COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
après Avant Dire Droit
( Arrêt de Réouverture des Débats du 15 Mai 2014
DU 16 DÉCEMBRE 2014
N°2014/578
Rôle N° 12/16726
[E] [N]
C/
SA SECURITE PROTECTION FEU venant aux droits de la SA SA SOPROBAT
[Q] [T]
SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BIENS
Grosse délivrée le :
à :
Me Pierric MATHIEU, avocat au barreau de TOULON
Me Nathalie MASSART, avocat au barreau de PARIS
Me Isabelle
MIMRAN, avocat au barreau de NIMES
Me Firas RABHI, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section I - en date du 01 Août 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/0703.
APPELANT
Monsieur [E] [N],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierric MATHIEU, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SA SECURITE PROTECTION FEU venant aux droits de la SA SA SOPROBAT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Nathalie MASSART, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laurent COURTELIER, avocat au barreau de TOULON
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Monsieur [Q] [T] assigné en intervention forcée, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Isabelle MIMRAN, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Jean-Gabriel MONCIERO, avocat au barreau de NIMES
SA SWISS LIFE ASSURANCE DE BINES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
Assignée en intervention forcée le 29 octobre 2014, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Firas RABHI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président , chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2014
Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [N] était victime d'un accident de travail le 4 mai 2005 en chutant d'une toiture que son employeur, la société Sopro-Bat, avait été chargée de remplacer.
La caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) fixait son taux d'incapacité permanente à 66 %.
Monsieur [N] était licencié le 29 juin 2007 au motif que son incapacité de travail rendait impossible l'exécution normale de ses fonctions à son poste de travail actuel et à tout autre poste dans l'entreprise.
*
Un premier jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Var en date du 11 octobre 2010 a dit que la société Sopro-Bat avait commis une faute inexcusable, ordonné la majoration maximale de la rente servie à Monsieur [N], ordonné une expertise médicale, et alloué une provision.
Un second jugement du 18 novembre 2011 a fixé l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [N], fixé l'indemnisation des préjudices non couverts par le Livre IV du Code de la sécurité sociale au titre du déficit fonctionnel temporaire, débouté Monsieur [N] de sa demande d'indemnisation de la perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et de son préjudice moral.
Par arrêt du 9 mars 2010, la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant en matière correctionnelle a déclaré le dirigeant de la société Sopro-Bat, Monsieur [Q] [T], coupable des délits de blessures involontaires et de non respect des règles de sécurité et d'infraction à la réglementation générale sur l'hygiène et la sécurité du travail, et, sur l'action civile, a confirmé le jugement de première instance qui avait reçu la constitution de partie civile de Monsieur [N] et condamné Monsieur [T] à lui payer une somme sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et a alloué à Monsieur [N] une nouvelle indemnité sur ce même fondement en appel.
*
Le 31 mai 2011, Monsieur [N] saisissait le conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande en paiement de dommages et intérêts au titre de son licenciement en raison de la faute inexcusable de son employeur.
Un jugement du 1er août 2012 a dit qu'il y avait litispendance et autorité de chose jugée, s'est dessaisi au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale, a débouté Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes, et a mis les dépens à sa charge.
Sur appel de Monsieur [N], un arrêt de cette cour du 15 mai 2014 a réformé le jugement, déclaré l'appel recevable, renvoyé l'affaire sur le fond à une audience, réservé les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée dans le cadre de cet arrêt n'était plus la société Sopro-Bat, mais, par suite d'une transmission universelle de patrimoine, la société Sécurité Protection Feu (SPF).
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Par actes des 27 octobre 2014 et 29 octobre 2014, la société SPF assignait en intervention forcée Monsieur [Q] [T], ancien dirigeant de la société Sopro-Bat, et cessionnaire de ses actions dans cette société le 5 juillet 2007 au profit d'une société TFN SI, et la société d'assurance Swiss Life Assurances de biens (Swiss).
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Dans des écritures du 13 novembre 2014, reprises oralement à l'audience de ce même jour, la société SPF demande à la cour de dire que l'action de Monsieur [N] se heurte à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la chambre correctionnelle de cette cour du 9 mars 2010, de recevoir l'intervention forcée à hauteur d'appel de Monsieur [T] et de la société Swiss, de dire recevables les citations en intervention comme non prescrites, de réserver toutes demandes reconventionnelles à hauteur d'appel que pourraient justifier les pièces versées, de condamner Monsieur [T] et la société Swiss solidairement à la garantir de toutes conséquences pécuniaires, de condamner solidairement les intervenants forcés à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des écritures du 13 novembre 2014, reprises oralement à l'audience de ce même jour, Monsieur [N] demande à la cour de rejeter le moyen d'irrecevabilité de la société SPF, et de la condamner à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, et la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des écritures du 13 novembre 2014, reprises oralement à l'audience de ce même jour, Monsieur [T] demande à la cour de dire irrecevable l'appel en intervention forcée, aux motifs d'une absence d'évolution du litige et de la prescription, et de condamner la société SPF aux dépens et à lui payer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des écritures du 13 novembre 2014, reprises oralement à l'audience de ce même jour, la société Swiss demande à la cour, à titre principal, de dire irrecevable l'action dirigée contre elle faute d'évolution du litige, à titre subsidiaire, de dire l'action prescrite, à titre infiniment subsidiaire, de dire que la police ne couvre pas les conséquences de la rupture d'un contrat de travail, en tout état de cause, de dire que la demande de dommages et intérêts forfaitaire de Monsieur [N] n'est pas justifiée, de condamner toutes parties succombantes à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
MOTIFS
1) La société SPF soutient que l'action de Monsieur [N], qui se superpose à son
action civile au pénal, est irrecevable au motif qu'il aurait dû, alors que son licenciement était intervenu antérieurement le 29 juin 2007, présenter ses demandes, dans le cadre de son action civile, à l'audience de la chambre correctionnelle de la cour du 9 février 2010.
Mais, comme le fait justement valoir Monsieur [N], son action ne trouve pas son fondement dans la faute pénale de Monsieur [T], mais dans la rupture de son contrat de travail décidée par son employeur, la société Sopro-Bat, étant relevé de surcroît que seul Monsieur [T] a été poursuivi devant le juge pénal, en sa qualité de dirigeant de la société Sopro-Bat, à l'exclusion de cette dernière.
Le moyen est donc sans portée.
2) Monsieur [T] oppose à son intervention forcée la fin de non recevoir tirée de la violation de l'article 555 du Code de procédure civile suivant lequel les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
Il estime que le litige se présente devant la cour dans les mêmes conditions que devant le conseil de prud'hommes et qu'il n'existe aucune évolution du litige.
La société SPF soutient au contraire que la décision de la cour, dans son arrêt du 15 mai 2014, en réformant le jugement du 18 novembre 2011 du conseil de prud'hommes et déclarant l'appel recevable, a caractérisé une évolution majeure du litige puisque jusqu'alors l'action de Monsieur [N] avait été déclarée irrecevable.
Elle indique encore que Monsieur [T], qui lui a cédé son entreprise, lui a toujours caché l'existence de cette affaire ainsi que sa condamnation pénale du chef de l'arrêt du 9 mars 2010, et que cette condamnation ne lui a été révélée que dans le cadre d'une communication de pièces effectuée le 23 novembre 2011.
Mais :
- l'arrêt du 15 mai 2014 n'a pas déclaré l'action de Monsieur [N] recevable, mais seulement son appel, au motif qu'il avait été interjeté dans le délai légal;
- la société SPF ne peut se prévaloir d'une évolution du litige alors qu'en première instance, la société Sopro-Bat, dont elle vient aux droits dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine, connaissait la citation en correctionnelle de son ancien président directeur général, Monsieur [T], ainsi qu'il ressort de ses conclusions de première instance du 8 février 2012 dans lesquelles elle faisait état de ce que 'le responsable légal de la société Sopro Bat a été poursuivi par devant le tribunal correctionnel de Grasse', et qu'elle était ainsi en mesure de décider, dès la première instance, s'il était utile à ses intérêts de mettre en cause ce dirigeant, en recherchant par elle-même le sort qui avait pu être donné à cette citation en correctionnelle, étant rappelé qu'à la date desdites conclusions, la condamnation définitive de Monsieur [T] avait été prononcé dans un arrêt du 9 mars 2010.
L'intervention forcée de Monsieur [T] en cause d'appel est donc irrecevable, et pour le même motif d'un défaut d'évolution du litige, l'intervention forcée en cause d'appel de la société Swiss, assureur de la société Sopro-Bat, est également irrecevable.
3) Dans ses écritures du 13 novembre 2014, intitulées 'conclusions au soutien de la recevabilité d'un citation en intervention forcée à raison de l'évolution du litige pendant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence', la société SPF ne développe aucun moyen de défense au fond contre la demande en paiement de dommages et intérêts de Monsieur [N], et ne conclut pas au rejet de cette demande.
Elle n'a pas ajouté à ses écritures au cours des débats à l'audience du 13 novembre 2014.
Dans ces conditions, la cour ne peut que faire droit à la demande de Monsieur [N], et la société SPF sera condamnée à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
4) La société SPF supporte les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu à distraction des dépens au profit des avocats, dont le ministère n'est pas obligatoire en matière prud'homale.
Il est équitable de laisser à Monsieur [N] la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Il est équitable d'allouer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une somme de 1.000 euros à Monsieur [T], et une somme de 1.000 euros à la société Swiss.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale
Vu son arrêt du 15 mai 2014,
Déboute la société Sécurité Protection Feu de son moyen d'irrecevabilité de l'action de Monsieur [E][N],
Dit irrecevables les interventions forcées en cause d'appel de Monsieur [Q] [T] et de la société Swisslife Assurance de Biens,
Condamne la société Sécurité Protection Feu à payer à Monsieur [E] [N] une somme de 50.000 euros de dommages et intérêts,
Dit que la société Sécurité Protection Feu supporte les dépens de première instance et les dépens d'appel,
Déboute Monsieur [E] [N] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Sécurité Feu, sur ce même fondement, à payer une somme de 1.000 euros à Monsieur [Q] [T], et une somme de 1.000 euros à la société SwissLife Assurance de Biens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT