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24/10/2014 | FRANCE | N°12/11431

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 24 octobre 2014, 12/11431


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 24 OCTOBRE 2014



N°2014/682





Rôle N° 12/11431







[Y] [X]





C/



SARL PACA











Grosse délivrée le :



à :



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Serge ROUME, avocat au barreau de LYON





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée Ã

  la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 22 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/636.





APPELANTE



Madame [Y] [X], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Antoine LOUNIS, avoc...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 24 OCTOBRE 2014

N°2014/682

Rôle N° 12/11431

[Y] [X]

C/

SARL PACA

Grosse délivrée le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Serge ROUME, avocat au barreau de LYON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section C - en date du 22 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/636.

APPELANTE

Madame [Y] [X], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Olivia PARISOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL PACA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Serge ROUME, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Mme Sylvie ARMANDET, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2014

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 13 septembre 2010, conclu pour accroissement temporaire d'activité, Mme [Y] [X] a été engagée en qualité de vendeuse par la SARL PACA, laquelle exerce une activité de vente au détail d'articles vestimentaires à bas coût à l'enseigne Vet'Affaires dans plusieurs magasins situés notamment à [Localité 2] et [Localité 1].

Le 8 octobre 2010, Mme [X] a acquis 21 parts de la SARL PACA sur un total de 1.000 parts et est devenue gérante associée à compter du 19 octobre 2010.

Le 4 mars 2011, alors qu'elle entamait sa 17ème semaine de grossesse, elle a été victime d'un accident du travail.

Considérant que son statut de gérant était fictif, elle a, le 10 juin 2011, saisi le conseil de prud'hommes de Martigues, section commerce, lequel a, par jugement en date du 22 mai 2012, :

-requalifié le contrat à durée déterminée du 13 septembre 2010 en contrat à durée indéterminée ;

-écarté la demande de requalification du contrat de cogérance en contrat de travail ;

-dit que le détournement évoqué par la salariée sur le contrat de cogérance proposé et accepté par elle n'est pas de la compétence du conseil de prud'hommes, mais du tribunal de commerce ;

-condamné la SARL PACA à payer à la salariée la somme de 800 € à titre d'indemnité spéciale de requalification ;

-rappelé que ce montant est exécutoire de plein droit ;

-condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 1.300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit que les intérêts légaux seront comptabilisés à compter du 10 juin 2011 ;

-mis les entiers dépens à la charge de l'employeur.

Le 21 juin 2012, la salariée a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Vu les écritures déposées par Mme [Y] [X] le 28 août 2014, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée du 13 septembre 2010 ;

-l'infirmer en toutes ses autres dispositions et y ajouter du chef du quantum de l'indemnité spéciale de requalification ;

-dire que les fonctions exercées par la salariée relevaient du statut de salarié depuis le 13 septembre 2010 ;

-dire y avoir lieu à rappel d'heures supplémentaires et accessoires ;

-dire qu'ont été violées les dispositions légales relatives aux durées maximales hebdomadaires de travail;

-dire que la société intimée a eu recours au travail dissimulé ;

-dire qu'elle a commis au préjudice de la salariée des manquements contractuels graves ;

-prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, en application des dispositions de l'article 1184 du code civil ;

-dire que cette résiliation emporte les effets d'un licenciement nul ;

subsidiairement, du dernier chef uniquement,

-dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail emporte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamner en conséquence la SARL PACA au paiement des sommes suivantes :

*2.000 € à titre d'indemnité spéciale de requalification ;

*7.210,22 € à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

*721,02 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité ;

*3.153,82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

*315,38 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée ;

-lui enjoindre, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à établir et délivrer les documents suivants :

*certificat de travail mentionnant une ancienneté à compter du 13 septembre 2010 et, pour terme de la relation contractuelle, la date de fin du préavis non exécuté ;

*bulletin de salaire comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés ;

*attestation destinée à Pôle Emploi mentionnant une ancienneté à compter du 13 septembre 2010, ainsi que pour motif de la rupture du contrat de travail une « résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur » et comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés ;

-condamner en outre la SARL PACA au paiement des sommes suivantes :

*216,40 € à titre de dommages-intérêts compensatoires des contreparties obligatoires en repos non pris du fait de l'employeur ;

*500 € à titre d'indemnité pour inobservation des dispositions de l'article L. 3121-36 du code du travail, relatives aux durées hebdomadaires maximales de travail ;

*10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail en réparation des préjudice moral et professionnel soufferts ;

*25.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail équivalent en ses effets à un licenciement nul ;

à titre subsidiaire, du dernier chef seulement,

*15.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail équivalente en ses effets à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

en tout état de cause,

*18.922,92 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, en application des dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail ;

*1.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner l'intimée aux dépens.

Vu les écritures de la SARL PACA, déposées le 16 septembre 2014, par lesquelles elle demande à la cour de :

-réformer le jugement attaqué en ce qu'il a considéré que le contrat de travail à durée déterminée conclu le 13 septembre 2010 par Mme [X] devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ;

subsidiairement,

-limiter l'indemnité de requalification à la somme de 1.360 € ;

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de requalification de son contrat à durée indéterminée ;

subsidiairement,

-écarter sa demande de résiliation judiciaire ainsi que toutes les demandes de rappel de salaire ;

-la débouter de sa demande de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

-limiter sa demande de 25.000 € pour nullité du licenciement à la somme de 11.935 € correspondant à 6 mois de salaire ;

-limiter sa demande au titre de l'article L. 8223-1 du code du travail à 6 mois de salaire, soit 11.935€;

-condamner Mme [X] à la somme de 1.000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures ci-dessus visées et réitérées oralement à l'audience du 17 septembre 2014.

SUR CE

Sur la requalification du contrat à durée déterminée :

Selon l'article L 1242-1 du code du travail, 'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.'

En l'espèce, la salariée a été embauchée pour la période du 13 septembre au 31 octobre 2010, suivant contrat de travail à durée déterminé conclu en raison d'un accroissement temporaire d'activité.

Or, l'employeur ne produit aucun élément objectif établissant la réalité de l'accroissement d'activité qu'il invoque.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. En revanche, il doit être infirmé sur le montant de l'indemnité allouée, dans la mesure où l'article L. 1245-2 du code du travail prévoit que cette indemnité ne peut être inférieure à un mois de salaire.

La rémunération de la salariée étant de 1.989,22 € (brut reconstitué sur la base d'une rémunération nette de 1.614 €), il convient de fixer cette indemnité à la somme de 2.000 €.

Sur l'existence d'un contrat de travail :

Le contrat de travail peut se définir comme étant une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination, moyennant une rémunération. Trois éléments indissociable le caractérisent : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération et le lien de subordination.

Le lien de subordination est l'élément déterminant du contrat de travail, puisqu'il s'agit là du seul critère permettant de le différencier d'autres contrats comportant l'exécution d'une prestation rémunérée. Il est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des circonstances de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, l'appelante a été engagée par l'intimée en qualité de vendeuse, selon contrat de travail à durée déterminée, pour la période allant du 13 septembre au 31 octobre 2010, moyennant un salaire mensuel brut de 1.360 €. À ce titre, elle s'est vue confier les fonctions suivantes : l'étiquetage ; la mise en rayon ; la mise en valeur et le rangement des produits dans les rayons, les penderies et dans les bac ; l'entretien et la surveillance des rayons, des penderies et des bacs ; la vente, l'information et le conseil à la clientèle ; l'encaissement des paiements ;...

Le 8 octobre 2010, elle a fait l'acquisition de 21 parts sociales sur les 1.000 parts constituant le capital social de l'employeur. Selon procès-verbal de l'assemblée générale mixte réunie le même jour, elle a été agréée comme nouvel associé à compter du 19 octobre 2010 et a accepté les fonctions de gérante, moyennant une rémunération mensuelle de 1.614 € (CSG et CRDS à sa charge).

Or, il ressort des attestations produites que l'appelante a continué à exercer les activités qui étaient les siennes lorsqu'elle a été embauchée le 13 septembre 2010, notamment, ranger la marchandise dans les rayons, conseiller les clients et encaisser les paiements. C'est ainsi que Mme [I] [K] atteste qu'ayant l'habitude de faire ses achats à Vet'Affaires de [Localité 2], elle n'a jamais observé le moindre changement dans les tâches que l'appelante accomplissait dans le magasin.

Il apparaît en outre que cette activité s'exerçait sous les directives et le contrôle M et Mme [L] [B], gérants du magasin de [Localité 2] où était affectée l'appelante.

L'« attestation de rémunération » que Mme [B] a rédigée aux termes de laquelle elle indique avoir engagé Mme [X] à compter du 19 octobre 2010, au poste de gérante associée, pour une durée indéterminée et pour une rémunération mensuelle de 1.550 € nets est révélatrice. Manifestement, Mme [B] ne considérait pas l'appelante comme son associée, mais bien comme une employée et se comportait à son égard comme son supérieur hiérarchique.

C'est bien ce que révèlent les attestations que l'appelante verse au débat et notamment celles de

-Mme [G] [W], cliente du magasin, laquelle a constaté que l'appelante ne pouvait pas faire le travail comme elle le voulait, qu'elle recevait tout le temps des consignes de la part d'un homme et d'une femme qui lui mettaient la pression en permanence et qu'un jour, elle s'était faite 'engueulée', car elle avait voulu s'asseoir.

-Mme [D] [A], mère de l'appelante, témoigne également avoir constaté que M. [B] la surveillait et agissait comme son supérieur hiérarchique. À plusieurs reprises, elle a vu M. [B] se tenir à côté de la caisse où s'activait l'appelante, empêchant par sa seule présence que cette dernière discute avec sa mère, alors que cette dernière était venue la chercher quelques minutes avant la fermeture du magasin. Elle ajoute qu'à aucun moment, M. [B] ne lui a proposé de prendre sa place pour qu'elle ne fasse pas attendre sa mère et considère avec raison que si sa fille était réellement gérante, elle aurait pu demander à M. [B] de la remplacer ou lui, de lui suggérer de prendre sa place, ce qui aurait été une réaction normale s'ils avaient été sur un même pied d'égalité.

-M. [F] [Z], compagnon de l'appelante, relate que celle-ci s'est vue proposer le poste de gérante associée, alors qu'elle travaillait dans le magasin depuis moins d'un mois et qu'elle n'avait aucune expérience dans ce domaine et que cette proposition lui a été faite parce que M et Mme [B] partaient en vacances et que les leaders de la société, M et Mme [N], n'avaient personne sous la main.

L'intimée ne saurait sérieusement soutenir que l'appelante exerçait la gestion autonome du point de vente de [Localité 2], alors qu'il apparaît qu'elle n'avait aucun réel pouvoir décisionnel engageant durablement la société. En effet, le fait de procéder à l'ouverture et à la fermeture du magasin, à la réception des marchandises, à la remise des fonds en banque, à la gestion de l'inventaire et à la préparation des plannings ou le fait de recevoir la commission communale de sécurité, ne caractérise pas en soi l'absence d'un lien de subordination, alors que ces attributions peuvent être exercées par un cadre salarié.

Les attestations que l'intimée produit ne font que relater les fonctions exercées par la salarié ou énoncer qu'elle était gérante, sans apporter aucun élément démontrant qu'elle exerçait un réel pouvoir de direction.

Manifestement, il existait un lien de subordination entre M et Mme [B], gérants majoritaires et l'appelante, de sorte qu'il convient de juger, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, que l'existence d'une relation de travail entre l'appelante et l'intimée est suffisamment établie.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires et les demandes subséquentes :

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires, de fournir préalablement au juge des éléments suffisants de nature à étayer sa demande et permettant à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

La salariée soutient qu'elle effectuait de très nombreuses heures supplémentaires sans jamais bénéficier de la moindre compensation et qu'elle accomplissait entre 60 et 70 heures de travail par semaine réparties sur six jours. Pour étayer sa demande, elle produit des tableaux récapitulatifs de l'horaire de travail accompli, mentionnant le nombre d'heures effectuées, semaine civile par semaine civile, pour les années 2010 et 2011, ainsi que des attestations de salariés et de clients.

Cependant, ces éléments sont trop imprécis pour être considérés comme suffisants. En outre, ils sont contredits par ceux que l'employeur produit

C'est ainsi que l'employeur verse au débat un planning émargé par la salariée lorsqu'elle a dû intervenir sur le magasin de [Localité 1] révélant une organisation reposant sur l'alternance de jours de travail et de jour de repos et sur un travail par demi-journée, de telle manière que la durée du travail n'excède pas plus de 35 heures par semaine.

Mme [V] [U] qui était cogérante avec M et Mme [N] sur le magasin de [Localité 1] atteste que l'organisation de travail était la même dans le magasin de [Localité 2].

Mme [S] [O], vendeuse à [Localité 2], indique que Mme [B] et Mme [X] travaillaient en alternance un après-midi sur deux et un week-end sur deux et que lorsque l'une était présente l'autre était en repos. De même, M. [H] [C], en charge de la sécurité du point de vente de [Localité 2], atteste que la salariée ne faisait pas toutes les fermetures, ni toutes les ouvertures et qu'une fois sur deux elle arrivait plus tard.

Force est de constater que la demande de la salariée au titre des heures supplémentaires n'est pas fondée, de sorte qu'elle doit être rejetée.

La demande de dommages-intérêts au titre de la dissimulation d'emploi salarié sera au regard des développements qui précèdent doit être écartée.

De même, la salariée doit être déboutée de ses demandes à titre de dommages-intérêts compensatoires des contreparties obligatoires non pris du fait de l'employeur, ainsi qu'a titre d'indemnité pour inobservation des dispositions relatives aux durées hebdomadaires maximales de travail.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

L'article 1184 du code civil permet à l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique d'en demander la résolution judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Il appartient au salarié qui demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur de rapporter la preuve que les manquements qu'il reproche à l'employeur présentent une gravité suffisante. Si tel est le cas, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur.

Il convient donc d'examiner, si les différents griefs articulés par la salariée sont fondés.

Il est tout d'abord établi que l'employeur a proposé à la salariée de devenir gérante associée, alors qu'il venait de la recruter sous contrat à durée déterminée depuis moins d'un mois, qu'elle n'avait aucune formation en matière commerciale, ni aucune expérience, étant âgée au moment de son recrutement de 21 ans. Il est également établi que l'appelante a continué à occuper les fonctions qu'elle exerçait lorsqu'elle a été embauchée et qu'elle ne détenait aucun réel pouvoir décisionnel. Manifestement, en proposant à la salariée de s'associer, l'employeur souhaitait éluder le paiement des charges sociales inhérentes au statut de salarié et échapper aux dispositions protectrices du code du travail.

Il apparaît ensuite que quelques mois après le recrutement, l'employeur a demandé à la salariée de démissionner, au motif qu'elle n'était pas faite pour la gérance et qu'elle ralentissait le travail. C'est ainsi que M. [E] témoigne que le 10 février 2011, il a assisté à une conversation au cours de laquelle M. [N] a indiqué à la salariée qu'elle leur faisait perdre de l'argent parce qu'elle ne savait pas gérer, qu'ils ne pouvaient plus continuer ainsi et que si elle démissionnait elle toucherait son salaire en entier, mais qu'elle le perdrait si elle refusait et ce, alors qu'il était informé qu'elle était enceinte.

Finalement, l'employeur a convoqué la salariée à l'assemblée générale ordinaire du 3 juin 2011 à l'effet de délibérer sur la révocation de ses fonctions de gérante, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mai 2011. Apparemment, la révocation n'a pas été décidée, puisque Mme [X] continue à recevoir les convocations aux assemblées générales de la société.

Enfin, il ressort des attestations produites et notamment celle de M. [M] [J] que la salariée était contrainte de porter des cartons à travers les rayons du magasin, alors qu'elle était enceinte et qu'il s'agissait de charges lourdes, puisqu'il a constaté qu'elle était toute rouge et essoufflée.

Le 4 mars 2011, la salariée a fait l'objet d'un arrêt pour accident du travail, suite à la chute d'un poids sur son ventre, alors qu'elle était enceinte de 17 semaines. Elle n'a plus réintégré l'entreprise depuis.

Ces éléments établissent que l'employeur a commis des manquements à ses obligations contractuelles suffisamment graves pour justifier que le contrat de travail soit résilié judiciairement à ses torts.

Cette résiliation doit être prononcée à compter de l'expiration de la période de suspension du contrat de travail au titre du congé maternité, soit à compter du 9 octobre 2011 et non pas à compter de la présente décision, puisque la salariée a retrouvé un emploi à temps complet en décembre 2011 et ce, jusqu'à la fin de l'année 2013.

Cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas d'un licenciement nul, dans la mesure où elle intervient en dehors des période de suspension du contrat au titre du congé maternité. Elle ouvre droit à toutes les indemnités de rupture.

Tenant l' âge de la salariée au moment de la rupture (25 ans), de son ancienneté (1 an et 1 mois), de son salaire moyen mensuel brut (1.989,22 €) et de sa capacité à retrouver un emploi, il y a lieu de lui allouer l'indemnisation suivante:

-12.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1.989,22 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-198,92 € pour les congés payés y afférents.

Sur la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral :

La salariée, à qui l'employeur a fait miroiter une association fictive et qui a été victime d'un accident du travail en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, a subi un préjudice moral incontestable qui ne saurait être réparé par les seules conséquences attachées à la résiliation judiciaire du contrat de travail, lesquelles réparent uniquement la perte illégitime de l'emploi.

Il convient par conséquent de condamner l'employeur à lui régler la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1154 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispostif.

La remise de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et d'un bulletin rectificatif conformes au présent arrêt s'impose, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes du 22 mai 2012 en ce qu'elle a accordé à la salariée la somme de 1.300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné l'employeur à supporter les dépens de première instance.

L'employeur qui succombe doit être condamné à payer à la salariée la somme de 700 € en paiement au moins pour partie des frais irrépétibles qu'elle a engagés en appel, ainsi qu'à supporter les dépens de l'appel .

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 13 septembre 2010 en contrat à durée indéterminée et condamné l'employeur à régler à la salariée la somme de 1.300 € au titre de ses frais irrépétibles et à supporter les dépens de première instance.

Le réforme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Dit que les fonctions exercées par Mme [Y] [X] relevaient du statut de salarié et ce, depuis le 13 septembre 2010.

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à compter du 9 octobre 2011.

Dit que cette résiliation emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la SARL PACA à payer à Mme [Y] [X] les sommes suivantes :

-2.000 € à titre d'indemnité spéciale de requalification,

-12.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1.989,22 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

-198,92 € pour les congés payés y afférents,

-3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

-700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sont dus sur la créance salariale à compter du 17 juin 2011, date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.

Ordonne la remise par la SARL PACA à Mme [X] de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt.

Rejette toute demande contraire ou plus ample des parties.

Condamne la SARL PACA aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/11431
Date de la décision : 24/10/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°12/11431 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-24;12.11431 ?
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