COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 12 MARS 2015
N° 2015/ 142
Rôle N° 12/15040
SCI SIMODAL
C/
SA SOCIETE GENERALE
Grosse délivrée
le :
à :BAFFERT
DAVIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 28 Juin 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 08/08730.
APPELANTE
SCI SIMODAL, prise en la personne de son gérant en exercice dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée et assistée de Me Mathieu BAFFERT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SA SOCIETE GENERALE, représentée par son président, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Jean-Paul DAVIN de la SEP DAVIN JEAN PAUL - PERRIMOND JACQUES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame DEMORY-PETEL Françoise, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2015,
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Le 21 janvier 1986, la SOCIETE GENERALE et la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES ont signé une convention de compte courant, le fonds de commerce de la seconde étant affecté en nantissement au profit de la première pour garantie de la somme de 10.000.000 francs.
Le privilège de nantissement de fonds de commerce a été inscrit le 30 janvier 1986.
Par acte notarié en date du 23 décembre 1993, la SOCIETE GENERALE a consenti à la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES un prêt d'un montant de 10 000 000 francs pour une durée de 7 ans, ledit prêt garanti par :
- un engagement de renouveler l'inscription en premier rang du privilège de nantissement de fonds de commerce pris le 30 janvier 1986 au profit de la banque, renouvellement pour une durée de 10 ans à compter du 30 janvier 1996, à hauteur de 10 000 000 francs, et à l'ensemble des engagements,
- la caution solidaire et hypothécaire de la SCI SIMODAL à hauteur de 10000000 francs avec affectation hypothécaire en deuxième rang derrière la SOCIETE GENERALE sur l'immeuble sis à [Adresse 3],
- la caution solidaire de la SCI DU [Adresse 2] à hauteur de 10 000 000 francs.
Le Tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE ayant, par jugement du 22 août 2000, prononcé la liquidation judiciaire sur résolution du plan de la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES placée en redressement judiciaire le 20 novembre 1997, la SOCIETE GENERALE a déclaré sa créance entre les mains de Maître [C] [R], mandataire judiciaire, pour les sommes de :
- 15.902.329,16 francs au titre du solde débiteur du compte courant arrêté au 20 novembre 1997,
- 17.908.809,14 francs au titre d'un crédit à court terme de 15.000.000 francs à un an du 21 décembre 1995,
- 5.963.036,50 francs au titre du crédit à moyen terme de 10.000.000 francs sur sept ans du 23 décembre 1993.
Par ordonnance du 6 février 2003, le juge commissaire a ordonné son admission au passif de la liquidation judiciaire de la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES à titre privilégié pour la somme de 6.063.533,86 euros.
Le 1er février 2002, suivant protocole transactionnel, la SOCIETE GENERALE, moyennant le règlement de sommes provenant de la vente par la SCI [Adresse 2] de biens immobiliers dont elle était propriétaire, s'estimait entièrement payée des sommes dues par cette dernière et ses associés, et renonçait à les rechercher pour toutes autres sommes qu'ils resteraient devoir tant à titre de débiteur principal qu'en qualité de caution de la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES, la SCI SIMODAL, également signataire du protocole, prenant acte des accords et indiquant que ceux-ci ne modifiaient en rien ses engagements personnels et en tant que de caution vis à vis de la SOCIETE GENERALE.
En vertu du titre précité en date du 23 décembre 1993, inscription d'hypothèque conventionnelle ayant effet jusqu'au 11 mars 2014 a été prise par la SOCIETE GENERALE sur les lots n° 3,19,20 et 22 de la copropriété de l'immeuble sis à [Adresse 3] appartenant à la SCI SIMODAL pour sûreté de la somme totale, sauf mémoire, de 1 228 869,08 €, soit la somme principale de 816 974,29 €, les intérêts au taux de 7,80% du 30/06/1997 au 11/03/2004 pour 411 894,79 €, les intérêts au delà pour mémoire, le 15 mars 2004, volume 2004V n°708.
Le 5 avril 2004, étaient adressés à la SOCIETE GENERALE deux chèques émis par Maître [C] [R], l'un de 1.036.107,68 €, l'autre de 4.655.112,34 €, ce dernier, assorti d'un engagement de restitution à première demande en raison d'un pourvoi alors en cours devant le Conseil d'Etat, ayant dû être restitué en novembre 2007.
Le mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES a, en date du 2 octobre 2008, délivré à la SOCIETE GENERALE un certificat d'irrecouvrabilité totale et définitive de sa créance.
Par exploit en date du 28 juillet 2008, la SCI SIMODAL a fait assigner la SOCIETE GENERALE devant le Tribunal de grande instance de MARSEILLE aux fins de voir constater que la dette cautionnée suivant acte du 23 décembre 1993 a été entièrement réglée et en conséquence ordonner la radiation de l'hypothèque inscrite le 15 mars 2004, volume 2004V n°708.
Par jugement en date du 28 juin 2012, le tribunal a débouté la SCI SIMODAL de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Le tribunal a considéré que l'inscription de nantissement la plus ancienne garantissait le solde débiteur du compte courant, soit la somme de 2 424 294,43 €, qui aurait absorbé l'intégralité du versement opéré par Maître [R] si la règle dont se prévaut la SCI SIMODAL était retenue, que d'autre part la règle de l'imputation des paiements prévue par l'article 1256 du code civil n'est pas admise en matière de liquidation judiciaire, les dividendes distribués étant affectés proportionnellement à toutes les dettes du débiteur, sans distinction entre les dettes cautionnées et celles qui ne le sont pas.
La SCI SIMODAL a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 1er août 2012.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 janvier 2013, l'appelante demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire que la date de la dette en compte courant de la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES vis-à-vis de la SOCIETE GENERALE doit être fixée à la date de clôture du compte, soit le 24 décembre 1997,
- en conséquence dire que le paiement de la somme de 1.036.107,68 € doit s'imputer sur la dette cautionnée suivant acte du 23 décembre 1993 qui de ce fait a été entièrement réglée,
- en conséquence, ordonner la radiation de l'hypothèque inscrite par la SOCIETE GENERALE le 15 mars 2004, volume 2004 V n°708,
- condamner la SOCIETE GENERALE au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir que la somme de 1.036.107,68 € adressée par Maître [R] le 5 avril 2004 devait s'imputer sur le prêt du 23 décembre 1993 dont elle était caution, qu'en effet, selon le dernier alinéa de l'article 1256 du code civil, si les dettes sont d'égale nature l'imputation se fait sur la plus ancienne, que, dans les trois créances de la SOCIETE GENERALE, celle résultant du prêt du 23 décembre 1993 était la plus ancienne, la créance de compte courant n'ayant atteint le montant produit qu'en 1997.
Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 1er août 2014, la SOCIETE GENERALE demande à la cour de :
- constater que sa créance garantie par l'inscription hypothécaire prise sur l'immeuble appartenant à la SCI SIMODAL n'est pas éteinte,
- confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la SCI SIMODAL à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que celle de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Jean-Paul DAVIN.
La banque expose que la créance la plus ancienne est bien celle issue du compte courant qui trouve son origine dans la convention conclue le 21 janvier 1986 alors que le prêt cautionné par la SCI SIMODAL date du 23 décembre 1993, que, par ses affirmations, cette dernière confond exigibilité d'un solde débiteur et existence de la dette, qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article 1256 du code civil sont radicalement inapplicables en présence de deux créances distinctes qui étaient toutes deux garanties par des inscriptions de nantissement sur fonds de commerce, qu'en effet, dans ce cas, l'ordre des paiements est déterminé par la date des inscriptions, que l'imputation qu'elle a faite du règlement effectué par Maître [R] à hauteur de 1.036.107,68 € ne saurait donc être sérieusement critiquée.
L'ordonnance de clôture est en date du 2 septembre 2014.
MOTIFS
La SOCIETE GENERALE, en sa qualité de créancier privilégié, a perçu du liquidateur le 5 avril 2004 la somme de 1.036.107,68 €, règlement qu'elle a, selon les décomptes produits, imputé sur les trois créances qu'elle détenait à l'égard de la SA POLYCLINIQUE LES ALPILLES au prorata du montant de chaque créance admise.
Pour contester cette imputation et prétendre à l'extinction de la seule dette qu'elle garantissait, la SCI SIMODAL se prévaut de l'antériorité de celle-ci et de l'application des dispositions de l'article 1256 du code civil en son alinéa 2.
Toutefois, les imputations particulières que prévoient les dispositions de l'article 1256 du code civil ne peuvent, au seul prétexte du silence des parties, recevoir application en l'espèce, s'agissant de dettes, bénéficiant du même privilège, dont le paiement dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire emporte nécessairement extinction proportionnelle sans distinction entre ces différentes dettes.
Etant surabondamment observé que, en vertu de la convention en date du 21 janvier 1986 et au vu des bordereaux d'inscription du privilège de nantissement de fonds de commerce du 30 janvier 1986 et de renouvellement de cette inscription en date du 17 septembre 1995, le nantissement garantissait d'abord le solde du compte courant tel que définitivement établi après la liquidation des opérations en cours, il apparaît que ne saurait être contestée l'imputation faite par la banque des paiements effectués par le liquidateur.
Dès lors, l'appelante, qui ne peut se prévaloir de l'extinction de la dette par elle cautionnée, doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes.
N'étant pas établi que la SCI SIMODAL a laissé dégénérer en abus son droit d'ester en justice, la demande de dommages et intérêts formulée par la SOCIETE GENERALE sera rejetée.
Au titre des frais irrépétibles, il sera alloué à l'intimée la somme de 1500 €.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Y ajoutant,
Condamne la SCI SIMODAL à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président