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23/10/2014 | FRANCE | N°12/11314

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 23 octobre 2014, 12/11314


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 23 OCTOBRE 2014



N° 2014/ 423













Rôle N° 12/11314







[R] [T]





C/



[A] [P]

[K] [U]

[C] [U]



























Grosse délivrée

le :

à :

SIMONI

[I]

ERMENEUX CHAMPLY
















>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 25 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011004487.





APPELANT





Monsieur [R] [T],

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Corine SIMONI, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







INTIMES





Monsieur [A] [P], intimé et appelant provoqué

d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 OCTOBRE 2014

N° 2014/ 423

Rôle N° 12/11314

[R] [T]

C/

[A] [P]

[K] [U]

[C] [U]

Grosse délivrée

le :

à :

SIMONI

[I]

ERMENEUX CHAMPLY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 25 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011004487.

APPELANT

Monsieur [R] [T],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Corine SIMONI, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [A] [P], intimé et appelant provoqué

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP J.F.JOURDAN P.GWATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Mireille PENSA-BEZZINA de la SCP COURTIGNON - BEZZINA - LE GOFF, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur [K] [U], intimé sur appel provoqué

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Jean Paul AIACHE TIRAT, avocat au barreau de NICE

Monsieur [C] [U], intimé sur appel provoqué

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Jean Paul AIACHE TIRAT, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, madame AUBRY CAMOIN, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2014,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

1 - Par acte sous seing privé du 13 octobre 1976, monsieur [S] [U] auteur de messieurs [K] et [C] [U], a donné en location à monsieur [R] [T] une parcelle de terre cadastrée A n° [Cadastre 6] située à [Localité 1] lieudit [Localité 3] à l' usage exclusif de 'culture, exposition et vente de végétaux produits ou non sur le terrain', ce pour une durée de neuf années à compter du 1° octobre 1976 reconduite tacitement.

Par jugement définitif du 23 juin 2005, le Tribunal de Grande Instance de Grasse a débouté messieurs [K] et [C] [U] de leur demande de résolution du bail.

Par avenant du 27 mai 2008, les parties ont renoncé tant au bénéfice du jugement du 23 juin 2005 pour monsieur [T] qu'au bénéfice du congé avec refus de renouvellement pour les consorts [U], et le bail a été renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1° janvier 2006 pour se terminer le 31 décembre 2014 pour un loyer annuel indexé de 14 000 euros.

2 - par acte sous seing privé du 6 août 2004 intitulé protocole d'accord, monsieur [R] [T] a promis de céder à messieurs [Z] [X] et [Y] [M] qui l'ont accepté avec faculté pour ceux ci de se faire substituer par toute personne morale de leur choix dont ils seront associés :

les 250 parts sociales composant l'EURL LES PEPINIERES DU VAL DE CAGNES,

le terrain et la maison cadastrés sous le n° F [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 1] lieudit [Localité 2]

le doit au bail sur la parcelle cadastrée A n° [Cadastre 6] lieu dit [Localité 4] tel qu'il résulte du contrat conclu avec monsieur [U] le 1° octobre 1976.

En 2007, monsieur [R] [T] a dûment cédé à messieurs [X] et [M] les 250 parts sociales ainsi que le terrain et la maison précités.

Les 11 et 27 février 2011, les consorts [U] ont donné leur accord à monsieur [R] [T] pour la cession du droit au bail à messieurs [M] et [X].

Le 25 juillet 2011, monsieur [R] [T] a signé avec la société LES PEPINIERES DU VAL DE CAGNES représentée par monsieur [X] un acte de vente sous condition du fonds de commerce, enregistré le 2 août 2011.

Parallèlement, un nouveau bail été conclu entre la société LES PEPINIERES DU VAL DE CAGNES représentée par monsieur [X] et les consorts [U].

Par acte du 13 février 2012, monsieur [R] [T] a vendu à la société LES PEPINIERES DU VAL DE CAGNES représentée par monsieur [Z] [X], le fonds de commerce de pépinières exploité sur la parcelle cadastrée A 55 comprenant notamment le droit au bail, ce moyennant le prix de 180 000 euros.

Par acte du 22 mars 2012, monsieur [A] [P] bénéficiaire d'une promesse de vente du même fonds de commerce en date du 19 octobre 2010, a fait opposition sur la totalité du prix de vente entre les mains de l'ordre des avocats de Paris constitué en qualité de séquestre.

L'opposition a été limitée en 2014 à la somme de 55 000 euros.

3 - Par acte sous seing privé du 19 octobre 2010, monsieur [R] [T] a promis de vendre à monsieur [A] [P] qui l'a accepté, le fonds de commerce de pépinière exploité sur la parcelle A [Cadastre 6] appartenant aux consorts [U], en ce compris le droit au bail, moyennant le prix de 180 000 euros, sous diverses conditions suspensives notamment l'agrément du cessionnaire par le bailleur.

L'acte prévoit que la cession du fonds devra être régularisée par acte sous seing privé au plus tard le 31 décembre 2010 à l'effet de constater la réalisation des conditions suspensives et opérer la cession définitive.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2010, messieurs [X] et [M] ont rappelé à monsieur [T] l'existence de la promesse de vente du 6 août 2004, l'ont mis en demeure de respecter celle-ci et lui ont notifié l'impossibilité pour lui de céder le droit au bail à un tiers.

Par lettre recommandée avec accusé de réception de la même date, messieurs [X] et [M] ont informé monsieur [A] [P] qu'ils bénéficiaient d'une promesse de vente du fonds de commerce de monsieur [R] [T] en date du 6 août 2004 dont ils lui ont adressé une copie et que monsieur [T] ne pouvait dès lors procéder à une nouvelle cession à qui que ce soit.

Par avenant du 20 décembre 2010, monsieur [R] [T] et monsieur [A] [P] ont notamment convenu que la condition suspensive tenant à l'agrément du bailleur devra être réalisée avant le 15 juin 2011.

Par acte du 16 juin 2011, monsieur [A] [P] a fait assigner monsieur [R] [T], monsieur [K] [U] et monsieur [C] [U] devant le Tribunal de Commerce d'Antibes aux fins de voir ordonner la réalisation de la vente du fonds de commerce au profit de monsieur [P], et subsidiairement voir condamner solidairement monsieur [T] et les consorts [U] au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 25 mai 2012, le Tribunal de Commerce a :

- constaté que la promesse de vente signée par monsieur [R] [T] est valable et ne peut être contestée au même titre que l'acte initial signé avec messieurs [M] et [X],

- constaté que monsieur [R] [T] a commis une faute en signant une deuxième fois un acte de cession du fonds de commerce alors qu'il avait préalablement signé un protocole de cession avec d'autres candidats à l'acquisition du fonds de commerce,

- dit que cette faute a incontestablement causé un préjudice à monsieur [A] [P] qui ne peut acquérir au final le fonds de commerce qui a été attribué aux premiers acheteurs, et ce de manière contractuelle et incontestable,

- condamné monsieur [R] [T] à payer à monsieur [A] [P] la somme de 50 000 euros à titre dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- dit qu'en vertu de l'effet relatif des contrats, les bailleurs n'avaient pas à répondre aux demandes du requérant et qu'aucune faute ne peut leur être imputée,

- débouté messieurs [K] et [C] [U] de leur demande dommages et intérêts pour procédure abusive et de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes fins et conclusions,

- dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire de la décision,

- condamné monsieur [R] [T] à payer à monsieur [A] [P] la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné monsieur [R] [T] aux dépens.

Par déclaration au greffe de la Cour du 20 juin 2012, monsieur [R] [T] a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de monsieur [A] [P].

Dans ses dernières conclusions du 11 août 2014, monsieur [R] [T] demande à la Cour, de :

Réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Vu les articles 414-1 et 1101 du code civil

- dire nulle et de nul effet la promesse de vente du 19 octobre 2010 ainsi que l' avenant de prorogation du 20 décembre 2010,

A titre subsidiaire

- constater que la promesse de vente du 19 octobre 2010 est devenue caduque faute de réalisation de l'une des conditions suspensives,

dans le cas où la Cour n'estimerait pas caduque la promesse de vente du 19 octobre 2010

- constater que le concluant n'a eu aucun comportement fautif,

- dire que monsieur [P] ne peut arguer de sa bonne foi dès lors qu'à la date de la signature de l'avenant du 20 décembre 2010 il connaissait l'existence d'une promesse de vente antérieure à la sienne,

- constater que monsieur [P] ne justifie d'aucun préjudice,

- débouter monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts,

Plus subsidiairement

- réduire la demande dans de justes proportions,

- dire que l'indemnisation ne saurait excéder le montant d'une clause pénale habituellement insérée dans toute promesse de vente soit 10% de la transaction soit la somme de 18 000 euros,

En tout état de cause

- condamner monsieur [P] à payer à monsieur [T] la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [R] [T] soutient :

- que la capacité de contracter et le consentement de celui qui s'engage sont deux des conditions essentielles de la validité d'une convention telles qu'énumérées par l'article 1108 du code civil

- qu'il est entré à partir de 2007 dans une grave dépression qui a nécessité un suivi par un psychiatre et qu'à la date de la signature de la promesse de vente et de l'avenant il était sous l'emprise de médicaments psychotropes qui ont eu des effets dévastateurs sur ses facultés mentales,

- qu'il n'était pas en mesure aux dates considérées d'apprécier la portée de ses engagements et de s'en souvenir, et que son consentement était altéré,

- que l'analyse de la promesse de vente du 19 octobre 2010 révèle une incertitude sur le prix de vente du fonds de commerce alors que l'article 1589 du code civil impose pour qu'il y ait vente, un accord sur la chose et sur le prix,

- que monsieur [P] n'a pas obtenu l'agrément du bailleur et qu'aucune faute ne peut être reprochée au concluant qui n'en est pas responsable,

- que monsieur [P] a obtenu du concluant la signature d' un avenant prorogeant les effets de la promesse de vente concernant la condition suspensive relative à l'agrément du bailleur, en connaissance de la précédente promesse de vente du 6 août 2014,

- que monsieur [P] a usé de manoeuvres dolosives pour obtenir du concluant dans des conditions contestables une prorogation de la promesse de vente alors qu'il était informé du défaut d'agrément du bailleur et de l'existence d'une promesse de vente antérieure,

- que monsieur [P] ne peut en conséquence se présenter comme un contractant de bonne foi qui aurait été abusé par son vendeur,

- que monsieur [P] ne produit aucune pièce permettant de justifier l'existence d'un préjudice et d'en chiffrer le montant

Dans ses dernières conclusions du 21 janvier 2014, monsieur [A] [P] demande à la Cour au visa des articles 1134, 1147 et suivants, 1178 du code civil, de :

- dire que monsieur [R] [T] a manqué à son obligation de loyauté :

en affirmant dans l'acte du de vente du fonds de commerce du 19 octobre 2010 qu'il n'était pas engagé par ailleurs

en sollicitant le 11 janvier 2011 des consorts [U] leur agrément à la cession du bail au profit de messieurs [M] et [X] alors qu'il avait signé le 20 décembre 2010 un avenant reconnaissant que monsieur [P] avait rempli ses obligations et en accordant un délai jusqu'à fin juin 2011 pour obtenir l'agrément du bailleur

- dire que monsieur [T] est seul à l'origine de la défaillance de la condition suspensive d'agrément des bailleurs à la cession,

- dire mal fondée la prétention de monsieur [T] à voir prononcer la nullité de l'acte du 19 octobre 2010,

- en conséquence confirmer le jugement déféré sauf sur le montant des dommages et intérêts,

- condamner monsieur [T] à payer à monsieur [P] la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- recevoir monsieur [P] en son appel provoqué à l'encontre des consorts [U],

- Dire au visa de l'article L 145-51 du code de commerce, qu'en s'abstenant de répondre aux nombreuses demandes de monsieur [T] sollicitant leur accord pour la cession du fonds de commerce, les consorts [U] ont manqué à leurs obligations de bailleur,

- dire qu'en subordonnant leur accord à un déplafonnement du bail alors même que celui-ci avait duré moins de 12 ans pour avoir été renouvelé à compter du 1° janvier 2006, les consorts [U] ont commis un abus de droit préjudiciable à monsieur [P],

- dire qu'en donnant les 11 et 27 février 2011 leur agrément sur la lettre de monsieur [T] du 11 janvie r2011 au profit de messieurs [M] et [X], les consorts [U] ont contribué à la violation par monsieur [T] de ses obligations contractuelles envers monsieur [P],

- en conséquence, condamner messieurs [K] et [C] [U] in solidum avec monsieur [R] [T] à payer à monsieur [P] :

la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts

la somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile

- les condamner aux dépens avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [A] [P] fait observer :

- que la promesse de vente du 19 octobre 2010 et l'avenant du 20 décembre 2010 ont été précédés de courriers adressés par monsieur [T] aux consorts [U]

concernant la vente du fonds de commerce au concluant révélant son intention de vendre son fonds de commerce au concluant,

- qu'il n'est pas démontré que l'absence de discernement allégué ait été concomitant à la signature des actes considérés,

- que dans le même temps, monsieur [T] a été en mesure de procéder à la vente de son fonds de commerce à messieurs [X] et [M],

- que le prix de vente est déterminé tant dans l'acte du 19 octobre 2010 que dans l'avenant du 20 octobre 2010,

- que monsieur [T] ne peut se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive relative à l'agrément des bailleurs dont il est à l'origine,

- que la responsabilité contractuelle de monsieur [T] est engagée sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil pour avoir fait preuve de déloyauté,

- que la responsabilité du bailleur est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil dès lors qu'ils ont activement participé à la violation de ses engagements par monsieur [T]en donnant leur agrément à la cession du droit aux bail à messieurs [X] et [M],

- que le concluant subit un préjudice en raison du temps perdu pendant deux ans en vaines promesses, de sa perte de crédibilité auprès de ses fournisseurs et de la perte de chance de pouvoir exploiter les pépinières de [Localité 3] de manière artisanale.

Par acte des 29 novembre et 10 décembre 2012, monsieur [A] [P] a formé un appel provoqué à l'encontre de messieurs [K] et [C] [U] et les a assignés devant la Cour.

Dans leurs dernières conclusions du 10 mars 2014, messieurs [K] et [C] [U] demandent à la Cour au visa des articles 1147 et 1134 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions à l'égard des concluants le jugement entrepris,

- dire que l'appel provoqué est téméraire et erratique,

- débouter monsieur [A] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard des concluants et du principe même de ses demandes,

- condamner monsieur [A] [P] à payer aux consorts [U] la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner monsieur [A] [P] aux dépens de première instance et d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [U] font observer :

- qu'en vertu du principe de l'effet relatif des contrats, ils n'avaient pas à répondre aux demandes insistantes des repreneurs potentiels du fonds de commerce de monsieur [T], dès lors qu'ils n'étaient pas signataires des deux promesses de cession signées par ce dernier,

- qu'en vertu du bail, seul contrat auquel les concluants sont parties, ils ne devaient d'exécution qu'à monsieur [T] et que c'est lui seul qu'ils devaient informer de leur agrément, de sorte qu'ils ne sont susceptibles d'avoir commis aucune faute à l'encontre de tiers au seul contrat qui les lie,

- qu'en avisant les parties potentiellement concernées de la difficulté liée au déplafonnement du loyer, les concluants se sont comportés en plaideurs de bonne foi, espérant éviter un procès long qui aurait nécessairement bloqué tout transaction jusqu'à son issue, bloquant la cession du bail.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité contractuelle de monsieur [R] [T] à l égard de monsieur [A] [P]

Aux termes de l'article 1589 du code civil

'La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix'.

Par acte sous seing privé du 6 août 2004 intitulé protocole d'accord signé entre monsieur [T] d'une part, messieurs [X] et [M] d'autre part ' le promettant s'engage à céder aux bénéficiaires, ou à toute autre personne morale à eux substituée, qui acceptent, le présent droit au bail ou toute promesse verbale ou écrite de nouveau bail, pour un montant de 245 000 euros, étant précisé que ce prix découle du loyer annuel actuel 5 000 euros. Cette valeur transactionnelle devra faire l'objet d'une réactualisation découlant directement du pourcentage d'augmentation du loyer du nouveau bail'.

Selon l'article 1 'promesse de cession et d'achat'de l'acte sous seing privé du 19 octobre 2010 intitulé 'promesse de cession et d'achat de fonds sous conditions suspensives' signé entre monsieur [T] et monsieur [P] :

'Monsieur [R] [T], soussigné d'une part, promet de céder en s'obligeant aux garanties de fait et de droit les plus étendues en pareille matière et dans les termes et conditions ci-après stipulées, à monsieur [A] [P] qui accepte et s'engage à acquérir le fonds commercial ci-dessous défini dans sa désignation, son origine et ses charges'.

Selon l'article 5, le vendeur déclare que le 'le fonds n'a fait l'objet de son chef d'aucune promesse de cession, même sous condition suspensive, ou d'un pacte de préférence'.

Selon l'article 8, le prix principal est fixé à la somme de 180 000 euros s'appliquant aux éléments corporels à concurrence de 179 000 euros et aux éléments incorporels à concurrence de 3 000 euros.

L'erreur de calcul dont est affectée la ventilation du prix entre éléments corporels et éléments incorporels n'a pas d'incidence sur le prix de vente du fonds de commerce qui figure dans l'acte.

Il y a donc accord de monsieur [T] et de monsieur [P] sur la chose et sur le prix.

Il s'ensuit que monsieur [R] [T] a signé deux promesses synalagmatiques de vente valant vente avec messieurs [X] et [M] le 6 août 2004 et avec monsieur [A] [P] le 19 octobre 2010.

*

Aux termes de l'article 1108 du code civil :

'Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

Le consentement de la partie qui s'oblige

Sa capacité de contracter

Un objet certain

Une cause licite dans l'obligation'

Aux termes de l'article 414-1 du code civil

'Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte'.

Selon les pièces médicales produites, monsieur [T] a souffert à partir du mois de mars 2007 d'une dépression sévère, était suivi par un psychiatre à la période de la signature de la promesse de vente du 19 octobre 2010, et se trouvait alors sous l'emprise de médicaments antidépresseurs et d'un médicament de la classe des benzodiazépines.

Il n'est toutefois pas démontré qu'à la date de la signature de la promesse de vente du 19 octobre 2010 au profit de monsieur [A] [P] et de l'avenant du 20 décembre 2010, il ait été atteint d'un trouble mental ayant altéré ou aboli son discernement dès lors que la signature de cet acte est l'aboutissement de ses relations avec la famille [P] qui exploite une pépinière à [Localité 1] et en particulier avec monsieur [A] [P], dont rendent compte les quatre courriers adressés aux consorts [U] les 17 décembre 2008, 4 mai 2009, 21 décembre 2009 et 8 janvier 2010 ainsi que le courrier de son conseil du 10 mars 2010 qui révèlent sans ambiguïté son intention de vendre son fonds de commerce à monsieur [P].

Monsieur [T] a réitéré cette promesse de vente dans l'avenant du 20 décembre 2010 en toute connaissance de cause après avoir reçu en novembre un courrier de messieurs [X] et [M] lui rappelant la promesse de vente du 6 août 2004 à leur profit.

Monsieur [T] n'est en conséquence pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas eu la capacité de contracter à la date de la signature de la promesse de vente du 16 octobre 2010.

Il n'est pas démontré par ailleurs que le consentement de monsieur [T] aurait été vicié par des manoeuvres dolosives de monsieur [P] qui aurait abusé de l'état mental déficient de celui-ci.

*

Aux termes de l'article 1176 du code civil :

'Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixé, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé.....'.

Aux termes de l'article 1178 du code civil :

'La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement'.

Selon l'article 16 alinéa 2 du bail du 13 octobre 1976 signé entre monsieur [S] [U] et monsieur [T] :

'Le preneur ne pourrait céder un droit au présent bail qu'à un successeur dans son activité et en restant garant solidaire du cessionnaire dont le choix devrait, en outre être soumis à l'agrément écrit du bailleur. Le preneur reconnaît formellement au bailleur le droit de récuser tout cessionnaire éventuel dont le choix n'aurait pas reçu son agrément préalable'.

Selon l'article 4.1 de la promesse de vente signée le 19 octobre 2010 par messieurs [T] et [P], la réalisation de la vente est subordonnée à la réalisation de diverses conditions suspensives, et notamment de l'obtention de l'agrément du cessionnaire par le bailleur.

Selon l'article 4.2, les conditions suspensives devront être réalisées au plus tard le 24 décembre 2010, faute de quoi la promesse de vente deviendra caduque, chacune des parties reprenant alors sa totale liberté.

Selon l'article 1 de l'avenant signé par les parties le 20 décembre 2010, la condition suspensive consistant en l'agrément du bailleur devra être réalisée avant le 15 juin 2011.

Il est constant que les consorts [U] n'ont pas donné formellement leur agrément à la cession du fonds de commerce à monsieur [A] [P], avant le 15 juin 2011.

Lorsqu'une condition suspensive est édictée dans l'intérêt des deux parties, les deux parties peuvent se prévaloir des conséquences juridiques de la défaillance de cette condition.

En l'espèce, la condition suspensive tenant à l'agrément du bailleur est édictée dans l'intérêt des deux parties, dès lors que la conséquence du non respect de la clause restrictive du bail est pour le cessionnaire l'inopposabilité de la cession à l'égard du bailleur, et pour le cédant le risque de non renouvellement du bail sans indemnité d'éviction ou la résiliation judiciaire du bail.

Monsieur [T] est en conséquence recevable à se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive tenant à l'agrément du bailleur.

L'alinéa 2 de l'article 4.2 prévoit que 'chacune des parties s'engage à faire tout ce qui est nécessaire pour permettre la réalisation des conditions suspensives ci-dessus, tout manquement à cet engagement se traduisant par le versement d'une indemnité au titre de la clause pénale ci-dessous'.

Par courrier du 10 mars 2010, le conseil de monsieur [T] a informé le conseil des consorts [U] du projet de vente du fonds de commerce à monsieur [P] pour un montant de 180 000 euros ainsi que de la prochaine rédaction d'un compromis de vente, et l'a interrogé sur la position du bailleur quant à cette cession.

Par courrier du 23 juin 2010, le conseil des consorts [U] a répondu devoir soumettre le projet de promesse de vente à ces derniers et a informé le conseil de monsieur [T] que ses clients avaient l'intention d'obtenir un loyer plus approprié au marché actuel, et qu'ils ne sauraient donner leur accord sans être informés des facultés financières de monsieur [P].

Par courrier du 25 octobre 2010, le conseil de monsieur [A] [P] a demandé aux consorts [U] de donner leur agrément à la cession du bail.

Par courrier du 22 novembre 2010 adressé au conseil de monsieur [P], le conseil des PANISSE PASSIS a répondu que monsieur [T] avait signé deux promesses de vente, qu'il n'appartenait pas au bailleur de choisir le repreneur et qu'il souhaiterait savoir à quel repreneur il devait donner son agrément.

Par courrier du 16 février 2011 adressé au conseil des consorts [U], le conseil de monsieur [P] a maintenu sa position concernant la ratification d'un nouveau bail moyennant un loyer de 20 000 euros par an.

Par courrier du 31 mars 2011, le conseil de monsieur [P] a réitéré sa demande au conseil des consorts [U] qui par courrier officiel du 15 avril 2011 a répondu que monsieur [T] avait signé deux promesses de vente, qu'il n'appartenait pas au bailleur de choisir entre les deux cessionnaires, et que le bailleur donnait son accord de principe à la cession du bail à monsieur [P] sous diverses conditions notamment un loyer de annuel de

25 000 euros.

Par courrier du 6 avril 2011, le conseil de [A] [P] a confirmé l'accord de ses clients sur les conditions posées par le bailleur notamment un loyer annuel de 25 000 euros.

Il n'est pas produit de réponse à ce courrier.

Aucune pièce ne démontre en conséquence que monsieur [T] aurait empêché l'accomplissement de la condition suspensive tenant à l'agrément du bailleur.

A cet égard, l'agrément donné par le bailleur en février 2011 à la cession du droit au bail à messieurs [X] et [M] ne faisait pas obstacle à ce qu'il donne également son agrément à la cession du droit au bail à monsieur [P], le bailleur n'étant pas partie aux promesses de vente signées par monsieur [T].

Par ailleurs, monsieur [P] était informé à la date de l'avenant du 20 décembre 2010 que le fonds de commerce était d'ores et déjà vendu suivant une promesse de vente synalagmatique du 6 août 2004, par le courrier du 10 novembre 2010 de messieurs [X] et [M] et la communication de ladite promesse.

L'agrément du bailleur à la cession du droit au bail à monsieur [P] n'ayant pas été donnée sans empêchement imputable à monsieur [T], monsieur [T] est fondé à se prévaloir de l'absence de réalisation de la condition suspensive et la promesse de vente est devenue caduque le 15 juin 2011

*

Aux termes de l'article 1134 du code civil :

'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

Il est constant que monsieur [T] a signé en toute connaissance de cause une promesse de vente synalagmatique au profit de monsieur [P] le 19 octobre 2010 et un avenant le 20 décembre 2010, qu'il savait ne pouvoir respecter dès lors qu'il avait antérieurement signé le 6 août 2014 une promesse de vente synalagmatique au profit de messieurs [X] et [M], et qu'il a sollicité et obtenu par courrier du 11 janvier 2011 l'agrément du bailleur à cette dernière vente.

Il a en conséquence fait preuve de déloyauté à l'égard de monsieur [P] en s'engageant contractuellement avec lui en sachant qu'il ne pouvait le faire, et a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle à son égard.

Le préjudice de monsieur [P] s'analyse en la perte de chance de pouvoir exploiter les pépinières de [Localité 3] situées à proximité de sa propre exploitation et/ou la perte de chance de pouvoir acquérir un autre fonds de commerce dans la région pendant les deux ans qui ont précédé la signature de la promesse de vente, aucune clause pénale n'étant insérée dans la promesse de vente.

Les autres préjudices dont fait état monsieur [P], soit la perte de crédibilité auprès des fournisseurs, les frais des démarches auprès des établissements bancaires, la possibilité d'augmenter le chiffre d'affaire du fonds de commerce dès la première année d'exploitation ne sont justifiés par aucune pièce.

Ne saurait être considérée comme un préjudice indemnisable, l'installation d'un concurrent proche et direct de sa propre exploitation 'adossé à la holding Valor environnemental Group' dont l'activité est 'fonds de placement et entité financière similaire' au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a fait une juste appréciation du préjudice en condamnant monsieur [T] à payer à monsieur [P] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la responsabilité délictuelle de messieurs [C] et [K] [U]

Les consorts [U] sont tiers aux promesses de vente signées par monsieur [T] et tiennent du bail signé par leur auteur en 1976 un droit de regard sur la cession du bail.

Il ne saurait être fait grief à ces derniers d'avoir exigé des repreneurs un certain nombre de garanties financières, ni d'avoir donné leur agrément à la cession du bail à messieurs [X] et [M] en février 2011 aux conditions souhaitées, ni de ne pas l'avoir donné à monsieur [P].

Le jugement déféré en ce qu'il déboute monsieur [P] de ses demandes à l'encontre des consorts [U] sur le fondement délictuel, sera en conséquence confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [T] qui succombe n'est pas fondé en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d'appel.

Il convient en équité de condamner monsieur [T] à payer à monsieur [P] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

Il convient en équité de condamner monsieur [P] à payer aux consorts [U] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions en ce compris les dépens,

Ajoutant

Condamne monsieur [R] [T] à payer à monsieur [A] [P] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur [A] [P] à payer à messieurs [C] et [K] [U] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur [R] [T] aux dépens d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 12/11314
Date de la décision : 23/10/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°12/11314 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-23;12.11314 ?
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