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02/12/2014 | FRANCE | N°12/08648

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 02 décembre 2014, 12/08648


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2014

G.T

N° 2014/













Rôle N° 12/08648







[B] [L]





C/



[R] [M]





















Grosse délivrée

le :

à :ME BOUCHARA

ME AVENARD

















Décision déférée à la Cour :



D'une sentence arbit

rale du Tribunal arbitral de MARSEILLE en date du 27 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° .





APPELANT



Monsieur [B] [L]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 3] (TUNISIE), demeurant [Adresse 1]



représenté et plaidant par Me Henry BOUCHARA, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIME



Monsieur [R] [M]

né ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2014

G.T

N° 2014/

Rôle N° 12/08648

[B] [L]

C/

[R] [M]

Grosse délivrée

le :

à :ME BOUCHARA

ME AVENARD

Décision déférée à la Cour :

D'une sentence arbitrale du Tribunal arbitral de MARSEILLE en date du 27 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANT

Monsieur [B] [L]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 3] (TUNISIE), demeurant [Adresse 1]

représenté et plaidant par Me Henry BOUCHARA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [R] [M]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté et plaidant par Me Erick AVENARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Georges TORREGROSA, Président

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2014,

Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les faits, la procédure et les prétentions :

Les docteurs [L] et [M] sont médecin radiologue à [Localité 2] .

Par trois accords en date du 16 septembre 2004 valant cession de parts sociales au docteur [L], convention de présentation de clientèle et contrat d'exercice en commun, ils ont entendu travailler en association à partir de cette date.

De graves difficultés sont intervenues qui ont entraîné, à la requête du docteur [L], la nomination d'un administrateur judiciaire depuis le 18 décembre 2009 jusqu'au 16 mai 2012, puis la saisine du tribunal de grande instance de Marseille par le docteur [M] souhaitant dissoudre l'association ;

Le tribunal de grande instance s'est déclaré incompétent le 20 mai 2010, et un tribunal arbitral a été saisi en vertu de la clause compromissoire prévue à l'article 14 du contrat d'exercice en commun.

Le tribunal arbitral a rendu sa sentence le 27 février 2012 et il a jugé ainsi :

« décide que la rupture unilatérale du docteur [M] notifiée le 8 septembre 2009 est dépourvue d'effet.

En conséquence, dit et juge que la société en participation n'est pas dissoute à effet du 1er novembre 2009.

Décide que la notification en date du 8 septembre 2009 ne peut être requalifiée en exercice du droit de retrait prévu à l'article 11c du contrat d'exercice en commun.

Rejette la demande de dissolution judiciaire présentée sur le fondement de l'article 1844 ' sept cinquièmement du Code civil.

Ordonne l'exécution forcée de la convention d'exercice en commun.

En conséquence :

' ordonne aux parties de reverser dans la masse commune le montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site de Canto perdrix depuis le 1er novembre 2009 déduction faite de ce qu'ils y ont déjà versés et déduction faite des salaires, toutes charges comprises, versés depuis cette date aux salariés ayant travaillé à leurs services sur le site, sauf si les salaires ont déjà été passés en charge dans la comptabilité de la société de fait.

' Invite au besoin les parties à s'entendre en vue de désigner d'un commun accord un administrateur ad hoc;

' condamne le docteur [M] à payer au docteur [L] la somme de 25'000 €

au titre du préjudice moral, et au titre de ce chef de condamnation de l'exécution provisoire conformément à l'article 1484 du code de procédure civile.

' Déboute, pour le surplus, les parties de leurs demandes, fins et prétentions.

Les honoraires de l'arbitre ont été mis à la charge du docteur [R] [M] .

Le docteur [L] a relevé appel de façon régulière et non contestée le 11 mai 2012.

Cet appel est partiel, au vu de ses mentions expresses « sur les seules dispositions relatives à la déduction des salaires toutes charges comprises, versés depuis le 1er novembre 2009 aux salariés ayant travaillé à leur service sur le site, du reversement dans la masse commune du montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site de Canto perdrix » ;

L'appelant a conclu le 3 octobre 2014 au visa des conventions intervenues, de l'équité, de l'article 16 du code de procédure civile, de l'article 23 de la loi du 31 décembre 1990, des articles 18 72 ' un, 1836 alinéas deux du Code civil , des articles 564, 1492 ' 4 et 1492 ' cinq du code de procédure civile.

Il soutient que les arbitres ont méconnu le principe du contradictoire concernant la disposition ordonnant la déduction des salaires toutes charges comprises des honoraires perçus à raison des actes pratiqués depuis le 1er novembre 2009; en conséquence, la sentence sera réformée partiellement il sera ordonné aux parties de reverser dans la masse commune l'intégralité des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site depuis le 1er novembre 2009.

La cour jugera que les arbitres ont contrevenu à l'article 1836 alinéa deux du Code civil qui est d'ordre public; en conséquence, et conformément au contrat d'exercice en commun, seules les charges communes doivent être supportées par la société au travers de la bourse commune;

À titre subsidiaire, la disposition ordonnant la déduction des salaires toutes charges comprises des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site depuis le 1er novembre 2009 révèle un caractère inéquitable.

Il conviendra d'appliquer, sur le fondement de l'équité, le contrat d'exercice en commun.

Ainsi pour la période du 1er novembre 2009 au 14 février 2010, après mise en commun de l'intégralité des honoraires, la bourse commune supportera au titre des charges communes la masse salariale, toutes charges comprises, des salariés propres du docteur [M] en excluant toutefois les charges salariales de Monsieur [G], comptable.

Pour la période postérieure au 15 février 2010, seules les charges communes de la société doivent être payées par le compte commun de la société de fait après mise en commun contractuelle de l'intégralité des honoraires des deux médecins.

Le contrat d'exercice en commun devra retrouver dès le 15 février 2010 sa pleine application, sans modification ni aménagement, en vertu de l'exécution forcée ordonnée par les arbitres.

En conséquence, à compter du 15 février 2010, les salaires toutes charges comprises du personnel du docteur [M] ne doivent pas être déduits des honoraires versés à la masse commune de la société .

Les salariés de ce docteur, embauchés par ce dernier en nom propre, ne sont pas une charge commune et constituent une charge personnelle du docteur [M] .

À titre infiniment subsidiaire, les masses salariales toutes charges comprises seront exclues des charges de la société de fait du 1er novembre 2009 au 11 avril 2012, hormis les salaires et charges sociales des salariés non démissionnaires ; la cour ordonnera qu'en vertu du contrat, l'intégralité des honoraires de chacun des médecins soit reversée sur le compte commun pour constituer la bourse commune.

Conformément au contrat, la bourse commune réglera l'ensemble des charges communes, frais généraux, frais de réparation, location, crédit-bail... À l'exception de la totalité des salaires et charges sociales des salariés sur la période du 1er novembre 2009 au 11 avril 2012, hormis les salariés non démissionnaires de la société de fait .

Le résultat final sera alors, conformément au contrat, partagé par moitié entre les associés sur la période .

Chaque médecin disposant de la moitié du résultat devra supporter lui-même, sur ses bénéfices, sa masse salariale propre sur cette période.

Au-delà du 11 avril 2012, le contrat d'exercice en commun doit retrouver sa pleine application, sans modification ni aménagement, en vertu de l'exécution forcée ordonnée par les arbitres .

Les demandes reconventionnelles du docteur [M] sont irrecevables comme nouvelles en cause d'appel , dont celles relatives au remboursement à la société de fait des salaires toutes charges comprises qu'ils ont fait payer par la société de fait depuis le 1er novembre 2009 ;

à titre subsidiaire , ces demandes sont infondées.

Une somme de 5000 € est réclamée au titre des frais inéquitablement exposés.

M. [M] , intimé, a conclu le 10 octobre 2014 et demande la cour de confirmer la sentence arbitrale et en conséquence, d'ordonner aux parties de reverser dans la masse commune le montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site depuis le 1er novembre 2009, déduction faite de ceux qu'ils ont déjà versé et déduction faite des salaires, toutes charges comprises, versés depuis cette date aux salariés ayant travaillé à leur service sur le site, sauf si ces salaires ont déjà été passés en charge dans la comptabilité de la société de fait .

Au besoin, il sera jugé que chaque médecin déduira les salaires, charges comprises , de ses salariés respectifs et ce depuis le 1er novembre 2009 .

Y ajoutant, la cour jugera que les parties devront rembourser à la société de fait le montant des salaires toutes charge comprises, de leurs salariés respectifs, qu'ils ont fait payer par la société le fait depuis le 1er novembre 2009.

La cour ordonnera une mesure d'expertise, avec mission habituelle en pareille matière, notamment de faire les comptes entre les parties sur la période du 1er novembre 2009 à la date de l'arrêt à intervenir.

La cour jugera que les jours non travaillés sans respecter la procédure prévue à l'article huit du contrat d'exercice en commun du 16 septembre 2004 sont considérés comme des jours d'absences non justifiées et le docteur [M] ne reversera pas dans la masse commune de la société le montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site du 1er novembre 2009 au 27 février 2012 pendant les jours d'absences non justifiées du docteur [L] .

À titre subsidiaire, la cour ordonnera aux parties de reverser dans la masse commune le montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site depuis le 1er novembre 2009, déduction faite de ceux qu'ils ont déjà versés. Les salaires, charges comprises, des salariés respectifs de chaque médecin travaillant sur le site doivent être payés depuis le compte commun, déduction faite de ceux qu'ils ont déjà payés, et ce depuis le 1er novembre 2009.

À titre subsidiaire, la cour ordonnera aux parties de reverser dans la masse comme le montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site depuis le 1er novembre 2009, déduction faite des salaires, charges salariales versés à leurs salariés respectifs jusqu'au 11 avril 2012; à compter du 11 avril 2012, les salaires, toutes charges comprises, les salariés respectifs de chaque médecin travaillant sur le site doivent être payés depuis le compte commun de la société de fait, déduction faite de ceux qu'ils ont déjà payés;

En tout état de cause, la cour ordonnera une expertise pour faire les comptes entre les parties sur la période du 1 novembre 2009 à la date de l'arrêt à intervenir.

Une somme de 5000 est réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

L'ordonnance de clôture est en date du 20 octobre 2014 .

SUR CE:

Attendu qu'il convient de clarifier la saisine de la cour, qui résulte de l'appel du docteur [L], cet appel du 11 mai 2012 étant expressément qualifié de « partiel sur les seules dispositions relatives à la déduction des salaires toutes charge comprises, versés depuis le 1er novembre 2009 aux salariés ayant travaillé à leur service sur le site, du reversement dans la masse commune du montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site » ;

Attendu que le docteur [M] a conclu à titre principal à la confirmation , ce qui fait bien de ce problème de déduction l'unique question principale soumise à la cour, dont le sort entraînera logiquement mais dans un second temps l'examen des demandes subsidiaires de la partie n'ayant pas prospéré au principal ;

Attendu que dans ce cadre reprécisé, il est essentiel de noter que les arbitres ne sont pas contestés dans leur dispositif rejetant la rupture unilatérale du docteur [M] en date du 8 septembre 2009 , ainsi que toute requalification en droit de retrait, et toute dissolution judiciaire;

Attendu qu'en réalité, l'essentiel en droit tient dans l'absence de contestation en appel de la sentence en ce qu'elle ordonne l'exécution forcée de la convention d'exercice en commun;

Attendu que cette convention d'exercice en commun en date du 16 septembre 2004 prévoit pour les associés :

' la jouissance du matériel, présent ou futur, attaché à l'exploitation ;

' la mise à disposition du personnel adéquat pour l'exercice de leur activité, le docteur [L] déclarant avoir reçu toutes les informations utiles à ce sujet, et agréant en tant que de besoin tous les contrats existants en pareille matière, et s'engageant au même titre que le docteur [M] à les poursuivre et les respecter scrupuleusement (article quatre)

Attendu que l'article sept prévoit que toutes les décisions relatives à l'exercice professionnel commun sont prises à l'unanimité, chaque associé conservant à sa charge exclusive ses frais personnels inhérents à l'exercice de sa profession ( véhicules, représentation, déplacements personnels, taxes, cotisations et impôts personnels, à l'exclusion de la taxe professionnelle et des charges sociales obligatoires comme il sera dit ci-après);

Attendu que ce même article prévoit une clause de bourse commune, ne changeant rien au principe de l'exercice individuel de sa profession par chacun des associés, qui mettront en commun les honoraires et rémunérations , « de manière plus précise, la société de fait n'interviendra en aucun cas, ni dans la fixation, ni dans l'encaissement des honoraires, ceux ci étant directement encaissés par les associés qui les mettront intégralement à la disposition de la société en vue de la bourse commune comme il a été indiqué ci avant » ;

Attendu que l'ensemble des frais généraux de la société, frais de personnel, frais de réparation et amortissement du matériel, frais de location et de crédit-bail, charges sociales obligatoires et taxe professionnelle des associés, et plus généralement les frais communs afférents au fonctionnement de la société, seraient « mis en masse et répartis de manière égale entre les associés», l'ensemble des recettes sous déduction de l'ensemble des charges communes ci avant indiqué générant un résultat qui sera alors attribué par moitié à chaque associé;

Attendu que cet équilibre contractuel était néanmoins expressément conditionné (page sept) à la condition essentielle que « la charge de travail de chaque associé demeure égale », ce qui se conçoit à première lecture de façon évidente, et qui avait d'ailleurs été aménagé dans le même contrat par des horaires de travail égaux et précis pour chaque médecin, les cas de remplacement, de maladie et accident étant aussi précisément prévus , pour qu'ainsi la clause de bourse commune débouchant sur une répartition du résultat par moitié corresponde à une charge de travail égale;

Mais attendu que néanmoins le ver de la discorde future n'avait pas été prévu en termes de charges, notamment de personnels, venant en déduction de la bourse commune des honoraires, puisque l'esprit de la convention était la mise à disposition d'une équipe commune , et non pas l'instauration à ce jour non contestée de deux équipes travaillant chacune pour son médecin ;

Attendu que cette scission résulte de la pièce 28 de l'appelant, six salariés ayant accepté

« l'opportunité que nous offre Monsieur [M] de continuer ensemble notre travail et [prenant ] donc acte de la scission qui s'opère entre vous dès le 1er octobre prochain .. » ;

Qu'il n'est pas contesté que ces six salariés ont été réembauchés immédiatement par le docteur [M] , ce qui a donné lieu à l'embauche par le docteur [L] à compter du 15 février 2010 de nouveaux employés , appartenant selon lui à l'équipe commune telle que prévue par le contrat initial , et dont les frais de personnel générés doivent être pris en charge par la bourse commune constituée par les honoraires réunis , tandis que les frais de personnel résultant de la scission du docteur [M] doivent être supporté par lui seul, sur la part de résultat lui revenant;

Attendu que c'est sur ce point que l'appel porte précisément, puisque les arbitres ont opéré une déduction dans les termes suivants :

« il y a lieu .. d'ordonner aux parties de verser à Maitre [V] l'intégralité des honoraires issus de leur activité professionnelle et de régulariser en ce sens la situation passée depuis la rupture de la masse commune d'honoraires.

L'équité impose cependant de déduire des honoraires à reverser par le docteur [M] le montant des salaires, toutes charges comprises, qu'il a versés aux six salariés qu'il avait réembauchée après la démission du 28 septembre 2009. En effet, si cette déduction n'était pas opérée, le docteur [M] se trouverait devoir verser à la société le fait la totalité de ses recettes en gardant à sa seule charge les salaires versés à ceux qui ont pourtant permis de déployer l'activité lui permettant de produire ces recettes. Or, il serait inéquitable d'ordonner les reversements des recettes indépendamment des charges qui leur ont permis d'être engendrées. Cette déduction est la seule solution qui se présente pour tenir compte de ce lien entre les recettes et charges. En effet, il n'est pas juridiquement possible de réintégrer ces salariés dans la situation antérieure de sorte que les salaires seraient à nouveau comptabilisés au titre des charges de la société de fait. En effet, le tribunal arbitral n'a absolument pas le pouvoir de juger que le docteur [L] redeviendra le coemployeur des salariés démissionnaires. Par suite le fait que ces salariés aient pour seul employeur le docteur [M] ne peut pas être modifié par le tribunal arbitral. Il en va de même s'agissant des salariés du seul docteur [L] » ;

Attendu que l'appelant soutient que le principe du contradictoire qui s'impose aussi aux arbitres n'a pas été respecté s'agissant de la question de cette déduction, puisque notamment les arbitres ne disposaient pas des éléments comptables du dossier, et qu 'ils n'auraient pas accepté une déduction inéquitable si le montant leur avait été communiqué; que cette déduction n'a jamais fait l'objet d'un débat contradictoire, et que les arbitres ne pouvaient appréhender les conséquences financières de leur déduction ;

Mais attendu que l'appelant, partant sinon du postulat du moins de la conviction que cette déduction est inéquitable, ce qui est au demeurant expressément contesté par son adversaire, estime que les arbitres se sont livrés à une discussion comptable non contradictoire, alors qu'en réalité, dans le paragraphe 158 et suivants de la sentence, ils ont tiré les conséquences non pas comptables, mais sociales , de la demande d'exécution forcée de la convention d'exercice en commun, demande à laquelle ils ont fait droit et dont il n'est pas contesté qu'elle a été contradictoirement débattue ;

Attendu qu'en effet, les arbitres ont considéré qu'il n'était pas possible au plan de la législation sociale, et qu'ils n'avaient pas le pouvoir , de réintégrer les salariés démissionnaires dans la situation antérieure, avec prise en charge comptable de leur salaire par la société le fait, de même que les arbitres ne pouvaient juger que le docteur [L] redeviendrait le co employeur des salariés démissionnaires;

Attendu que c'est en ce sens qu'ils ont considéré, dans le cadre de l'exécution forcée de la convention d'exercice en commun, que la bourse commune avec mise en commun des honoraires devait s'appliquer (ce que l'appelant ne conteste pas) , mais qu'en équité et tenant la situation sociale des salariés démissionnaires , mais aussi de ceux embauchés en conséquence par le Docteur [L], il convenait d'opérer déduction des honoraires à reverser par le docteur [M] du montant des salaires versés aux six salariés réembauchés après leur démission du 28 septembre 2009 ;

Attendu qu'ainsi, et si l'appelant reproche une absence de débat contradictoire sur les conséquences comptables de la déduction opérée en équité, force est de constater qu'aucune discussion arbitrale n'a porté sur ces conséquences comptables, la seule discussion ayant porté, dans le cadre de l'exécution forcée de la convention d'exercice en commun ordonnée, sur les modalités d'application de cette convention, compte tenu de la situation sociale des salariés, pas seulement du docteur [M] mais aussi du docteur [L];

Attendu que la véritable question est en réalité celle de l'application du principe d'équité, étant précisé qu'il n'est pas contesté que les arbitres ont eu mission de statuer en amiable compositeur;

Attendu qu'à cet égard, l'appelant estime que les engagements d'un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci, par application de l'article 1836 '2 du Code civil, d'ordre public ;

Mais attendu que les arbitres n'ont pas ordonné une seule déduction des charges salariales, mais ont bien ordonné dans leur dispositif :

« aux parties de reverser dans la masse commune le montant des honoraires perçus à raison des actes pratiqués sur le site depuis le 1er novembre 2009, déduction faite de ceux qu'ils y ont déjà versés et déduction faite des salaires, toutes charges comprises, versés depuis cette date aux salariés ayant travaillé à leur service sur le site, sauf si lesdits salaires ont déjà été passés en charge dans la comptabilité de la société le fait... »;

Attendu que la Cour ne discerne pas en quoi cette double déduction fait supporter à l'appelant un engagement supérieur à celui consenti dans la convention d'exercice en commun, puisque cette convention prévoyait la déduction de la bourse commune constituée par l'ensemble des honoraires de l'ensemble des salaires de l'équipe dite commune , ce qui revient mathématiquement au même sauf à se livrer ainsi qu'y procède l'appelant à une discussion en droit sur la notion d'équipe commune, dont ne ferait pas partie selon lui les salariés ré- embauchés par son adversaire, et à une discussion en fait sur les charges respectives constituées par ces salaires et qui seraient inégales , ce qui ramène au problème initial déjà évoqué par la cour supra, à savoir celui de l'égalité de charge de travail voulue par les associés, sans pour autant que ces derniers n'évoquent les charges pouvant être générées de part et d'autre, en se réfugiant derrière le concept d'équipe commune sous-entendant un fonctionnement et des ratios similaires en la matière ;

Mais attendu qu'en droit cette discussion ne saurait être entamée par la cour, puisque la société de fait n'a pas de personnalité morale et n'est pas employeur ( conseil des prud'hommes, 14 mars 2011, affaire [O] : mise hors de cause du représentant de la société de fait) et que, socialement, c'est l'un ou l'autre des docteurs qui est employeur ;

pas plus qu'en fait , puisque l'appelant se livre à des calculs unilatéraux qui sont expressément contestés à ce titre et au fond , et dont il ne résulte d'ailleurs nullement un comparatif du résultat net à distribuer à l'une et l'autre partie, que l'on se place dans l'hypothèse de la convention initiale ou dans celle de la double, et non pas unique, déduction des salaires opérée par les arbitres;

Attendu qu'à supposer franchi ce premier obstacle d'une violation de ses engagements initiaux imposée à l'appelant , qui n'est pas démontrée sauf à accepter ses calculs unilatéraux, se poserait le problème de l'application du critère d'équité, non pas dans son principe mais dans son étendue ; que l'appelant se plaint d'un bouleversement de la loi contractuelle des parties , les arbitres n'ayant selon lui que le pouvoir de modifier ou de modérer les conséquences des stipulations contractuelles dès lors que l'équité ou l'intérêt commun bien compris des parties l'exige; attendu qu'en effet, par l'amiable composition, les parties renoncent conventionnellement aux effets et au bénéfice de la règle de droit, en perdant la prérogative d'en exiger la stricte application, pour confier corrélativement aux arbitres le pouvoir de modifier ou de modérer les conséquences des stipulations contractuelles dès lors que l'équité ou l'intérêt commun bien compris des parties l'exige ;

Attendu qu'en l'espèce, la sentence arbitrale n'a pas modifié l'équilibre contractuel de la convention initiale et a fait une juste application du critère d'équité qu'elle avait le devoir de mettre en 'uvre , puisque la convention initiale permettait bien de déduire toutes les charges de personnel , et qu'à supposer avec l'appelant que les charges du personnel réembauché par le docteur [M] ne soient pas celles d'une équipe commune, il serait parfaitement inéquitable que l'appelant ait vocation aux honoraires générés par l'activité du Docteur [M] et donc par ses employés , tout en ne participant pas à ses charges alors que les siennes propres seraient déduites de la bourse commune constituée par la réunion des honoraires ;

Attendu que la double déduction arbitrale revient certes à entériner une double équipe, mais ne compromet pas en équité l'esprit initial de la bourse commune, sauf à se livrer à une discussion financière sur un manque-à-gagner allégué par l'appelant , ce qui ne relève pas d'un appel de la sentence arbitrale , mais d'une action éventuelle en dommages-intérêts pour non exécution de la convention d'exercice en commun depuis la réembauche des salariés démissionnaires , étant précisé au surplus et sur ce point précis que l'appelant se garde bien de solliciter une expertise pour évaluer son manque-à-gagner résultant de façon directe de l'embauche des salariés démissionnaires dont il se plaint, référence faite aux conséquences financières qu'il prête à la sentence arbitrale prononçant non pas une seule mais une double déduction;

Attendu que sauf à revenir sur le contexte global de la mésentente et des agissements respectifs qui ont donné lieu à la sentence dont l'appel faut-il le rappeler est limité aux problèmes de la déduction qui ont été examinés supra , c'est une confirmation de la sentence qui doit être prononcée, ce qui rend sans objet la demande subsidiaire de l'intimé qui obtient satisfaction au principal ;

Attendu que les demandes de l'intimé relative aux jours non travaillés allégués de son adversaire sont nouvelles en cause d'appel et donc irrecevables ;

Attendu que logiquement les parties sont renvoyées à abonder la bourse commune de leurs honoraires depuis le 1er novembre 2009, après avoir déduit les charges de leurs salariés dans les termes de la sentence, ce qui bien entendu ne pourra pas être le cas pour le montant des charges salariales éventuellement payées depuis cette date par la société de fait;

Attendu qu'en l'état des pièces versées au dossier, la cour n'estime pas utile de commettre un expert pour faire les comptes entre les parties, qui disposent pour ce faire d'un appui comptable efficient, à condition de faire preuve d'un minimum de bonne volonté ;

Attendu qu'à ce stade, seules restent éventuellement en litige les demandes subsidiaires de l'appelant qui ne laissent pas d'étonner;

Attendu qu'en effet, en page 60, l'appelant se livre à une analyse séquencée de son préjudice et retient une première période du 1er novembre 2009 (date de la scission du personnel) au 14 février 2010 (date d'embauche par ses soins ) , sur laquelle il conclut expressément que la déduction envisagée par les arbitres pourrait être équitable , les six salariés réembauchés par le docteur [M] pouvant être considérés comme une charge de la société en vertu de l'article sept ' c du contrat ; que ces conclusions ne font que corroborer sur la période l'analyse arbitrale, sauf pour le cas du comptable Monsieur [G] qui n'est pas litigieux ;

Attendu que sur la période du 15 février 2010 au 11 avril 2012, l'appelant indique lui-même que les activités des médecins se sont rééquilibrées, mais que la scission artificielle ne permet pas à son adversaire d'opérer déduction de ses charges de personnel, avant la répartition du résultat net de la bourse commune, tandis que lui-même n'aurait pas à opérer cette déduction préalable, puisque son équipe est une équipe commune au sens du contrat initial ;

Attendu qu'en d'autres termes, et ainsi que l'ont retenu les arbitres, cela revient à convoiter les honoraires de son associé, sans admettre qu'ils ont été nécessairement générés par du personnel, la véritable question sous-tendue étant celle de la productivité alléguée de ce personnel , ce qui ne relève pas de la présente saisine de la cour ainsi qu'il a été motivé supra ;

Attendu que l'appelant propose ensuite une autre solution, à savoir l'exclusion des masses salariales des charges communes de la société, chaque médecin ,disposant de la moitié du résultat net , serait alors tenu de régler lui-même, sur ses bénéfices, sa masse salariale propre; qu'il s'agit là précisément du système mis en place par les arbitres , sans aucune limitation de durée qui puisse résulter du libellé de la sentence;

Attendu que la demande subsidiaire de retour au contrat d'exercice en commun, sans modification ni aménagement, à compter du 11 avril 2012, ne saurait prospérer puisque l'appelant continue en réalité à vouloir exclure toute participation de sa part aux charges salariales de son adversaire, tout en voulant lui imposer une participation aux siennes propres, ce qui est manifestement contraire à l'équité puisque l'appelant n'entend pas renoncer à la bourse commune des honoraires , le tout au seul motif en réalité de la scission intervenue et d'une évolution différentielle des charges en termes de ratios , qui , à la supposer avérée , n'est pas assimilable à la démonstration d'un montant de charges sensiblement différent d'une équipe de personnels qui serait restée commune , et a fortiori sur la période à une différence du résultat net à distribuer à chaque associé ;

Attendu que c'est donc une confirmation de la sentence qui s'impose, l'appel principal étant infondé, sans que les demandes subsidiaires de l'appelant soient fondées, ni la demande d'expertise de l'intimé , ni la demande de ce dernier relative aux jours non travaillés qui est irrecevable car nouvelle en cause d'appel;

Attendu que l'appelant qui succombe supportera les les dépens , la cour ne faisant pas application de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu qu'en effet, la cour ne souhaite pas aviver le litige très vif entre les parties, pour des raisons notamment psychologique et d'approche financière et professionnelle fort opposées, que les arbitres ont très subtilement analysées, selon des motivations qui d'ailleurs ne sont pas contestées , la cour étant en réalité confrontée à la énième facette d'un conflit et ne pouvant en vérité marier la carpe et le lapin , sans les efforts et les concessions des parties dans ce qui n'a pas encore mis en jeu l'avenir de l'entreprise aux résultats tout à fait satisfaisants, le paradoxe étant que ni les mérites professionnels ni l'honnêteté de chacun n'est véritablement remise en cause; que l'article 700 du code de procédure civile serait dans un tel contexte nécessairement appliqué à mauvais escient et mal interprété , alors que son critère d'application est là aussi l'équité;

PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement :

Déclare l'appel principal infondé et déboute l'appelant de ses demandes subsidiaires ;

Confirme la sentence arbitrale de premier ressort ;

Y ajoutant, précise que la déduction ordonnée par la sentence arbitrale pour chaque partie ne pourra pas prendre en compte les charges déjà prises en compte par la société de fait pour les employés respectifs ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et condamne l'appelant aux dépens exposés en appel qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 12/08648
Date de la décision : 02/12/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°12/08648 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-02;12.08648 ?
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