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13/11/2014 | FRANCE | N°12/13489

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 13 novembre 2014, 12/13489


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2014



N° 2014/ 543













Rôle N° 12/13489







SCS BANQUE DELUBAC & CIE





C/



SARL COTE VACANCES





















Grosse délivrée

le :

à :TOLLINCHI

BOULAN

















Décision déférée à la Cour :


>Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 10 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00938.





APPELANTE



SCS BANQUE DELUBAC & CIE poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par la SCP TOLLINCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMEE



...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2014

N° 2014/ 543

Rôle N° 12/13489

SCS BANQUE DELUBAC & CIE

C/

SARL COTE VACANCES

Grosse délivrée

le :

à :TOLLINCHI

BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 10 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00938.

APPELANTE

SCS BANQUE DELUBAC & CIE poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par la SCP TOLLINCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL COTE VACANCES prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014,

Rédigé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société COTE VACANCES exerce l'activité d'hôtellerie et restauration aux Orres (Hautes-Alpes).

Le 12 mal 2011, elle a commandé 154 téléviseurs ainsi que les fixations murales correspondantes à la société GROUPE XALIS et a versé un acompte de 5.980 euros TTC.

Le paiement d'une somme complémentaire de 17.940 euros TTC, était prévu après la livraison et l'installation complète des téléviseurs, par le biais d'une lettre de change créée le 29 mal 2011 à échéance du 31 juillet 2011.

Le solde devait être réglé sur une période de vingt-quatre mois.

Au motif que les téléviseurs commandés n'avaient pas été livrés, COTE VACANCES a demandé le rejet de la traite émise par ses soins.

La BANQUE DELUBAC & Cie, tiers porteur, lui a adressé une mise en demeure de payer et a obtenu contre elle une ordonnance du président du tribunal de commerce de NICE, en date du 29 septembre 2011, portant injonction de payer la somme de 22.383,26 euros.

La SARL COTE VACANCES a fait opposition à cette ordonnance.

Par jugement en date du 10 juillet 2012, le tribunal de commerce de Nice a constaté que la banque n'avait pas fait dresser protêt dans les délais requis, a déclaré fondée l'opposition formée par la société COTE VACANCES, a jugé irrecevable la procédure d'injonction de payer introduite par la banque, a mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 29 septembre 2011 , a débouté la banque DELUBAC de l'ensemble de ses demandes et a condamné celle-ci à payer à la SARL COTE VACANCES la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pénale, outre les dépens.

Vu la déclaration d'appel, formée le 16 juillet 2012 par la BANQUE DELUBAC & Cie.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 15 octobre 2012 par lesquelles cette banque demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de juger que l'opposition formée par la société COTE VACANCES est mal fondée, de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 17 940 €, à titre principal, assortie des intérêts au taux légal sur cette somme, à compter du 5 août 2011, date de la réception de la mise en demeure et jusqu'à complet paiement, outre 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avocats associés.

Elle expose que la société GROUPE XALIS a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 25 mai 2011; qu'au cours de la période d'observation, à la demande de l'administrateur judiciaire, elle a ouvert un compte courant dans ses livres, au nom de ladite société , ainsi qu'une ligne d'escompte d'effets acceptés ; que le 6 juin 2001, cette société a remis à l'escompte un effet de 17 940 €, créé le 29 mai 2011, accepté par la Société COTE VACANCES, tiré accepteur, sans aucune réserve ; qu'en dépit de cela, l'effet de commerce est revenu impayé à l'échéance du 31 juillet 2011.

Vu les conclusions déposées et notifiées par la société COTE VACANCES le 17 décembre 2012, par lesquelles elle demande à la cour de constater que la banque DELUBAC n'a pas dressé protêt dans les délais requis, de juger que la procédure en Injonction de payer est irrecevable, en conséquence de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de constater la nullité de la lettre de change pour défaut de signature du tireur au moment de l'acceptation par le tiré, de juger, par ailleurs, que la banque DELUBAC est un porteur de mauvaise foi, en conséquence de juger que les exceptions tirées du bon de commande signé entre la SARL COTE VACANCES et le groupe XALIS sont opposables à la BANQUE DELUBAC, tiers porteur, de juger que le groupe XALIS n'a pas respecté ses obligations contractuelles et que l'exception d'Inexécution opposée par elle est fondée, de constater dès lors l'absence de provision ou de dette, de dire bien-fondé son opposition à l'injonction de payer et de débouter la banque DELUBAC de l'ensemble de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, ceux d'appels distraits au profit de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 septembre 2014.

SUR CE, LA COUR,

1. La société COTE VACANCES fait valoir qu'il appartenait à la banque, porteur de l'effet, se heurtant à son refus de payer, de faire dresser protêt , ainsi que prévu par l'article L 511-39 du code de commerce ; qu'il en résulte que la BANQUE DELUBAC est un porteur négligent qui ne peut se prévaloir d'un recours contre le tiré, de sorte que sa demande est irrecevable.

Mais, l'article L. 511-43 du Code de Commerce dispose que «Le tireur, un endosseur ou un avaliseur peut, par la clause " retour sans frais ", " sans protêt " ou toute autre clause équivalente inscrite sur le titre et signée, dispenser le porteur de faire dresser, pour exercer ses recours, un protêt faute d'acceptation ou faute de paiement » .

Or, en l'espèce, l'effet de commerce accepté et signé par la société COTE VACANCES mentionne en caractères imprimés : « Contre cette LETTRE DE CHANGE stipulée SANS FRAIS, veuillez payer la somme indiquée ci-dessous à l'ordre de : ».

Quant à l'absence de signature validant spécialement cette stipulation, elle est sans incidence, car la clause imprimée figure déjà dans le corps même de la traite, en même temps que les mentions essentielles et se trouve validée par la signature unique du tireur apposée, selon l'usage, au bas de la traite.

La banque n'avait donc aucune obligation de dresser un protêt pour lui permettre d'exercer ses droits contre la société COTE VACANCES, tiré-accepteur, contrairement à ce qui a été jugé.

2. La société COTE VACANCES demande à la cour de prononcer la nullité de la lettre de change, pour absence de signature. Elle fait valoir que la validité d'une lettre de change est soumise à l'existence de plusieurs mentions obligatoires ; que, notamment, elle doit comporter la signature du tireur, avant la date d'apposition de la signature d'acceptation par le tiré ; qu'or, en l'espèce, elle est en mesure de produire devant la cour un double de la lettre de change revêtue de sa seule signature de tiré, c'est-à-dire dans l'état où elle l'a adressée à la société Groupe XALIS avant que celle-ci ne la signe ; que cet état de fait est attesté par la comptable de COTE VACANCES à l'époque, Madame [H] [I] ; que ceci s'explique par le fait que cet effet a été rédigé par M. [N], gérant de la société COTE VACANCES, qui l'a signé et adressé par courrier en date du 30 mai 2011 à la société GROUPE XALIS, qui y a ensuite apposé sa signature, postérieurement à celle du tiré, les parties ne s'étant jamais rencontrées physiquement, l'une ayant son siège à [Localité 1] et l'autre à [Localité 2] ; que le fait n'est d'ailleurs pas contesté par la banque que cette lettre de change a été rédigée par Monsieur [N] qui l'a donc nécessairement signée dans un même trait de temps, avant de l'expédier par courrier au tireur ; qu'il en résulte que ce document ne vaut pas comme lettre de change et qu'il ne peut servir de fondement à une action de la banque à son encontre.

La banque réplique que la production d'une simple copie non certifiée conforme à l'original par COTE VACANCES n'a aucun caractère probant, puisque au sens de l'article 1282 du code civil et de la jurisprudence, seule la remise du titre original peut faire la preuve de la libération et qu'au sens de l'article 1348 du code civil, la valeur probante d'une copie reste très exceptionnelle.

En tout état de cause, il ne résulte pas des éléments que la société COTE VACANCES soumet à la cour la preuve suffisante que la copie qu'elle produit est bien celle du titre original inachevé, étant observé que la lettre de change originale présentée par la banque est parfaitement valable pour comporter toutes les mentions exigées par la loi.

3. COTE VACANCES fait valoir que 15 jours avant l'échéance de la lettre de change, elle a demandé à la BANQUE BRA (Banque Rhône Alpes) de rejeter la traite au bénéfice de la société XALIS ; que la BANQUE DELUBAC ne pouvait ignorer cet ordre de rejet et ne pouvait ignorer davantage les difficultés de la société groupe XALIS, déclarée lors de son redressement judiciaire en date du 25 mai 2011, en état de cessation des paiements depuis le 1er octobre 2010, c'est-à-dire dans une situation Irrémédiablement compromise ; que la lettre de change n'a pas été acceptée sans réserve puisque le bon de commande valant contrat entre la société COTE VACANCES et la société groupe XALIS indique expressément que l'acompte de 15.000 euros HT ne serait payé qu'après livraison et installation complète ; qu'en raison de la mauvaise foi de la banque DELUBAC, elle peut lui opposer les exceptions relatives aux rapports liant la société COTE VACANCES au groupe XALIS .

Mais, dans le rapport cambiaire, la société COTE VACANCES, tirée, a donné son acceptation pure et simple.

Elle ne peut donc faire valoir, pour tenter d'échapper à son obligation de payer, les conventions intervenues entre elle et le tireur, par application du principe de l'inopposabilité des exceptions posé par l'article L. 511-12 du Code de commerce.

Si ce principe ne profite qu'au porteur de bonne foi, COTE VACANCES ne fait pas la démonstration qu'en consentant à l'endossement du titre à son profit, la banque a eu conscience de lui causer un dommage par l'impossibilité où elle l'a mise de se prévaloir, vis-à-vis du tireur, d'un moyen de défense issu de ses relations avec ce dernier.

En effet, la banque n'avait aucune connaissance de la non-livraison des téléviseurs, au moment où elle a reçu la traite le 6 juin 2011 et la connaissance par celle-ci de la cessation des paiements du tireur n'établit pas sa mauvaise foi, étant observé que la société COTE VACANCES a elle-même contracté avec XALIS postérieurement à la date de cessation des paiements, ce qui prouve qu'elle accordait alors sa confiance à cette société.

D'autre part, l'état de cessation de paiement ne préjugeant en rien de la capacité d'une entreprise à exécuter ses obligations, soit en l'espèce la livraison des marchandises durant la période d'observation, la banque est ainsi fondée à soutenir qu'au 6 juin 2011 elle n'avait aucun élément pour imaginer que la traite ne serait pas honorée avant son échéance du 31 juillet 2011.

Enfin, l'argument pris de l'existence d'un ordre de rejet de la traite en date du 15 juillet 2011 est sans valeur, puisque cet ordre est postérieur à la date la banque a accepté la remise à l'escompte.

En conséquence, le moyen sera écarté.

4. Il ne s'élève aucune contestation sur les chiffres de la demande présentée par la BANQUE DELUBAC, au demeurant justifiée par les pièces produites.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé et il sera fait droit aux demandes de la banque, dans les termes du dispositif, les dépens étant laissés à la charge de la partie qui succombe et l'équité commandant qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Vu les articles 1405 et suivants du code de procédure civile,

Infirmant le jugement entrepris, en ce qu'il a accueilli l'opposition formée par la société COTE VACANCES à l'ordonnance portant injonction de payer,

Statuant à nouveau,

Condamne la société COTE VACANCES à payer à la BANQUE DELUBAC & Cie la somme de 17 940 € en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2011, date de la mise en demeure,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société COTE VACANCES aux dépens, dont ceux d'appel distrait au profit de la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avocats associés.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/13489
Date de la décision : 13/11/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/13489 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-13;12.13489 ?
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