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11/12/2014 | FRANCE | N°12/12166

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 11 décembre 2014, 12/12166


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 11 décembre 2014



N° 2014/581













Rôle N° 12/12166







SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER





C/



[H] [R]





















Grosse délivrée

le :

à :

-Me CABANES

-SCP ERMENEUX













Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n°10/06099.





APPELANTE



SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER,

poursuites et diligences de ses dirigeants légaux,

dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Cédric CABANES, a...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 11 décembre 2014

N° 2014/581

Rôle N° 12/12166

SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER

C/

[H] [R]

Grosse délivrée

le :

à :

-Me CABANES

-SCP ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n°10/06099.

APPELANTE

SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER,

poursuites et diligences de ses dirigeants légaux,

dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Cédric CABANES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

INTIMEE

Madame [H] [R],

demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2014 puis prorogé au 11 décembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2014,

Rédigé par Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte sous seing privé des 24 mai et 4 juin 1999, la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER et la SARL [Y], créée le 20 mai 1999 entre Madame [T] [Y], fille de Madame [H] [R], et son père, Monsieur [N] [Y], et immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 juillet 1999, ladite société ayant pour objet l'exploitation d'un centre de beauté « YVES ROCHER » à [Localité 1], ont signé un contrat de gérance libre portant sur l'exploitation du fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques « YVES ROCHER » exploité à [Localité 1], acte qui a également été signé par Madame [H] [R], le 27 mai 1999.

Le 27 mai 1999, Madame [H] [R] a signé un acte de cautionnement solidaire des sommes pouvant être dues par la SARL [Y] au titre du contrat de gérance libre susvisé et de ses éventuelles reconductions, prenant effet le 1er juillet 1999 et portant sur la somme de 324 750 francs.

Cette gérance libre a été renouvelée par contrat des 1er et 23 mars 2001 signé par la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER, la SARL [Y], représentée par sa gérante Mademoiselle [T] [Y], et Madame [H] [R] en sa qualité de caution, le fonds de commerce exploité étant situé [Adresse 1]).

Un dernier contrat de gérance libre a été signé entre les mêmes parties les 26 décembre 2003 et 15 janvier 2004, pour une durée de trois ans prenant effet le 1er avril 2004.

Le 12 décembre 2003, Madame [H] [R] a signé un acte de cautionnement solidaire des engagements de la SARL [Y] dans le cadre de ce dernier contrat de gérance libre à concurrence de 64 800 € en principal, à majorer de tous intérêts, frais et accessoires.

La SARL [Y] a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de PARIS prononcé le 2 novembre 2004.

La société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER a déclaré sa créance pour un montant en principal de 85 662,65 €.

Par exploit du 17 novembre 2006, la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER a fait assigner Madame [H] [R] devant le Tribunal de Commerce de VANNES aux fins de la voir condamner, en sa qualité de caution solidaire de la SARL [Y], à payer la somme en principal de 64 800 € outre les intérêts échus depuis le 25 novembre 2004.

Par jugement en date du 9 juillet 2010, le Tribunal de Commerce de VANNES s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de NICE.

Par jugement du 16 avril 2012, ce Tribunal a :

-dit nul l'engagement de caution solidaire souscrit par Madame [H] [R] au profit de la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER,

-débouté ladite société de ses demandes,

-condamné la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à verser à Madame [H] [R] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-condamné la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à verser à Madame [H] [R] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société aux dépens.

Appel de ce jugement a, par déclaration en date du 2 juillet 2012, été interjeté par la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à l'encontre de Madame [H] [R].

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 août 2014, la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER demande à la Cour de :

-infirmer en sa totalité le jugement entrepris,

-constater que Madame [H] [R] s'est portée caution de la SARL [Y] jusqu'à concurrence d'une somme de 64 800 € en principal à majorer de tous intérêts, frais et accessoires,

-constater que la société YVES ROCHER a déclaré entre les mains de Maître [P], mandataire judiciaire de la SARL [Y], sa créance pour un montant au principal de 85 662,65 €,

-en conséquence, condamner Madame [H] [R], es qualité de caution solidaire, personnelle et indivisible des dettes de la SARL [Y], à lui régler la somme principale de 64 800 €,outre les intérêts échus depuis le 25 novembre 2004, à savoir pour la période allant jusqu'au 30 octobre 2006 la somme de 7 744,04 € et pour la période suivante l'intégralité des intérêts jusqu'au jour du parfait paiement,

-la condamner également à 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi qu'à 4 000 € au titre des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner enfin en tous les dépens tant de première instance que d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP LECLERC-CABANES-CANOVAS, avocat aux offres de droit.

Par ses dernières conclusions déposées et notifiées le 20 août 2014, Madame [H] [R] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qui a déclaré nul l'engagement de caution par elle souscrit et débouté la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER de toutes ses demandes,

-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fait droit à ses demandes reconventionnelles,

-constater qu'aux termes d'une importante jurisprudence, plusieurs Conseils de prud'hommes, plusieurs Cours d'appel et la Cour de Cassation ont jugé que les locataires gérantes du réseau [V] [B] remplissaient toutes les conditions posées par l'article L7321 ' 2 du code du travail et bénéficiaient des dispositions du code du travail,

-constater que le Conseil de prud'hommes et la Cour d'appel de Paris ont jugé que Madame [T] [Y] remplissait les conditions posées par l'article L7321'2 du code du travail, nonobstant la signature d'un contrat de location-gérance et la constitution de la SARL [Y], débiteur principal,

-constater que de nombreuses juridictions du fond saisies d'un litige opposant une caution à [V] [B] ont annulé les engagements de caution pour dol ou sur le fondement des dispositions de l'article L341'2 du code de la consommation (inapplicables au présent litige),

-constater que, par arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 25 octobre 2012, la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER a été condamnée à payer la somme de 200000 € au liquidateur pour combler le passif d'une société d'exploitation d'une locataire gérante, constater en outre que le Tribunal de Commerce de Nanterre a entériné le 25 mai 2011 un accord par lequel la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER renonce à sa créance de marchandises de 89 000 € et verse la somme de 25 000 € pour combler le passif de la société d'exploitation d'une locataire gérante,

-dire que la SARL [Y], débiteur principal, est fictive et qu'elle n'était qu'un support juridique apparent, destiné à masquer la relation de subordination entre la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER et Madame [T] [Y],

-constater que la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER a obtenu d'elle un engagement de caution alors qu'elle n'était pas intégrée dans l'opération principale (le contrat de location-gérance signé avec la SARL [Y]), en se gardant de lui révéler la réalité de la situation juridique et économique de ses relations contractuelles avec le débiteur principal,

-constater que la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER ne justifie pas du quantum de sa créance en ne versant pas aux débats les bons de commande, bons de livraison, factures litigieuses, ainsi que l'inventaire contradictoire du stock dressé en fin de contrat qui vient en déduction des factures éventuellement dues,

-en conséquence :

-dire que la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER a gravement manqué à son obligation de contracter de bonne foi,

-dire que le contrat de cautionnement qu'elle a souscrit est nul en raison des réticences dolosives de la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER,

-dire que le contrat de cautionnement qu'elle a souscrit est nul pour disparition de la SARL [Y], débiteur principal, en raison de son caractère fictif,

-dire que le contrat de cautionnement souscrit est nul pour défaut de cause et d'objet en raison de la disparition de la dette,

-condamner la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à lui payer la somme supplémentaire de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 septembre 2014.

MOTIFS

S'agissant de la nature des relations contractuelles entre l'appelante et le débiteur principal, il apparaît, au vu des éléments aux débats, que, sur l'action engagée devant le Conseil de Prud'hommes de PARIS par Madame [T] [Y], gérante de la SARL [Y], aux fins de voir requalifier sa relation avec la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER en contrat de travail avec toutes conséquences de droit, la Cour d'appel de PARIS, statuant sur le contredit formé par cette dernière société à l'encontre du jugement rendu le 25 février 2009 par le Conseil de Prud'hommes qui a rejeté l'exception d'incompétence par elle soulevée et renvoyé les parties sur le fond devant le bureau de jugement, a, par arrêt en date du 19 novembre 2009, rejeté le contredit et renvoyé les parties devant le Conseil de Prud'hommes de PARIS.

Aux termes de cet arrêt, définitif, le pourvoi formé à son encontre par la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER ayant été déclaré non admis par arrêt de la Cour de Cassation en date du 25 mai 2011, la Cour d'appel a considéré que Madame [T] [Y] remplissait les conditions requises par l'article L7321-1 du code du travail et que, dès lors, sans qu'il y ait lieu d'analyser les moyens tirés de l'article L1221-1 du code du travail et de rechercher l'existence d'un lien de subordination, c'était à juste titre que les premiers juges avaient retenu la compétence du Conseil de Prud'hommes pour connaître du litige.

Ainsi, étant rappelé que les dispositions des articles L7321-1 et suivants du code du travail sont relatifs aux gérants de succursales, a-t-il été retenu par la Cour d'appel de PARIS que Madame [T] [Y] devait, dans ses relations avec la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER, être qualifiée comme telle.

Dès lors, peu important la dénomination donnée à leurs relations par les parties, en l'occurrence celle de gérance libre, il convient de constater leur requalification qui implique un lien direct entre l'employeur, la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER, et la personne physique à laquelle il a confié une mission, en l'espèce Madame [T] [Y], la personne morale, la SARL [Y], n'ayant pas d'existence économique réelle en dehors de l'activité personnelle de son gérant.

En effet, la bénéficiaire de l'article L7321-2 du code du travail, lequel définit le gérant de succursale, doit être une personne physique, le statut social de gérant salarié ne pouvant s'appliquer à une personne morale.

Ainsi, il doit être constaté que la relation contractuelle en cause, qui relève de l'application des articles suscités du code du travail, lequel régime des articles L7321-1 et suivants n'était pas subordonné à la preuve du caractère fictif de la société, la SARL [Y] ayant d'ailleurs fait l'objet en l'espèce d'une procédure de liquidation judiciaire, est celle qui lie la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à Madame [T] [Y] exclusivement.

Sur les conséquences quant au contrat accessoire qu'est le cautionnement souscrit par l'intimée, il apparaît que celle-ci, qui pensait garantir les obligations nées d'une relation commerciale entre la SARL [Y], laquelle aux termes du contrat de gérance libre devait avoir « la pleine et entière liberté de la direction et de l'exploitation du fonds, sous sa seule responsabilité... », et la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER, se retrouve, par l'effet des manoeuvres dénuées de bonne foi de cette dernière, qui sous couvert de ce rapport commercial a dissimulé une relation, la liant à la gérante de la SARL, soumise aux dispositions du droit du travail, en situation de garantir des obligations qui, dans ce dernier cadre contractuel, ne sont d'ailleurs pas susceptibles de l'être.

Aussi, eu égard aux réticences dolosives de l'appelante qui, induisant Madame [H] [R] en erreur, l'ont déterminée, à s'engager, aux côtés de la SARL dont sa fille était la gérante, envers la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER, le contrat de cautionnement souscrit par l'intimée le 12 décembre 2003, accessoirement à ce qu'elle croyait être une convention de gérance libre, doit être déclaré nul.

Dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par Madame [H] [R], le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER déboutée de toutes ses demandes, et, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamnée à payer à l'intimée une somme supplémentaire de 2000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à payer à Madame [H] [R] la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocats.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/12166
Date de la décision : 11/12/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/12166 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-11;12.12166 ?
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