COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 13 JANVIER 2015
N°2015/
MV/FP-D
Rôle N° 13/23760
[H] [S]
C/
[D]
SA TOTAL
[Adresse 8]
SAS ADECCO FRANCE
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE [Localité 2]
SOCIETE D'AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION (SASCA)
Grosse délivrée le :
à :
Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE
Me Michaël DAHAN, avocat au barreau de PARIS
Me Carla DI FAZIO PERRIN, avocat au barreau de PARIS
Me Leslie GIANNIELLO, avocat au barreau de NICE
Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section I - en date du 19 Novembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 13/112.
APPELANT
Monsieur [H] [S], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
[D], demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Michaël DAHAN, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 6])
SA TOTAL, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Michaël DAHAN, avocat au barreau de PARIS
BP FRANCE, demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Carla DI FAZIO PERRIN, avocat au barreau de PARIS (40 rue de Courcelles 75008 PARIS)
SAS ADECCO FRANCE, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Leslie GIANNIELLO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Elodie MOINE, avocat au barreau de GRASSE
SAS ADECCO FRANCE, demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Leslie GIANNIELLO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Elodie MOINE, avocat au barreau de GRASSE
SAS ADECCO FRANCE, demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Leslie GIANNIELLO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Elodie MOINE, avocat au barreau de GRASSE
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE [Localité 2], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sarah TORDJMAN, avocat au barreau d'ANGERS
SOCIETE D'AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION (SASCA), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michaël DAHAN, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2014
Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Par lettre recommandée postée le 5 décembre 2013 Monsieur [S] a régulièrement relevé appel du jugement rendu le 19 novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes de Nice - rendu au contradictoire du Groupement avitaillement [Localité 2] ci-après dénommé GIE GANCA , de la SA TOTAL, de la société BP FRANCE, de la société ADECCO FRANCE et de la Chambre de commerce et d'industrie [Localité 1] - qui a pris acte de l'intervention volontaire de la société d'avitaillement et de stockage de carburant aviation ci-après dénommée SASCA qui se déclare subrogée dans les droits et les devoirs du GIE GANCA, de la société BP France et de la société TOTAL dans le cadre de la garantie des créances fixées par le conseil des prud'hommes de Nice, a pris acte du désistement d'instance et d'action de Monsieur [H] [S] à l'encontre de la Chambre de commerce et d'industrie aéroport [Localité 2], a dit les demandes de Monsieur [S] frappées par la péremption de l'instance, a débouté l'intéressé de l'ensemble de ses demandes, a débouté les parties défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a déclaré les dépens partagés.
Monsieur [S] poursuit la condamnation devant la cour de la société BP France, de la société TOTAL, de la société SASCA, et de la société ADECCO aux fins de voir dire et juger que les sociétés requises se sont rendues coupables du délit de prêt de main-d''uvre illicite, de requalifier les contrats de mission litigieux en un contrat à durée indéterminée à temps plein à l'encontre des entreprises de travail temporaire et des sociétés utilisatrices, de dire et juger que la rupture des relations professionnelles s'analyse en un licenciement irrégulier et dénué de toute cause réelle et sérieuse, en conséquence, de condamner solidairement les sociétés requises à lui verser les sommes de :
20 000 € à titre de dommages et intérêts pour prêt de main-d''uvre illicite,
12 000 € au titre de l'indemnité de requalification,
29 619,27 euros à titre de rappel de salaire,
2961,92 euros au titre des congés payés y afférents,
1911,62 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de procédure de licenciement,
3823,24 euros au titre de l'indemnité de préavis,
382,32 euros au titre des congés payés y afférents,
13 763,70 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5000 € à titre de dommages et intérêts pour perte du droit individuel à la formation,
ainsi qu'à lui remettre des documents de fin de contrat sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et de condamner les sociétés défenderesses à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en ce compris l'article 10 du décret numéro 96-1080 du 12 décembre 1996.
Monsieur [S] fait valoir qu'il a été engagé à compter du 4 mai 1991 en qualité d'avitailleur et chauffeur semi poids-lourds par contrat de travail temporaire avec l'entreprise de travail temporaire ADECCO pour être affecté au sein du GIE GANCA notamment composé des compagnies pétrolières BP et TOTAL mais n'ayant pourtant aucune activité propre, la société SASCA venant désormais aux droits du GIE GANCA ; que pour tous ces contrats qui se sont poursuivis jusqu'au 30 novembre 2005, il a en réalité, de manière alternative ou cumulative, été toujours affecté soit au sein de la société TOTAL, en majorité, soit au sein de la société BP ; que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que son action était prescrite car si l'on exclut la relation de travail entre lui et la chambre de commerce et d'industrie de Nice qui a débuté en avril 2006, le dernier contrat de mission signé entre lui et la société ADECCO s'est achevé le 29 novembre 2005, de sorte que disposant à l'époque d'un délai de 5 ans pour saisir le conseil des prud'hommes d'une demande de requalification, soit jusqu'au 29 novembre 2010, et ayant saisi le conseil de prud'hommes le 30 septembre 2010, son action est parfaitement recevable, peu important que l'instance initiale ait fait l'objet d'une décision de radiation par le conseil des prud'hommes.
La société TOTAL, le GIE GANCA et la société SASCA venant aux droits du GIE GANCA demandent à la cour de donner acte à la société SASCA qu'elle intervient afin de prendre en charge toutes éventuelles condamnations, dire l'instance engagée par Monsieur [S] prescrite ou soumise à péremption d'instance, dire et juger que le GIE GANCA n'a jamais été entreprise utilisatrice, en conséquence, mettre hors de cause le GIE GANCA, débouter Monsieur [S] de toutes ses demandes et le condamner à leur verser la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que Monsieur [S] prétend que sa saisine devant le conseil des prud'hommes serait datée du 30 septembre 2010 versant à ce titre une pièce numéro 7 qui est une convocation devant le bureau de conciliation ne concernant que le GIE GANCA et non les sociétés TOTAL et BP, ces 2 sociétés étant les seules sociétés utilisatrices du groupement , GANCA étant un groupement d'intérêt économique qui n'a jamais été entreprise utilisatrice et qui n'avait pour fonction que de rendre service à ses membres ; que les sociétés utilisatrices TOTAL et BP pouvaient seules être poursuivies et bénéficient donc de la prescription de l'instance engagée par Monsieur [S] ; que Monsieur [S] a engagé une nouvelle instance visant notamment les société TOTAL, BP et SASCA en février 2012 ce qui confirme la prescription ; qu'en tout état de cause la péremption d'instance est acquise. À titre subsidiaire ils font valoir que GANCA est un GIE qui n'a jamais été utilisateur de Monsieur [S] en qualité d'intérimaire, que seules les sociétés TOTAL et BP étaient des sociétés utilisatrices et n'avaient signé de contrat qu'avec la société ADECCO, Monsieur [S] signant de son côté un contrat avec son employeur, la société ADECCO ; qu'il ressort du tableau établi au vu des pièces fournies par Monsieur [S] qu'il existe de longues périodes pendant lesquelles celui-ci n'intervenait pas en qualité d'intérimaire, périodes pouvant aller jusqu'à 11 mois ou un an ; qu'il ressort également de ce tableau que la société ADECCO plaçait Monsieur [S] suivant les besoins de la société chez Elf, BP, TOTAL ou même la Chambre de commerce et d'industrie ; que Monsieur [S] se garde bien de justifier de son activité professionnelle pendant les longues périodes où il n' intervenait pas comme intérimaire dans l'une ou l'autre de ces sociétés ; que tous les contrats de mission avaient pour objet soit le remplacement d'un salarié absent soit un accroissement d'activité et n'étaient en aucun cas continus pour la même société utilisatrice ; que compte tenu de la multiplicité des sociétés utilisatrices Monsieur [S] ne pourrait prétendre à un contrat de travail à durée indéterminée que vis-à-vis de la dernière d'entre elles à savoir la Chambre de commerce et d'industrie et à condition que toutes les exigences de la jurisprudence et de la loi soient réunies ce qui ne paraît pas être le cas ; que concernant les sociétés BP et TOTAL la cour ne pourra qu'exclure un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de la mission ; que le GIE GANCA n'a jamais été une société utilisatrice puisqu'il agissait pour le compte de ses membres, BP et TOTAL ; à titre de simple précaution ils indiquent que la société SASCA intervient pour signaler que si par impossible la société BP, la société TOTAL ou le GIE GANCA qui n'a plus d'existence légale devaient être condamnés, elle prendrait en charge toutes les condamnations mises à la charge de ces derniers ; que si une entreprise utilisatrice peut se voir opposer par un intérimaire des droits attachés à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission c'est à la condition que le motif de recours soit interdit ou non prévu par les textes ; que la Cour de Cassation s'est également penchée sur les périodes d'inter contrat et a posé le principe qu'une requalification n'entraîne pas un droit automatique pour le salarié à être rémunéré pour les intervalles entre plusieurs missions se situant à l'intérieur de la période requalifiée, le salarié devant prouver qu'il s'est tenu à la disposition de l'entreprise, raison pour laquelle Monsieur [S] est mis en demeure d'avoir à justifier de son activité en dehors des périodes pour lesquelles il a eu comme sociétés utilisatrices BP ou ELF ; à titre infiniment subsidiaire ils font valoir concernant la demande formée au titre du prêt de main-d''uvre illicite que le GIE GANCA a été parfaitement dans son rôle et n'a jamais servi d'intermédiaire, n'intervenant que pour ces deux membres, la société TOTAL et la société BP, chacune d'entre elles demeurant responsable de ses engagements ; que le GIE GANCA n'a jamais eu Monsieur [S] comme salarié ni perçu le moindre euro pour un prétendu prêt de main-d''uvre, ni prêté des salariés qui n'étaient pas les siens ; que Monsieur [S] omet qu'il a la charge de la preuve et ne peut se contenter de simples affirmations.
La société BP France conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que les demandes de Monsieur [S] étaient frappées par la péremption d'instance et en ce qu'il a débouté l'intéressé de l'ensemble de ses demandes. À titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas que les demandes de Monsieur [S] sont frappées de prescription elle demande de dire et juger qu'elle a eu valablement recours à l'intérim, qu'il n'y a pas lieu de requalifier les contrats intérimaires de Monsieur [S] en contrat à durée indéterminée, en conséquence, de rejeter l'intégralité des demandes de l'intéressé et en tout état de cause de constater que Monsieur [S] n'apporte aucun élément démontrant un préjudice qui pourrait justifier l'octroi d'une indemnité de requalification équivalente à 12 mois de salaire ainsi qu' une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalant à plus de 2 ans de salaire, de constater que Monsieur [S] n'apporte aucun élément démontrant un préjudice qui pourrait justifier l'octroi d'une indemnité au titre du DIF qui serait supérieure à 376 €, réduire en conséquence ses demandes à de plus justes proportions et condamner Monsieur [S] à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle invoque la prescription de l'action de Monsieur [S] en ce que son action a été introduite à son encontre le 22 juin 2012 alors que son dernier contrat avec BP France s'est terminé le 27 novembre 2005 et qu'en conséquence en vertu de la loi du 17 janvier 2008 modifiant l'article 2222 du Code civil l'action de l'intéressé est prescrite ; elle fait par ailleurs valoir l'absence de collusion frauduleuse entre le GIE GANCA, la société TOTAL et la société BP, l'absence de prêt de main-d''uvre illicite, la réalité des motifs du recours au contrat intérimaire à savoir le remplacement de salariés absents ou suspendus et l'accroissement temporaire d'activité, le fait qu'aucune disposition du code du travail n'interdit de conclure plusieurs contrats de mission avec le même salarié pour des motifs différents, le fait que lorsque la société BP et plus largement le GANCA avaient un besoin temporaire de main-d''uvre ils s'adressaient à la société ADECCO qui proposait alors la mission de façon prioritaire aux intérimaires ayant été spécifiquement formés, dont Monsieur [S], qui était libre d'accepter ou de refuser la mission proposée ; qu'elle ne faisait donc pas spécifiquement appel à Monsieur [S] ; que l'on ne saurait globaliser les demandes de Monsieur [S] alors même qu'il a travaillé alternativement pour chacune des deux sociétés et non de manière continue pour l'une d'elles ; qu'il n'y a pas d'irrégularité dans les contrats invoqués par Monsieur [S] que ce soit au titre de la prétendue absence de mention obligatoire, de la prétendue absence de signature, des règles liées à l'aménagement du terme ou du respect du délai de carence ; que Monsieur [S] fait état du taux horaire de 11,84 euros bruts appliqué à un certain Monsieur [O] alors que ce dernier a travaillé postérieurement à la période travaillée par Monsieur [S] ; qu'à titre subsidiaire une transmission universelle de l'ensemble du patrimoine de la branche d'activité de BP a été apportée à la société SASCA le 25 novembre 2011 de sorte que cette dernière est responsable de l'ensemble des dettes de la branche absorbée.
La société ADECCO France conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré aux fins de voir en conséquence constater la prescription extinctive de l'action en requalification des contrats de mission de Monsieur [S] en contrat de travail à durée indéterminée, de constater la prescription extinctive des demandes à caractère de salaire, de la mettre hors de cause, de débouter Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre et à titre subsidiaire, de constater l'absence de tout prêt de main-d''uvre illicite, de dire et juger irrecevable ou à tout le moins mal fondée la demande de condamnation solidaire des sociétés utilisatrices et des sociétés de travail temporaire, de constater que les règles légales de forme des contrats de mission ont parfaitement été respectées par la société ADECCO, en conséquence, débouter Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société ADECCO, et à titre infiniment subsidiaire, de constater que la société ADECCO a mis Monsieur [S] à la disposition des sociétés utilisatrices pour la période du 4 mai 1991 au 31 décembre 1999 et qu'aucune activité n'est prouvée entre 2000 et 2008 par l'intermédiaire de la société ADECCO , en conséquence, dire et juger qu'en cas de condamnation solidaire celle-ci devra être répartie comme suit :
- pour moitié entre les sociétés utilisatrices et des sociétés de travail temporaire,
- la moitié à la charge des sociétés de travail temporaire devant être répartie entre elles proportionnellement au temps où elles ont mis à disposition Monsieur [S], soit de façon discontinue de mai 1991 à décembre 1999 pour la société ADECCO et en considération des mises à disposition par les sociétés de travail temporaire ONEPI et BIS, et en tout état de cause condamner Monsieur [S] à lui verser la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile s'applique immédiatement aux prescriptions en cours, dès lors que l'instance a été introduite postérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en matière de travail temporaire, comme l'a jugé la Cour de Cassation le 13 juin 2012, le salarié doit présenter sa demande dans un délai de 5 ans à partir du dernier contrat de mission irrégulier ; que Monsieur [S] n'a pas pris le soin de préciser quel serait le contrat de mission irrégulier dont il entend se prévaloir pour fonder son action en requalification à l'égard de la société ADECCO faisant seulement état d'un contrat de mission numéro 299 relatif à la journée du 12 avril 2000 ne comportant selon lui pas de mentions obligatoires de sorte que même à considérer qu'il s'agirait d'un contrat de mission irrégulier, ce qui au demeurant n'est pas le cas, le délai de prescription de 5 années a donc commencé à courir à cette date et a expiré le 12 avril 2005 ; que Monsieur [S] ne se prévaut d'aucun autre contrat de mission irrégulier postérieurement à cette date ; que la prescription extinctive est donc acquise ; que Monsieur [S] se prévaut également du non-respect du délai de carence entre les contrats successifs sans à nouveau préciser quel serait le dernier contrat de mission entaché de cette irrégularité, de sorte qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes de Nice le 30 septembre 2010 toute action relative à un contrat de mission antérieur au 30 septembre 2005 est prescrite ; que l'intégralité des contrats de mission produits par Monsieur [S] est signée par les deux parties, que l'intéressé tente d'abuser la cour en confondant volontairement les notions de qualification professionnelle et de statut hiérarchique, que la relation de travail n'était pas continue.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 27 octobre 2014.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription,
Attendu que les demandes de Monsieur [S] relatives à la requalification de la relation de travail en CDI et à la contestation de la rupture relèvent des dispositions de l'article 2224 du Code civil telles que résultant de la loi numéro 2008-561 du 17 juin 2008 qui dispose :
« les actions personnelles ou immobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer »
ramenant en conséquence la durée de la prescription antérieure de 30 ans à cinq ans ;
Attendu que l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 paragraphe II dispose :
« Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi,[soit le 19 juin 2008 ] sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure »,
cette disposition ayant pour but de protéger le titulaire d'un droit de l'abrègement du délai de prescription de 30 ans ménagé par la loi ancienne pour le réduire brutalement à 5 ans ;
Attendu que l'article 2222 du Code civil, tel que résultant de la loi du 17 juin 2008, dispose quant à lui :
« la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ,
de sorte que Monsieur [S] produisant en pièce numéro 7 la convocation en date du 7 octobre 2010 devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes de Nice à l'encontre du GIE GANCA suite à la saisine du 30 septembre 2010 pour que soit examinée l'affaire « [H] [S] contre [D],SA TOTAL, BP FRANCE, ADECCO » et le dossier de la cour contenant des courriers, mandat ou pouvoir adressés par la société TOTAL le 18 octobre 2010, par la société ADECCO le 22 octobre 2010, par la société BP le 4 novembre 2010 au conseil des prud'hommes de Nice relativement à la convocation reçue pour l'audience de conciliation du 5 novembre 2010 il apparaît que les demandes de Monsieur [S] ne sont pas prescrites ;
Attendu par ailleurs que l'instance initiale devant le conseil des prud'hommes ne s'étant pas achevée par un jugement sur le fond, la péremption d'instance ne saurait être acquise ;
Sur la demande de requalification de la relation de travail à l'encontre des entreprises utilisatrices : GANCA (sasca), BP et TOTAL,
Attendu que Monsieur [S] indique qu'il a conclu de très nombreux contrats de travail temporaire avec la société ADECCO pour être affecté au sein du GIE GANCA qui n'a pourtant aucune activité propre et alors qu'il travaillait en réalité successivement ou cumulativement pour les sociétés TOTAL et BP afin d'assurer le ravitaillement des avions présents sur l'aéroport de [Localité 1] ou de [1] suivant les directives données par ces 2 sociétés, soutenant avoir été « engagé par la société ADECCO dans le cadre de 365 contrats sur une période de 14 ans avec les sociétés utilisatrices GANCA, TOTAL et BP » mais ne produit de contrats de mission confiés par ADECCO qu'à compter du 13 janvier 1997 de sorte que toute la période antérieure au cours de laquelle il a obtenu des missions de la part d'autres entreprises de travail temporaire (ECCO et ONEPI) n'a pas lieu d'être examinée ;
Attendu par ailleurs qu'à compter du 13 janvier 1997 Monsieur [S] a signé des contrats de mission pour être engagé au sein de plusieurs sociétés utilisatrices à savoir TOTAL et BP mais également au sein de la société ELF, qui n'est pas appelée en la cause et qui n'est pas membre du GIE GANCA et c'est en conséquence à tort qu'il soutient avoir travaillé pour « GANCA, TOTAL et BP » de sorte que ces alternances de sociétés utilisatrices dont la société ELF qui n'est pas dans la cause ne lui permettent pas de solliciter pendant toute la période de cette alternance entre les 3 sociétés en question soit jusqu'au 27 mars 2000, une requalification de ses missions en contrat de travail à durée indéterminée ;
Attendu que Monsieur [S] se prévaut d'irrégularités liées aux motifs des contrats litigieux indiquant qu'à 12 reprises les contrats auraient fait l'objet d'un double motif, à savoir «accroissement temporaire d'activité » et « saison estivale », ce qui ne constitue pas un double motif mais l'explication par le second membre de phrase de l'accroissement d'activité figurant au premier , précision faite que les 6 premiers contrats qu'il cite sont exclus de la période pouvant être examinée et que les six suivants ont été conclus avec la chambre de commerce et d'industrie de l'aéroport de [Localité 2] au sein de laquelle il a été embauché en avril 2006 et alors même qu'il s'est désisté de toute instance et de toute action à l'encontre de cette dernière, de sorte que ces contrats ne sauraient être cités au soutien de sa demande ;
Attendu que Monsieur [S] indique encore qu'à 4 reprises il a conclu deux contrats de travail à durée déterminée d'une journée à temps plein citant les contrats 85 et 86 conclus le 31 octobre 2013, les contrats 92 et 93 conclus le 11 janvier 1994, les contrats 127 et 128 conclus pour la période du 13 et 14 avril 1996 et les contrats 190 et 191 conclus le 31 octobre 1997, soit des contrats conclus à des dates exclues de la période examinée pour se situer antérieurement au 27 mars 2000 et concernant de surcroît s'agissant des deux derniers de missions effectuées au sein de la société ELF qui n'est pas dans la cause ;
Attendu que Monsieur [S] cite enfin la journée du 22 juillet 1991 au cours de laquelle il a été engagé pour remplacer à la fois Monsieur [U] et Monsieur [R] et qui comme précédemment concerne une période exclue de la période examinée, et ne saurait donc justifier la requalification sollicitée ;
Attendu que Monsieur [S] fait également valoir le non-respect des règles liées à l'aménagement du terme citant des contrats dont la « souplesse » dépasse les 2 jours prévus à l'article L1251. 30 du code du travail, à savoir les contrats 373,374 et 379, tous les 3 conclus au bénéfice de la Chambre de commerce et d'industrie qui n'est pas dans la cause et à l'égard de laquelle comme il a été dit précédemment il s'est désisté de toute instance et de toute action de sorte que le manquement relevé ne saurait justifier la requalification sollicitée ;
Attendu que Monsieur [S] doit donc être débouté de sa demande de requalification à l'encontre des sociétés BP, TOTAL et GANCA devenu la société SASCA et de toutes les demandes en rappel de salaire et indemnités de rupture en découlant ;
Sur la demande de requalification à l'encontre de la société de travail temporaire ADECCO,
Attendu que Monsieur [S] se prévalant des articles L 1251. 16 du code du travail indiquant que « le contrat de mission est établi par écrit » et de l'article L 1251. 17 du même code qui dispose que « le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition » fait valoir que les contrats litigieux versés aux débats sont signés « mais qu'aucune signature n'est identique permettant de s'interroger légitimement sur les véritables signataires des contrats litigieux » et qu'en conséquence la requalification en contrat à durée indéterminée s'impose ;
Attendu toutefois que les contrats produits sont effectivement tous signés par « le salarié », Monsieur [S] ne démontrant pas que les signatures différentes figurant au fil des années sur ces contrats qu'il a par ailleurs exécutés et pour lesquels il a été rémunéré ne soient pas les siennes, n'ayant pas davantage déposé plainte pour faux et usage de faux de sorte que son interrogation « sur le véritable signataire » desdits contrats ne saurait justifier une requalification ;
Attendu que Monsieur [S] cite le contrat numéro 299 concernant la journée du 12 avril 2000 qui ne contient ni le nom ni le prénom du salarié remplacé ce qui est exact, la seule mention relative aux motifs du recours étant « remplacement (absence stage gestes et postures » , de nature selon lui à justifier, faute de répondre aux exigences de l'article L 1251. 16 du code du travail, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée ;
Attendu toutefois que ce contrat unique dans lequel le nom du salarié absent a manifestement été omis au profit du motif détaillé de son absence (stage geste et postures) ne saurait justifier la requalification en contrat à durée indéterminée puisqu'il apparaît que tous les autres contrats conclus pour le remplacement d'un salarié mentionnaient toujours le nom du salarié remplacé, de sorte que cet oubli unique concernant un seul jour démontre que c'est uniquement par négligence que le nom du salarié parti en stage n'a pas été mentionné, cette erreur ne pouvant dès lors dans l'esprit de la loi justifier la requalification sollicitée ;
Attendu que Monsieur [S] indique encore que si « sur les 194 contrats restants figurent le nom et le prénom du salarié et sa fonction de chauffeur avitailleur aucun de ces contrats ne mentionne la qualification professionnelle des salariés remplacés » alors que ces contrats mentionnent au contraire la qualification des salariés remplacés (chauffeur,avitailleur...) conformément aux exigences de l'article L 1251. 16 du code du travail (« Le contrat de mission est établi par écrit. Il comporte notamment :' 2° la qualification professionnelle du salarié' ») et n'avaient pas à mentionner le statut desdits salariés, (ouvrier, employé, technicien ou cadre) , mention qui n'est pas exigée par l'article susvisé ;
Attendu que Monsieur [S] invoque également le non-respect du délai de carence entre les contrats successifs mais ne cite avec précision aucun contrat de nature à démontrer son affirmation de sorte que la requalification ne saurait être encourue et alors en toute hypothèse que l'article L 1251. 37 du code du travail dispose que :
« Le délai de carence n'est pas applicable :
1° Lorsque le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;
2° Lorsque le contrat de mission est conclu pour l'exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ;
' »
de sorte que lorsque le contrat de travail à durée déterminée, et en l'espèce le contrat de mission, est conclu pour remplacer un salarié absent, plusieurs contrats de travail à durée déterminée peuvent se succéder sans qu'il y ait lieu d'appliquer un délai de carence en cas de contrats successifs conclus avec un même salarié pour remplacer des salariés absents ;
Attendu que Monsieur [S] doit en conséquence être débouté de sa demande en requalification à l'encontre de la société ADECCO et de toutes ses demandes indemnitaires et en rappel de salaire en découlant ;
Attendu qu'il n'y a pas d'atteinte suffisante au principe d'équité justifiant qu'il soit fait application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en ce qu'il a dit que les demandes de Monsieur [H] [S] étaient frappées par la péremption de l'instance,
Et statuant à nouveau sur ce point,
Dit les demandes formées par Monsieur [S] recevables,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a pris acte de l'intervention volontaire de la société SASCA se déclarant subrogée dans les droits et les devoirs du GIE GANCA, de la société BP FRANCE et de la société TOTAL dans le cadre de la garantie des créances fixées par le conseil des prud'hommes de Nice, en ce qu'il a pris acte du désistement d'instance et d'action de Monsieur [H] [S] à l'encontre de la Chambre de commerce et d'industrie aéroport [Localité 2], en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes, débouté les parties défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a partagé les dépens,
Déboute Monsieur [H] [S] de l'ensemble de ses demandes,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [H] [S] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
G. BOURGEOIS