OUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2014
N° 2014/527
Rôle N° 12/12259
[W] [R] [D]
C/
[W] [B] [I]
SA BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE
Grosse délivrée
le :
à :
-Me LESTOURNELLE
-SCP COHEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 14 Juin 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F02162.
APPELANT
Monsieur [W] [R] [D]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 2]
demeurant Chez Mme [Adresse 3]
représenté et plaidant par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE.
INTIMES
Monsieur [W] [B] [I]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 2]
défaillant
SA BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE
prise en la personne de son dirigeant en exercice
dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par la SCP BOLLET ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2014.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2014,
Rédigé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SAS LEO TV avait pour activité la production de programmes audiovisuels. Elle a été créée le 13 juin 2008 et a ouvert un compte courant dans les livres de la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE le 15 décembre 2008.
Le président la SAS LEO TV, Monsieur [W] [B] [I], a désigné en qualité de mandataire Monsieur [W] [R] [D], directeur des programmes, pour solliciter auprès de la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE un prêt aux fins de financer la réalisation de travaux et l'acquisition de matériels liés à l'exploitation de la société LEO TV.
Par deux actes sous seing privés en date du 19 mars 2009, Monsieur [W] [B] [I] et Monsieur [W] [R] [D] se sont portés cautions solidaires de la société LEO TV à hauteur de la somme de 200 000 € chacun pour une durée de 36 mois pour garantir le financement des dits travaux.
Par deux nouveaux actes sous seing privés du 17 avril 2009, Monsieur [W] [B] [I] et Monsieur [W] [R] [D] se sont portés chacun caution solidaire de la société LEO TV pour garantir le prêt professionnel OSEO d'un montant de 200 000 €, cette fois dans la limite de la somme de120 000 € chacun couvrant le principal, les intérêts, les pénalités de retard pour une durée de 48 mois.
L'engagement du 19 mars 2009 a été éteint du fait de la souscription du deuxième engagement le 17 avril 2009 de telle sorte que la garantie des cautions doit se limiter à la somme de 120 000 € chacun.
Le 13 mai 2009, la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE et la société LEO TV ont signé un contrat de prêt professionnel, partiellement garanti par OSEO, d'un montant de 200 000 € et d'une durée de 24 mois.
Suivant jugement rendu le 19 novembre 2009, le tribunal de commerce de NANTERRE a placé la société LEO TV en liquidation judiciaire.
La BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE a déclaré sa créance au mandataire judiciaire le 7 décembre 2009 pour une somme de 218 543,31 € et a mis en demeure Monsieur [W] [B] [I] et Monsieur [W] [R] [D], le 8 avril 2010 en leur qualité de cautions solidaires de la société LEO TV de s'acquitter de leurs engagements.
Par acte du 16 avril 2010, la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE a fait assigner en paiement Monsieur [W] [B] [I] et Monsieur [W] [R] [D] devant le tribunal de commerce de MARSEILLE.
*
Par jugement rendu le 14 juin 2012, le tribunal de commerce de MARSEILLE a :
donné acte à la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE de ce qu'elle indique que « l'acte de cautionnement en date du 19 mars 2009 a été annulé et remplacé par l'acte de cautionnement du 17 avril 2009 »,
constaté que les engagements de caution souscrits par Monsieur [W] [R] [D] et Monsieur [W] [B] [I] sont limités à la somme de 120 000 € chacun,
condamné solidairement Monsieur [W] [R] [D] et Monsieur [W] [B] [I] à payer à la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE la somme de 211 370,93 € outre intérêts contractuels dus jusqu'à parfait paiement, dans le limite de la somme de 120 000 € chacun, montant de leur engagement de caution,
dit que les intérêts au taux contractuel se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux,
débouté la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE de sa demande en paiement de la somme de 7 172,58 € au titre du solde débiteur du compte courant n° 26021426465, diligentée à l'encontre de Monsieur [W] [B] [I],
débouté Monsieur [W] [R] [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
condamné Monsieur [W] [R] [D] et Monsieur [W] [B] [I] à payer à la BANQUE POPULAIRE PROVENCE ET CORSE la somme de 1 000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné conjointement Monsieur [W] [R] [D] et Monsieur [W] [B] [I] aux dépens,
ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a estimé que Monsieur [W] [R] [D] avait eu connaissance des conditions du prêt de la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE et que les engagements de caution étaient un préalable à la conclusion de l'acte de prêt entre la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE et la société LEO TV, qu'en conséquence le moyen tiré de la nullité de l'engagement de caution du 17 avril 2009 ne pouvait être accueilli.
Les premiers juges ont retenu que la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE n'avait commis aucune faute dans l'octroi du prêt du 13 mai 2009 et dans l'obtention d'engagement de caution de Monsieur [W] [R] [D] à son profit et qu'en sa qualité de directeur général il était une caution avertie et avait signé à ce titre l'acte d'engagement de caution du 17 avril 2009 qui est parfaitement valable et qu'il ne peut se prévaloir de l'article 341-4 du code de la consommation et ne peut engager la responsabilité de la banque et doit être condamné à exécuter l'engagement qu'il a pris.
Monsieur [W] [R] [D] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 3 juillet 2012.
Bien que cité suivant procès-verbal de vaines recherches du 3 décembre 2012, Monsieur [W] [B] [I] n'a pas constitué avocat.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 septembre 2009.
**
Suivant dernières conclusions déposées et notifiées le 30 avril 2013, Monsieur [W] [R] [D] demande à la cour de :
constater que la banque ne produit pas aux débats la déclaration de créance déposée entre les mains du liquidateur judiciaire de la société LEO TV, qu'elle ne produit pas aux débats la requête qui lui a permis d'obtenir l'ordonnance du juge de la mise état au tribunal de grande instance de CARPENTRAS le 20 juillet 2010, qu'elle ne produit pas aux débats les éléments d'information concernant la garantie OSEO pour 50 % du prêt,
surseoir à statuer jusqu'à la production de ces pièces, la déclaration de créance étant nécessaire pour l'établissement du fondement juridique de l'action de la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE à son encontre,
au principal
infirmer le jugement dont appel,
dire que l'engagement de caution qu'il a signé le 17 avril 2009 est manifestement disproportionné à ses revenus,
dire que la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE, créancier professionnel, est dans l'impossibilité de se prévaloir de cet engagement,
subsidiairement
constater qu'il est une caution non avertie,
dire que la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE a commis des fautes qui sont directement à l'origine du préjudice qu'il a subi,
condamner en conséquence la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE à lui payer une somme de 130 000 € à titre de dommages et intérêts,
ordonner la compensation judiciaire entre cette somme et toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en sa qualité de caution au profit de la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE,
condamner la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE au paiement des intérêts au taux légal à compter du séquestre chez le notaire sur la totalité du séquestre soit 230 000 €,
plus subsidiairement
dire que son engagement est limité à la somme de 120 000 € comme l'a retenu le jugement dont appel,
dans ce cas condamner la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE au paiement des intérêts au taux légal à compter du séquestre chez le notaire sur la différence entre 230 000 € et 120 000 € soi sur 110 000 €,
en tout état de cause
condamner la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens.
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Par dernières conclusions déposées et notifiées le 12 février 2013, la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE demande à la cour de :
au principal,
confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel en ce qu'il a constaté que l'engagement consenti par la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE a Monsieur [W] [R] [D] n'était pas disproportionné aux ressources de la caution et que Monsieur [W] [R] [D] avait la qualité de caution avertie,
débouter Monsieur [W] [R] [D] de l'ensemble de ses demandes,
condamner solidairement Monsieur [W] [R] [D] et Monsieur [W] [B] [I] au paiement de la somme de 211 370,93 € outre intérêts dus jusqu'à parfait paiement dans la limité du montant des engagements souscrits par chacun,
prononcer la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil,
à titre subsidiaire,
constater que la caution a vendu un bien immobilier pour la somme de 550 000 € et que la moitié du prix est séquestré entre les mains du notaire,
dire la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE bien fondée à demander la condamnation de Monsieur [W] [R] [D] au paiement de la somme totale de 211 370,93 € au titre du prêt n° 07014842 contracté le 13 mai 2009,
en tout état de cause,
condamner Monsieur [W] [R] [D] et Monsieur [W] [B] [I] à payer à la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,
les condamner chacun à payer une somme de 4 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ.
MOTIFS
1/ Sur la demande de sursis à statuer
Monsieur [W] [R] [D] demande à la cour de surseoir à statuer en attendant que la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE produise sa déclaration de créance ainsi que la requête qu'elle a adressé au juge de la mise en état et encore les éléments d'information concernant la garantie OSEO.
Mais une telle demande de production de pièces relève de la compétence du conseiller de la mise en état et la clôture de l'instruction ayant été prononcée, il n'y a pas lieu, en l'absence d'élément nouveau, de rouvrir les débats pour permettre de nouvelles productions.
Dès lors Monsieur [W] [R] [D] sera débouté de sa demande de sursis à statuer.
2/ Sur la disproportion manifeste
L'article L. 341-4 du code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Monsieur [W] [R] [D] explique qu'il effectue chaque année deux déclarations de revenus, l'une comme auteur de programmes (traitements et salaires) et l'autre comme prestataire de services (bénéfices non commerciaux). Il précise que pour l'année 2007 il a perçu les sommes de 19 222 € (salaires) et 742 € (bénéfices non commerciaux), que durant l'année 2008 il n'a pas perçu de salaire mais des bénéfices non commerciaux pour un montant 19 851 € et uniquement pour 4 € en 2009.
Monsieur [W] [R] [D] soutient que les revenus annuels qu'il a indiqué à la banque à hauteur de 175 000 € étaient ceux qu'il escomptait de la société LEO TV et que la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE ne pouvait ignorer qu'il n'avait jamais perçu de salaires de la société LEO TV puisqu'elle avait fait de l'intégration des salaires en compte courant associé une condition de l'octroi du prêt.
Aussi l'appelant demande à cour de dire que son engagement de caution en date du 17 avril 2009 à hauteur de 120 000 € est manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Mais Monsieur [W] [R] [D] a déclaré à la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE, dans le fiche de renseignements personnels qu'il a renseigné le 19 mars 2009, être propriétaire indivis d'une maison estimée à 750 000 € alors qu'il ne faisait état que d'un prêt à la consommation se terminant en 2012 pour une charge annuelle de 10 000 €. Il ne conteste pas cette déclaration de patrimoine. De plus le bien a été vendu pour un prix de 550 000 € dont 230 000 € ont été effectivement séquestrés au profit de la banque. Dès lors l'engagement de caution donné par Monsieur [W] [R] [D] n'était nullement disproportionné à ses biens au sens du texte précité.
3/ Sur la faute reprochée à la banque
Monsieur [W] [R] [D] fait grief à la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE d'avoir accordé de manière inconsidérée le prêt qu'il a garanti alors que la société LEO TV était en difficulté et n'avait pas la possibilité de le rembourser.
Mais l'appelant procède par affirmation quand il soutient que le crédit accordé à la société LEO TV était abusif et, à supposer qu'il ait présenté un risque, la banque ne devait pas pour autant le mettre en garde en sa qualité de caution dès lors que, directeur des programmes, il avait reçu mandat du président de la société de solliciter lui-même le prêt qu'il critique aujourd'hui et qu'il n'est pas justifié que la banque possédait sur l'entreprise des connaissances qui échappaient à son dirigeant ou à la caution.
Surabondamment, il convient de relever que le liquidateur de la société LEO TV n'a pas estimé utile de rechercher la responsabilité de la banque concernant cet octroi de crédit lequel avait, en son temps, été considéré comme judicieux par OSEO qui l'avait partiellement garanti.
4/ Sur les intérêts au taux légal réclamés sur la somme séquestrée
Monsieur [W] [R] [D] demande à la cour de condamner la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE à lui payer les intérêts au taux légal à compter du séquestre chez le notaire sur la totalité du séquestre soit sur la somme de 230 000 € et subsidiairement sur la différence entre 230 000 € et la somme due de 120 000 € soit sur 110 000 €.
Mais il n'appartient pas à la cour de faire dès à présent le compte des intérêts d'un séquestre toujours effectif et qui résulte d'une décisions du juge de l'exécution qui ne lui a pas été déférée.
5/ Sur la demande en résistance abusive
La BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE demande à la cour de condamner Monsieur [W] [R] [D] et Monsieur [W] [B] [I] à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, mais elle n'explique nullement comment leur liberté de défendre aurait en l'espèce dégénéré en abus. En conséquence elle sera déboutée de ce chef.
6/ Sur les autres demandes
Monsieur [W] [R] [D] qui succombe versera à la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code précité.
PAR CES MOTIFS
La cour, publiquement et par arrêt de défaut
Confirme le jugement dont appel.
Déboute Monsieur [W] [R] [D] de ses demandes.
Déboute la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [W] [R] [D] à payer à la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [W] [R] [D] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président