COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 18 DÉCEMBRE 2014
N°2014/816
BP
Rôle N° 13/20799
CAISSE REGIONALE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE MEDITERRANEE
C/
[N] [C]
Grosse délivrée le :
à :
Me Pascal ADDE SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Me Virginie POULET-CALMET avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section A - en date du 09 Mars 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/258.
APPELANTE
CAISSE REGIONALE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE MEDITERRANEE, venant aux droits de la Caisse Régionale de Réassurance Mutuelle Agricole Alpes Méditerranée, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pascal ADDE SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER
( 4 plan du palais - 34000 MONTPELLIER)
INTIMEE
Madame [N] [C], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte PELTIER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Brigitte PELTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2014 puis prorogé au 20 novembre 2014 et au 18 décembre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2014
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [N] [C] a été engagée par l'Union Départementale de la Mutualité Agricole des Alpes Maritimes devenue Caisse Régionale de Réassurance Mutuelle Agricole Méditerranée (CRAMA), à compter du 17 février 1981, en qualité de comptable devenue attachée commerciale à partir de 1996.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nice le 16 février 2011 pour obtenir paiement de dommages et intérêts pour discrimination salariale et syndicale ainsi que rappels de salaire et reconstitution de carrière ;
L'employeur a interjeté appel d'un jugement en date du 9 mars 2012, au terme duquel le conseil de prud'hommes a accueilli les demandes de la salariée en le condamnant au paiement des sommes de 14.872,72 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable, 37.345,76 euros à titre de rappel de salaire de base, 5.221,84 euros au titre des au titre des congés payés y afférents, 110.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et salariale, 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et a ordonné la reconstitution de carrière de la salariée outre la régularisation des cotisations sociales applicables au régime cadre.
Aux termes des écritures, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions, les parties formulent les demandes suivantes :
La CRAMA conclut à l'infirmation de la décision entreprise, au débouté adverse ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle conteste les prétentions adverses.
Mme [C] conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions outre paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient avoir subi une entrave dans l'évolution de sa carrière ainsi que des conditions de rémunération inéquitables.
SUR CE
Sur la discrimination syndicale et salariale :
En matière discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait en laissant supposer l'existence, et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de ces faits et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Mme [C] qui cumule divers mandats de représentation des salariés, présente des éléments de faits établissant :
1- un manque de formation, comme n'ayant bénéficié que d'un nombre d'heures très inférieur à la moyenne, excluant notamment l'adaptation de sa fonction à l'évolution du métier.
Toutefois, l'employeur fait valoir qu'il a satisfait à toutes les demandes de la salariée, dont le poste avait été aménagé au regard de sa participation à la vie de l'agence pour un temps résiduel équivalent à quatre jours par mois, séquencé en heures ou demi-journées de présence ; or, si Mme [C] observe n'avoir bénéficié de la formation banque qu'en février 2014, il est établi, qu'en raison d'engagements préalablement pris au titre de ses mandats, elle a décliné l'invitation à se joindre à la prochaine session (au mois d'avril 2011) suivant sa demande de mise à niveau adressée par courriel du 10 mars 2011 ; il s'ensuit, faute d'autre demande demeurée insatisfaite, qu'il est justifié d'élément objectif étranger à toute discrimination.
2- une absence d'entretien d'évaluation pour les années 2008 et 2009, celui concernant l'année 2010 n'ayant été réalisé qu'en suite des démarches syndicales préalables à l'introduction de la présente procédure ; or, s'il ressort incontestablement du procès-verbal du comité d'entreprise du 27 mai 2009, que l'absence d'entretien individuel ne « manquait » pas à Mme [C], et que la CRAMA avait eu des difficultés, dans de nombreux services, à satisfaire à l'obligation d'entretien individuel de salariés il n'est en revanche pas sérieusement contesté que seuls les représentants du personnel n'ont pas eu d'entretien annuel pendant plus plusieurs années ;
3- un changement de fonction en 2002 s'accompagnant d'un reclassement en classe 2 niveau « expert », alors qu'elle bénéficiait du niveau « qualifié » de la classe 3 et était éligible au niveau confirmé de cette même classe dès l'année 2000 ainsi qu'une absence de promotion entre 1996 et 2009.
S'agissant du reclassement opéré en 2000 : il est constant que ce reclassement a été opéré par application de l'article 22 de l'accord national du 10 septembre 1999, le personnel Groupama jusqu'alors sous l'égide de la nomenclature FNMA, étant désormais assujetti à la convention collective nationale des sociétés d'assurances (CCNSA) ;
Mme [C] fait valoir qu'assimilée cadre au coefficient 158 dès 1996, elle aurait dû bénéficier à cette date d'un positionnement en classe 5 au lieu de celui retenu en classe 3 ; toutefois, l'employeur démontre que la transposition a été effectuée de manière identique pour tous les salariés en respect des critères définis et fait valoir que les collaborateurs disposaient d'un délai de 45 jours pour contester le dit re-classement ; il s'ensuit que l'employeur justifie d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
S'agissant des modifications intervenues en 2002 : il ressort des pièces du dossier que la salariée, affectée à un emploi de chargée de clientèle professionnelle depuis 1994, était éligible au niveau « confirmé » de la classe 3, et qu'en suite de sa demande formée de ce chef, l'employeur lui confirmait que ce classement serait révisé à l'issue d'un délai de deux ans « sauf difficulté majeure » (cf courrier du 27 mars 2001) ; or, si l'employeur oppose que le changement survenu en 2002, réalisé sans perte de salaire, résultait de l'application de la nomenclature au nouvel emploi, il s'abstient de justifier de l'accord de la salariée quant à cette double modification portant tant sur l'emploi (de spécialiste avec véhicule de service à généraliste sédentaire) que sur le classement passant de la classe 3 à la classe 2, réalisé au mépris du principe de « maintien, à titre dérogatoire et exceptionnel, de la classification antérieure et de la rémunération pour les collaborateurs dont l'emploi (') serait rattaché à une classification inférieure » ;
Il en résulte, même si cette modification s'est faite sans perte de salaire que la salariée est fondée à soutenir avoir fait l'objet d'une rétrogradation puisque exclue de l'obtention du niveau « confirmé » de la classe 3 ; en outre, il est également établi que cette absence d'avancement a été maintenue, au mépris des dispositions de l'article 22 sus-visé, lequel prévoit, pour tout salarié n'ayant pas atteint le niveau correspondant au délai d'accessibilité, la notification des raisons de cette décision après examen de sa situation par la direction, observation devant être faite que ce texte n'exige pas, contrairement à ce que soutient l'employeur, une demande spécifique du salarié (cf & « Garanties au profit des salariés positionnés dans une fonction relevant des classes 2 à 5 ».
4- une privation de rémunération variable faute de proratisation des objectifs à son temps de travail ainsi qu'une absence de revalorisation de son salaire fixe notamment entre 1996 et 2009.
S'agissant du salaire fixe et comme il a été vu au paragraphe précédent, il est acquis que la salariée n'a bénéficié d'aucune promotion tenant à une évolution dans la classification de 1996 jusqu'au 1er juillet 2009, date à laquelle il a été opéré un reclassement en classe 3 de tous les commerciaux d'agence ; il s'ensuit que l'employeur n'est pas fondé à opposer une revalorisation moyenne de salaire de 1,74 % par an entre les années 2002 et 2008, telle que résultant de son relevé de compte produit en pièce 17 ;
S'agissant de la rémunération variable, l'employeur fait valoir qu'il a fixé des objectifs au prorata du temps de travail dans la fonction, ou fait application du système d'intéressement dit « novice » ; toutefois, il ne justifie pas avoir ce faisant respecté le principe applicable en vertu duquel un salarié titulaire de mandats électifs ou syndicaux ne doit subir aucune perte de salaire du fait de l'exercice de ses mandats ; Mme [C] est dès lors fondée à observer qu'elle n'a perçu aucun règlement concernant la rémunération variable au cours des années 2000 à 2008 ; or, les discussions afférentes à la rémunération variable pour les années 2009 et 2010, fondées sur un accord ultérieur, n'ont en tout état de cause pas concerné ces années antérieures ; l'employeur ne justifie en conséquence pas avoir compensé la perte de rémunération variable résultant des mandats exercés par la salariée, laquelle ne peut correspondre à la revalorisation moyenne de 1,74 % par an ci-avant évoquée ;
Il suit de ce qui précède que la CRAMA ne justifie pas que ces manquements sont la conséquence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Sur les demandes en paiement :
S'agissant de la rémunération fixe :
Mme [C] réclame en premier lieu un rappel de salaire fondé sur la différence entre la rémunération moyenne d'un cadre et celle qu'elle a perçue ;
Toutefois, s'il ressort des débats qu'elle a été assimilée cadre dès 1996, sous l'égide de la nomenclature FNMA alors applicable, alors qu'elle bénéficiait d'un coefficient 158, l'employeur est fondé à observer qu'elle demeurait dès lors agent de maîtrise, affiliée à la Caisse centrale de prévoyance des employés, exerçant des fonctions expérimentées ne relevant pas de l'encadrement, mais correspondant au niveau « qualifié » de la classe 3, tel qu'attribué sans contestation lors de la transposition de classification résultant de la nouvelle nomenclature CCNSA ; il s'ensuit que Mme [C], qui percevait une rémunération supérieure à la rémunération minimale du niveau « qualifié » sera déboutée de cette prétention, ainsi que de celle visant à la régularisation des cotisations sociales applicables au régime cadre et que le jugement sera réformé de ce chef ;
Mme [C] réclame en second lieu la condamnation de l'employeur à procéder à la reconstitution de sa carrière sous astreinte avec bénéfice de la classe 3 statut « confirmé » au 1er janvier 2002 ; toutefois, il est constant qu'elle a bénéficié du statut « confirmé » de la classe 3 en 2009 ; or, il ne ressort ni des débats ni des pièces du dossier que cette classification ouvrait l'accès à une évolution automatique de carrière ultérieure ; il s'ensuit que sa demande à fin de reconstitution de carrière sera écartée et le jugement déféré également réformé de ce chef ;
S'agissant de la rémunération variable :
Mme [C] démontre avoir été privée de rémunération variable durant 10 ans, et ce, au mépris de l'accord négocié en 1999, confirmé par accords signés en 2009 et 2010 (pièces 19 et 20), prévoyant le bénéfice pour les salariés protégés d'objectifs proratisés ouvrant droit au paiement intégral de la rémunération variable, conformément au principe de non discrimination syndicale et salariale ;
Faute pour l'employeur de produire, comme il en a été sommé, l'ensemble des éléments permettant de fixer la rémunération variable moyenne versée aux salariés employés aux fonctions de Mme [C], le calcul présenté par cette dernière, fondé sur la rémunération variable moyenne versée en 2008 aux assistants commerciaux ayant un objectif complet, sera retenu au titre des cinq années non couvertes par la prescription et ce, sous déduction des sommes versées au titre des années 2009 à 2011, soit à concurrence de la somme de (20.872,72 ' 9.000 =) 11.872,72 euros ; la demande en paiement sera en conséquence accueillie pour ce montant outre congés payés y afférents ; le jugement déféré sera donc également réformé en ce sens ;
S'agissant des dommages et intérêts pour discrimination syndicale et salariale :
En considération des développements précédents, établissant notamment que Mme [C] n'a bénéficié d'aucune promotion de 1996 jusqu'en 2002, il lui sera alloué paiement d'une somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Les dépens, ainsi qu'une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, seront supportés par la CRAMA qui succombe ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière prud'homale, et par mise à disposition au greffe,
Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Condamne la CRAMA à payer à Mme [N] [C] les sommes de 11.872,72 euros à titre de rappel de salaire, 1.187, 27 euros au titre des congés payés y afférents, 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et salariale, 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la CRAMA aux entiers dépens.
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT