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19/12/2014 | FRANCE | N°12/07098

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 19 décembre 2014, 12/07098


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2014



N°2014/



Rôle N° 12/07098







[V] [R]





C/



COMITE D'ETABLISSEMENT ASCOMETAL















Grosse délivrée le :



à :



Me Myrtho BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :




Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section I - en date du 14 Mars 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 06/399.





APPELANTE



Madame [V] [R], demeurant [Adresse 1]



représentée ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2014

N°2014/

Rôle N° 12/07098

[V] [R]

C/

COMITE D'ETABLISSEMENT ASCOMETAL

Grosse délivrée le :

à :

Me Myrtho BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section I - en date du 14 Mars 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 06/399.

APPELANTE

Madame [V] [R], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Myrtho BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

COMITE D'ETABLISSEMENT ASCOMETAL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère

Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2014

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er février 2001, Mme [V] [R] a été engagée en qualité d'agent technique d'études et d'exploitation, à compter du 24 janvier 2001, par le Comité d'Etablissement de la société ASCOMETAL. La relation contractuelle s'est poursuivie sous contrat à durée indéterminée à compter du 7 janvier 2002, la salariée se voyant alors confier les fonctions de secrétaire comptable.

Le 29 avril 2005, la salariée a été convoquée à un entretien préalable pour un rappel à l'ordre.

Après mise à pied à titre conservatoire notifiée le 11 juillet 2005 et convocation le 19 juillet à un entretien préalable fixé au 29 juillet 2005, puis reporté au 10 août, l'employeur a licencié la salariée pour faute grave, par lettre recommandée avec avis de réception du 17 août 2005, rédigée en ces termes:

«Malgré vos observations, nous sommes malheureusement dans l'obligation de prononcer à votre égard votre licenciement pour faute grave pour les griefs suivants :

-dissimulation de négligence grave à votre hiérarchie lors des incidents informatiques pour lesquels vous vous êtes abstenue de procéder à des sauvegardes périodiques depuis le 22 décembre 2004 impliquant des pertes de données préjudiciables au Comité d'Établissement ;

-abstention volontaire de communiquer à votre employeur le code confidentiel d'accès au logiciel informatique (comptabilité, trésorerie, gestion des activités, etc.) ;

-comportement violent, menaçant et répété à l'égard d'une autre salariée du Comité d'Établissement, Mlle [W] [A], notamment ceux en date du jeudi 7 juillet 2005 ;

-comportement irrespectueux à l'égard de votre hiérarchie, des élus du Comité d'Établissement et des salariés de l'entreprise perturbant, nonobstant une mise en garde écrite du 29 avril 2005 ;

-non-respect répété des horaires de travail perturbant, nonobstant des rappels à l'ordres verbaux et notre entretien du 4 mai 2005.

Compte tenu de la nature et du degré de gravité des faits ci-dessus exposés auquel s'ajoute la répétition, nous sommes contraints malgré nos efforts ne serait-ce qu'à l'égard de Mlle [A], de mettre un terme à votre contrat de travail pour faute grave, votre comportement étant de nature à perturber le bon fonctionnement de notre Comité d'Établissement... ».

Le 28 novembre 2005, contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues, section industrie, lequel a, dans un premier temps, suivant jugement du 2 avril 2009, déclaré la salariée recevable à agir, puis par jugement en date du 14 mars 2012, :

-dit que le licenciement doit être analysé comme étant pour cause réelle et sérieuse ;

-dit que la procédure de licenciement a été respectée ;

-dit qu'il n'y a pas d'harcèlement moral ;

-condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes de :

*900 € à titre d'indemnité compensatrice de licenciement ;

*2.840 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-rappelle l'exécution provisoire de plein droit, suite aux dispositions des articles R 1454-15, R 1454-28 et R 1245-1 du code du travail ;

-dit qu'il sera appliqué à ces sommes les intérêts légaux à compter de la date de la saisine ;

-débouté la salariée du surplus de ses demandes ;

-condamné l'employeur à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Le 16 avril 2012, la salariée a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées par Mme [V] [R], le 29 octobre 2014, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-dire et juger qu'elle a été licenciée sans cause réelle et sérieuse et que le licenciement est irrégulier et nul ;

-en conséquence, condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

*1.520 € au titre de l'annulation de la mise à pied ;

*1.420 € au titre du licenciement irrégulier ;

*2.840 € net au titre du préavis ;

*284 € net au titre des congés payés sur préavis ;

*900 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

*50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

*10.000 € au titre des dommages-intérêts pour harcèlement moral et violation de l'article L 4121-1 du code du travail ;

*1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-assortir ces sommes des intérêts de droit du jour de la demande et clause d'anatocisme ;

-condamner l'employeur aux entiers dépens.

Vu les écritures du Comité d'Etablissement de la société ASCOMETAL, déposées le 29 octobre 2014, par lesquelles il demande à la cour de :

à titre principal,

-en tant que de besoin, donner acte à l'employeur qu'il entend bien évidemment soutenir en justice la parfaite validité du licenciement prononcé par son 'secrétaire' dans le cadre d'une habilitation qui, au surplus, ne fait aucune doute ;

-réformer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions, et dire que Le licenciement de la salariée repose sur une faute grave ;

-condamner la salariée à restituer les sommes perçues au titre du jugement de première instance, soit 3.740 € ;

à titre subsidiaire,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

à titre infiniment subsidiaire,

-ramener les prétentions indemnitaires de l'appelante à de plus justes proportions ;

-condamner la salariée au paiement de la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 29 octobre 2014.

SUR CE

Sur le licenciement :

Selon l'article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

-Sur la régularité du licenciement :

La salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2005 pour le 29 juillet. Suivant courrier du 21 juillet 2005, elle a demandé le report de l'entretien au motif qu'elle était en congé annuel. Par lettre du 1er août, l'employeur l'a reconvoquée pour le 10 août. Selon courrier du 5 août, le compagnon de la salariée a informé l'employeur qu'elle était absente du territoire français et lui a demandé de fixer l'entretien à son retour de vacances. L'entretien a cependant eu lieu, en présence de la salariée.

La salariée ne saurait valablement reprocher à l'employeur d'avoir fixer la date de l'entretien préalable pendant ses congés annuels, dès lors que les délais légaux entre la date de convocation et l'entretien préalable ont été respectés et qu'il lui a accordé un délai supplémentaire pour s'organiser, puisqu'elle était en congé.

C'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes de Martigues a considéré que la procédure de licenciement avait été respectée et a débouté la salariée de ce chef de demande. Il convient donc de confirmer le jugement du 14 mars 2012 sur ce point.

-sur l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement :

En l'absence de règlement intérieur du CE prévoyant les modalités de son fonctionnement, seule une délégation spéciale donnée par le comité à l'un de ses membres peut habiliter ce dernier à exercer le pouvoir disciplinaire envers un salarié du comité.

En l'espèce, la lettre de licenciement a été signée par le secrétaire du bureau du comité d'établissement, M. [G], lequel a également signé le contrat de travail de la salariée.

L'employeur établit par les éléments qu'il produit, notamment le compte-rendu de la réunion plénière du CE du 27 juillet 2005 que l'engagement de la procédure de licenciement à l'encontre de la salariée a fait l'objet d'une discussion entre les 14 membres du CE présents et que mandat a été donné au secrétaire du comité afin de poursuivre la procédure disciplinaire en cours.

Force est de constater que le signataire de la lettre de licenciement s'est vu octroyé un mandat spécial pour agir au nom de l'employeur, de sorte qu'aucune irrégularité de fond n'affecte la procédure de licenciement. Il convient par conséquent de débouter l'appelante de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement.

-Sur le motif du licenciement :

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, cinq griefs sont reprochés à la salariée :

-Des négligences graves en matière informatique révélés en juin 2005, lors des incidents informatiques ayant entraîné des pertes de données préjudiciables au comité d'établissement :

La salariée ne conteste pas qu'elle ne sauvegardait les données informatiques sur disque dur qu'une fois par an seulement, en décembre. Or, en juin 2005, à la suite d'une panne de courant, tout ce qui n'avait pas été sauvegardé depuis le 22 décembre 2004 a été perdu.

Dans un courrier adressé à l'employeur le 18 juillet 2005, l'expert-comptable chargé d'établir les charges sociales, M. [Q] s'est dit préoccupé par cette situation, dans la mesure où il n'existait ni édition papier, ni autre système de stockage des informations comptables et qu'il semblait a priori impossible de retrouver la totalité des informations.

Mme [B] [S] atteste avoir été recrutée le 6 septembre 2005 pour mettre à jour la comptabilité, toute la saisie comptable de l'exercice 2005 étant à refaire. Elle relate que cette tâche a été compliquée par le fait que les documents et pièces comptables étaient entassés dans des classeurs et des bannettes sans aucun rangement que ce soit chronologique, par activité ou autre ; qu'elle a retrouvé des factures de 2004 qui n'avaient pas été enregistrées ; que certains comptes généraux et analytiques étaient en double ; que la tenue des recettes était très succincte ; que beaucoup de dossiers était incomplets, etc...

En sa qualité de secrétaire comptable, il appartenait à la salariée de veiller à ce que les données comptables du comité soient préservées, au besoin en sollicitant la mise en place d'un système de sauvegarde automatique, comme elle le préconise dans ses écritures. En ne le faisant pas, elle a commis une faute préjudiciable à son employeur, lequel a été contraint de procéder à une réinstallation intégrale du logiciel, de restaurer la dernière sauvegarde, d'organiser une nouvelle formation des utilisateurs et de recruter, dès le mois de septembre 2005, un autre salarié pour reconstituer toute la comptabilité du comité. La réalité de ce grief est donc bien établie.

-L'abstention volontaire de communiquer le code confidentiel d'accès au logiciel informatique (comptabilité, trésorerie, gestion des activités, etc.) : La salariée soutient que c'est l'employeur qui lui a demandé de mettre en place un code confidentiel et qu'il ne lui a jamais demandé de le lui communiquer, alors qu'elle le tenait à sa disposition.

Cependant l'employeur produit les attestations de plusieurs salariés desquelles il ressort que l'appelante conservait tous les mots de passe, sans la moindre volonté de partage, que c'est elle qui gérait le système informatique, outre l'accès audit système et qu'elle interdisait à ses collègues de travail d'y accéder.

C'est ainsi que M. [Y] [M], agent de gestion, relate : «Depuis le mois de juin 2004, j'exerce les fonctions de trésorier du comité d'établissement, j'ai eu les plus grandes difficultés à travailler avec Mme [R] [V]. Afin d'assurer un suivi régulier des comptes et de gérer le budget du CE, j'ai été amené à demander à plusieurs reprises à cette personne de me communiquer l'état de la comptabilité au moins tous les trois mois, je n'ai eu comme réponse que cela représentait trop de travail et que tous les 6 mois, c'était largement suffisant. Concrètement, cela s'est traduit par 1 fois par an, ce qui ne permettait en aucun cas d'avoir une connaissance des comptes régulièrement.

Ne pouvant pas accéder moi-même au logiciel comptabilité, cette personne refusant de communiquer les mots de passe, malgré plusieurs demandes du secrétaire du CE, de moi-même ainsi que de l'expert-comptable. [...]

Je me suis trouvé confronter constamment à l'hostilité de cette personne, ne reconnaissant ni l'autorité, ni la fonction, me signifiant que j'étais un simple salarié et de ce fait n'avait aucun compte à me rendre.

Cette hostilité s'est manifestée également envers les autres élus du CE et de Mlle [W] [A] en particulier, lui interdisant l'accès au logiciel comptabilité, lui interdisant même d'envoyer des fax aux organismes de vacances.

Après lui avoir signifié qu'étant deux salarié au CE nous souhaitions établir une polyvalence dans la gestion des activités sociales, hormis la comptabilité sauf pour la saisie d'écriture simple, afin d'enrichir les tâches et de pallier les absences, cette personne a catégoriquement refusé, arguant le fait que son travail n'était pas partageable.

Lors de la signature des chèques, lorsque je lui demandais des explications sur les pièces jointes, je ne pouvais obtenir aucune réponse cohérente.[...] »

Mme [T] [H] qui a travaillé avec la salariée pendant deux ans, de 2002 à 2004, témoigne qu'avec l'autre secrétaire administrative, Mlle [W] [A], elles subissaient une grande pression de la part de la salariée ; qu'elles n'avaient pas le droit de toucher à certains classeurs, ni au logiciel, mis à part pour des manipulations infimes, qu'il leur était interdit de traiter avec les agences pour les voyages, qu'elles devaient se contenter de remplir la fiche avec le salarié et de la lui donner et qu'il était impossible de discuter avec elle.

Mlle [W] [A], secrétaire administrative au sein du CE depuis le 3 février 2003, atteste également que la salariée lui interdisait d'accéder au logiciel, sauf pour la saisie des jouets de Noël, qu'elle ne pouvait pas toucher aux classeurs d'ordres de paiement et autres, aux carnets de chèques,... et que tout devait passer par elle.

Force de constater que le comportement reproché à la salariée est établi et qu'il s'agit d'un comportement fautif, dans la mesure où il est de nature à perturber le bon fonctionnement du comité.

-Des comportements violents, menaçants et répétés à l'égard d'une autre salariée du comité d'établissement, Mlle [W] [A], notamment ceux en date du jeudi 7 juillet 2005 :

Certes, aucun témoin n'a assisté à l'altercation du 7 juillet 2005 ayant opposé la salariée à Mlle [A]. Cependant, cette dernière a relaté très précisément les circonstances de l'incident et a fait une déclaration de main courante pour injures et menaces auprès du commissariat de police.

L'employeur produit également l'attestation de M. [L] [Z], gestionnaire de paie, de laquelle il ressort que le 7 juillet 2005, il a pris la décision avec le trésorier du comité d'établissement de demander à Mlle [A] de prendre son après-midi, vu son état accablé causé par l'attitude intolérable de la salariée.

Ces éléments concordants établissent la réalité de ce grief et justifie la mise à pied à titre conservatoire, notifié à la salariée pour cette raison le 11 juillet 2005. Sa demande tendant à obtenir l'annulation de la mise à pied et le paiement d'une indemnité à ce titre doit être rejetée.

-Un comportement irrespectueux à l'égard de sa hiérarchie, des élus du comité d'établissement et des salariés de l'entreprise perturbant, nonobstant une mise en garde écrite du 29 avril 2005 : La réalité de ce grief est établie par les attestations que l'employeur verse au débat.

C'est ainsi que M. [Y] [M] relate avoir été témoin de crises intempestives dans les locaux du CE, au cours desquelles la salariée poussait des hurlements et qu'elle accusait systématiquement Mlle [A] ou d'autres élus lorsqu'elle ne retrouvait pas certains documents égarés, ce qui créait un climat de nature à perturber le bon fonctionnement du CE.

Mme [T] [H] témoigne que Mme [R] «était une personne très lunatique : un jour elle était bien si on peut dire, le lendemain, sans que rien ne se soit passé entre-temps, elle arrive au travail comme une furie et là, une journée épouvantable commencait : elle surveillait tout ce qui se passait autour d'elle, elle me fixait inlassablement et était attentive à mes moindres faits et gestes, elle était 'la Reine' du CE.[...] impossible d'en discuter avec elle : elle prend tout mal, se sent constamment agressée et devient tout de suite très méchante.

J'ai assisté à quelques-unes de ces crises : elle se met dans des états inimaginables, pour rien, autant le dire, pour des choses minimes, tout et n'importe quoi pouvait déclencher une crise. Elle est désagréable avec tout le monde, les salariés, les retraités, les élus, la secrétaire, moi, tout le monde !

Je me souviens d'ouvriers qui avaient du mal à remplir des papiers, elle les laissait dans l'embarras, sachant pertinemment qu'ils ont des difficultés à écrire, s'ils lui demandaient de les compléter pour eux, elle le faisait mais leur montrait que ça l'énervait.

Elle téléphonait pendant des heures dans l'arrière-pièce, quand il fallait aller la chercher parce qu'un salarié avait besoin de la voir, on appréhendait à aller la chercher, parfois elle nous lançait : 'Je suis au téléphone là, tu vois pas '' On refermait la porte, la personne patientait ou revenait.

C'est quelqu'un de lunatique, asocial, avec un fond méchant, qui ne se remet pas question et n'admettra jamais ses torts.»

Les nombreuses attestations que produit la salariée, rédigées en termes lapidaires, selon lesquelles elle n'a jamais manqué de respect envers quiconque dans l'exercice de ses fonctions ou qu'elle était accueillante et serviable, ne sauraient être considérées comme suffisantes pour combattre les attestations concordantes et circonstanciées versées au débat par l'employeur.

-Non-respect répété des horaires de travail perturbant nonobstant des rappels à l'ordres verbaux et notre entretien du 4 mai 2005. À défaut de produire le moindre élément, l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité de ce grief.

Cependant, l'existence des quatre premiers griefs est démontrée et ils sont d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. Le jugement entrepris qui a considéré que la faute grave n'était pas caractérisée et jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse doit être infirmée. Il convient de juger que le licenciement pour faute grave est justifié et de débouter la salariée de ses demandes tendant à obtenir des indemnités de rupture, ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

La reconnaissance du harcèlement moral suppose trois conditions cumulatives : des agissements répétés ; une dégradation des conditions de travail ; une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l'avenir professionnel du salarié.

En application de l'article L.1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral, d'établir des faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour rapporter la preuve qu'elle a été victime de harcèlement moral comme elle le soutient, la salariée produit plusieurs certificats médicaux desquelles il ressort qu'elle a fait l'objet d'un arrêt de travail du 31 août au 8 septembre 2004 pour un syndrome dépressif réactionnel lié à des difficultés professionnelles ; qu'elle a de nouveau consulté un docteur le 7 janvier 2005 pour des troubles du sommeil et une tendance anorexique en rapport avec un syndrome anxieux dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; qu'elle a été arrêtée pour maladie le 19 août 2005 et qu'en novembre 2006, elle était toujours suivie.

Elle verse également au débat deux attestations qu'il convient d'examiner :

Mme [U] [O] qui a travaillé pour la société ASCOMÉTAL de juin 2004 à juin 2005 atteste que lors de la pause déjeuner la salariée pleurait souvent, qu'elle subissait de fortes pressions de la part de ses collègues directs dans son service et qu'elle était complètement désemparée face aux agressions orales qu'elle subissait.

M. [P] [N] qui a effectué un stage chez ASCOMÉTAL de février à juin 2005 relate que deux ou trois fois, il a vu la salariée pleurer à table à cause de l'ambiance qui régnait au sein de son travail et qu'elle a exprimé son intention de démissionner, car elle ne supportait plus la pression de ses collègues de travail.

Il est indéniable que les problèmes relationnels de la salariée sur son lieu de travail ont affecté son état de santé. Cependant, elle n'invoque aucun fait précis et concordant permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Elle ne démontre pas davantage que l'employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité.

La décision du conseil de prud'hommes qui a débouté la salariée de sa demande en dommages et intérêts pour harcèlement moral sera donc confirmée.

Sur les autres demandes :

Il convient de rappeler que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties, ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.

La salariée qui succombe doit être tenue aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et alloué à la salariée des indemnités de rupture, ainsi qu'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [V] [R] est fondé.

Rappele que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Rejette toute demande contraire ou plus ample des parties.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties, ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.

Condamne Mme [V] [R] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/07098
Date de la décision : 19/12/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°12/07098 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-19;12.07098 ?
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