COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 28 NOVEMBRE 2014
N° 2014/
Rôle N° 12/24092
[L] [P]
C/
[C] [O]
[A] [H] épouse [O]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section AD - en date du 03 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/957.
APPELANTE
Mademoiselle [L] [P], demeurant [Adresse 3]
comparante en personne assisté de Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [C] [O], [Adresse 2], demeurant [Adresse 4]
comparant en personne assisté de Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [A] [H] épouse [O], [Adresse 2], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère
Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2014.
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 14 avril 2008, une convention était signée entre Madame [L] [P] et Monsieur et Madame [O] aux termes de laquelle Madame [P] s'engageait à effectuer différents travaux d'entretien en échange de l'occupation d'un studio attenant à la résidence des époux [O] située [Adresse 1] (13).
Le 21 février 2011, les parties mettaient un terme à ce contrat.
Le 22 juillet 2011, Madame [P] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section activités diverses, lequel par jugement du 3 décembre 2012 a débouté la demanderesse de ses demandes, et l'a condamné aux dépens.
Le 26 décembre 2012, Madame [L] [P] a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures du 2 septembre 2014, l'appelante demande à la cour de:
*infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
*condamner les intimé à lui verser:
- 56 772,72 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire et 5 677 € pour les congés payés afférents,
- 3 000 € au titre d'indemnisation de la violation de l'obligation de sécurité,
- 1 572,96€ au titre de l'indemnisation pour procédure irrégulière,
- 4 718,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 471 € pour les congés payés afférents,
- 1 101€ à titre d'indemnité de licenciement,
- 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-9 437,76€ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 1573€ au titre de l'indemnisation pour la violation de l'obligation d'information DIF,
- 1 573€ au titre de l'indemnisation pour la violation de l'obligation d'information de la portabilité,
et ce avec intérêt de droit
- 4 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.
Elle soutient:
- qu'elle a été engagée en qualité d'employée de maison par les intimés à compter du 1er janvier 2008,
-qu'en contrepartie de sa présence obligatoire sur place et de l'accomplissement des travaux d'employée de maison et de jardinier, elle a eu l'usage d'un studio attenant à la résidence des intimés,
- que le contrat de travail est caractérisé par l'exécution d'une prestation de travail, moyennant une rémunération et dans un lien de subordination, quelle que soit la dénomination de leur convention,
- que le lien de subordination n'exige pas la présence constante de l'employeur, que les intimés étaient présents de juin à septembre et en février ou mars chaque année,
- qu'elle devait être présente toutes les nuits et travailler 7 jours sur 7, sans obtenir de rémunération,
- qu'elle devait effectuer de nombreuses tâches et être à leur disposition permanente pour exécuter leurs ordres,
- que les époux [O] donnaient des directives, contrôlaient et sanctionnaient, ainsi qu'en atteste les témoignages produits au débat,
- qu'elle n'a pas été payée pour sa prestation et n'a été soumise à aucune visite médicale d'embauche,
- que suite à un cambriolage, les époux [O] l'ont licenciée immédiatement, la laissant sans ressource.
Aux termes de leurs écritures du 9 octobre 2014, les intimés concluent:
* à la confirmation du jugement déféré,
* à la condamnation de l'appelante à leur verser la somme de 3 000€ au titre de l'article 1382 pour procédure abusive et 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que:
- qu'ils demeurent à Bangui en Centre Afrique depuis 1975, qu'ils ont consenti à Madame [P], coiffeuse salariée, le prêt d'un studio attenant à leur résidence secondaire en échange de l'ouverture et de fermeture des volets et fenêtres, ramassage du courrier et des feuilles en hiver, tondre la pelouse et ratisser les graviers, afin de donner un aspect habité à leur résidence et éviter les cambriolages,
- que le 4 février 2011, la villa a fait l'objet d'un cambriolage en présence de Madame [P] qui, très choquée, a demandé à quitter les lieux,
- que l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction le 27 novembre 2013 suite à la plainte déposée pour faux témoignage ne lie pas le juge civil,
- que Madame [P] à qui la preuve incombe, ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination à leur égard, alors qu'elle exerçait la profession de coiffeuse salariée puis à domicile,
- que l'exécution de ces menus travaux ne constitue pas une contrepartie mais une condition de la jouissance,
- qu'ils ont un contrat de surveillance pour la maison et que le relevé d'intervention démontre que Madame [P] n'était pas présente le 20 janvier 2011,
- que l'entretien du jardin est assuré par le jardinier de la copropriété au sein de laquelle est située la propriété,
- qu'en l'absence de toute occupation, aucun ménage n'était nécessaire dans la résidence principale
- qu'ils bénéficient d'un contrat d'entretien de leur piscine qui de surcroît est automatisée et bâchée en hiver,
- que l'instruction a démontré que les auteurs des attestations produites par Madame [P] n'ont fait que reprendre ses dires sur des faits dont ils n'ont pas été les témoins directs,
- que Madame [P] n'était pas soumise à des horaires précis, qu'elle ne recevait aucune directive précise, qu'aucun contrôle n'était exercé sur elle.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
Attendu que le 14 avril 2008, les parties ont signé un contrat aux termes duquel Monsieur et Madame [O] mettait à la disposition de Madame [P] un studio attenant à leur résidence secondaire et Madame [P] s'engageait à 'ouvrir et fermer chaque jour les fenêtres de la maison, enlever les feuilles en hiver, ratisser le gravier, tondre la pelouse, ramasser le courrier et assurer la propreté dans la maison';
Attendu qu'il incombe à Madame [P] qui se prévaut d'un contrat de travail d'en prouver l'existence, que le contrat de travail, indépendamment de la volonté exprimée des parties et de la qualification de la convention, est caractérisé par l'exécution d'une prestation de travail moyennant une rémunération dans un lien de subordination, que le salarié est celui qui exécute une prestation sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements; que se sont les circonstances de fait qui déterminent une situation de dépendance;
Attendu qu'il est établi par les déclarations du gérant du salon de coiffure 'Le Knowing ' que Madame [P] a été embauchée en qualité de coiffeuse du 1er avril 2008 au 17 octobre 2009; que la lecture des passeports des époux [O] permet de constater leur présence en France environ de juin à septembre chaque année; que les membres de la famille de Monsieur [O] et leurs amis témoignent de pas avoir durant ses périodes d'occupation de la résidence secondaire vu Madame [P] effectuer les tâches d'entretien dont elle se prévaut;
Attendu que les auteurs des attestations produites par Madame [P] qui ont constaté qu'elle effectuait les travaux tels que prévus au contrat souscrit entre les parties, à savoir tonte de la pelouse, ramassage des feuilles ou réalisation du ménage lors du départ annuel des époux [O] de leur propriété, ont néanmoins limité la portée de leur propos devant le juge d'instruction concernant l'obligation de résidence ou l'interdiction de quitter les lieux dont il était fait état initialement, en précisant qu'ignorants de la teneur exacte des engagements de Madame [P], ils ne faisaient que rapporter ses propres dires à ce sujet,
Attendu qu'il en est ainsi de Madame [B], qui indique avoir vu une fois Madame [P] faire des courses, cette dernière lui déclarant alors préparer un repas pour l'arrivée des époux [O] et autre fois ramasser des feuilles, que Madame [P] lui aurait déclaré devoir fermer le volet chaque soir et repasser le linge des époux [O], mais sans qu'elle ait pu constater personnellement ces faits, que Monsieur [F], qui affirme avoir vu Madame [P] tondre la pelouse et procéder à l'entretien de la piscine, reconnaît qu'il ignore tout de l'obligation d'être disponible 7 jours sur 7 et 24 dont Madame [P] faisait état, que Madame [K] déclare avoir vu Madame [P] passer la tondeuse, faire du repassage pour les époux [O] et leur préparer un repas lors de leur arrivée, avec une interdiction de s'absenter, propos confirmés devant le juge d'instruction sans toutefois fournir d'explications sur les circonstances qui l'auraient amenée à connaître le teneur des engagements pris par Madame [P], que Madame [E] confirme avoir vu Madame [P] tondre la pelouse ou faire du repassage mais que s'agissant des autres faits, notamment de son obligation de résidence, elle n'avait fait que rapporter les propos de cette dernière;
Attendu que Madame [T] et Monsieur [G], voisins de la résidence , indiquent n'avoir jamais vu Madame [P] assurer l'entretien de la propriété, que les époux [O] rapportent la preuve qu'ils avaient recours à des intervenants extérieurs pour l'entretien du jardin entourant leur maison, et de leur piscine, ainsi que la surveillance de la maison , qu'en effet que Monsieur [W] , président de l'association syndicale libre des propriétaires du chanterperdrix, atteste que le jardinier de la copropriété assurait également l'entretien du jardin des époux [O] en leur absence, que Monsieur [Z] , gérant de société chargé de l'entretien de la piscine, assure que couverte d'une bâche en hiver , elle bénéficiait d'un système automatique d'entretien en période estivale, qu'ils produisent également un contrat de surveillance de leur résidence souscrit auprès de la société IXO depuis 1999 à l'aide d'un alarme automatique ;
Attendu que Madame [P] ne produit aucun document tendant à établir que Monsieur et Madame [O] lui donnaient des ordres ou des instructions; qu'aucune des attestations produites par ses soins ne fait état d'une conversation téléphonique entre les parties ou de l'envoi de fax ou de mail visant à contrôler le travail effectué ou à communiquer des instructions; qu'aucune pièce émanant des époux [O] ne contient un ordre, une directive ou un contrôle;
Attendu que Madame [P] n'était pas soumise à des ordres ni à des directives ni aucun contrôle de l'exécution de ses prestations, pas plus qu'à des horaires précis, qu'elle ne rendait aucun compte aux époux [O] du travail exécuté, ce dont il résulte qu'elle n'était pas placée dans un lien de subordination; qu'il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes constatant l'absence de contrat de travail entre les parties;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties pour la procédure d'appel;
Attendu que le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui, qu'en l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par l'appelante n'est pas constitutive d'une faute; que s'estimant lésées dans ses droits, elle a pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur ses demandes; que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [L] [P] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT