COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 JANVIER 2015
A.D
N° 2015/
Rôle N° 14/00337
[W] [Q]
[C] [J]
[I] [P]
[D] [R] épouse [P]
C/
[Y] [E]
[Z] [G]
Grosse délivrée
le :
à :ME BUVAT
ME MAGNAN
ME ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/13434.
APPELANTS
Madame [W] [Q] agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Melle [O] [P], née le [Date naissance 6]2000 à [Localité 8]
née le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [C] [J]
née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [I] [P]
né le [Date naissance 3] 1930 à [Localité 7] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Anne JOURNAULT, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [D] [R] épouse [P]
née le [Date naissance 4] 1936 à [Localité 2] (92), demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Anne JOURNAULT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Mademoiselle [Y] [E]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Christian GIRARD, avocat au barreau de TOULON
Madame [Z] [G]
née le [Date naissance 7] 1941 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Christian GIRARD, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2015,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE :
M [B] [P] et Mme [C] [J] ont constitué, le 19 avril 2004, une société civile immobilière, dénommée SCI NOUVELLE, qui a acquis, le 28 septembre 2004, un bien immobilier situé à [Localité 6] pour le prix de 457'350 €.
Cette acquisition a été financée, à l'aide d'un prêt consenti par la banque populaire à la SCI, d'un montant égal au prix.
M. [P] s'est porté caution solidaire de ce prêt à hauteur de la somme de 548'820 € et une assurances décès a été souscrite à hauteur de 100 % du capital emprunté sur sa tête .
Le 16 janvier 2006, M. [P] et Mme [J] ont cédé à Mme [E] et à Mme [G] l'intégralité de leurs parts sociales dans la société civile immobilière Nouvelle moyennant le prix de 18'296 €, l'acte ayant été enregistré le 6 février 2006.
M. [P] , victime d'un accident cérébral le 28 janvier 2006, est décédé le [Date décès 1] 2006 en laissant pour lui succéder, au terme de son testament , d'une part , ses parents, Monsieur et Madame [I] [P], en qualité d'usufruitiers, et d'autre part , sa fille mineure, [O], en qualité de nue-propriétaire.
Par exploit du 22 octobre 2010, monsieur et madame [P], Mme [W] [Q] agissant en qualité d'administratrice légale de sa fille, [O] [P], ont fait assigner Mme [E] et Mme [G] en annulation de l'acte de cession des parts sociales et en paiement de la somme de 171'000 € à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 5000 € mensuelle au titre de la perte de jouissance.
Mme [J] s'est associée à leur action.
Le tribunal de grande instance de Marseille a retenu que l'acte de cession ne pouvait être annulé pour non-respect des dispositions statutaires de la société dès lors que la cession portait sur l'intégralité des parts sociales ; que les dispositions de l'article 1589-2 du Code civil n'étaient pas applicables à l'espèce ; que le vice du consentement et la vileté du prix n'étaient pas établis ; que le paiement du prix était prouvé dès lors qu'il pouvait intervenir par compensation avec la créance de Mme [E] sur M [P] ; qu'enfin, le capital restant dû à la banque au jour de la cession ne faisait pas partie du prix de la vente et que les demandeurs ne pouvaient se prévaloir du non-paiement de cette somme par les cessionnaires pour solliciter la résolution pour défaut de paiement du prix.
Il a donc, par un jugement contradictoire du 7 novembre 2013, débouté Monsieur et madame [P], Mme [Q], et Mme [J] de leurs demandes, débouté Mme [E] et Mme [G] de leur demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné aux dépens monsieur et madame [P], Mme [Q] et madame [J] .
Par déclarations des 9 et 10 janvier 2014, Mme [Q] en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [P], madame [J] , monsieur et madame [P], ont relevé appel de cette décision, l'ensemble des parties étant intimé devant la cour.
Par conclusions du 5 novembre 2014, monsieur et madame [P] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,
- réformer le jugement entrepris,
- dire que les formalités obligatoires prévues par les statuts de la société civile immobilière en cas de cession de parts sociales à des tiers n'ont pas été respectées,
- dire que M. [P] n'a pas donné son consentement sur le contenu de l'acte de cession des parts sociales du 16 janvier 2006,
- vu les articles 1134 et 1108 et suivants du Code civil,
- dire nul et de nul effet l'acte de cession des parts du 16 janvier 2006,
subsidiairement,
- vu les articles 1650 et 1184 du Code civil,
- dire que Mme [E] et Mme [G] n'ont pas payé le prix de la cession et en conséquence, prononcer la résolution de l'acte de cession,
- en tout état de cause,
- condamner solidairement Mme [E] et Mme [G] à payer à monsieur et madame [P] et [O] [P] la somme de 171'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de revenus subis,
- dire que cette condamnation sera actualisée en y ajoutant une somme mensuelle de 5000 € à compter de l'assignation et jusqu'à libération totale des lieux,
- condamner solidairement Mme [E] et Mme [G] à payer à monsieur et madame [P] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Par conclusions du 21 novembre 2014, Mme [Q] et madame [J] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables en leur appel ainsi qu'en leurs demandes,
- réformer la décision entreprise,
- donner acte à Mme [Q] qu'elle dénie l'écriture et les signatures attribuées à [B] [P] sur l'acte intitulé cession de créance du 16 janvier 2006,
- constater que les biens de la société Pierredon , acquis par la société Nouvelle au mois de septembre 2004 appartenaient à M. [N], conjoint de Mme [E], que Mme [E] conseillait M. [P] sur la gestion de la société civile immobilière Nouvelle et supervisait l'acquisition d'une nouvelle parcelle appartenant à la société exploitation locations William, que M. [P] a par avance organisé la cession de la société Nouvelle en élaborant des actes de cession totale des parts de celle ci, dont les mentions principales étaient laissées en blanc, une lettre de démission de sa fonction de gérant, ainsi que des statuts en blanc; que M. [N] affirme qu'il n'a jamais été dans son intention, ni dans l'intention de M. [P] que Mme [E] bénéficie d'une cession des parts sociales de la société nouvelle; que cette cession s'est réalisée à son insu; que la banque populaire n'a jamais été avisée de l'existence de la cession des parts sociales de la société Nouvelle; que M. [F] [A] affirme avoir reçu la visite de [Y] [E] et de M. [B] [P] au mois de décembre 2005 car il souhaitait connaître les modalités de rachat du prêt et de transfert de la qualité de caution de la tête de M. [P] sur celle de Mme [E]; que Mme [E] n'a jamais constitué le dossier de rachat de prêt, et qu'elle n'a fait aucune démarche pour modifier la caution,
- constater que Mme [E] et Mme [G] reconnaissent que M. [P] n'est pas le rédacteur ni le signataire de l'acte de cession de créance du 16 janvier 2006, que le prix de la cession ne figure pas sur les actes de cession en blanc rédigés en septembre 2004, que la mention du prix a été renseignée uniquement par les acquéreurs, que Mme [E] et Mme [G] ne contestent pas avoir complété ces actes laissés en blanc,
- constater que par l'effet de la cession de créance du 16 janvier 2006, il ne pouvait y avoir de compensation entre le prix de vente et la créance antérieurement détenue par Mme [E] à l'encontre de M. [B] [P] par suite du prêt du 24 septembre 2004,
- constater que le prix de vente fixé par Mme [E] ne tient pas compte de la cession de créance du 16 janvier 2006 puisque la somme de 47'000 € est une nouvelle fois déduite du prix de rachat des parts sociales et en conséquence,
- procéder à la vérification des écritures et signatures de M. [P] sur l'acte de cession de créances du 16 janvier 2006,
- dire nulle et de nul effet la cession des parts sociales,
- dire nulle et de nul effet la cession de créance du 16 janvier 2006,
- constater que les acquéreurs n'ont jamais versé le prix de la cession,
- condamner solidairement Mme [E] et Mme [G] à payer à monsieur et madame [P], à [O] [P] et à [C] [J] la somme de 250'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de revenus subis,
- si la cour s'estimait insuffisamment éclairée, ordonner la désignation d'un expert pour chiffrer la perte des revenus locatifs subis,
- condamner solidairement Mme [E] et Mme [G] à payer à monsieur et madame [P], à [O] [P], à [C] [J] la somme de 30'000 €à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- condamner solidairement Mme [E] et Mme [G] à payer à monsieur et madame [P], à [O] [P], à [C] [J] la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Par conclusions du 24 novembre, Mme [E] et Mme [G] demandent à la cour de :
- débouter les époux [P] des demandes formulées dans leurs conclusions du 5 novembre 2014,
- débouter Mme [Q] et madame [J] de leurs demandes formulées dans leurs conclusions du 21 novembre 2014,
- confirmer le jugement entrepris,
- subsidiairement,
- dire qu'elles s'acquitteront de la somme de 18'926 €-sic- par la remise d' un chèque de banque de ce montant entre les mains de tel avocat postulant que la cour désignera pour le compte de qui il appartiendra,
- condamner solidairement les époux [P], Mme [Q] et Mme [J] à payer à chacune la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prise le jour de l'audience, avant l'ouverture des débats.
Aucune des parties n'a déposé de conclusions d'incident relativement aux dernières conclusions et pièces échangées .
Motifs
Sur la recevabilité des appels :
Attendu que la recevabilité des appels n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire office.
Attendu que les appels seront donc déclarés recevables.
Sur le fond :
Attendu, en fait, que la société civile immobilière Nouvelle constituée entre M. [P] et madame [J] a acquis, par acte notarié du 28 septembre 2004, de la société civile immobilière Pierredon, un immeuble situé à [Localité 6], pour le prix de 457'350 €.
Attendu que la société Nouvelle a financé cette acquisition au moyen d'un prêt consenti par la banque populaire, remboursable en 180 mensualités ; que M. [P] s'est porté caution personnel de ce prêt à hauteur de 548'820 €, et que le prêt était garanti par une assurance décès à hauteur de 100 % du capital emprunté, souscrite par M. [B] [P].
Attendu que M. [P] est décédé le [Date décès 1] 2006, et que les sommes dues au titre du prêt ont été prises en charge par l'assureur Axa France.
Attendu par ailleurs, que Mme [E] et Mme [G] se prévalent de la signature par M. [P] et madame [J] en date du 16 janvier 2006 d'un acte de cession de l'intégralité des parts sociales de la société civile immobilière Nouvelle à leur profit moyennant le prix de 18 296 €.
Attendu enfin, qu'un acte de cession de créance a été signé, le même jour, entre Mme [E] et M. [P] relativement au compte courant de celui-ci dans la société civile immobilière nouvelle pour 47'000 €.
Attendu, en droit, que pour contester, en premier lieu, la validité de l' acte de cession de parts sociales, monsieur et madame [P] font valoir qu'aux termes des statuts de la société civile immobilière Nouvelle, 'la cession des parts sociales autres qu'à des personnes visées ci-dessus (associés conjoints, ascendants ou descendants) ne peut intervenir qu'avec l'agrément des associés donné en la forme d'une décision collective extraordinaire' ; que le projet de cession doit être notifié à la société et à chacun des associés accompagné de la demande d'agrément par acte d'huissier ou par lettre recommandée avec accusé de réception ; que le gérant doit convoquer une assemblée aux fins de se prononcer sur l'agrément dans le mois suivant la notification; que le gérant notifie au cédant ainsi qu'aux autres associés, par lettre recommandée avec accusé de réception, la décision d'agrément ou le refus dans les deux mois qui suivent la notification par le cédant de son projet de cession.
Attendu qu'ils exposent que ces dispositions doivent trouver à s'appliquer, même en cas de cession de l'intégralité des parts sociales par tous les associés d'origine dès lors qu'elles sont contractuellement prévues, la seule condition posée par ces statuts étant que la cession intervienne au profit d'une personne tierce à la société, ce qui est le cas en l'espèce.
Attendu qu'ils font valoir que l'accomplissement de ces formalités aurait permis à Mme [J] de réagir.
Mais attendu que ces dispositions, en ce qu'il est expressément prévu qu'elles ne concernent pas la cession entre associés conjoints, ascendants et descendants, en ce qu'elles imposent précisément l'agrément de seuls tiers à la décision collective des associés et en ce qu'en cas de refus d'agrément de ces tiers, elles instituent la possibilité à leur profit de se porter acquéreurs des parts et à défaut d'acquisition par un associé, la possibilité de la désignation de l'acquéreur par le gérant ou encore celle du rachat des parts par la société elle-même, tendent à permettre aux associés non cédants d'avoir la maîtrise du choix de leurs co-associés et de contrôler l'arrivée de tiers; qu'il s'agit ainsi de dispositions uniquement protectrices des intérêts des associés qui restent dans la société et qui seuls peuvent s'en prévaloir.
Attendu, par suite, que les associés qui cèdent leurs parts ne peuvent les invoquer et ce d'autant qu'en l'espèce, la cession concerne l'intégralité des parts sociales de tous les associés, qu' aucun autre associé ne reste dans la société et n'est donc à protéger.
Attendu que le jugement sera de ce chef confirmé.
Attendu que Mme [Q], en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, [O] [P], dénie l'écriture et la signature de M. [B] [P] sur l'acte intitulé cession de créance, et demande de dire que Mme [E] et Mme [G] ont complété l' acte de cession des parts sociales en blanc et l' ont daté dès l'instant où le décès de M [P] a été envisagé.
Attendu que monsieur et madame [P] font, pour leur part, également valoir que quand bien même la signature sur l'acte de cession des parts sociales serait celle des associés, c'est le contenu de l'acte qui est litigieux et que le consentement de M. [P] qui a apposé sa signature sur un acte blanc n'existe pas sur ce contenu.
Attendu qu'ils affirment également que il n'y a pas eu de consentement à l'acte de cession de créance lequel doit, en conséquence, être aussi déclarée nul,( voir page 10 de leurs écritures) sans toutefois formuler cette demande dans le dispositif de leurs dernières conclusions ( voir pages 12 et 13).
Attendu cependant que la comparaison que la cour peut faire quant à la signature de M. [P] entre d'une part celles, non contestées, figurant sur le chèque fait par M. [P] au bénéfice de la société nouvelle le 28 septembre 2004, ainsi que sur l'acte notarié d'acquisition de l'immeuble par la société Nouvelle en date du 28 septembre 2004 et encore sur le contrat de prêt du 24 septembre 2004, signé entre Mme [E] et M. [P] et d'autre part, celles figurant sur les deux actes du 16 janvier 2006 de cession des parts sociales et de cession de créance ne permet pas de retenir une altération, ni une falsification de celle ci.
Attendu également que madame [J], même si elle a rédigé une attestation, dans laquelle elle conteste avoir signé l'acte de cession de parts sociales , ne dénie, pas dans ses conclusions, sa propre signature sur ce document, étant observé que l'attestation qu'elle a rédigée en ce sens ne peut avoir, en ce qu'elle émane d'une partie à l'instance , la portée prévue par les dispositions du code de procédure civile en ses articles 200 et suivants.
Attendu, par ailleurs, en ce qui concerne le seul acte de cession de créance du 16 janvier 2006 que Mme [Q] et Mme [J] ne démontrent pas l'existence d'une quelconque cause de nullité résultant d'un vice du consentement ou tenant à l'incapacité de M. [P] a signer, et que dès lors que la signature est vainement déniée, toute critique à son propos , même relative à l'écriture, est inopérante .
Attendu que les demandes fondées sur la dénégation de signature et d'écriture de M. [P] seront donc rejetées.
Attendu également , sur la validité de l'acte de cession de parts sociales, que même si les signatures ont été apposées sur un acte en blanc, il n'est nullement établi que les parties cédantes n'ont pas consenti aux mentions y figurant, ni que leur consentement soit vicié .
Attendu en effet, que les époux [P], qui font état d'un vice du consentement, par le visa des articles 1108 et suivants du Code civil dans le dispositif de leurs conclusions, ne précisent cependant, à aucun moment de leurs écritures, quel est parmi les 3 vices envisagées par ces textes, celui susceptible d'entraîner la nullité; attendu qu'ils n'invoquent précisément aucune circonstance, qui pourrait constituer un dol, une réticence dolosive, une erreur, ou une situation de violence, le seul fait que les parties aient pu être précédemment en relations d'affaires , par ailleurs motivées par des relations d'amitié, étant inopérant .
Attendu que la prise en charge par l'assurance du paiement du prêt suite au décès de M. [P], dans des conditions qu'aucune des parties n'a au demeurant cherché à démontrer devant la cour, (ce qui a eu pour conséquence que les cessionnaires sont devenus propriétaires de l'intégralité des parts sociales pour le prix de 18'296 €,) n'est imputable qu'au décès de M. [P] , lequel est un décès accidentel , alors que la proximité entre la date de ce décès et la signature de l'acte de cession n'est rattachée à aucune manoeuvre ou réticence dolosive ou autre cause d'un vice du consentement, imputables aux dames [E] et [G].
Attendu que l'attestation de M. [N] n'apporte rien de plus au soutien de la thèse des appelants dès lors que celui-ci n'y exprime que son avis lorsqu'il écrit : « il m'a été rapporté que [Y] [E] disait que [B] voulait lui céder la société mais cela est totalement faux et si cela avait été le cas il aurait signé une cession et la cession en blanc n'aurait pas été utilisée », et que la circonstance qu'il n'ait pas été, lui-même, informé de cette cession est, à cet égard, sans emport.
Attendu par suite, que les allégations de Mme [Q] et de Mme [J] , aux termes desquelles la cession de parts n'a pu se faire que de manière clandestine et lorsque M. [P] était hospitalisé , ne sont étayées par aucune pièce du dossier.
Attendu par ailleurs que le seul fait que la banque populaire n'ait pas été avisée du projet de cession par M. [P] ne démontre pas que la cession du 16 janvier 2006, serait intervenue en dehors de la volonté des cédants et en fraude de leurs droits ; Attendu qu'à ce moment, M. [P] n'était pas encore atteint du problème médical qui a entraîné son décès, sans qu'il soit établi que la mention de cette date soit falsifiée, ou faite dans une situation d'urgence. Attendu d'ailleurs que d'une part, les clauses du contrat de prêt qui prévoient que l'emprunteur doit signaler sans délai à la banque les faits susceptibles de modifier sa situation personnelle et celle de ces cautions ne s'impose qu'à l'emprunteur, c'est-à-dire à la société civile immobilière nouvelle, que M [P] était , en toute hypothèse, libre de cette information sauf à devoir éventuellement en assumer les conséquences dans ses rapports avec la banque et que d'autre part , sans même tenir compte de l'attestation de Me [X]( qui ne respecte pas les conditions du Code de Procédure Civile en l'absence de production de la photocopie d'un document d'identité), il résulte de celle de sa secrétaire que c'est elle qui a préparé l'acte , en présence de M [P], ce qui n'a rien d'anormal dans l'exécution des tâches d'une secrétaire d'avocat; qu'enfin, il résulte également de l'attestation du directeur de la société marseillaise de crédit, dont la sincérité, ni le sérieux ne sont susceptibles d'être remis en cause , que cette banque avait été contactée, à deux reprises, au mois de décembre 2005 et dans la première quinzaine de janvier 2006, par M. [P] et par Mme [E] pour étudier la question du rachat du prêt et du transfert de la qualité de caution sur la tête de cette dernière, M. [P] lui ayant fait part de ce qu' avec son associée, ils souhaitaient céder les parts de la société civile immobilière.
Attendu que ces précisions démontrent donc M [P] s'était bien attaché à cette question, sans pour autant avoir eu le temps de la mener à bien suite au souci de santé qui est survenu peu après, et que Mme [E] se renseignait donc aussi avec lui sur le rachat du prêt .
Attendu par suite, qu'il ne peut être affirmé qu'elle ne s'est jamais souciée du financement de l'achat des parts sociales alors que les relations de confiance qui existaient entre les parties peuvent expliquer que ces formalités n'ont pas été finalisées avant le16 janvier 2006 .
Attendu qu'il n'est pas établi que l'engagement de la compagnie d'assurances était lié à la qualité d'associé ou de gérant de la caution, aucun élément contractuel n'étant, en effet, produit à ce sujet, de telle sorte qu'il est vain pour Mme [Q] et pour Mme [J] de faire état de ce que Mme [E] n'a jamais avisé la compagnie d'assurances de la cession des parts sociales, tâche qui , de surcroît, ne lui incombait pas naturellement en sa qualité de cessionnaire.
Attendu, encore, que malgré les allégations contraires de Mme [Q] et de Mme [J], celles-ci ne démontrent pas que M. [P] était hors d'état de manifester une quelconque volonté au jour de la signature de la cession de créance, ni qu 'elles aient, elles-mêmes, complété ses mentions en dehors de son agrément, étant encore rappelé que le caractère antidaté de l'acte, comme de celui de la cession de parts sociales, ne sont pas établis.
Attendu par suite, que ni l'absence de consentement, ni le vice du consentement des cédants ne sont démontrés et que les demandes de nullité de l'acte de cession de parts sociales et de l'acte de cession de créance ainsi fondées seront donc rejetées.
Attendu que subsidiairement , monsieur et madame [P] sollicitent la résolution de la vente en faisant valoir l'obligation pour l'acheteur de payer un prix et en soulignant que les acquéreurs n'ont transféré à leur charge, ni le cautionnement du prêt bancaire, ni le coût de l'assurance décès et qu'ils n'ont pas, non plus, réglé les 18'000 € dus à [B] [P], outre les 296 € dus à Mme [J].
Attendu que de leur côté, les intimés, font valoir pour le première fois dans leurs dernières écritures que le paiement a été quittancé à l'acte de cession.
Attendu que de ce chef, la cour relève que malgré la quittance du prix effectivement donnée à cet acte, les parties se sont cependant bien gardées de préciser les modalités exactes du règlement ainsi acté .
Attendu qu'ils soutiennent par ailleurs que le paiement du prix est intervenu par l'effet de la compensation avec la dette de M. [P] envers Mme [E] résultant du prêt qu'elle lui a consenti.
Attendu sur ce moyen que monsieur et madame [P] contestent la réalité du prêt à invoqué, qui ne résulterait que du chèque de M. [P] à la société Nouvelle.
Mais attendu que ce prêt résulte d'un contrat, produit en pièce numéro 2 par les intimés, et signé par M. [P], cette signature n'étant pas contestée, ni la validité du consentement de son auteur à cette époque et pour cet acte.
Attendu qu'ils affirment aussi que le prix de 18'000 € a été fixé en déduisant de l'actif social le montant du compte courant de M. [P] de 47'000 €, alors que ce compte aurait été cédé en même temps à Mme [E] via l'acte de cession de créance, ce qui constitue le remboursement du prêt et vide donc de portée le moyen tiré de la compensation.
Attendu à cet égard, que l'acte de cession de créance mentionne effectivement que Mme [E] 'a avancé une somme de 47'000 € à [B] [P] pour être apportée à la société civile immobilière nouvelle'.
Attendu que l'acte de cession de créance précise aussi que M. [P] qui est titulaire d'un compte courant d'associé dans la société Nouvelle d'un montant de 47'000 € le cède à Mme [E], le paiement de cette cession s'effectuant 'par compensation avec les sommes dues au titre du prêt du même montant' (voir l'article de la convention qui à ce sujet est parfaitement clair) , l'acte spécifiant, enfin, que ce paiement est expressément accepté par les parties sans qu'il y ait novation et que chacune des parties s'estime réglée de l'intégralité de ses droits.
Et attendu il n'y a pas donc d'irrégularités à avoir déduit le montant de ce compte courant de la valeur de l'actif social pour procéder à l'évaluation des parts, et en même temps, à l'avoir cédé au nouvel associé dans les conditions sus rappelées.
Attendu que la référence faite dans cet acte à un contrat de prêt du 29 avril 2004, au lieu du 24 septembre 2004, ne procède que d'une erreur matérielle, (la cour relevant que les dates 24/09/04 et 29/04/09 peuvent donner lieu à ce type d'erreur procédant d'une inversion des chiffres) et ce d'autant que les parties ne contestent pas :
- que c'est une somme de 47 000€ qui a bien servi à alimenter la société civile immobilière nouvelle ainsi que la convention le rappelle,
- qu'il n'y a pas eu d'autres versements pour alimenter ce compte courant,
- et que M. [P] a versé, de ce chef, un chèque d'un montant de 47'000 € dès le 24 septembre 2004, chèque qui est produit aux débats.
Attendu qu'il n'y a donc pas d'incertitude ou d'erreur sur le prêt qui est ainsi remboursé par la cession de créance alors, en outre, que les appelants ne prouvent pas que M [P] l'ait d'une quelconque autre façon réglé, ne versant aucune pièce de nature à établir que l'échéancier prévu au contrat signé ait été exécuté.
Attendu qu' il en résulte que Mme [E] n'avait pas de créances à compenser avec M. [P] du chef de ce prêt;
Attendu qu'une telle compensation nécessitait en toute hypothèse l'accord des 2 parties qui en l'espèce n'est pas démontré en ce qui concerne M [P]; que les déclarations faites par Mme [E] à l'administration fiscale sont erronées ; que même si Mme [E] affirme n'avoir jamais été mis en possession de ce document , elle ne le conteste cependant pas, précisant qu'elle l'a approuvé, mais n'y a pas apporté d'attention car il était destiné à solder le compte existant entre elle et M. [P], suite à la cession des parts ;
Attendu, enfin, qu'aucune conséquence ne saurait être tirée, en termes d'efficacité probatoire sur la question du paiement du prix, des dispositions de la déclaration de succession signée par les parents de M. [P] et faisant état, au titre de l'actif successoral, de l'existence de ce compte courant , dès lors que l'ensemble des pièces versées aux débats démontre la confusion et l'imprécision la plus totale avec laquelle les parties ont géré leurs intérêts malgré l'importance des questions à régler au regard de la nature des actes et compte tenu de l'existence d'un héritier mineur à la succession de M. [P].
Attendu dans ces conditions, que la preuve n'est pas apportée de la réalité d'un paiement du prix convenu pour la cession des parts sociales .
Attendu par suite, que le vendeur est fondé à solliciter la résolution de la vente, étant observé:
- que l'assignation en résolution suffit à mettre le débiteur en demeure,
- que s'agissant d'une résolution afférente à un contrat de vente, le défaut de paiement du prix, qui est l' obligation essentielle de l'acquéreur, est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résolution,
- et qu'il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d' accorder un quelconque délai aux intimés pour s'exécuter de ce paiement, quand bien même elles font état de leur possibilité de s'en acquitter par un chèque de banque à l'ordre de la Carpa, alors que le litige est, de surcroît, pendant depuis plus de quatre années.
Attendu, sur la demande de dommages et intérêts des appelants pour perte des revenus susceptibles d'être générés par l'immeuble, que rien dans leur dossier ne démontre la volonté de M. [P] de vouloir tirer un quelconque bénéfice financier du bien ; que bien au contraire, l'ensemble des éléments versés permet de comprendre que le but de l'opération, qui a été monté dans un contexte particulier en ce qui concerne la situation du vendeur de l'immeuble et en ce qui concerne également les relations d'amitié des parties, n'était pas celui-là , mais consistait à préserver le patrimoine du vendeur .
Attendu, en outre, que la circonstance qu' une société relevant de la famille [P] a, postérieurement à la cession, géré le bien en litige ne permet, de toute façon, pas de caractériser l'existence d'un préjudice, personnellement subi par les appelants, lesquels ont une personnalité distincte de celle des sociétés que par ailleurs, ils animent.
Attendu, sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, qu'il convient de relever que les parties appelant ont accepté la situation qu'elles critiquent pendant plus de quatre années sans élever aucun grief contre les actes ; que cette période correspond au temps pendant lequel elles ont pu, au travers des sociétés qu'elle gère tirer un certain profit de l'immeuble.
Attendu que cette seule situation ne permet pas de caractériser le bien-fondée de leur demande au titre du préjudice moral.
Attendu que le jugement sera donc réformé, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la cession des parts sociales, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens.
Attendu en effet, qu'en raison de leur succombance sur le principe de la résolution de la cession des parts sociales , Mme [E] et Mme [G] supporteront les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile, ni devant la cour, ni devant le tribunal.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
reçoit les appels,
réforme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de l'acte de cession des parts sociales de la société civile immobilière Nouvelle ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens, et statuant à nouveau :
prononce la résolution de l'acte de cession des parts sociales de la société civile immobilière Nouvelle passé le 16 janvier 2006 entre d'une part ,M. [P] et Mme [J] et d'autre part, Mme [E] et Mme [G] ,
Condamne Mme [E] et Mme [G] aux dépens de la procédure,
le confirme pour le surplus de ses autres dispositions,
y ajoutant :
Rejette les demandes plus amples des parties,
condamne Mme [E] et Mme [G] aux dépens de la procédure d'appel, et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT