COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 12 FEVRIER 2015
N°2015/81
Rôle N° 11/16031
[I] [X]
[Y] [D] épouse [X]
SCI SIFA
C/
SA BOURSORAMA BANQUE
Grosse délivrée
le :
à :DESOMBRE
[P]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 07 Juillet 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/05020.
APPELANTS
Monsieur [I] [X]
né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 1] (02), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Huguette RUGGIRELLO, avocat au barreau de TOULON
Madame [Y] [D] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 3] (MAROC), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Huguette RUGGIRELLO, avocat au barreau de TOULON
SCI SIFA, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Huguette RUGGIRELLO, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SA BOURSORAMA BANQUE, venant aux droits de la CAIXA BANK FRANCE, poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SARL GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués et assistée de Me Patrick BROGNIER, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène COMBES, Président, et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Hélène COMBES, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Hélène COMBES, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Février 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Février 2015.
Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte notarié du 17 octobre 2002, la SCI Sifa dont les associés sont [I] [X] et [Y] [D] épouse [X], a contracté auprès de la société Caixa Bank, devenue la société Boursorama Banque un emprunt de 374.000 euros, destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à [Localité 2].
Le prêt in fine d'une durée de 180 mois a été consenti au taux d'origine de 4,3440 %, révisable en fonction de la variation du taux interbancaire européen à un an.
Les garanties suivantes ont été prises par le prêteur :
- privilège du prêteur de deniers sur le bien à acquérir à hauteur de 350.000 euros,
- caution personnelle et solidaire de [I] [X] à hauteur de 374.000 euros.
- caution personnelle et solidaire de [Y] [X] à hauteur de 374.000 euros.
- nantissement du PEA de [I] [X] à hauteur de 76.500 euros.
- nantissement du PEA de [Y] [X] à hauteur de 76.500 euros.
Par courrier du 30 octobre 2007, les époux [X] ont sollicité de la banque la mainlevée de diverses garanties dans l'optique d'un versement anticipé et la transformation du concours en prêt amortissable à taux fixe sur une durée de 15 ans.
Après avoir saisi le médiateur auprès de la Fédération bancaire française, la SCI Sifa et les époux [X] ont assigné la société Boursorama Banque devant le tribunal de grande instance de Toulon par acte du 9 septembre 2009.
Ils invoquaient sa carence à procéder au remboursement anticipé demandé et sollicitaient l'indemnisation de la moins value résultant de la cession des OPVCM de leurs PEA, par rapport à leur valeur au 30 octobre 2007, ainsi que le remboursement des sommes payées au titre du remboursement du prêt.
En cours d'instance, la société Boursorama Banque a prononcé la déchéance du terme le 9 octobre 2009.
Le 18 janvier 2010, elle a procédé au rachat du contrat d'assurance vie souscrit par [I] [X] auprès de Fortis Assurance.
Elle a également procédé à la saisie-attribution des PEA et a reçu en contrepartie, la somme de 142.896,12 euros le 7 mai 2010.
Par jugement du 7 juillet 2011, le tribunal de grande instance a débouté la SCI Sifa, [I] [X] et [Y] [X] de toutes leurs demandes.
La SCI Sifa, [I] [X] et [Y] [X] ont relevé appel le 16 septembre 2011.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 avril 2014, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :
- Dire que la société anonyme Bourscrama Banque est tenue d'indemniser [I] [X] et [Y] [D] Épouse [X] de la moins-value résultant de la cession des OPVCM de leurs plans intervenue le 26 mars 2010 par rapport à la valeur de ces OPCVM au 31 octobre 2007.
- Condamner la société Boursorama Banque à payer :
à [I] [X] et [Y] [D] Épouse [X] la somme de 66 506,85 euros avec intérêts de droit à compter du 31 octobre 2007,
à [I] [X] la somme de 12 367,92 euros au titre du contrat d'assurance-vie,
- Condamner la société Boursorama Banque à rembourser à [I] [X], à [Y] [X] et à la SCI Sifa les sommes payées au titre du remboursement du prêt à compter du 17 janvier 2008 soit la somme de 28.759,60 euros.
- Condamner la société Boursorama Banque à payer à [I] [X], à [Y] [X] et à la SCI Sifa la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral.
- Dire que les époux [X] restent devoir au titre du remboursement du prêt une somme de 205.047,42 euros.
- Ordonner la compensation de cette somme avec celle allouée aux époux [X] en réparation des préjudices qu'ils ont subis.
- Donner acte aux époux [X] qu'ils s'engagent à régler la somme de 111.174,65 euros restant due.
- Débouter la société Boursorama Banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Ils réclament 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Ils font valoir que la faculté de remboursement par anticipation a été envisagée au moment de la conclusion du contrat de prêt et que c'est dans cette perspective qu'ils ont envisagé de céder leurs PEA et de procéder au rachat du contrat d'assurance vie de [I] [X] ;
qu'ils ont donc sollicité la mainlevée des nantissements portant sur ces contrats, mais se sont heurtés à l'inertie de la banque qui n'a pas examiné leur requête, se réfugiant ensuite derrière leur prétendue carence dans la remise de documents.
Ils font valoir que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ils ont bien produit tous les documents nécessaires à l'examen de leur demande en 2007, mais ne se sont pas ménagé la preuve de la remise qui résulte cependant de nombreux indices.
Ils soutiennent que la conduite déloyale de la société Boursorama Banque et l'absence de réponse dans un délai raisonnable, engage sa responsabilité, puisqu'il lui appartenait de mener les négociations de bonne foi, en l'état de surcroît, de relations commerciales établies depuis plusieurs années.
Ils reprochent à la société Boursorama Banque de ne pas avoir été suffisamment diligente dans la réclamation des pièces et d'avoir fait preuve d'une totale inertie, tandis qu'ils n'ont cessé de la relancer.
Ils indiquent que compte tenu des avoirs dont ils disposaient, si la société Boursorama Banque leur avait opposé un refus, ils auraient remboursé l'intégralité des prêts d'une autre manière.
Ils établissent leur préjudice au montant des moins-values sur les PEA et le contrat d'assurance vie souscrit par [I] [X], augmenté de celui des mensualités qu'ils ont dû rembourser.
Dans ses dernières conclusions du 5 mars 2014, la société Boursorama Banque conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et sollicite reconventionnellement 6.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle dénonce le comportement dilatoire des appelants qui adoptent un raisonnement différent au gré de leurs conclusions, ce qui l'a obligée à conclure à cinq reprises.
Sur le fond, elle conteste les fautes qui lui sont imputées et réplique que les appelants sont du fait de leur propre résistance fautive, les seuls responsables de la situation actuelle.
Elle expose que c'est en toute connaissance de cause que la SCI Sifa et les époux [X] ont pu se déterminer aux mois de juillet et octobre 2002 ;
qu'en 2007, ce n'est pas un simple remboursement partiel du prêt qu'ils ont sollicité, mais sa modification en un nouveau prêt amortissable sur 15 ans et à taux fixe, ce qui constitue une remise en cause du contrat sur le plan juridique et économique.
Elle indique qu'il s'agissait d'une demande complexe qui passait par la réalisation des garanties prises et dont l'une était de surcroît consentie pour garantir le prêt toujours en cours contracté par la SCI Mogador.
Elle fait valoir que dès lors que la SCI Sifa et les époux [X] sollicitaient une refonte complète de la convention conclue, une analyse du risque devait être faite, ce qui nécessitait l'étude de la situation globale du patrimoine et de l'endettement des époux [X] ;
que la disparition de diverses garanties, exigeait une visibilité sur la situation financière des emprunteurs, visibilité qui ne pouvait être obtenue sans des documents financiers et des pièces actualisées qui n'ont jamais été communiquées en dépit de demandes légitimes faites aux mois de mars, mai 2009 et janvier 2010.
Elle observe que les courriers échangés en 2009 témoignent de son impossibilité à obtenir les informations demandée depuis le mois de novembre 2007 ;
que si en cause d'appel les époux [X] invoquent l'existence d'autres avoirs qu'ils auraient pu apporter en garantie, ce n'est pas le schéma qu'ils proposaient à l'époque.
Elle précise que les époux [X] ont d'autorité réduit le montant des échéances du prêt, ce qui l'a conduite à prononcer la déchéance du terme le 9 octobre 2009.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2014.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées ;
Attendu qu'au soutien de leurs demandes, les appelants invoquent la conduite déloyale de la banque, qui après avoir accepté d'entrer en négociations au sujet des conditions d'exécution de la convention de prêt, n'a pas apporté de réponse dans un délai raisonnable et n'a pas été suffisamment diligente dans la réclamation des pièces ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites aux débats que le 30 octobre 2007, les époux [X] ont adressé à la société Boursorama Banque un courrier simple dans lequel ils indiquaient qu'ils 'souhaitaient' procéder au remboursement partiel du prêt 'soit au 25/10/2006 environ 204.000 euros' et lui demandaient de procéder à cette fin à la mainlevée totale des nantissements pris sur les deux PEA ;
qu'ils émettaient également le souhait d'un rachat partiel de 30.000 euros sur le contrat d'assurance vie souscrit par [I] [X], nanti en garantie de l'emprunt souscrit par la SCI Mogador, afin de procéder à un complément de remboursement sur le prêt in fine souscrit par la SCI Sifa ;
qu'il exprimaient enfin le souhait de la transformation du prêt en concours de 140.000 euros sous forme de prêt amortissable à taux fixe sur une durée de 15 ans ;
Attendu que ce courrier fait référence au rendez-vous le 25 octobre 2007 des époux [X] avec Monsieur [C], directeur régional de la société Boursorama Banque ; qu'il n'est pas contesté que cette rencontre a bien eu lieu ;
Attendu que contrairement à ce que soutiennent les appelants en page 4 de leurs conclusions, aucune des pièces produites aux débats n'établit que le courrier du 30 octobre 2007 a été rédigé 'sous l'égide de Monsieur [C]', voire par lui directement ;
qu'à cet égard l'attestation de [M] [B] 'gérant de société', établie le 15 février 2012 manque totalement de force probante ;
qu'il y mentionne sans en indiquer précisément la date, un rendez-vous mi-décembre 2008 à Boursorama Banque Marseille ;
qu'il dit y avoir accompagné les époux [X], sans préciser en quelle qualité et écrit qu'au cours de l'entretien, Monsieur [C], directeur de Boursorama Saint-Raphaël a indiqué qu'il était l'auteur de 'la lettre de vente des PEA au mois d'octobre 2007" ;
Attendu que ce témoignage établi plus de trois ans après le prétendu rendez-vous et plusieurs mois après que le jugement déféré ait été rendu, n'est étayé par aucune autre pièce ;
qu'il sera écarté comme étant manifestement établi pour les besoins de la cause ;
Attendu que les appelants n'établissent pas davantage que la société Boursorama Banque a en 2007 sollicité divers documents qui ont été remis dans leur intégralité à Monsieur [C] 'à l'occasion de l'une de ces rencontres' ;
qu'ils s'abstiennent d'ailleurs de préciser le nombre et la nature des documents qu'ils auraient transmis à la banque ;
que l'affirmation qu'ils ont faite dans le courrier du 29 mars 2009 ('j'ai déjà fourni les pièces que vous me demander à Monsieur [C] en septembre 2007") n'est étayée par aucune pièce ;
Attendu qu'il en résulte que la SCI Sifa et les époux [X] ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils sont 'entrés en négociation' avec la société Boursorama Banque au mois d'octobre 2007 ;
que cette affirmation est d'autant moins crédible, qu'ainsi que le souligne la société Boursorama Banque, la proposition des époux [X] ne se limitait pas à un remboursement anticipé, mais bouleversait l'économie du contrat, rappel étant fait que la transformation du taux variable en taux fixe n'est selon les dispositions contractuelles qu'une simple faculté ;
qu'au surplus, avec la réalisation des PEA et du contrat d'assurance vie, la banque perdait les garanties dont elle bénéficiait ;
Attendu que n'ayant reçu aucune réponse à leur courrier simple du 30 octobre 2007, les époux [X] ne se sont plus manifestés pendant un an auprès de la société Boursorama Banque et ne se sont pas préoccupés de connaître sa réponse aux 'souhaits' exprimés le 30 octobre 2007 ;
qu'ils n'ont pas davantage envisagé de solution alternative en cas de rejet de leur demande ;
qu'ils ont attendu le 18 novembre 2008 pour adresser au directeur régional Monsieur [C], un courrier dans lequel ils évoquaient des promesses non tenues et l'inexécution d'un ordre de vente (avec copie au directeur général de la société Boursorama Banque) ;
qu'il sera observé sur ce dernier point que c'est à tort qu'ils mentionnent la confirmation d'un ordre de vente le 30 octobre 2007, alors que la réalisation des PEA et d'un contrat d'assurance vie nécessitait la mainlevée de garanties que seule la banque pouvait accepter et qu'ils ne se trouvaient pas alors, en situation de passer un ordre de vente ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'inertie dont les époux [X] ont fait preuve entre le mois d'octobre 2007 et le mois de novembre 2008, leur interdit de se prévaloir de celle de la banque au cours de cette même période ;
Attendu que les appelants ne rapportent pas non plus la preuve de l'inertie fautive de la société Boursorama Banque après le mois de décembre 2008 ;
qu'en effet, à réception du courrier du 18 novembre 2008, la société Boursorama Banque a écrit aux époux [X] que leur dossier était en cours d'analyse, puis leur a adressé au mois de mars 2009 un courrier recommandé contenant une demande de transmission de documents ;
qu'il n'y ont pas donné suite, se contentant d'affirmer le 29 mars 2009, sans l'établir que les pièces avaient été transmises au mois de septembre 2007 ;
que cette demande a été réitérée par un courrier recommandé du 19 mai 2009 auquel ils n'ont pas répondu ;
Attendu qu'à compter du mois de janvier 2009, les époux [X] ont d'autorité ramené les remboursements mensuels du prêt de 2.114,84 euros à 1.266 euros, ce qui a déterminé la société Boursorama Banque à prononcer la déchéance du terme le 10 février 2009 ;
Attendu que la société Boursorama Banque est bien fondée à soutenir que ce sont les appelants, qui par leur résistance ont créé la situation dans laquelle ils se trouvent à présent ;
Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la SCI Sifa et les époux [X] ne rapportent pas la preuve de la faute qu'ils imputent à la société Boursorama Banque et qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes ;
que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il sera alloué à la société Boursorama Banque la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Toulon.
- Y ajoutant, condamne la SCI Sifa, [I] [X] et [Y] [D] épouse [X] à payer à la société Boursorama Banque la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
- Les condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT