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03/03/2015 | FRANCE | N°14/05168

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 03 mars 2015, 14/05168


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 03 MARS 2015

G.T

N° 2015/













Rôle N° 14/05168







COMMUNE DE [Localité 2]





C/



[Z], [S], [O] [V]

[L], [Y], [I] [V]





















Grosse délivrée

le :

à :Me Liberas

Me Massabiau

















Décision déférée

à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 29 Janvier 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03927.





APPELANTE



COMMUNE DE [Localité 2], dont le siège social est [Adresse 3]



représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Philippe CAMP...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 03 MARS 2015

G.T

N° 2015/

Rôle N° 14/05168

COMMUNE DE [Localité 2]

C/

[Z], [S], [O] [V]

[L], [Y], [I] [V]

Grosse délivrée

le :

à :Me Liberas

Me Massabiau

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 29 Janvier 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03927.

APPELANTE

COMMUNE DE [Localité 2], dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Monsieur [Z], [S], [O] [V]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alain MASSABIAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [L], [Y], [I] [V]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 1] (75), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Alain MASSABIAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Georges TORREGROSA, Président

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2015,

Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les faits , la procédure et les prétentions:

La commune de [Localité 2] a conclu en 1982 un bail emphytéotique d'une durée de 27 ans expirant le 31 juillet 2009 par lequel les époux [V] devenaient locataire de deux parcelles correspondant à un ancien réservoir désaffecté et à un terrain attenant, [Adresse 4] dans le village.

Par délibération du conseil municipal en date du 19 février 2001, il a été décidé de la cession des deux parcelles à Monsieur [V] pour la somme de 190'000 Frs , ce qu'il a accepté.

L'acte de vente devait être authentifié par le notaire [Q], mais selon délibération en date du 25 juin 2002, le nouveau conseil municipal a annulé la décision du 19 février 2001.

Monsieur [V] a obtenu deux décisions du tribunal administratif de Nice (17 avril 2007), puis de la cour administrative d'appel de Marseille (20 novembre 2008) qui ont annulé la délibération du 25 juin 2002, de façon à ce jour définitive.

Le 15 juin 2007, Monsieur [V] a fait assigner la commune devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de vente forcée .

Le 4 août 2009, la commune a repris possession des lieux et les a affectés à l'usage de toilettes publiques.

Monsieur [V] étant décédé entre-temps, ses héritiers [Z] et [L] [V] sont intervenus volontairement et ont repris instance .

Par jugement contradictoire en date du 29 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Draguignan a reçu les interventions volontaires des héritiers réservataires , et a déclaré parfaite la vente des biens litigieux au visa de la délibération du conseil municipal en date du 19 février 2001;

le tribunal a ordonné la publication du jugement et a jugé que la commune a commis une voie de fait le 4 août 2009, condamnant cette dernière à des dommages-intérêts, à savoir :

' 23'740 € avec indexation pour les travaux de remise en état ;

' 10'000 € pour la réparation de la grille et des serrures anciennes;

' 1000 € par an depuis le 4 août 2009 jusqu'à la remise en état des lieux pour réparer le trouble de jouissance subi ;

' 10'000 € pour le préjudice moral ;

' 10'000 € pour les frais inéquitablement engagés;

Par déclaration en date du 7 mars 2013, la commune a relevé appel de façon régulière et non contestée. Il sera fait application de l'article 455 du code de procédure civile.

La commune appelante a conclu le 29 mai 2013 au visa du code général de la propriété des personnes publiques, et de l'avis des domaines du 24 novembre 2000 ;

la commune sollicite l'infirmation dès lors que les parcelles litigieuses font partie du domaine public communal, mais soulèvent l'incompétence du juge judiciaire au profit du tribunal administratif de Toulon; en tout état de cause, la demande de vente forcée sera rejetée tout comme l'intégralité des demandes indemnitaires. Une somme de 2500 € est réclamée au titre des frais inéquitablement engagés.

[Z] et [L] [V] , intimés , ont conclu le 28 février 2014 à l'irrecevabilité de l'appel en l'absence de décision de la commune pour intenter le recours, et à l'absence de possibilité de régularisation par application de l'article 906 et 908 du code de procédure civile.

La cour rejettera la fin de non-recevoir tirée de l'exception d'incompétence au profit du tribunal administratif, et déboutera la commune de toutes ses demandes par confirmation du jugement de premier ressort.

Une somme de 8000 € est réclamée au titre des frais inéquitablement engagés.

À titre subsidiaire, si l'appel est déclaré recevable, la cour rejettera les demandes de la commune et prononcera la même condamnation au titre des frais inéquitablement engagés.

L'ordonnance de clôture est en date du 13 janvier 2015.

SUR CE:

Attendu que par application de l'article 771 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance , aucune partie n'étant recevable à soulever ultérieurement une telle exception ;

Attendu que pareillement et par application de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour prononcer la caducité de l'appel, pour le déclarer irrecevable et pour trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel, les parties n'étant plus recevables ensuite à invoquer la caducité ou l'irrecevabilité après son dessaisissement ;

Attendu que toute l'argumentation des intimés relative à l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de pouvoir du maire d'ester en justice à ce titre, et à l'impossibilité de régularisation de cet appel, ne sont plus recevables devant la cour statuant au fond;

Attendu que la commune soulève tout d'abord une exception d'incompétence ratione materiae à l'encontre de laquelle les intimés soulèvent l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 30 juin 2011 ayant rejeté cette exception ;

Mais attendu que cet arrêt a simplement confirmé une ordonnance du juge de la mise en état en date du 15 octobre 2010, qui n'a pas au principal autorité de la chose jugée, à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure (article 775 du code de procédure civile),

sachant que les exceptions d'incompétence font partie intégrante des exceptions de procédure;

Attendu qu'en toute hypothèse, la commune a soulevé devant la cour d'appel statuant le 30 juin 2011 strictement les mêmes textes du code général de la propriété des personnes publiques, et se heurte donc à l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Marseille qui a jugé que la délibération du conseil municipal de la commune en date du 19 février 2001 était une décision de cession d'un bien du domaine privé de la commune, que l'action relative à la cession à un particulier d'un bien du domaine privé de la commune relève de la compétence de la juridiction judiciaire (décision du 20 novembre 2008) et qu'à la date de l'assignation initiale où s'apprécie la compétence de la juridiction saisie, aucune affectation du bien à l'usage du public n'avait encore été décidée par la commune ;

Attendu qu'en tout état de cause, la commune ne saurait donc invoquer sa délibération du 30 juin 2009 , pas plus que le critère organique puisque le bien litigieux dépendant du domaine privé a été cédé de façon parfaite le 19 février 2001, pas plus que le critère fonctionnel puisque l'affectation à l'usage du public est postérieure à cette cession, postérieure à l' assignation initiale et résulte au surplus d'une voie de fait , ainsi qu'il sera jugé infra;

Attendu qu'ainsi, et au-delà de l'autorité de la chose jugée que la cour retient sur ce volet, l'exception d'incompétence ratione materiae n'aurait pas résisté à l'examen au fond;

Attendu que le reste de l'argumentation de la commune appelante sur le caractère imparfait de la vente ne résiste pas aux motifs pertinents du premier juge sur ce point que la cour adopte, la délibération du conseil municipal en date du 19 février 2001 ayant pris en compte un avis domanial du 24 novembre 2000, fixé le prix en fonction, et l'acheteur ayant donné son accord, ce qui démontre la rencontre des volontés sur la chose et sur le prix , à la date de la délibération et sans qu'un nouvel avis des domaines ne soit nécessaire pour rendre parfaite une vente qui l'était à la date du 19 février 2001, à une époque où le bien ressortait du domaine privé de la commune;

Attendu que s'agissant de la voie de fait, les intimés démontrent par constats non sérieusement contestés ,dont celui du 5 août 2009 et du 19 mai 2010, que des agents de la police municipale, en présence du maire, ont pris possession des lieux en changeant les serrures et placé en fourrière les véhicules se trouvant à l'intérieur, pour ensuite transformer les lieux partie en toilettes publiques, partie en réserve protégée par une grille;

Attendu que cette intervention constitue une voie de fait , puisque le maire a méconnu à tort la vente parfaite des lieux intervenue antérieurement par délibération du conseil municipal, et ne saurait se prévaloir de la délibération en date du 25 juin 2002, puisque cette délibération a été annulée par arrêt de la cour administrative de Marseille en date du 18 décembre 2008, antérieurement à la reprise des lieux qui date de août 2009 ;

Attendu qu'en réalité, le maire a considéré que la fin du bail emphytéotique qui est venu à expiration le 31 juillet 2009, quelques jours avant la reprise des lieux, lui permettait d'ignorer les décisions de justice administrative intervenues , et d'ignorer par conséquent la vente intervenue le 19 février 2001 qui restait opposable à la commune même si elle avait formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel, sachant que cette vente anihilait les effets du bail puisque Monsieur [V] réunit sur sa tête les qualités de preneur et de bailleur;

Attendu qu'au surplus, l'atteinte à la possession par le changement de serrure et l'atteinte aux biens privés par la mise en fourrière immédiate de véhicules régulièrement entreposés en un lieu où la commune ne disposait d'aucun titre parachève la voie de fait , car l'action de la commune était manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir lui appartenant, puisqu' une vente des lieux était intervenue et que la décision annulant cette vente était annulée avec force de chose jugée , et qu'au surplus la mise en fourrière dans pareil contexte a porté atteinte aux droits de propriété du propriétaire des véhicules entreposés en un lieu dont rien ne permettait de fonder l'appartenance au domaine public ou privé de la commune, qui aurait justifié l'intervention de la police municipale sur les ordres du maire ;

Attendu que la commune doit réparation de cette voie de fait, se bornant à indiquer qu'il n'y a pas de préjudice de jouissance alors que depuis août 2009 un garage, propriété incontestable des intimés , ne peut être utilisé;

Attendu que le fait que des affaires personnelles des intimés soient encore dans les lieux ne change rien à l'impossibilité d'utiliser le garage en tant que tel, alors même que les intimés et leur père à l'époque profitaient de la proximité de ce garage par rapport à leur bien d'habitation;

Attendu qu'il existe aussi un préjudice moral , résultant à l'évidence de la désinvolture avec laquelle la commune représentée par son nouveau maire a ignoré les délibérations de la municipalité antérieure, alors que le maire, ancien ou nouveau, en sa qualité de premier magistrat de la commune, a pour devoir élémentaire de faire exécuter les délibérations régulières du conseil municipal; qu'en réalité , seul le changement de majorité municipale et de maire est susceptible d'expliquer la genèse du présent litige, ce qui motive l'existence d'un préjudice moral important tel qu'arbitré par le premier juge , et celui d'un préjudice de jouissance que la cour fixe à 6000 € , de façon forfaitaire et non pas « jusqu'à la remise en état des lieux » comme l'a décidé le premier juge sans condamner la commune dans son dispositif à procéder à cette remise en état;

Attendu que les intimés réclament d'ailleurs une somme de 23'740 € indexée sur le coût de la construction « pour pouvoir réaliser les travaux de remise en état » , et seront donc maitres de la date à laquelle le préjudice de jouissance postérieur au présent arrêt cessera, ce qui motive de plus fort le caractère forfaitaire du préjudice de jouissance alloué à hauteur de 6000 € ;

Attendu que s'agissant de la remise en état des biens vendus , il va s'agir de remettre les lieux à l'état initial en supprimant les toilettes publiques qui occupent au moins 40 % de la surface, en supprimant les grilles de séparation interne qui d'ailleurs empêchaient l'accès aux affaires des intimés demeurées sur place (PV de constat de Maître [R] du 27 juillet 1012), et de supprimer les modifications intervenues sur les grilles et la serrure anciennes, les grilles ayant notamment fait l'objet de soudures pour empêcher la fermeture;

Attendu que le premier juge s'est fondé sur le coût de construction des toilettes , ce qui apparaît bien le moins pour estimer le coût de la remise en état , tout comme la somme de 10'000 € pour la serrure et les grilles anciennes ; qu'il sera confirmé sur ce volet ;

Attendu que s'agissant des frais irrépétibles inéquitablement exposés en appel, la somme de 8000 € est parfaitement justifiée , dans un contexte où les intimés ont été victimes d'une voie de fait et ont en réalité fait les frais d'un changement de majorité municipale qui ne saurait influer sur la vente parfaite intervenue en 2001 (il y a 14 ans) et sur les décisions de justice administratives intervenues avant la voie de fait;

PAR CES MOTIFS, LA COUR , statuant contradictoirement:

Déclare l'appel très partiellement fondé;

Statuant à nouveau de ce seul chef, condamne la commune à payer aux intimés des dommages-intérêts au titre du trouble de jouissance , depuis le 4 août 2009 jusqu'au présent arrêt , une somme forfaitaire de 6000 € , tenant le succès de leur demande visant à obtenir des dommages-intérêts pour remettre en état les lieux;

Confirme l'intégralité des autres dispositions du jugement de premier ressort, tenant l'autorité de la chose jugée attachée au rejet de l'exception d'incompétence ratione materiae;

Condamne la commune appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, outre le paiement aux intimées d'une somme de 8000 € au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 14/05168
Date de la décision : 03/03/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°14/05168 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-03;14.05168 ?
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