La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2014 | FRANCE | N°11/19796

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 28 novembre 2014, 11/19796


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 28 NOVEMBRE 2014



N° 2014/



Rôle N° 11/19796





[FA] [X]





C/



SARL SIRCA















Grosse délivrée

le :



à :



Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS









Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :


>

Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 25 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1140.







APPELANT



Monsieur [FA] [X], demeurant [Adresse 2]



comparant en perso...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 28 NOVEMBRE 2014

N° 2014/

Rôle N° 11/19796

[FA] [X]

C/

SARL SIRCA

Grosse délivrée

le :

à :

Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 25 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1140.

APPELANT

Monsieur [FA] [X], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL SIRCA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère

Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2014.

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 20 novembre 1998, M. [FA] [X] a été engagé par la SNC Société d'Indemnisations Régionales du Crédit Agricole (la SNC SIRCA) en qualité d'assistant protection juridique. Dans un premier temps, il a été affecté à l'union de Gestion des Sinistres (UGS) de [Localité 6], puis à partir du 1er octobre 2000, à l'UGS d'[Localité 1].

Suivant avenant à effet au 1er juillet 2008, il s'est vu confier les fonctions d'adjoint à l'Appui Technique National (ATN 2), statut cadre, classification VI B. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération brute mensuelle de 4.482,17 €.

Le salarié a démissionné de ses fonctions, suivant courrier du 5 juin 2009 ainsi rédigé : «...En juin 2008, vous m'avez proposé d'accepter, pour ne pas dire imposé, un nouveau poste, celui d'adjoint au responsable technique national (adjoint ATN) alors que j'occupais jusque là le poste de responsable d'union de gestion des sinistres à [Localité 1].

J'ai été contraint d'accepter cette nouvelle mission puisqu'elle prenait effet deux jours plus tard (un vendredi après-midi pour le lundi matin suivant) et qu'un nouveau responsable était immédiatement nommé à ma place.

Un avenant à mon contrat de travail a été régularisé en septembre 2008. Il stipule seulement une modification de la nature de ma fonction, avec la même classe de la convention collective (VI B) et le même salaire.

À présent, alors que j'ai toujours été sur [Localité 1], vous n'imposez verbalement (entrevue du 4 juin) de rejoindre définitivement le siège social de Pacifica sur [Localité 4], sans la moindre contrepartie.

Or, aucune clause de mobilité n'est inscrite dans mon avenant.

Je vous informe être contraint de refuser cette mobilité. Je ne peux donner une suite favorable à cette nouvelle demande, laquelle constitue une fois de plus une modification de mon contrat de travail.

Ne pouvant plus supporter cette attitude, je me vois contraint de vous présenter ma démission, laquelle n'est que la résultante de votre comportement.

Je profite d'ailleurs de la présente pour vous joindre l'arrêt maladie établi ce jour par mon médecin traitant, lequel a constaté mon état de santé affecté...»

Par lettre du 18 juin 2009, l'employeur a pris acte de la démission du salarié et l'a dispensé d'effectuer la totalité du préavis en maintenant sa rémunération jusqu'au 4 septembre 2009.

Le 6 octobre 2010, estimant que sa démission s'analysait en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel a, par jugement en date du 25 octobre 2011, :

-dit que la lettre du salarié du 5 juin 2009 est bien une lettre de démission et ne constitue pas une prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

-débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

-condamné le salarié à verser à l'employeur la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné le salarié aux entiers dépens.

Le 16 novembre 2011, le salarié a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées par M. [FA] [X], le 15 octobre 2014, aux termes desquelles il demande à la cour de réformer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :

-dire que la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

-condamner l'intimé à lui verser les sommes de :

*90.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*28.863,13 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

-dire que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts ;

-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

-condamner l'employeur à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.

Vu les écritures de la SIRCA déposées le 15 octobre 2014, par lesquelles elle demande à la cour de :

à titre principal,

-juger que les demandes du salarié ne sont pas fondées ;

-juger que la prise d'acte s'analyse en une démission ;

en conséquence,

-confirmer le jugement entrepris ;

-débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

-constater que les demandes d'indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ne sont pas fondées dans leur quantum ;

en conséquence,

-réduire les sommes sollicitées dans les conditions précitées ;

à titre reconventionnel et en tout état de cause,

-condamner le salarié à la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner le salarié aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 15 octobre 2014.

SUR CE

Sur la rupture de la relation de travail :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat.

Lorsque le salarié sans invoquer un vice de consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, la lettre du 5 juin 2009, ci-dessus intégralement reproduite, par laquelle le salarié a mis fin à son contrat, ne constitue par une manifestation claire et non équivoque de sa part de démissionner, dès lors qu'il formule des reproches à son employeur le plaçant dans l'impossibilité de poursuivre la relation de travail et justifiant son départ. Elle doit donc s'analyser en une prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Il convient donc de rechercher si les griefs invoqués par le salarié sont justifés.

Il est établi par les éléments du dossier que pendant presque une dizaine d'années, le salarié a travaillé au sein de l'Union de Gestion des Sinistres et a connu une progression de carrière constante. C'est ainsi qu'il a été engagé le 20 novembre 1998 en qualité d'assistant protection juridique 1, statut non cadre, classification IV A de la convention collective nationale des sociétés d'assurances, qu'il a été promu assistant technique, classe V A, statut cadre à compter du 1er juillet 2001, puis adjoint responsable UGS PJ 2, classe V B, à partir du 1er janvier 2002, puis adjoint au responsable PJ 2, classe VI A à compter du 1er janvier 2005 et qu'il est devenu responsable PJ 1, classe VI B, à compter du 1er avril 2005.

Suivant avenant à effet au 1er juillet 2008, accepté par le salarié le 4 septembre 2008, il s'est vu confier les fonctions d'adjoint à l'Appui Technique National (ATN 2), statut cadre, classification VI B.

Le salarié établi par les attestations qu'il produit que du jour au lendemain il a changé radicalement de carrière ; qu'il s'est retrouvé isolé, 'mis au placard', alors qu'il occupait auparavant des fonctions manageriales ; qu'il a été contraint d'aller de plus en plus souvent à [Localité 4] où se trouve le siège social et que cette situation a eu des conséquences néfastes sur sa santé.

-Mme [B] [G], assistante protection juridique à partir de juillet 2002, a établi deux attestations dans lesquelles elle indique que le nouveau poste de M. [X] semblait être une mise au placard et qu'il était tout sauf une promotion ; qu'au début de cette nouvelle fonction, M. [X] effectuait des déplacements peu fréquents et que de janvier à juin 2009, les déplacements à la direction sinistre à [Localité 4] sont devenus hebdomadaires ; que cette situation et ces aller-retour l'ont véritablement miné ; qu'il avait perdu du poids et qu'il semblait abattu.

-Mme [O] [Y], assistante protection juridique au sein de Pacifica, UGS [Localité 1] du 16 avril 2007 au 21 avril 2011, relate avoir été surprise d'apprendre que M. [X] n'était plus directeur de l'UGS d'[Localité 1], mais adjoint responsable technique national, dans la mesure il ne s'agissait pas d'une promotion et que cela entraînait un changement de carrière plus que radical. Elle ajoute que M. [X] s'est retrouvé isolé dans un bureau à l'étage qu'elle a découvert par hasard en passant par là, puisque rien ni personne ne l'indiquait et que le peu de fois où elle a pu le rencontrer, elle a constaté que son état de santé déclinait de manière visible, qu'il était très maigre et semblait dépressif.

-M. [NR] [LA], gestionnaire de sinistres au sein de Pacifica protection juridique d'[Localité 1] du 11 juin 2008 au 21 avril 2011 indique avoir été très surpris par le changement de fonction de M. [X], lequel était intervenu de manière soudaine et inattendue. Il a constaté l'isolement très marqué de M. [X], ainsi que la dégradation très visible de son état de santé.

Certes, comme le fait remarquer l'employeur, le salarié a signé l'avenant au contrat de travail prévoyant qu'il occuperait le poste d'ATN 2 et n'a jamais évoqué la moindre pression dont il aurait été victime pour signer cet avenant, ni exprimé le moindre reproche à l'égard de sa direction. A l'occasion de son entretien annuel d'évaluation, rédigé le 24 novembre 2008, il s'est même déclaré très enthousiaste concernant ses nouvelles attributions

Cependant, pouvait-il réellement refuser ce nouveau poste, sans risquer de perdre son emploi au sein de l'entreprise ' En outre, lorsqu'il l'a accepté, il ignorait que l'exercice de ces nouvelles fonctions allaient entraîner des déplacements de plus en plus nombreux à [Localité 4] où se trouve le siège social et à terme son affectation dans cette ville. Or, son contrat ne comportait aucune clause de mobilité et il avait clairement indiqué, lors de son entretien annuel d'évaluation, ne pas vouloir changer de lieu de travail. L'employeur le savait pertinemment et envisageait cependant d'affecter durablement le salarié au siège social à [Localité 4], comme le révèlent les attestations ci-dessous retranscrites :

C'est ainsi que M. [P] [I] relate : «...Assistant de 2004 à 2007, j'occupe depuis cette dernière date la fonction de manager technique et exerce au sein de Pacifica un rôle d'encadrement. [...] À ce titre, je participe en local à toutes les réunions de service auquelles assistent exclusivement les cadres de l'entreprise en ce compris l'adjoint et le responsable de l'UGS.

Je me déplace régulièrement au siège de Pacifica ([Localité 4]) et assiste très régulièrement à d'autre réunion à l'occasion desquelles je côtoie les hauts cadres dirigeants de l'entreprise.[...]

D'abord assistant protection juridique puis rapidement adjoint, M. [X] s'est révélé être un manager charismatique et apprécié de tous pour son grand sens de l'écoute et sa participation constante au bien-être des salariés.C'est donc (au demeurant) plutôt naturellement qu'il a été nommé aux fonctions de responsable de l'UGS d'[Localité 1] [...]

Aucun contrat de travail à destination des classes 6 (en l'occurrence celle de M. [X] qui était adjoint à l'époque) ne peut imposer aux salariés concernés d'être mobile géographiquement pour prétendre à une évolution fonctionnelle et/ou hiérarchique.[...]

À l'occasion d'une réunion d'encadrement qui s'est tenue en juin 2008 en présence de [A] [TA] (directeur-général adjoint) nous avons appris la nomination de M. [X] aux fonction d'appui technique national adjoint et prise d'effet immédiate.

Cette manoeuvre faisait suite à des mouvements sociaux et à un préavis de grève déposé par plusieurs syndicats de salariés qui dénonçaient les conditions de travail.

Alors pourtant que les mouvements sociaux en question ne concernaient pas le site d'[Localité 1] mais celui de [Localité 6] (protection juridique) ainsi que plusieurs autres sites de gestion IARD en France, la réponse de la direction générale a été de contraindre M. [X] à accepter une mutation fonctionnelle en l'occurrence celle d'adjoint ATN et à nommer dans la foulée un nouveau responsable sur [Localité 1].

Cette 'promotion' a été expliquée aux collaborateurs et en premier lieu aux cadres comme une décision de nature à nous 'aider' puisque M. [X] devait exercer ses nouvelles fonctions en restant basé sur le site d'[Localité 1].

La direction générale prétendait ainsi apporter une réponse positive aux syndicats de salariés qui dénonçaient également un éloignement de plus en plus marqué du siège par rapport aux UGS et réclamaient davantage de proximité de la part des cellules techniques nationales, stratégie qui s'est avérée payante puisque aucune grève n'a finalement eu lieu.

M. [X] devait être ainsi plus proche de ses collaborateurs alors pourtant que l'ensemble de la cellule technique nationale était exclusivement basé à [Localité 4] !

Nous nous demandions comment M. [X] allait pouvoir exercer ses nouvelles fonctions sur le site d'[Localité 1] tout en parvenant à collaborer efficacement avec ses homologues parisiens et ce d'autant qu'il n'a échappé à personne que l'annuaire téléphonique interne localisait M. [X] à [Localité 4], mais avec un indicatif téléphonique... Aixois.

Dans ces circonstances, j'atteste avoir vu M. [X] se consumer à petit feu, perdre du poids et se renfermer sur lui-même, au fur et à mesure de l'augmentation de la fréquence de ses déplacements qui lui étaient demandés pour l'occuper à des tâches qu'il pouvait très bien réaliser depuis [Localité 1].

J'ai réalisé à ce moment que l'entreprise cherchait à user et épuiser M. [X] afin de le pousser à démissionner. La réalité de son poste sur [Localité 1] ne se justifiait plus puisqu'il avait été vidé de tout son sens (aider les collaborateurs sur le site d'[Localité 1]) de même que ses nouvelles fonctions à [Localité 4] puisque plus aucune tache et plus aucun travail ne lui étaient confiés.

D'autant que ce scénario s'était déjà produit par le passé avec [N] [E] (adjointe ATN habilitation) [R] [U] (ATN Pro) nommés à ces fonctions mais localisées sur deux unités de gestion très éloignées. Ils ont été contraints de démissionner ne pouvant plus assumer les multiples déplacements au siège.

Idem concernant [W] [J] et [H] [Q] respectivement de [Localité 2] et [Localité 3] ou encore [RR] [Z] (toujours en fonctions) qui a préféré quitter [Localité 3] et rejoindre l'UGS de [Localité 5] pour éviter une nomination au siège qui l'aurait irrémédiablement conduite à démissionner...

S'agissant de M. [X], le directeur général savait pertinement qu'il avait sa famille sur [Localité 1], qu'il venait d'acheter une maison et qu'il ne pourrait jamais travailler à [Localité 4]...et qu'il ne serait donc pas en mesure de se conformer au dogme de la mobilité...[...]

C'est dans ce contexte que M. [X] n'a eu d'autre choix que de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et de quitter l'entreprise fatigué et usé par de nombreux déplacements qui ne lui avaient jamais été annoncés et qui impactaient lourdement sa santé ainsi que sa vie familiale.

Par contre, suite à une réunion d'encadrement de juin 2009 à laquelle j'ai assisté, il nous a été annoncé par nos responsables que M. [X] serait muté sur [Localité 4] à compter septembre 2009. La direction générale savait qu'il refuserait cette mobilité, ce qui coïncidait très bien avec le fait que la mission de M. [X] était remplie (apaisement du climat social) et que son poste faisait doublon avec celui de Mme [L] [V], embauchée à l'extérieur peu de temps avant l'arrivée de M. [X] sur ce poste. Les missions de M. [X] pouvaient être remplies par Mme [V]. D'ailleurs son départ n'a jamais été remplacé.»

Cette attestation est corroborée par celle de M. [F] [T], lequel indique : «De par ma fonction d'adjoint au responsable de l'unité de gestion des sinistres de protection juridique d'[Localité 1], j'ai eu l'occasion de participer à des réunions ou assister à des échanges au cours desquels l'avenir de M. [FA] [X] a été évoqué. Ce, suite à un mouvement d'humeur des gestionnaires eu égard aux objectifs ardus fixés par la direction générale, mouvement qui faisait d'ailleurs écho à une grève d'une journée menée sur le site de [Localité 6]. Afin de remettre de l'ordre dans les rangs, un nouveau responsable a été nommé en la personne de [M] [D] et un poste d'adjoint à la responsable technique nationale imposé à la hâte à M. [FA] [X]. Si dans les premiers mois ses déplacements ont été peu fréquents, le rythme s'est considérablement intensifié jusqu'à devenir hebdomadaire à compter du mois de janvier 2009. Concomitamment, son intégration à la cellule technique nationale à [Localité 4] est revenue régulièrement à l'ordre du jour des réunions que j'ai pu avoir avec [A] [TA] (adjoint responsable des sinistres), [C] [K] (responsable technique nationale) ou encore [M] [D] alors que tous savaient pertinemment que M. [FA] [X] n'était pas mobile et que l'on se dirigeait ni plus ni moins vers une mutation forcée. Curieusement l'annuaire de l'entreprise avait déjà été modifié en ce sens, alors que rien n'avait été officiellement décidé... Cette pratique de délocalisation de postes vers le siège était d'ailleurs relativement courante chez Pacifica, les personnes qui y ont été confrontées ayant soit démissionné ([N] [E], [R] [U]) soit parti en retraite de manière quelque peu précipitée ([W] [J], [H] [Q]). En ce qui concerne M. [FA] [X] je sais que c'est suite avec le responsable des sinistres, [S] [XA], au début du mois de juin 2009, qu'il a décidé de présenter sa démission. En effet, il venait d'apprendre sa mutation vers le siège de la bouche de ce dernier, chose à laquelle il s'opposait eu égard aux conséquences extra professionnelles que cela engendrait.»

Il est ainsi établi que l'employeur a modifié le contrat de travail du salarié, sans l'avertir que les nouvelles fonctions qu'il lui confiait nécessitaient des déplacements de plus en plus nombreux à [Localité 4] et ce, alors que le contrat ne contenait aucune clause de mobilité et que le salarié avait indiqué ne pas vouloir changer de lieu de travail. En agissant ainsi, l'employeur a commis des manquements à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle, de sorte que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement du 25 octobre 2011 du conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence en ce qu'il a dit que la lettre du salarié du 5 juin 2009 est bien une lettre de démission et de juger que la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Tenant l'âge du salarié (41 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (10 ans et 6 mois) et de son salaire moyen mensuel brut (soit 4.482,17 €), il y a lieu de lui allouer l'indemnisation suivante:

-60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-28.863,13 € à titre d'indemnité de licenciement en application de la convention collective nationale du 27 mai 1992.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1154 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.

Il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le salarié à régler à l'employeur la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et de condamner l'employeur à régler au salarié la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur qui succombe ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Juge que la démission du 5 juin 2009 s'analyse en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la SNC SIRCA à payer à M. [FA] [X] les sommes suivantes :

-60.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-28.863,13 € à titre d'indemnité de licenciement

-2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sont dus sur l'indemnité de licenciement à compter du 8 octobre 2010 date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.

Condamne la SNC SIRCA aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/19796
Date de la décision : 28/11/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°11/19796 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-28;11.19796 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award