame [O] [H] épouse [I] demandent à la cour d'infirmer le jugement dont appel et de':
dire que le gage dont se prévaut la CAISSE D'EPARGNE est un faux, et qu'en toute hypothèse, s'il était vrai, il émanerait d'un tiers à la créance que la banque revendique, soit celle contre Monsieur [F] [Q],
dire que ce gage n'aurait plus d'effet dans cette hypothèse depuis le 5 mai 2011,
dire qu'il n'existe pas d'engagement de cautionnement solidaire, soit de Monsieur [D] [I], soit de Madame [O] [H] épouse [I], soit des deux ensemble, au bénéfice de la CAISSE D'EPARGNE pour garantir envers celle-ci la dette de Monsieur [F] [Q],
condamner la CAISSE D'EPARGNE, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 4 juin 2010, date de l'assignation en référé, ou du 30'juin'2011, date de l'assignation au fond':
par le débit du solde du produit NUANCE 3 D n° 617 401805 17 à créditer le compte courant de Monsieur [D] [I] n° 04326770377 de la somme de 21 323,21 € et de tous accroissements de cette somme depuis le 18 mai 2010,
à payer aux époux [I] la somme de 10 000 € au titre titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
condamner la CAISSE D'EPARGNE au dépens de l'instance ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 € au titre de participation aux frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, avec distraction au profit de Maître Bernard KUCHUKIAN.
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Par dernières conclusions déposées et notifiées le 17 mai 2013, la CAISSE D'EPARGNE demande à la cour de':
constater que l'acte de nantissement du compte NUANCE 3D de Monsieur [D] [I] a été signé à son profit le 23 février 2006,
constater la mention dans le contrat de prêt accordé à Monsieur [F] [Q] de la garantie de nantissement de l'assurance-vie apportée par Monsieur [D] [I],
constater que le courrier du 30 mars 2006 adressé par la CAISSE D'EPARGNE à Monsieur [D] [I] confirmant le nantissement de son compte NUANCE 3 D n'a jamais été contesté,
constater que le compte NUANCE 3 D était indisponible lors de la demande de rachat total du 18 mai 2010 et ce en raison du nantissement en garantie du contrat de prêt professionnel de Monsieur [F] [Q],
constater que le compte NUANCE 3 D a été racheté au profit de la CAISSE D'EPARGNE et ce en application du contrat de nantissement en garantie du compte de prêt professionnel de Monsieur [F] [Q] et faisant suite au défaut de remboursement du prêt,
confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a':
dit que Monsieur [D] [I] a constitué au profit de la CAISSE D'EPARGNE un nantissement du compte NUANCE 3 D n° 61740180517 dont il est titulaire en garantie du contrat de prêt professionnel consenti par la banque à Monsieur [F] [Q],
débouté les époux [I] de leurs demandes,
condamné les époux [I] au paiement d'une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles,
condamné les époux [I] aux dépens dont distraction,
débouter les consorts [I] de l'ensemble de leurs demandes en cause d'appel,
condamner Monsieur et Madame [I] au paiement de la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
condamner les consorts [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON.
MOTIFS
A titre liminaire il convient de relever que les époux [I] ne reprennent pas, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, les abondants développements qu'ils tentent dans les motifs de ces mêmes écritures sur la qualification juridique de l'acte de nantissement que leur oppose la CAISSE D'EPARGNE et qu'ils qualifient de cautionnement irrégulier ou d'absence de cautionnement.
Il sera uniquement rappelé pour la clarté des motifs qui vont suivre que le nantissement d'un meuble incorporel, tel que prévu par les articles 2355 à 2366 du code civil, constitue une sûreté réelle consentie pour garantir une dette, pouvant être celle d'un tiers, et qu'il n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement, lequel ne se présume pas. Ainsi, notamment, les dispositions de l'article 1415 du code civil ne sont pas applicables au nantissement.
1/ Sur l'allégation de faux
Les époux [I] soutiennent que l'acte intitulé «'avenant de nantissement'» serait un faux. Cependant, Monsieur [D] [I] ne conteste pas sa signature. Il se contente de faire valoir qu'il n'est pas l'auteur des mentions manuscrites et que le prêt garanti par le nantissement a été accordé postérieurement à celui-ci.
Mais il n'a jamais été soutenu par la banque que les mentions manuscrites avaient été apposées par Monsieur [D] [I], ce qui n'est prévu ni par la loi ni par le contrat. En conséquence, la sincérité de l'acte n'est pas altérée par le fait que les mentions manuscrites n'aient pas été portées par l'appelant.
La sincérité de l'acte de nantissement n'est pas plus altérée par la chronologies des opérations, dès lors que, comme l'a justement relevé le premier juge, il est courant que les garanties soient prises avant l'octroi des crédits et non après, précaution bancaire que la loi ne prohibe nullement.
2/ Sur l'extinction du gage
L'article 2365 du code civil dispose qu'en cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y rattachent.
Les époux [I] soutiennent que le gage n'aurait plus d'effet depuis le 5'mai'2011.
Mais à cette date, la CAISSE D'EPARGNE, qui avait déclaré sa créance le 26 mai 2009, avait été destinataire en réponse d'un certificat d'irrecouvrabilité du 5 janvier 2010 et avait finalement signifié le nantissement à Monsieur [D] [I] par exploit d'huissier du 23 juin 2010, avait, à la suite de cette dernière diligence et conformément aux conditions prévues par la convention, déjà valablement réalisé le nantissement en cause.
3/ Sur les autres demandes
L'équité commande d'allouer à la CAISSE D'EPARGNE qui triomphe la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux [I] qui succombent supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code précité.
PAR CES MOTIFS
La cour, publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Déboute Monsieur [D] [I] et Madame [O] [H] épouse [I] de leurs demandes.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [D] [I] et Madame [O] [H] épouse [I] à payer à la CAISSE D'EPARGNE la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne Monsieur [D] [I] et Madame [O] [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président