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20/01/2015 | FRANCE | N°13/10699

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 20 janvier 2015, 13/10699


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 20 JANVIER 2015



N°2015/46















Rôle N° 13/10699







[G] [B]





C/



SA CONSTRUCTION INDUSTRIELLES DE LA MEDITERRANNEE 'CNIM'



























Grosse délivrée le :

à :



Me Marie-adélaide BOIRON, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Gaëlle LIO

NEL-MARIE, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section E - en date du 22 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/462.





APPELANT



Mons...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 20 JANVIER 2015

N°2015/46

Rôle N° 13/10699

[G] [B]

C/

SA CONSTRUCTION INDUSTRIELLES DE LA MEDITERRANNEE 'CNIM'

Grosse délivrée le :

à :

Me Marie-adélaide BOIRON, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Gaëlle LIONEL-MARIE, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section E - en date du 22 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/462.

APPELANT

Monsieur [G] [B],

demeurant [Adresse 1]

comparant en personne,

assisté de Me Marie-adélaide BOIRON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CNIM ayant un établissement sis à [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité qu siège social sis, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Gaëlle LIONEL-MARIE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me RAVANEL, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Fabienne ADAM, Conseiller

Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2015 prorogé au 20 janvier 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2015

Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE et PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le délai légal et par déclaration écrite régulière en la forme reçue le 23 mai 2013 au greffe de la juridiction, M. [G] [B] a relevé appel du jugement rendu le 22 avril 2013 par le conseil de prud'hommes de Toulon, et à lui alors non notifié, qui a condamné son ancien employeur la société CNIM à lui payer 2 000 € bruts de prime dite « de roulage » au titre de 2011, 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de sécurité, 1 000 € sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile, et l'a débouté de ses autres demandes.

Selon ses écritures déposées le 4 novembre 2014, visées par la greffière, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, M. [B] demande à la cour de confirmer en son principe le jugement entrepris en ses dispositions portant condamnations à son profit ' sauf à élever le montant des sommes allouées, l'infirmer au-delà et statuant à nouveau, condamner la société CNIM à lui payer 5 275,25 € à titre d'indemnité de requalification « du contrat de travail à durée déterminée non justifiée en 1975 », 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour « absence de conclusion de contrat de travail écrit entre le 15 octobre 1975 et le 12 mars 2001, 10 000 € d'indemnité pour absence de notation en 2011, 43 798,51 € à titre de rappel de salaires et 4 010,63 € d'indemnité de congés payés y afférente pour la période du 1er mai 2009 au 15 août 2012 après requalification de son emploi à la position III B coefficient 180 de la classification de la convention collective applicable, outre la remise à ordonner en conséquence sous astreinte pécuniaire de bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Assedic rectifiés, 2 000 € à titre de prime de roulage en 2011, 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, 63 291 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à son  obligation de sécurité, 31 645,50 € d'indemnité au titre de la privation de l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite, 5 274,25 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 31 645,50 € à titre d'indemnité de préavis et 3 164,55 € d'indemnité de congés payés y afférente, 136 807,66 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 189 873 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 000 € sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile, et ordonner la capitalisation des intérêts du jour de la demande.

Selon ses écritures pareillement déposées, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, la société CNIM demande au contraire à la cour de confirmer le jugement déféré en ses dispositions déboutant l'intéressé de ses prétentions, l'infirmer en celles portant condamnation à son encontre, et statuant à nouveau de ces chefs, débouter M. [B] de toutes ses demandes, le condamner à lui payer 5 000 € sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile.

SUR CE :

La société anonyme Constructions industrielles de la Méditerranée dite CNIM, notamment implantée à [Localité 2] où elle y emploie 800 personnes, est régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de métallurgie.

Elle a embauché M. [G] [B] suivant contrat écrit du 16 juillet 1975 en qualité d'ajusteur mécanicien à temps complet pour une durée initialement déterminée jusqu'au 16 octobre 1975 et poursuivie au-delà pour une durée indéterminée, dans le dernier état de sa collaboration en qualité de responsable méthode logistique maintenance, statut cadre, niveau 2, coefficient 114, moyennant un salaire mensuel brut moyen de 4 472,46 €.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 10 février 2012, sans préavis ni indemnité.

Sur la demande d'indemnité de requalification « du contrat de travail à durée déterminée non justifiée en 1975 » 

M. [B] qui estime que son contrat initialement à durée déterminée était irrégulier à défaut d'énoncer le motif du recours par l'employeur à une telle convention, sollicite de ce chef sur le fondement de l'article L. 1245-2 du Code du travail une indemnité équivalente à un mois de salaire.

A la demande de la société CNIM et par application des articles 2224 et 2248 du Code civil, une telle action indemnitaire doit toutefois être déclarée irrecevable comme prescrite.

Sur la demande de dommages-intérêts pour « absence de conclusion de contrat de travail écrit entre le 15 octobre 1975 et le 12 mars 2001 » 

M. [B] estime avoir subi un préjudice pour avoir de 1976 au 12 mars 2001, date d'un avenant écrit intervenu entre les parties, « exécuté sa prestation de travail sans contrat ».

Or la validité du contrat de travail n'est pas soumise en principe à la condition de forme de la rédaction d'un écrit, l'absence d'un tel acte ayant seulement pour effet selon l'article L. 1242-12 du Code du travail de faire présumer sa durée indéterminée, ce que la société CNIM a toujours admis concernant la relation de travail la liant à M. [B].

L'intéressé ne justifiant donc en l'espèce d'aucun préjudice de ce chef, ne peut qu'être débouté de sa demande indemnitaire.

Sur la demande d'indemnité pour « absence de notation en 2011 » :

M. [B] fait valoir que faute de l'avoir soumis à un entretien annuel d'évaluation au titre de 2011, contrairement aux années passées et à l'usage dans l'entreprise, l'employeur lui aurait fait subir une mesure de discrimination à raison de son âge au sens de l'article L. 1132-1 du Code du travail, et ainsi causé un préjudice.

Or il est constaté que l'intéressé ayant été licencié aux termes d'une procédure engagée dès le 9 janvier 2012, soit aussitôt après le terme de l'année à laquelle il se réfère, la preuve n'est nullement rapportée que l'employeur aurait sciemment omis de le soumettre au titre de cette année là à un entretien d'évaluation par discrimination du fait de son âge.

Il ne justifie d'ailleurs d'aucune demande d'entretien d'évaluation faite alors à son employeur.

M. [B] n'établissant donc de ce chef la preuve d'aucun préjudice, ne peut qu'être débouté de sa demande indemnitaire.

Sur la demande de requalification de son emploi par rapport à la classification de la

convention collective et les demandes de rappel de salaire et accessoires en résultant :

M. [B], en qualité de responsable méthode logistique maintenance, statut cadre, classé au niveau 2, coefficient 114 de la convention collective applicable, fait valoir que ses fonctions réelles dans l'entreprise relèveraient de la catégorie supérieure, position III B, au titre des quatre dernières années de sa collaboration, et réclame un rappel de salaire par référence au barème minimum conventionnel attaché à cette position.

Aux termes de l'article 21 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, la position III est ainsi définie :

« L'existence dans l'entreprise d'ingénieurs ou cadres classés dans l'une des positions repères IIIA, IIIB, IIIC n'entraîne pas automatiquement celle d'ingénieurs ou cadres dans les deux autres ou inversement. La nature, l'importance, la structure de l'entreprise et la nature des responsabilités assumées dans les postes conditionnent seules l'existence des différentes positions repères qui suivent : (') la position repère IIIB concerne l'ingénieur ou le cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en 'uvre des connaissances théoriques et une expérience étendue dépassant le cadre de la spécialisation.

Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente et contrôle les activités, ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, commercial, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative. ». 

En l'espèce, selon la fiche de fonction que l'employeur lui avait établie le 18 mai 2009, M. [B] devait : « assister le directeur de l'établissement dans la gestion administrative du centre : pointage, frais généraux, factures, notes de frais, gestion des véhicules, augmentations, et, en liaison avec la secrétaire de direction, gérer le personnel affecté au service courrier et au fonctionnement du bâtiment Conférences ».

Il pouvait par ailleurs être amené à assurer l'intérim du responsable sureté pendant les congés de celui-ci, et exerçait en outre des missions spécifiques en matière de sécurité selon délégation de pouvoirs du 28 mai 2009.

Il s'ensuit que M. [B] disposait certes d'une autorité hiérarchique, mais seulement à l'égard de quelques salariés de l'établissement de [Localité 2], ceux affectés au service courrier et au fonctionnement du bâtiment Conférences, et encore, en liaison avec la secrétaire de direction.

L'intéressé devait par ailleurs assister le directeur d'établissement dans la gestion administrative, mais aux termes de missions limitativement définies et sous son autorité.

La description de ces fonctions coïncide exactement avec la position II ainsi décrite par la convention collective en cause : « concerne l'ingénieur ou cadre qui est affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique. ».

M. [B] ne justifie pas enfin de connaissances particulières, d'autonomie ou de libre initiative suffisante pour revendiquer la position III.

Le jugement entrepris déboutant M. [B] de sa demande d'élévation de la qualification de son emploi dans la classification de la convention collective doit en conséquence être confirmé, et l'intéressé doit par suite être également débouté de ses demandes de rappel de salaire et accessoires qui en découlent.

Sur la demande de prime de roulage au titre de 2011 

M. [B] justifie avoir perçu à titre de prime annuelle s'ajoutant à son salaire normal, 1 200 € en février 2004, 1 100 € en janvier 2005, 1 500 € en février-mars 2006, 1 500 € en janvier 2007, 2 000 € en janvier 2008, 2 000 € fin décembre 2008, 2 000 € en janvier 2010, 2 000 € en février 2011, ce à l'instar de deux autres cadres de l'entreprise, Ms. [F] et [L].

En l'état de la fixité, de la constance et de la généralité de cette prime annuelle, qui a acquis la nature de salaire et dont le paiement est en conséquence devenu obligatoire pour l'employeur en application de l'article L. 3211-1 du Code du travail, M. [B] est par suite fondé à solliciter 2 000 € à titre de prime annuelle, dite de roulage, afférente à l'année 2011.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral allégué de l'employeur 

Sur le fondement des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1154-1 du Code du travail M. [B] réclame 20 000 € de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral que son employeur lui aurait fait subir depuis mai 2011 jusqu'à son licenciement.

Il invoque le fait par l'employeur d'avoir supprimé brutalement le poste de directeur et « sa place de N° 2 dans la hiérarchie de l'établissement sans l'avoir informé au préalable, de l'avoir humilié lors d'une réunion de tous les directeurs de l'établissement en révélant la suppression de son poste sans répondre à ses légitimes questions sur sa nouvelle place dans l'entreprise, de l'avoir « ostracisé » et mis à l'écart de l'entreprise en supprimant brutalement ses attributions sans plus lui donner aucun travail dans l'entreprise, de l'avoir enfin soumis à « un chantage odieux » pour rompre la relation de travail et lui imposer une retraite incomplète.

Pour étayer ses affirmations M. [B] produit d'une part le récit chronologique établi par lui-même des évènements allégués et qu'il intitule « chronique d'un licenciement annoncé », d'autre part sa lettre au président du conseil de surveillance de la société CNIM datée du 27 janvier 2012 où il proteste contre la mise à pied conservatoire dont il vient d'être l'objet dans le cadre de la procédure de licenciement en cours le concernant, enfin suivant procès-verbal d'audition du 20 février 2012 par la gendarmerie de [Localité 1] sa plainte à l'encontre de la CNIM pour dénonciation calomnieuse relativement aux faits visés dans la lettre de licenciement qui lui été notifiée le 15 février 2012.

Force est de constater qu'à l'appui de ses dires, M. [B] ne produit finalement, sous des formes variées, que ses propres déclarations correspondant à autant d'accusations dont la véracité est intégralement contestée par la société CNIM.

En l'état de ces seules déclarations, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral du salarié n'est pas démontrée, et ce alors qu'il est par ailleurs constaté que ces mêmes griefs se confondent en définitive avec les moyens opposés par M. [B] pour contester la réalité des motifs de son licenciement, et tels que ci-après examinés.

La demande d'indemnité pour harcèlement moral présentée par l'intéressé ne peut en conséquence qu'être rejetée comme infondée.

Sur la demande d'indemnité pour manquement allégué de l'employeur à son « obligation de sécurité résultat » 

M. [B] qui justifie avoir souffert en 2000 d'un cancer de la thyroïde traité médicalement, fait valoir que cette maladie aurait été la conséquence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat lui incombant en application de l'article L 4121-1 du Code du travail, faute d'avoir fait procéder en temps utile au désamiantage des locaux de l'entreprise dans lesquels il travaillait.

En application des articles L.451-1 à L. 452-4 du Code de la sécurité sociale, est irrecevable l'action en responsabilité exercée contre l'employeur devant la juridiction prud'homale en réparation d'un manquement contractuel lié à l'exécution du contrat de travail, tel qu'un manquement à l'obligation de sécurité, dès lors qu'elle couvre une action en réparation du préjudice subi par le salarié et résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Une telle action relève en effet de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, que l'accident du travail ou la maladie professionnelle soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris de ce chef, d'accueillir la fin de non reçevoir soulevée par la société CNIM,.

Sur la demande d'indemnité pour privation alléguée du droit du salarié de percevoir une indemnité conventionnelle de départ à la retraite 

M. [B] soutient avoir subi de la part de la société CNIM « des pressions » pour le persuader de renoncer, ainsi qu'il l'a fait le 19 avril 2010, à faire valoir ses droits à allocation d'une préretraite « amiante » dans le cadre du décret 99-247 du 29 mars 1997, alors qu'en cas d'acceptation il aurait pu bénéficier par ailleurs de la prime de départ à la retraite prévue par la convention collective et d'un montant équivalent à six mois de salaire.

Il sollicite par suite la condamnation de la société CNIM à lui payer une telle somme à titre de dommages-intérêts.

Or l'intéressé n'établit par aucun élément avoir été moralement contraint par son employeur de renoncer à son départ en préretraite.

Au contraire la société CNIM fait justement valoir que l'avantage d'une rémunération plus élevée en continuant de travailler a déterminé le salarié à opter en ce sens, l'allocation de préretraite prévue à l'article 2 du décret susdit ne pouvant en effet excéder 85 % du salaire de référence de l'allocataire.

En l'absence de tout agissement fautif démontré de l'employeur relativement au libre choix alors opéré en l'occurrence par M. [B], sa demande de dommages-intérêts ne peut qu'être rejetée comme infondée.

Sur les demandes indemnitaires afférentes au licenciement 

Convoqué par lettre du 9 janvier 2012 à un entretien préalable à son licenciement envisagé, et jusque-là mis à pied à titre conservatoire, M. [B] a été licencié pour faute grave sans préavis ni indemnité par lettre du 10 février 2012 aux motifs ci-énoncés :

« (') Au cours du mois de novembre 2011, la Société a été alertée par les parents d'une salariée d'une réaction pour le moins inattendue et violente de la part de leur fille venant de se réveiller après une longue période de coma, contre vous-même.

Suite aux déclarations des parents et aux rumeurs qui s'en sont suivies, une enquête a été initiée par la Direction afin de vérifier la véracité de ces rumeurs. Les résultats de cette enquête sont pour le moins édifiants. Il ressort des termes de cette enquête que vous inspirez une crainte certaine auprès des collaborateurs conduisant à ce qu'une certaine omerta pèse sur vos faits et gestes.

Ainsi tout au long de l'année 2010, Mme [W] [X] a fait l'objet de pressions de votre part. Celle-ci a précisé que vous l'auriez suivie sur le parking des salariés, dans le supermarché où elle fait ses courses près de son domicile et jusqu'à son domicile où vous seriez resté à plusieurs reprises, en poste d'observation pendant des heures. Mme [W] [X] s'en est épanchée auprès de M. [H] qui avait alors pris la décision de raccompagner Mme [X] tous les soirs à son domicile pour la sécuriser.

Visiblement conforté dans votre surpuissance, vous n'hésitiez pas à vous répandre ouvertement de vos fantasmes vis-à-vis de cette salariée.

Par la suite, insatisfait de la réaction de Mme [X] à vos approches, vous n'avez pas alors hésité à jeter le discrédit sur sa personne en tenant des propos dévalorisants à son endroit.

Lors de votre entretien préalable, vous n'avez pas nié ces faits mais avez tenté de les minimiser en indiquant que cela ne s'était produit qu'à trois reprises et que vous n'auriez fait que discuter.

(') malheureusement la manifestation de votre abus d'autorité n'est pas isolée. En effet, vous auriez fait savoir avoir eu des relations sexuelles avec une autre salariée (qui) a démenti ces bruits ; il vous a été demandé par Mme [J] de mettre un terme à vos propos. Vous n'avez pas alors hésité, devant témoin, à menacer Mme [J] de la faire inscrire sur la liste des personnes devant quitter les effectifs de notre Société.

Ce chantage à l'emploi à l'encontre d'une personne dénonçant des faits graves est totalement inacceptable.

(') Dans le même ordre d'idée, vous n'avez pas hésité à accuser votre supérieur hiérarchique de consommer de la drogue, souhaitant ainsi jeter le discrédit sur ce dernier.

De tels faits sont d'une extrême gravité (et)'caractéristiques du harcèlement et de l'abus d'autorité. ».

Il ressort de l'attestation de M. [A], préposé de la CNIM, que les faits présumés de harcèlement moral et sexuels reprochés à M. [B] dans la lettre de licenciement ont par lui été portés sommairement le 18 novembre 2011à la connaissance de l'employeur pris en la personne de M. [I], chef de l'établissement de [Localité 2], lequel a ensuite fait normalement procéder à une enquête interne de vérification et dont les résultats lui ont été communiqués par compte-rendu écrit de Mme [Q] [U], responsable des relations humaines, du 5 janvier 2012.

M. [B] ayant été convoqué à un entretien préalable à son licenciement envisagé par lettre du 9 janvier 2012 remise en mains propres, premier acte interruptif du délai deux mois prévu à l'article L. 1332-4 du Code du travail, il s'ensuit qu'à cette date la prescription des faits fautifs a valablement été interrompue, et n'était pas non plus acquise lors de la notification du licenciement par lettre du 10 février 2012, après entretien préalable tenu le 19 janvier 2012.

Selon la correspondance produite, la procédure de licenciement suivie apparait par ailleurs régulière en la forme.

Au fond, la société CNIM produit le compte-rendu écrit d'enquête de Mme [U] du 5 janvier 2012, les attestations précises, convergentes et circonstanciées de ses préposés Mme [W] [X], Mme [O] [J], Mme [D] [P], M. [T] [A], ainsi que la photocopie de deux courriels adressés par M. [B] à Mme [X] datés de décembre 2010, desquels il ressort ' ces éléments pris ensemble ' que les faits de harcèlement moral et sexuel ainsi que d'abus d'autorité, reprochés à son salarié et tels que précisément décrits dans la lettre de congédiement susdite, sont avérés.

La pièce n° 12 produite par la société CNIM et présentée comme une attestation d'un autre de ses préposés, M. [H], apparaît en revanche dénuée de toute force probante à défaut de comporter la signature de son auteur supposé, aucun motif ne justifiant cependant que ladite pièce soit écartée des débats comme le réclame M. [B].

..../....

Par ailleurs M. [B] produit (sa pièce n°24) le compte-rendu écrit par M. [S], délégué syndical, de l'entretien préalable à son licenciement envisagé, et duquel il ressort qu'il a alors lui-même reconnu, d'une part « au cours de sa carrière (avoir) été très proche de la direction générale (de l'entreprise)», d'autre part avoir déclaré à Mme [J] à la laquelle il venait de reprocher la divulgation de rumeurs dans l'entreprise sur les possibles relations sexuelles qu'il aurait entretenues avec une autre salariée, qu' « il ne fallait pas faire cela et que faire courir ce type de bruit était dangereux pour notre situation dans l'entreprise. (') Méfiez-vous, en colportant de tels propos, on peut se trouver dans une situation délicate où l'on pourrait perdre son emploi. ».

Bien qu'exprimé en termes sibyllins, est ainsi confirmé le caractère menaçant pour la pérennité de son emploi des propos de M. [B] à l'égard de Mme [J] dont il venait de réprouver le comportement.

En l'état de la gravité certaine de ces agissements multiples et répétés, sur le fondement des articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du Code du travail le licenciement de M. [B] apparaît en conséquence justifié, la nature même des griefs établis à l'encontre du salarié empêchant par ailleurs la poursuite de la relation de travail pendant la durée limitée du préavis.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du même Code, l'intéressé doit par suite être débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la société CNIM succombant partiellement en ses prétentions, il apparaît équitable en l'espèce de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a, d'une part condamné la société CNIM à payer à M. [G] [B] 2 000 € bruts à titre de prime de roulage pour l'année 2011 et 1 000 € sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile, d'autre part a débouté M. [B] de ses demandes d'indemnité pour absence de conclusion de contrat de travail écrit entre le 15 octobre 1975 et le 12 mars 2001, pour absence de notation en 2011, de rappel de salaires et d'indemnité de congés payés y afférente pour la période du 1er mai 2009 au 15 août 2012 après requalification supérieure de son emploi selon la classification de la convention collective applicable, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, d'indemnité au titre de la privation de l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite, de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

L'infirme en ce qu'il a, d'une part condamné la société CNIM à payer à l'intéressé des dommages-intérêts pour manquement à son  obligation de sécurité, d'autre part débouté M. [B] de sa demande d'indemnité de requalification « du contrat de travail à durée déterminée non justifiée en 1975 » ;

Statuant à nouveau de ces deux chefs, d'une part dit irrecevable la demande d'indemnité de M. [B] pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, d'autre part déclare M. [B] irrecevable en sa demande d'indemnité de requalification « du contrat de travail à durée déterminée non justifiée en 1975 » ;

Y ajoutant, ordonne relativement à la condamnation susdite au paiement de 2 000 € bruts à titre de prime de roulage, la capitalisation annuelle des intérêts légaux selon l'article 1154 du Code civil à compter de la date de la première demande devant la juridiction prud'hommale ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Condamne la société CNIM aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 13/10699
Date de la décision : 20/01/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°13/10699 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-20;13.10699 ?
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