COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 30 OCTOBRE 2014
N° 2014/779
L. B.
Rôle N° 13/21417
[W] [V]
C/
[S] [I]
Grosse délivrée
le :
à :
Maître Hakim IKHLEF
Maître Paul-Victor BONAN
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 23 octobre 2013 enregistrée au répertoire général sous le N° 13/01517.
APPELANTE :
Madame [W] [V]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 2] (13),
demeurant [Adresse 1]
représentée et plaidant par Maître Hakim IKHLEF, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ :
Monsieur [S] [I]
né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 1] (ALGÉRIE),
demeurant [Adresse 2]
représenté et plaidant par Maître Paul-Victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 septembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Laure BOURREL, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Madame Laure BOURREL, conseiller
Madame Dominique KLOTZ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 octobre 2014.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 octobre 2014,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Selon convention du 30 août 1991, à effet au 30 mars 1991, M. [S] [I] a consenti à Mme [W] [V] un bail commercial portant sur des locaux à usage de bar et logement situés [Adresse 1], au loyer annuel de 19 029 F.
Après expertise, par jugement du 12 novembre 2012, la juridiction des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Marseille a :
' fixé à la somme de 7'899,60 € HT et hors charges par an le prix du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2009 afférent aux locaux situés [Adresse 1] donnés à bail commercial à Mme [W] [V], toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,
' condamné Mme [W] [V] à payer sur l'arriéré résultant du loyer ainsi fixé les intérêts au taux légal à compter de chacune des échéances échues depuis le 1er avril 2009,
' ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,
' dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
' ordonné l'exécution provisoire,
' rejeté tout autre demande,
' fait masse des dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire et dit que chaque partie en supporterait la moitié.
Aucun recours n'aurait été interjeté à l'encontre de cette décision.
Le 7 février 2013, M. [S] [I]e a fait délivrer à Mme [W] [V] un commandement de payer la somme en principal de 15'324,79 € au titre du rappel de loyer depuis le 1er avril 2009, y compris les intérêts au taux légal et capitalisés, comptes arrêtés au 23 novembre 2012, ainsi que la moitié des frais et dépens, acte visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.
Par exploit du 22 mars 2013, M. [S] [I] a assigné Mme [W] [V] en constatation de la résiliation du bail, en expulsion, en fixation et condamnation à une indemnité d'occupation, et en constatation de la condamnation de Mme [W] [V] à la somme de 15 324,79 €.
Mme [W] [V] a invoqué l'incompétence du juge des référés au motif que le juge du fond avait été saisi antérieurement, et sur le fond à l'existence de contestations sérieuses au regard des conclusions du rapport d'expertise relatif aux travaux à effectuer dans les lieux loués; reconventionnellement, elle a sollicité le paiement d'une provision de 10'046,40 €, montant du coût des travaux à effectuer, ainsi que la somme de 20'000 €
au titre de la réparation de son trouble de jouissance, et que soit ordonnée la compensation avec la somme de 15'324,79 € due au titre des loyers complémentaires en exécution du jugement du 12 novembre 2012, et subsidiairement, elle a sollicité la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement.
Par ordonnance de référé du 23 octobre 2013, le président du tribunal de grande instance de Marseille :
' a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme [W] [V],
' s'est déclaré compétent pour statuer,
' a constaté la résiliation du bail commercial conclu par les parties le 30 août 1991 au 7 mars 2013,
' a prononcé l'expulsion de Mme [W] [V] des locaux sis [Adresse 1], ainsi que celle de tous occupants de son chef,
' a condamné Mme [W] [V] à payer à M. [S] [I] une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer en cours,
' a déclaré recevable l'ensemble des demandes reconventionnelles formulées par Mme [W] [V],
' a débouté Mme [W] [V] de l'ensemble de ces demandes reconventionnelles,
' a condamné Mme [W] [V] à payer à M. [S] [I] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [W] [V],
' a débouté les parties de toutes leurs autres prétentions,
' a condamné Mme [W] [V] aux dépens.
Mme [W] [V] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 1er septembre 2014, qui sont tenues pour entièrement reprises, l'appelante demande à la cour de :
« Vu les articles 771 et suivants du code de procédure civile,
Vu les arguments qui précèdent et les pièces versées aux débats,
Infirmer l'ordonnance de référé en date du 23 octobre 2013 rendue par Mme le président du tribunal de grande instance de Marseille, en toutes ses dispositions.
À titre principal
Dire et juger n'y avoir lieu à référé en l'état de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement
Suspendre les effets de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial liant M. [I] à Mme [V].
En tout état de cause
Condamner M. [I] à verser à Mme [V] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. »
Par conclusions n° 2 du 19 septembre 2014, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. [S] Ghodbane demande à la cour :
« Vu les articles 808, 809 du code de procédure civile,
Confirmer la décision dont appel.
Débouter Mme [V] de ses demandes.
Constater que la clause résolutoire insérée dans le bail a joué.
Constater la résiliation du bail en date du 31 août 1991.
Prononcer l'expulsion de Mme [W] [V] ainsi que celle de tous occupants de son chef, etiam manu militari, des locaux situés [Adresse 1].
Constater que Mme [W] [V] a été condamnée à payer à M. [S] [I] la somme de 15'324,79 € par décision en date du 12 novembre 2012 rendue par le juge des loyers commerciaux.
Fixer l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer.
Condamner Mme [W] [V] à payer à M. [S] [I] la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner Mme [W] [V] aux entiers dépens. »
MOTIFS
Sur l'exception d'incompétence
Parallèlement à la procédure en révision du loyer commercial, par ordonnance de référé du 11 mai 2009, à la requête de Mme [W] [V], le président du tribunal de grande instance de Marseille a commis M. [Q] [L] en qualité d'expert afin, entre autres, de décrire les désordres affectant les lieux donnés à bail selon contrat du 30 août 1991, de préciser et chiffrer les travaux nécessaires à la réfection des lieux, et de fournir tout élément nécessaire à l'appréciation du préjudice subi.
Par exploit du 21 janvier 2013, au regard des conclusions du rapport de M. [L], Mme [W] [V] a assigné au fond M. [S] [I] en homologation du rapport d'expertise clôturé le 27 novembre 2009, en condamnation de M. [S] Ghodbane à lui payer la somme de 10'046,40 € au titre des travaux de réfection, la somme de 20'000 € en réparation du trouble de jouissance subi, en compensation de ces condamnations avec la somme de 15'324,79 € due au titre des loyers complémentaires en exécution du jugement du 12 novembre 2012 du juge des loyers commerciaux, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Dans cette affaire, les parties ont reçu une convocation du greffe de la 2ème chambre du tribunal de grande instance de Marseille du 11 mars 2013 intitulée ' Premier appel à la conférence du président (articles 758 et 759 du code de procédure civile) ' pour l'audience du 17 mai 2013.
La cause dont est saisi le juge du fond par l'assignation du 21 janvier 2013 est différente de la saisine du juge des référés dans la mesure où la première porte sur la condamnation du bailleur au paiement des travaux de réfection à effectuer alors que la présente instance en référé a pour objet la résiliation du bail ensuite du non-paiement des loyers.
En toute hypothèse, le juge de la mise en état n'était pas encore saisi à la date de l'assignation en référé du 22 mars 2013 puisque l'audience du 17 mai 2013 était indiscutablement une conférence présidentielle au regard de l'intitulé de la convocation du 11 mars 2013 laquelle vise expressément les articles 758 et 759 du code de procédure civile.
Le juge des référés est donc compétent pour connaître de la demande de constatation de la résiliation du bail commercial du 30 août 1991 et l'ordonnance de référé sera confirmée sur ce point.
Sur le fond du référé
Mme [W] [V] ne conteste pas devoir la somme de 15'324,79 € au titre du complément des loyers dus ensuite du jugement du 12 novembre 2012 du juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Marseille, et ne conteste pas ne pas avoir payé cette somme dans le mois du commandement de payer qui lui a été délivré le 7 février 2013.
Elle soutient qu'il existerait une contestation sérieuse dans la mesure où par ordonnance de référé du 25 juin 2010, le président du tribunal de grande instance de Marseille a commis M. [B] [T] afin de faire les comptes entre les parties à partir de 2005.
La lecture de cette ordonnance révèle que dans cette instance M. [S] [I] sollicitait en référé un arriéré de loyer depuis 2001 et la résiliation du bail et dans l'hypothèse où l'expulsion ne serait pas ordonnée, la condamnation de Mme [W] [V] sous astreinte à laisser l'accès aux lieux loués pour pouvoir effectuer les travaux prescrits par l'expert, et que pour sa part, Mme [W] [V] faisait valoir qu'une partie des loyers réclamés était prescrits, qu'elle contestait le montant des charges réclamées, et qu'elle invoquait les conclusions du rapport de M. [L] pour solliciter une provision au titre des travaux de mise en conformité des lieux loués.
Bien que compte tenu du délai écoulé, le rapport de M. [T] a nécessairement été clôturé, celui-ci n'est pas produit par les parties.
Surtout, cette expertise ne porte pas sur le complément de loyer dû depuis le 1er avril 2009, dont le montant n'est pas contesté par les parties.
En outre, la lecture du jugement du 12 novembre 2012 du juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Marseille révèle que dans cette décision, les conclusions de M. [L] ont été prises en compte pour la fixation du loyer à compter de cette date, lequel loyer a donc été minoré.
La somme de 15'324,79 € est donc incontestablement due par Mme [W] [V].
Mme [W] [V] sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement.
Cependant, la durée de la présente instance et les diverses pièces versées aux débats qui révèlent que malgré un loyer particulièrement modique, celle-ci ne l'a pas payé pendant de nombreuses années, et qu'après le dépôt du rapport de M. [L], elle s'est opposée à l'intervention des entreprises commises par M. [S] [I] pour effectuer les travaux urgents, s'opposent à la suspension des effets de la clause résolutoire et à l'octroi de délais de paiement.
L'ordonnance de référé qui a constaté la résiliation du bail au 7 mars 2013 sera donc confirmée.
Elle sera aussi confirmée en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de Mme [W] [V] et fixé l'indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du dernier loyer en cours.
Toutefois, il sera ajouté que l'expulsion est ordonnée au besoin avec l'aide de la force publique.
Il sera aussi constaté que par exécution du jugement du 12 novembre 2012, Mme [W] [V] reste devoir la somme de 15'324,79 €, comptes arrêtés au 23 novembre 2012.
L'équité commande de faire bénéficier M. [S] [I] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance de référé entreprise,
Y ajoutant,
Constate que par exécution du jugement du 12 novembre 2012 du juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Marseille, Mme [W] [V] doit à M. [S] [I] la somme de 15'324,79 €, comptes arrêtés au 23 novembre 2012,
Précise que l'expulsion de Mme [W] [V] pourra s'effectuer au besoin avec l'aide de la force publique,
Condamne Mme [W] [V] à payer à M. [S] [I] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Condamne Mme [W] [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT