COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 FEVRIER 2015
N°2015/
Rôle N° 14/14890
[N] [E]
C/
SARL PHOCEENNE DE NEGOCE
Grosse délivrée le :
à :
Me Mehdi MEDJATI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Me Caroline HAMON ASSUIED, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section I - en date du 25 Novembre 2008, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1037.
APPELANTE
Mademoiselle [N] [E], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Mehdi MEDJATI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SARL PHOCEENNE DE NEGOCE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Caroline HAMON ASSUIED, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère
Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Février 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Février 2015
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [N] [E] a été engagée par la société Phocéenne de Négoce suivant contrat à durée déterminée du 2 janvier 2007 d'une durée de six mois, en qualité de comptable, moyennant un salaire brut mensuel de 1 591,55€.
Par avenant du 22 juillet 2007, la relation contractuelle s'est poursuivie par contrat à durée indéterminée, moyennant un salaire mensuel brut de 1 791,60€ et des indemnités de paniers et de déplacements.
Après convocation le 16 novembre 2007 à un entretien préalable, par lettre recommandée du 21 novembre 2007, avec avis de réception, l'employeur a licencié la salariée en ces termes :
«Le vendredi 2 novembre 2007 à 12 heures précises alors que vous finissiez votre demi journée de travail à l'entreprise (de 8 heures à 12 hures à mi-temps thérapeutique) vous avez téléphoné à un certain Monsieur [M] et lui avez demandé de venir dans l'entreprise.
A 12h 15, ce dernier a fait irruption nos locaux en proférant des insultes à une salariée, Mlle [L] [A] et en cherchant notre gérant Monsieur [T] [Q] [V], en annonçant son intention de l'agresser physique Après l'avoir trouvé, Monsieur [W] a menacé et agressé physiquement le gérant en présence de nombreux témoins salariés et clients.
Ces agissements intolérables constituent des fautes graves qui rendent impossible votre maintien dans notre entreprise ».
Contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a, le 27 novembre 2007, saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section industrie, lequel par jugement du 25 novembre 2008 a :
*dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
*condamné l'employeur à payer à la salariée :
- 896 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 89,60 € pour les congés payés afférents,
- 700 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*débouté la salariée du surplus de ses demandes et l'employeur de sa réclamation reconventionnelle,
* condamné l'employeur aux dépens.
Le 4 décembre 2008, la salariée a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Par arrêt du 16 juin 2011, la présente juridiction a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions soutenues à l'audience, l'appelante demande à la cour de :
*infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
*prononcer la nullité de licenciement intervenu en période d'arrêt du à un accident du travail,
* ordonné sa réintégration sous astreinte de 100€ par jour de retard,
* condamner l'intimé à lui verser :
- 19 147,68€ au titre des salaires depuis son licenciement jusqu'au 31 décembre 2014,
- 2 794,71€ au titre des intérêts,
- 2 136,20€ par mois à compter du 1er janvier 2015 jusqu'à sa réintégration,
- 1 791,60€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 179,60€ au titre des congés payés,
- 1 791€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 100 000€ au titre du préjudice moral et à titre subsidiaire au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 10 000€ au titre des dommages et intérêts en raison des circonstances de la rupture,
- 2 663,96€ au titre des primes de panier et kilométriques,
- 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.
Elle soutient :
- que les faits reprochés à un tiers visés dans la lettre de licenciement ne peuvent servir de base à son licenciement,
- que le fait qu'elle ait à l'issue de ses horaires de travail téléphoné à son compagnon pour qu'il vienne la chercher en raison de son état de santé défaillant, ne peut nullement constituer un motif de rupture de son contrat de travail,
- que victime d'un accident du travail le 14 septembre 2007, elle a bénéficié d'un arrêt de travail jusqu'au 7 décembre 2007, avec une période de mi-temps thérapeutique du 28 septembre 2007 au 10 novembre 2007,
- que le licenciement intervenu durant cette période, alors que la faute grave n'est pas avérée, est nul et de nul effet,
- que par jugement du 5 novembre 2013, le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 20 mai 2014, a condamné monsieur [V], Madame [L] et Monsieur [B] pour la rédaction de fausses attestations produites à la procédure par l'employeur,
- que les pièces, dont l'employeur sollicite le rejet, ont déjà été portées à la connaissance des parties dans le cadre de la procédure pénale.
Aux termes de ses écritures, l'intimée conclut :
* à la confirmation du jugement déféré,
* au rejet des demandes adverses,
*à la condamnation de la salariée à lui régler la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose :
- qu'il convient d'écarter des débats les pièces n° 43 et 46, produites par la salariée, s'agissant de lettres adressées par son conseil,
- que victime d'un accident de trajet le 14 septembre 2007, la salariée a bénéficié d'un arrêt de travail à compter de cette date, avec une période de reprise dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique,
- que s'agissant d'un accident de trajet, elle ne bénéficie pas de la protection de l'article L1226-7 du code du travail,
- que le 2 novembre 2007, elle a téléphoné à son compagnon, Monsieur [M] afin qu'il vienne la chercher sur son lieu de travail, qu'au lieu de se contenter de quitter l'entreprise avec lui, elle lui a ouvert les portes afin qu'il pénètre dans l'enceinte de l'établissement sans y être invité dans le but de rencontrer le gérant et y a insulté une salariée,
- que Monsieur [V], gérant de la société, a déposé une plainte le 12 novembre 2007 à la suite à cet incident en joignant un certificat médical faisant état d'une ITT de 5 jours, démontrant la réalité des coups portés,
-qu'en ayant permis à son compagnon de pénétrer dans l'entreprise et en l'accompagnant lors de l'altercation avec son employeur, la salariée a commis des fautes de nature à justifier son licenciement.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
Sur les pièces :
Attendu que toutes les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", sont couvertes par le secret professionnel et ne peuvent être produites en justice, qu'il convient d'écarter les courriers adressés le 6 décembre 2007 et le 29 janvier 2008 par Maître [H] [D] à son client et produites par Maître [F] à la procédure ;
Sur la nullité de licenciement :
Attendu qu'aux termes de l'article L.1226 - 9 du code du travail, au cours d'une période de suspension du contrat de travail en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre le contrat travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ; que toute résiliation du contrat travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle ;
Attendu toutefois que ces dispositions du code du travail instituant une protection spécifique pour les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne s'appliquent pas aux salariés victimes d'un accident de trajet ;
Attendu que le contrat de travail de la salariée a été suspendu par un arrêt de travail initial du 14 septembre 2007, prolongé par des certificats médicaux établis par son médecin traitant portant tous le qualificatif de 'prolongation', ce dernier confirmant dans une attestation rédigée le 17 février 2008, l'existence d'un seul accident en date du 14 septembre 2007 à l'origine des arrêts de travail successifs de la salariée, que 3 juillet 2009, le médecin conseil de l'assurance maladie considérait la salariée comme consolidée des lésions subies suite à l'accident du 14 septembre 2007 ; que cet unique accident, cause de l'état de santé défaillant de la salariée, est un accident de trajet ainsi que cela résulte des déclarations de Madame [Z], autre salariée présente dans l'entreprise, ce que ne conteste pas la salariée ;
Attendu que l'accident de trajet subi par la salariée l'exclut expressément des dispositions protectrices de l'article L 1226-7 du code du travail dont elle ne peut bénéficier ; qu'il convient de rejeter sa demande de nullité de son licenciement ;
Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce au titre des motifs de la rupture, le fait pour la salariée d'avoir demandé téléphoniquement à Monsieur [M], son compagnon de venir la chercher dans l'entreprise, de l'avoir autorisé à pénétrer dans les locaux et de l'avoir accompagné alors qu'il agressait et insultait l'employeur ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation de Madame [Z], présente sur les lieux que si la salariée a effectivement pris contact avec son compagnon afin qu'il vienne la chercher sur les lieux de son travail, il n'est nullement établi qu'elle aurait sollicité son intervention dans l'entreprise, Madame [Z] mentionnant uniquement l'usage de l'expression ' je t'expliquerais' par la salariée ;
Attendu qu'en revanche, il est acquis selon les déclarations de Madame [Z] que Monsieur [W], qui a pénétré dans les locaux de l'entreprise suivie par la salariée a insulté Madame [L], autre salariée présente sur les lieux, en ces termes ' toi, ferme ta gueule', que le couple a cherché à rencontrer Monsieur [V], gérant de la société, Monsieur [M] exprimant le souhait de s'entretenir avec lui, que Madame [J], salariée de l'entreprise également présente, indique que Madame [E], qui a assisté à l'algarade ayant opposé les deux hommes, a tenté de les calmer et a éclaté en sanglots, que les salariées présentes sur place nient le comportement violent reproché à Monsieur [M] ;
Attendu que s'il est acquis que Madame [E] a permis à un tiers, dans le but de s'entretenir avec le gérant, de pénétrer au sein de l'entreprise où ce dernier a insulté une salariée présente sur place, il est en revanche contesté par les salariés présents sur place que ce dernier ait adopté à l'encontre de l'employeur un comportement agressif et violent, que la plainte déposée devant les services de gendarmerie par Monsieur [V], qui ne fait que reprendre ses dires, est dépourvue de force probante faute d'investigations objectifs permettant de la confirmer, que sans que la réalité des blessures subis par ce dernier puisse être contestée, leur auteur reste non identifiée, en l'absence élément probant permettant de mettre en cause Monsieur [M] ;
Attendu toutefois que le comportement de la salariée, qui sollicite et autorise l'intervention soudaine et brusque d'un tiers au sein des locaux de la société, ce dernier adoptant un comportement insultant à l'égard d'une salariée, constitue un acte d'insubordination caractérisé de nature à justifier le licenciement, sans toutefois que la faute grave soit établie ; qu'il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes ;
Sur la prime de panier :
Attendu que la salariée sollicite le paiement d'indemnité de paniers et de déplacements pour la période durant laquelle elle était placée en arrêt maladie ;
Attendu que ni la prime de repas ni la prime de transport, qui ne présentaient un caractère forfaitaire puisqu'elles variaient tous les mois, de sorte qu'elles ne constituaient pas des compléments de rémunération, mais des remboursements des frais et de dépenses engagés par le salarié, son montant correspondant aux dites dépenses, que les frais qui n'ont pas été réellement engagés du fait de la maladie de la salariée ne devaient pas être versés en cas d'absence pour maladie, qu'il convient de confirmer la juridiction prud'homale à ce titre ;
Sur les autres demandes :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions y compris celles relatives aux frais irrépétibles,
Condamne Madame [N] [E] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT