COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2014
N° 2014/652
BP
Rôle N° 13/11039
SA AEROPORT COTE D'AZUR
C/
[T] [K]
Société CDG PARTICIPATIONS
SA DUTY FREE ASSOCIATES
[Z]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS
Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE
Me Constance AMEDEGNATO, avocat au barreau de PARIS
Me Anne-Christine ROUSSET, avocat au barreau de GRASSE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 12 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1123.
APPELANTE
SA AEROPORT COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Anne-Christine ROUSSET, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Madame [T] [K], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE
Monsieur [Z] [B] agissant ès qualités de liquidateur amiable de CDG PARTICIPATION venant aux droits de la SOCIETE KOBA, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS
([Adresse 2])
SA DUTY FREE ASSOCIATES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Constance AMEDEGNATO, avocat au barreau de PARIS (242 bis bd saint germain - 75007 PARIS)
substitué par Me Marie-Pierre ANDRE-BUDIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Brigitte PELTIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2014.
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les conclusions des parties, déposées et développées oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions ;
Mme [T] [V] dont l'ancienneté était reprise au 1er mars 2002, a été engagée à compter du 17 avril 2002 en qualité de vendeuse-caissière à temps complet, affectée sur les deux boutiques du Terminal 1 et 2 de l'aéroport de [Localité 2], exploitées par la société Koba Aéroport en vertu d'une convention d'autorisation temporaire d'occupation du domaine public aéronautique délivrée par la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR, concessionnaire des aéroports de [1] et de [Localité 1] ; elle percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de 1.602,01 euros ;
Par courrier du 30 août 2010, la société Koba a informé la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR de sa décision de mettre un terme anticipé aux conventions d'exploitation des boutiques des terminaux 1 et 2 ;
Par courrier du 2 décembre 2010, la société Koba a informé ses salariés de sa cessation d'exploitation des boutiques sur l'aéroport de [Localité 2] au 31 janvier 2011, d'un appel d'offres en cours permettant de désigner leur nouvel employeur par application de l'article L. 1224-1 du code du travail sauf démission des salariés ; elle leur a délivré les documents sociaux de rupture du contrat de travail le 31 janvier 2011 ;
Par courrier du 15 février 2011, la société Koba a informé ses salariés du transfert automatique de leur contrat de travail à la société Aelia, laquelle a refusé la reprise du contrat de travail de Mme [V] au motif qu'elle n'était pas directement liée à l'objet du dossier de consultation auquel elle avait répondu et que la société Koba ne lui avait pas fourni les informations concernant uniquement les salariés de la boutique du Terminal 1, dont l'exploitation lui était seule concédée ;
Après assignation en référé à l'encontre des sociétés Koba et Aélia en date du 1er avril 2011, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes par requête en date du 15 juin 2011, en demandant en dernier lieu la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Koba ; après avoir sollicité la mise en cause de la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR, le conseil de prud'hommes, par jugement du 12 avril 2013, a dit la rupture imputable à cette société, en conséquence condamnée au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires, indemnités de rupture et dommages et intérêts ;
La société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a formé appel contre cette décision ;
A titre préliminaire, la salariée demande le rejet des pièces produites par la société CDG Participations, sans communication préalable effectuée dans un délai susceptible de permettre le respect du contradictoire ;
La société CDG Participations déclare s'en rapporter en faisant observer que les parties ont toutes accepté la production au jour de l'audience des pièces 29 à 31 versées par la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR ;
Sur le fond, la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR conclut à l'annulation du jugement et soutient en ce sens que le conseil de prud'hommes a, d'une part statué ultra petita (faute de demande formée en son encontre), d'autre part excédé sa compétence matérielle (en appréciant les relations contractuelles entre deux sociétés) ; à l'infirmation de cette décision et soutient en ce sens, d'une part qu'elle n'a commis aucune faute, d'autre part qu'il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique autonome, enfin que la salariée ne s'est pas tenue à sa disposition ; au remboursement des sommes versées en exécution du jugement ; au débouté des demandes de la salariée formées en son encontre ; au débouté de la société CDG venant aux droits des sociétés Koba et Koba Aéroport et à la condamnation de celle-ci à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle est en charge de la gestion des locaux de l'aéroport [1], sis sur le domaine public aéronautique de l'Etat ; que le 31 janvier 2011, la société Koba Aéroport a cessé son activité au sein des boutiques exploitées sur les terminaux 1 et 2 et a procédé à la rupture des contrat de travail sans procédure de licenciement ; que sa mise en cause dans le litige n'avait été demandée par cette société que pour qu'elle communique les éléments utiles concernant la reprise des locaux qu'elle exploitait jusqu'au 31 janvier 2011 et qu'aucune autre demande n'avait été formée à son encontre ; que le conseil de prud'hommes n'avait pas compétence pour apprécier les relations contractuelles entre la société Koba et elle-même ; qu'ayant mis en 'uvre tous les moyens utiles, elle ne peut être tenue pour responsable de ce qu'un appel d'offre soit resté infructueux ; qu'elle est concessionnaire des aéroports et non propriétaire de fonds de commerce, lesquels n'existent pas, faute notamment de clientèle propre ; qu'elle a délivré des autorisations d'occupation temporaire du domaine public et non consenti des baux commerciaux ; qu'en conséquence, la jurisprudence relative à l'obligation pour le repreneur de reprendre le personnel attaché au fonds de commerce n'est absolument pas applicable à l'espèce ; que lorsque le transfert ne porte pas sur la totalité des activités de l'entreprise, il convient d'identifier les salariés concernés par le transfert ainsi que la proportion du contrat de travail transféré ; qu'à défaut de transfert, le contrat de travail devait être maintenu avec la société Koba Aéroport ; qu'elle a parfaitement informé l'occupant entrant et l'occupant sortant de leurs obligations respectives et qu'elle ne peut être tenue responsable des fautes commises par la société Koba qui a refusé de transmettre les informations relatives à la répartition du temps de travail de Mme [V] entre les boutiques du Terminal 1 et 2 et a ainsi empêché toute reprise ne serait-ce qu'en partie ;
Mme [V] demande à titre principal qu'il soit ordonné la poursuite de son contrat de travail avec la société DFA sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, la juridiction se réservant le droit de liquider l'astreinte, et que cette société soit condamnée à lui payer les sommes de 59.274,37 euros à titre de rappel de salaire outre congés payés y afférents, 15.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens et en cas de reprise partielle de son contrat de travail, ordonner, sous bénéfice de la même astreinte, le transfert pour 50 % du temps de travail ainsi que la poursuite du contrat de travail avec la société CDG pour 50 % du temps de travail et condamner chacune des deux sociétés au paiement de la moitié des salaires outre congés payés y afférents ainsi que conjointement la somme de 15.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens ; et à défaut de réintégration en application de l'article 1224-1 du code du travail, prononcer la résiliation judiciaire aux torts de la société DFA et condamner cette société au paiement des sommes de 59.274,37 euros à titre de rappel de salaire outre congés payés y afférents, 3.201,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, 4.272,02 euros à titre d'indemnité de licenciement, 39.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens ;
À titre infiniment subsidiaire, et à défaut d'application de l'article 1224-1 du code du travail, qu'il soit constaté qu'elle n'a plus perçu de rémunération à compter du 1er février 2011 et qu'elle n'a pas été licenciée ; elle sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail au torts de l'employeur et la condamnation de la société CDG Participations venant aux droits de la société Koba au paiement des sommes de 59.274,37 euros à titre de rappel de salaire outre congés payés y afférents, 3.201,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, 4.272,02 euros à titre d'indemnité de licenciement, 39.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens ;
En tout état de cause, elle conclut à la mise hors de cause de la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR et à la remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés ;
Elle soutient que son contrat de travail a automatiquement été transféré, dans son intégralité, à la société DFA par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, s'agissant du transfert d'une entité économique propre ; que la société DFA s'est contentée de reprendre une salariée à temps complet et une autre à temps partiel alors que l'appel d'offres décroché mentionnait une enveloppe salariale représentant 3,5 employés équivalents temps plein et que la reprise de la boutique du Terminal 1 emportait transmission de son contrat de travail dans son intégralité, motif pour lequel il convient de condamner la société DFA à reprendre le contrat de travail et lui verser les salaires échus depuis le 1er février 2011 ; à titre infiniment subsidiaire, si la juridiction considérait qu'elle exerçait ses fonctions au sein des deux boutiques à part égales, qu'il convient d'ordonner la reprise du contrat de travail à hauteur de 50 % du temps de travail puisque la société DFA a reconnu qu'elle travaillait 3 jours par semaine à raison de 8h par jour pour l'une des boutiques et 3 jours par semaine à raison de 8h par jour pour l'autre boutique ; que pour le surplus, le contrat de travail devait se poursuivre avec la société Koba qui ne l'a pas licenciée ; qu'il convient pour cette raison de condamner chacune de ces 2 sociétés à lui payer la moitié du rappel de salaire dû outre dommages et intérêts pour résistance abusive ; que son préjudice est incontestable ; que si par impossible, son contrat de travail n'était pas repris par la société DFA, sa demande à fin de résiliation judiciaire est bien fondée du fait des manquements commis par la société DFA qui a refusé de lui fournir du travail, et ne lui a versé aucune rémunération, au motif qu'il lui était impossible de déterminer les salariées devant être transférées faute d'infos transmises par la société sortante ; à titre subsidiaire, si la juridiction considérait non applicable l'article L. 1224-1 du code du travail il devrait être prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Koba laquelle n'a pas correctement transmis au repreneur les informations relatives au personnel transférable et a manqué à ses obligations en ne la payant plus à compter du 1er février 2011, en refusant de la réintégrer en dépit de ses demandes, en lui remettant une attestation Pôle Emploi faisant mention erronée d'un transfert sans procéder à son licenciement régulier ; qu'elle est en conséquence bien fondée en ses demandes dirigées contre cette société ;
La société CDG Participations, sous procédure de liquidation amiable et venant aux droits de la société Koba Aéroport, conclut à titre principal à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause, et à la condamnation des sociétés AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR et DFA au paiement des sommes qui seraient dues à Mme [V] outre 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; au débouté de toute autre prétention formée à son encontre ; à titre subsidiaire à la fixation de sa créance à son égard à la moitié des seules indemnités de préavis outre congés payés y afférents et de licenciement ;
Elle fait valoir que la société Koba Aéroport était l'une de ses filiales, exploitant deux boutiques sur l'aéroport de [Localité 2], proposées dans le cadre d'un même appel d'offres ; qu'au cours de l'année 2010, le groupe a décidé de la cessation de ses activités devenues déficitaires, l'ensemble des sociétés étant fusionnées pour être dissoutes après reprise des salariés travaillant dans les différents points de vente et licenciement économique pour ceux de la holding ; qu'elle ignorait que la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR avait décidé de deux appels d'offres distincts pour chacune des boutiques, lesquelles avaient auparavant été proposées dans le cadre d'un même appel d'offres et qu'elle ignorait en conséquence que la société Aélia ne reprendrait que la boutique du terminal 1 ; que c'est donc en toute bonne foi qu'elle avait avisé les salariés le 15 février 2011 de la poursuite du contrat de travail avec DFA/Aélia ; que ce n'est que par courrier du 4 mars 2011 que la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR l'avait informée de la mise en place de deux procédures d'appel d'offres dont une seule avait été fructueuse, l'offre de Dufry étant par la suite retenue dans le cadre d'une convention de gré à gré ; qu'elle n'a également pas été alertée de la difficulté par Mme [V] et ce, alors que AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR lui avait demandé transmission des informations relatives aux salariés employés sur les deux terminaux ; que Mme [V] travaillait au sein des deux boutiques ; que le débat au titre de la nullité du jugement déféré est vain et que les arguments présentés par AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR sont inopérants dès lors qu'elle a organisé le processus destiné à choisir seule des repreneurs, que ces repreneurs avec lesquels elle a conclu existent ; qu'ayant agi de façon frauduleuse, les dispositions légales lui sont opposables ; que AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR est une société de droit privé exerçant une activité exclusivement commerciale, gérant l'ensemble des commerces exploités au sein des terminaux, fixant la durée des conventions, le mode d'attribution des locaux (par appel d'offres ou convention de gré à gré) et percevant des loyers et redevances, en un mot se comportant comme un propriétaire ; que l'interruption de l'exploitation durant quelques mois n'est pas susceptible de faire obstacle à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR souligne elle-même dans son cahier des charges que le nouvel exploitant devait reprendre les salariés de l'ancien ; que AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a eu une attitude dolosive en écrivant le 4 mars que [I] devait faire face à ses obligations d'employeur dès lors que l'appel d'offres relatif à la boutique du terminal 2 était demeuré infructueux et que l'exploitation n'était donc pas poursuivie, alors cependant qu'elle était en pourparlers pour la conclusion d'une convention de gré à gré finalement conclue avec Dufry ; que par sa rétention d'information AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a empêché l'application légitime et normale des dispositions légales, motif pour lequel le conseil de prud'hommes est entré en voie de condamnation à l'encontre de celle-ci, laquelle aurait dû soit reprendre les salariés dans l'attente de l'entrée en jouissance du repreneur, soit sommer le repreneur d'intégrer les salariés à son effectif, peu important son erreur initiale commise de bonne foi résultant de ce qu'elle pensait qu'Aélia/DFA reprenait les deux boutiques ; qu'elle a cessé l'exploitation des boutiques au 31 janvier 2011 et qu'elle ne pouvait par application de l'article L. 1224-1 du code du travail procéder au licenciement des salariés, attachés aux magasins dont l'exploitation a été poursuivie ;
A titre subsidiaire, elle soutient que sa lettre du 15 février 2011 outre remise des documents sociaux doivent être considérés comme ayant rompu les contrats et qu'en conséquence Mme [V] doit être déboutée de sa demande à fin de résiliation judiciaire, a fortiori de sa demande en rappel de salaire, alors de surcroît qu'elle ne s'est pas tenue à sa disposition puisque ayant travaillé au moins à compter du 29 novembre 2011 au service d'une autre société et ne justifie pas de sa situation économique antérieure ; que seules les demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents et indemnité de licenciement pourraient être accueillies pour moitié, l'autre restant à charge de DFA, la rupture devant s'analyser à son égard en un licenciement fondé sur un motif objectif résultant d'une cessation d'activité ;
La société Duty Free Associates (DFA) demande qu'il soit constaté qu'elle n'a repris que la boutique du Terminal 1 et qu'elle n'est donc tenue qu'au titre des contrats de travail rattachés à cette boutique ; que celui de Mme [V] qui n'y était rattaché que pour 50 %, ne peut être transféré qu'à hauteur de 50 %, le montant du salaire dû devant se limiter à 50 % ; A titre reconventionnel, elle demande à être relevée et garantie de toute condamnation éventuelle par la société CDG Participations venant aux droits de la société Koba Aéroport à l'encontre de laquelle elle sollicite en outre condamnation au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose être une filiale du groupe Aélia, spécialisée dans l'exploitation de commerces duty free ; qu'en suite de l'appel d'offres relatif à l'exploitation de la boutique du Terminal 1, elle a sollicité par courrier du 7 décembre 2010 les éléments d'information quant aux salariés affectés à cette boutique ; qu'elle a reçu en réponse (le 9 décembre) deux tableaux concernant le Terminal 1 (4 salariés pour 2,73 ETP) et le Terminal 2 (4 salariés pour 3,17 ETP) ; puis alors qu'elle attendait la liste nominative des salariés attachés à la boutique du Terminal 1, qu'elle a reçu (le 11 février) l'ensemble des contrat de travail rattachés aux deux boutiques ; qu'elle a immédiatement alerté son cocontractant AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR par courrier du 15 février 2011 en lui demandant transmission des seuls contrats de travail afférents à la boutique du Terminal 1 ; que la société Koba Aéroport n'a pas daigné répondre au courrier adressé par la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR le 3 mars 2011 aux termes duquel elle rappelait à cette société que la consultation était demeurée infructueuse pour l'exercice d'activité sur le Terminal 2 ;
Elle soutient qu'elle avait obligation de reprendre intégralement les contrats de travail des salariés affectés exclusivement ou pour l'essentiel sur la boutique du Terminal 1 et partiellement ceux des salariés affectés sur les deux terminaux à condition que leur intervention sur un autre site que la boutique du Terminal 1 ne constitue pas l'essentiel de leur temps de travail ; qu'au cas d'espèce, et selon les informations transmises par la société Koba, la masse salariale correspondant à la boutique du T1 était de 2,73 ETP et non de 3,34 comme invoqué ; que ces informations se sont avérées erronées ; que Mme [V] était affectée à 50 % sur chacune des boutiques ; que la société Koba qui n'a jamais transmis les informations utiles et a ainsi tenté de se débarrasser de la salariée en imposant son transfert en violation des règles applicables, doit en conséquence la relever de toute condamnation ;
SUR CE
En dépit des renvois organisés à fin de mise en état de la procédure, la société CDG Participations ne prétend pas qu'il lui était impossible de produire ses pièces dans des délais conformes au principe du contradictoire ; elles seront donc écartées des débats pour non respect du principe du contradictoire ;
En application de l'article L. 1224-1 du code du travail « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. » ; ainsi, tout transfert d'une entité économique donne lieu à application de cette disposition, laquelle peut également faire l'objet d'une application volontaire par les parties ;
- la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a autorisé d'une part la société Koba Aéroport à exploiter une boutique du Terminal 1 « pour la vente d'articles de lingerie et de maillots de bain » (cf convention du 30 janvier 2009), d'autre part la société CDG Participations à exploiter une boutique du Terminal 2 « de lingerie et beachwears sous l'enseigne KOBA » (cf convention du 1er mars 2010) ;
- Mme [V] travaillait à temps complet pour la société Koba à raison de 6 jours (3 après-midi dans l'une des boutiques, et 3 matinées dans l'autre) pour 3 jours de repos ;
- la société Koba a renoncé au bénéfice des autorisations d'exploitation de ses boutiques sur les terminaux 1 et 2 par courrier du 30 août 2010 à effet reporté par les parties au 31 janvier 2011 ;
- la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a, courant octobre 2010, publié des appels d'offres concernant les deux boutiques, précisant y avoir lieu à reprise des personnels y affectés par application de l'article L. 1224-1 du code du travail ajoutant que sur demande un état de la masse salariale serait communiqué aux candidats ;
- la société DFA, candidate à la reprise, a demandé le 7 décembre 2010 à la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR de lui communiquer « la masse salariale de la boutique Koba du Terminal 1 sur l'année 2009 et 2010 en nous indiquant la catégorie des postes occupés » ;
- la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a transmis le 9 décembre le tableau que lui avait fait parvenir la société CDG Participations portant sur 4 salariés sur le Terminal 1 (un employé niveau IV à 100 %, un employé niveau V à 63,30%, un employé niveau IV à 60 %, un cadre C à 50 %) et 4 salariés sur le Terminal 2 (un employé niveau VIII à 100 %, un employé niveau IV à 100 %, un employé niveau V à 66,60 %, un cadre C à 50 %) ;
- la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a informé la société DFA de ce que son offre était retenue pour la boutique du Terminal 1 par courrier du 7 février 2011 ;
- la société Koba a transmis à la société Aélia par courrier du même jour, l'ensemble des contrats de travail et fiches de salaire des salariés affectés dans ses boutiques ;
- la société DFA a interpellé le 15 février 2011 la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR sur le fait que la société Koba lui avait transmis 7 contrats de travail alors que les informations transmises pour la boutique du Terminal 1 concernaient 3 employés pour 2,23 temps complet et un cadre à 0,5 temps ;
- par courrier du 4 mars, la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a demandé à la société CDG Participations de contacter la société Aélia pour l'application du transfert des contrats de travail liés à la boutique du Terminal 1 ;
Par ailleurs, toutes les parties s'accordent à reconnaître que l'article L. 1224-1 du code du travail devait recevoir application pour les salariés travaillant sur la boutique du Terminal 1 à condition que leur intervention sur un autre site ne constitue pas l'essentiel de leur temps de travail ;
Il ressort des pièces du dossier que Mme [V] était employée de manière habituelle pour la moitié de son temps de travail sur chacune des deux boutiques ; ces affectations qui n'étaient pas occasionnelles ne permettent pas de considérer qu'elle exerçait l'essentiel de son activité dans la boutique du terminal 1 reprise par la société DFA ; Mme [V] n'est en conséquence pas fondée à prétendre ni au transfert de son contrat de travail dans son intégralité au sein de la société DFA, ni à la condamnation de cette dernière au paiement de l'intégralité des salaires échus ;
En revanche, Mme [V], qui travaillait à temps complet pour la société Koba mais était affectée pour 50 % de son temps dans chacune des deux boutiques, est en conséquence fondée à voir constater qu'elle n'a plus été payée à compter du 1er février 2011, n'a pas été transférée, n'a fait l'objet d'aucun licenciement, et que son contrat de travail aurait dû être transféré pour 50 % à la société DFA, tout en demeurant salariée de la société Koba pour 50 % de temps de travail ;
Les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail étant impératives, la société DFA ne saurait être exonérée de ses obligations au motif que la société Koba ne lui aurait pas transmis les informations nécessaires à la mise en 'uvre de ce transfert ; il sera en conséquence fait droit à la demande de réintégration à concurrence de 50 % du temps de travail, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de tard et la société DFA sera condamnée au paiement de la moitié des salaires échus durant la période où la salariée est restée à disposition de l'employeur ;
Il ressort des pièces du dossier que Mme [V] a retrouvé un emploi à compter du 29 novembre 2011 de sorte que la condamnation portera sur un salaire de (1.602,01 / 2 =) 801 euros durant 10 mois soit 8.010 euros outre congés payés y afférents ;
Pour les mêmes raisons résultant du caractère impératif des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, le moyen développé par la société CDG, tiré de ce que la société Koba avait cru de bonne foi que les deux boutiques avaient été reprises dans le cadre d'un seul appel d'offres, doit être écarté comme inopérant ; à cet égard, il sera en outre observé que la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR lui avait clairement signifié le 4 mars 2011 que « la société Aélia retenue pour exploiter une activité sur votre ancienne surface au Terminal 1, a proposé dans son offre d'embaucher les salariés affectés à votre boutique (') En conséquence nous vous demandons de contacter la société Aélia dans ce sens » ; or, il n'est pas prétendu que la société Koba ait donné suite à ce courrier et transmis la liste des salariés rattachés à la seule boutique reprise ainsi que leur nombre d'heures d'emploi ; il s'ensuit, peu important qu'elle ait commis une erreur initiale de bonne foi, que la société Koba a de la sorte empêché la réalisation du transfert du contrat de travail de Mme [E] et a ainsi manqué à ses obligations résultant de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; Mme [V] est en conséquence également fondée à entendre prononcer la poursuite de son contrat de travail avec cette société pour 50 % de son temps de travail, outre paiement de la moitié des salaires échus ;
En outre, si Mme [V] ne justifie d'aucune demande préalable à l'introduction de ses demandes devant le conseil de prud'hommes, il sera toutefois observé que les sociétés Aélia et Koba ont été assignées devant le juge des référés dès le 1er avril 2011 et qu'en conséquence les sociétés DFA et CDG ne pouvaient plus ignorer leurs obligations à compter de cette date ; il sera dès lors mis à la charge de chacune de ces deux sociétés une somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
S'agissant de la demande reconventionnelle formée par la société DFA à l'encontre de la société CDG Participations venant aux droits de la société Koba, il sera observé que dès le 7 décembre 2010, la société DFA candidate à la reprise, a demandé à la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR de lui communiquer « la masse salariale de la boutique Koba du Terminal 1 sur l'année 2009 et 2010 en nous indiquant la catégorie des postes occupées » ; pour faire suite à cette demande la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a transmis le 9 décembre le tableau que lui a fait parvenir la société CDG Participations portant sur 4 salariés sur le Terminal 1 (un employé niveau IV à 100 %, un employé niveau V à 63,30%, un employé niveau IV à 60 %, un cadre C à 50 %) et 4 salariés sur le Terminal 2 (un employé niveau VIII à 100 %, un employé niveau IV à 100 %, un employé niveau V à 66,60 %, un cadre C à 50 %) ; la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR a informé la société DFA de ce que son offre était retenue pour la boutique du Terminal 1 par courrier du 7 février 2011 ; par courrier du même jour la société Koba a transmis à la société Aélia l'ensemble des contrats de travail et fiches de salaire des salariés affectés dans ses boutiques ; dès le 15 février 2011, la société DFA attirait l'attention de la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR sur le fait que la société Koba lui avait transmis 7 contrats de travail alors que les informations transmises pour la boutique du Terminal 1 concernaient 3 employés pour 2,23 temps complet et un cadre à 0,5 temps ; c'est en suite de ce courrier que la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR demandait à la société CDG Participations de contacter la société Aélia pour l'application du transfert des contrats de travail liés à la boutique du Terminal 1 ; or, force est d'admettre, si aucune des pièces du dossier ne permet de considérer que la société CDG Participations avait été antérieurement informée de ce que la société DFA ne reprenait que la boutique du Terminal 1, qu'elle ne prétend pas avoir répondu à cette demande et en tout état de cause, ne justifie aucunement de la transmission d'une liste nominative des salariés rattachés à la seule boutique du Terminal 1 ; observation devant être faite que la société DFA ne prétend pas avoir mis en demeure la société Koba d'avoir à satisfaire à ses obligations, l'appel en garantie sera accueilli à concurrence de 50 % des sommes mises à la charge de la société DFA ;
Il convient enfin de constater que si la société CDG Participations demande confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société AÉROPORTS DE LA COTE D'AZUR, elle ne formule aucune demande, hors frais irrépétibles, à l'encontre de cette société ;
Les dépens ainsi qu'une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de Mme [V] seront supportés pour moitié par les sociétés CDG Participations et DFA qui succombent.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière prud'homale, et par mise à disposition au greffe,
Écarte des débats les pièces produites tardivement par la société CDG Participations, venant aux droits de la société Koba Aéroport.
Infirme le jugement déféré, et statuant de nouveau,
Ordonne la réintégration de Mme [T] [V] à 50 % au sein de la société DFA et à 50 % au sein de la société CDG Participation et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant la date de signification du présent arrêt.
Condamne la société DFA à payer à Mme [T] [V] les sommes de 8.010 euros à titre de rappel de salaire, 801 euros au titre des congés payés y afférents, 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société CDG Participations, venant aux droits de la société Koba Aéroport à payer à Mme [T] [V] les sommes de 8.010 euros à titre de rappel de salaire, 801 euros au titre des congés payés y afférents, 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne la régularisation des documents sociaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du second mois suivant la date de signification du présent arrêt ;
Condamne la société CDG Participations, venant aux droits de la société Koba Aéroport à relever et garantir à la société DFA à concurrence de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.
Dit que les dépens seront supportés pour moitié par les sociétés CDG Participations et DFA .
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT