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09/09/2014 | FRANCE | N°13/21050

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 09 septembre 2014, 13/21050


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2014



N° 2014/

MR/FP-D











Rôle N° 13/21050





[O] [F]





C/



SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL

SAS PRESTIGE MEDIA

































Grosse délivrée

le :

à :

Me André JOULIN, avocat au barreau de PARIS



Me Caroline M

ACHAUX, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section E - en date du 11 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1712.







APPELANTE



Madame [O...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2014

N° 2014/

MR/FP-D

Rôle N° 13/21050

[O] [F]

C/

SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL

SAS PRESTIGE MEDIA

Grosse délivrée

le :

à :

Me André JOULIN, avocat au barreau de PARIS

Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section E - en date du 11 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 07/1712.

APPELANTE

Madame [O] [F], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me André JOULIN, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 1])

INTIMEES

SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

SAS PRESTIGE MEDIA, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2014.

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [O] [F] a été embauchée par contrat à durée indéterminée en date du 2 novembre 1993 par la société Stratégie Média Conseil, société d'édition de presse et de publicité, en qualité de chef de publicité.

Par la suite, la société Stratégie Média Conseil confiait l'activité de prospection à des régies publicitaires, et le contrat de travail de Madame [F] était ainsi transféré, le 30 octobre 1996 à la société Régie Centrale de Presse, le 20 octobre 1998 à la société Stratégie Média Conseil avec laquelle un contrat de travail était formalisé le 16 février 1999, et enfin à compter du 1er janvier 2003 à la société Prestige Média.

Le 28 novembre 2007 Madame [O] [F] saisissait le conseil des prud'hommes de Nice pour faire convoquer les sociétés Prestige Média et Stratégie Média Conseil et solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, un rappel de salaire sur ses commissions et ses frais professionnels ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive.

Le 30 juillet 2008, elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

PROCEDURE

Par lettre recommandée postée le 25 octobre 2013, Madame [O] [F] a relevé appel du jugement rendu le 3 avril 2013 par le conseil de prud'hommes de Nice qui a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société SAS PRESTIGE MEDIA et qui l'a condamnée à lui payer les sommes de 68 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 16 971,63 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1697,16 euros pour les congés payés qui s'y rapportent, 26 136,31 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

a débouté les sociétés SAS PRESTIGE MEDIA et SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL de leurs demandes de paiement d'une somme de 15 000 € pour non-respect du préavis,

a sursis à statuer sur le surplus,

a ordonné une expertise comptable pour déterminer les modalités contractuelles exactes de sa rémunération et le respect par l'employeur de ses obligations concernant le remboursement des frais professionnels, le paiement des commissions, le paiement de la prime d'avril et juin 2006.

Elle demande à la cour :

de dire et juger que les faits qu'elle reproche à son employeur justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du 31 juillet 2008,

que cette résiliation aura les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

de condamner conjointement et solidairement les sociétés SAS PRESTIGE MEDIA et SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL à lui payer :

16 971, 63 € à titre d'indemnité de préavis,

1697,16 euros pour les congés payés sur préavis,

26 136,30 euros à titre d'indemnité licenciement,

de confirmer le jugement déféré sur ce point,

de le réformer en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en portant la condamnation à la somme de 101 830 €,

d'infirmer le jugement pour le surplus et de condamner conjointement et solidairement les sociétés SAS PRESTIGE MEDIA et SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL à lui payer :

170 671, 15 € à titre de rappel de commissions,

17 067,12 euros pour les congés payés qui s'y rapportent,

72 387,41 euros au titre du remboursement des frais professionnels,

877 € au titre des primes d'avril et juin 2006,

10 000 € à titre d'indemnité de procédure,

de dire et juger que l'ensemble des demandes à l'exception de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portent intérêts de droit à compter de la saisine du conseil des prud'hommes le 28 novembre 2007,

de condamner les sociétés SAS PRESTIGE MEDIA et SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL à lui rembourser les frais d'expertise s'élevant à la somme de 8188,51 euros,

d'ordonner la remise d'un certificat de travail, du solde de tout compte et de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 100 € par jour et par document à compter du 30e jour suivant la notification,

de condamner les sociétés SAS PRESTIGE MEDIA et SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL aux dépens.

Les sociétés SAS PRESTIGE MEDIA et SAS STRATEGIE MEDIA CONSEIL demandent à la cour :

de constater que la libre détermination des remises autorisées par l'employeur ne peut être considérée comme une modification unilatérale de la rémunération du salarié,

que le périmètre de prospection de Madame [F] n'a pas été réduit,

qu'elle a bénéficié d'un trop-perçu de commissions à hauteur de 5482,55 euros,

qu'elle a été remplie de ses droits pour les congés payés,

que les primes réclamées ne sont pas dues,

que les dossiers dit « avocats » sont des dossiers impayés n'ouvrant pas droit à commissions pour la plupart,

que le harcèlement moral invoqué par Madame [F] n'est pas justifié,

que les faits invoqués par Madame [F] ne rendaient pas la poursuite du contrat de travail impossible, celle-ci ayant poursuivi son activité au sein de la société Prestige Média près de deux ans après avoir saisi la juridiction prud'homale,

que Madame [F] est partie travailler à la concurrence,

en conséquence,

d'infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Nice,

de mettre hors de cause la société Stratégie Média Conseil,

de dire et juger que la prise d'acte s'analyse en une démission,

de débouter Madame [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

de la condamner à payer à la société Prestige Média la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du préavis et brusque rupture,

de la condamner à payer à la société Stratégie Média Conseil la somme de 5000 € à titre d'indemnité de procédure,

de la condamner à payer à la société Prestige Média la somme de 5000 € à titre d'indemnité de procédure,

de la condamner aux dépens et aux frais d'expertise.

À l'audience du 14 mai 2014, le conseil des intimés demande à la cour d'écarter les pièces jointes annexées au rapport d'expertise clôt le 25 février 2013 par l'expert [V] exposant que son exemplaire lui a été délivré sans ces annexes.

Le conseil de l'appelante a fait valoir que ce point est dénué d'intérêt.

Un débat s'instaure par ailleurs sur l'avancement de la procédure, en l'état d'une nouvelle expertise, après que deux expertises aient déjà été ordonnées aux frais avancés de Madame [F],

au regard des dispositions de l'article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui consacrent pour toute personne le droit d'obtenir un jugement dans un délai raisonnable.

Considérant qu'il appartient au juge de mettre en 'uvre les moyens procéduraux dont il dispose pour permettre au justiciable d'obtenir une décision définitive sur ses contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable, qu'en l'espèce Madame [F] a saisi le conseil des prud'hommes le 28 novembre 2007, qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 juillet 2008, qu'un premier rapport d'expertise comptable a été déposé le 28 juillet 2009 en exécution d'un jugement du 22 mai 2008, qu'un second rapport d'expertise comptable a été déposé le 26 février 2013 en exécution d'un jugement rendu 15 décembre 2010, et que le jugement déféré rendu le 11 septembre 2013 n'a que partiellement statué sur les demandes, et a ordonné une troisième expertise comptable,

Constatant que chacun des deux experts qui se sont succédés dans ce dossier ont stigmatisé la carence et l'attitude dilatoire de la société Prestige Media, qui n'a pas produit les éléments nécessaires à la bonne conduite de leur mission, alors qu'il lui appartient de démontrer qu'elle s'est libérée du paiement des sommes réclamées par Madame [F], et que le jugement déféré énonce lui-même dans ces motifs :

« attendu qu'il résulte du rapport d'expertise de Monsieur [V] que les sociétés défenderesses n'ont pas collaboré à la mission confiée »,

la cour, fait application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile et évoque d'office, avec l'accord des parties, le fond de l'affaire sur lequel elles plaident immédiatement, reprenant et développant leurs arguments sur tous les points en litige, tels qu'ils ressortent des écritures visées à l'audience du 14 mai 2014 auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'incident de communication de pièces :

Pour satisfaire au principe du contradictoire, la cour écartera les pièces jointes annexées au rapport d'expertise clôturé le 25 avril 2013 par l'expert [V] et ne prendra aucune connaissance des pièces litigieuses.

La demande de mise hors de cause de la société Stratégie Média Conseil :

La société Stratégie Média Conseil a été l'employeur de Madame [F] jusqu'au 1er janvier 2003 date à laquelle le contrat de travail a été transféré à la société Prestige Média.

Toutes les demandes formulées par Madame [F] ne portent pas sur la période contractuelle postérieure au 1er janvier 2003 de sorte que les dispositions de l'article L 1224 ' 2 du code du travail s'opposent à ce que la société Stratégie Média Conseil soit mise hors de cause.

La demande tendant à voir imputer la rupture du contrat de travail à l'employeur :

La cour constate que Madame [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 juillet 2008 postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire.

Dans le courrier qu'elle a adressé à la société Prestige Média le 30 juillet 2008 Madame [O] [F] expose :

« depuis de nombreuses années je vous ai alerté à de multiples reprises sur les innombrables manquements à vos obligations contractuelles notamment dans le versement de mes commissions et sur les modifications de mon contrat de travail que vous m'avez imposées.

Vous n'en avez tenu aucun compte, vous avez persévéré dans cette attitude et je n'ai eu d'autre choix que de saisir le conseil de prud'hommes.

Cependant je ne peux que constater que depuis que j'ai engagé cette procédure, mes conditions de travail se dégradent de manière insupportable.

Vous ne cessez de m'appeler, et je peux dire de me harceler, afin de me décourager de poursuivre la procédure que j'ai engagée à votre encontre.

Vos propos agrémentés de menaces à peine voilées s'ajoutent à des remarques désobligeantes à mon encontre devant mes collègues de travail les prenant à témoin afin de solliciter leur témoignage le cas échéant. »

Madame [F] reproche à son employeur :

-d'avoir mis en 'uvre une procédure de recrutement pour la remplacer,

-de retirer de sa rémunération une somme correspondant à des frais professionnels qu'elle aurait engagés pour le compte de la société et de persister à modifier le mode de calcul de ses commissions,

-d'avoir déduit de son salaire d'avril le montant du billet d'avion avec lequel elle devait se rendre au salon de Milan qui se tenait le 15 avril alors qu'elle était en arrêt maladie du 14 au 25 avril.

-d'avoir fait l'objet le 29 juillet à son domicile d'un contrôle médical par un médecin ne justifiant pas de sa qualité, ne l'ayant ni examinée ni interrogée sur son état de santé et ayant déclaré que « son arrêt travail n'était plus valable et qu'elle devait immédiatement prendre en contact avec son employeur ».

Elle conclut de la façon suivante :

« ainsi j'ai supporté pendant des années tous vos manquements.

Vous n'avez pas admis que je refuse un accord alors que vous me proposiez une somme dérisoire, tout cela pour vous donner le beau rôle de celui qui cherche à concilier.

Je ne peux plus subir ces violations réitérées de mon contrat, de la loi et le préjudice qui découle pas plus que je ne peux continuer à supporter vos pressions qui constituent un véritable harcèlement et compromettent gravement ma santé.

Je suis donc contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs, et ce en raison de mes conditions de travail qui se sont dégradées au point de devenir insupportables.

Compte tenu des circonstances, mon contrat sera rompu à la date du 31 juillet prochain.

Je ne peux absolument pas effectuer de préavis dans ces conditions. »

 

Le harcèlement moral :

Pour développer ce grief qui ne fait pas l'objet d'une demande distincte de dommages-intérêts mais qui constitue l'un des manquements invoqués au soutien de la demande tendant à voir imputer la rupture du contrat de travail à l'employeur, Madame [F] expose que son employeur n'a cessé de l'appeler pour la menacer si elle poursuivait la procédure, qu'il a multiplié les remarques désobligeantes envers elle devant ses collègues de travail, qu'il a produit dans le cadre de la première instance un courriel daté du 26 novembre 2004 qui serait un faux, que son employeur s'introduisait dans sa boite mail pour lire ses correspondances, et qu'elle avait été déclassée et que ce comportement a eu un retentissement sur son état de santé.

Elle n'a produit que trois arrêts de travail en date des 22 et 28 juillet 2008 faisant état d'un « syndrome dépressif » justifiant un repos à la campagne, ainsi qu'un certificat non daté établi par le médecin du travail le Docteur [K] faisant état de ce que « lors des différentes consultations, elle alléguait un état de stress, des troubles du sommeil, qu'elle attribuait à ses conditions de travail ».

Par ailleurs, la fausseté du mail en date du 26 novembre 2004 n'est pas démontrée par le courrier écrit trois ans plus tard le 22 juin 2007 par l'employeur « je vous précise qu'à diverses reprises je vous ai proposé de modifier cette clause du contrat avec une contrepartie sur la rémunération variable et que vous avez refusé » et la carence de Madame [F] dans l'administration de la preuve ne permet pas de retenir cet élément.

L'intrusion de l'employeur dans ses données personnelles n'est pas davantage démontrée par l'évocation de ses recherches sur le site seloger.com.

Quant à la déclassification, elle ne sera pas retenue puisqu'il apparaît que Madame [F] a toujours conservé son statut de cadre et que seul l'intitulé de ses fonctions a été modifié de « chef de publicité» en « directrice de clientèle », ce qui est prévu par son contrat de travail en date du 16 février 1999 qui précise qu'elle exercera « les fonctions de chef de publicité avec le titre de directeur de clientèle ».

Dans ces conditions, les agissements invoqués pris dans leur ensemble ne constituent pas des «agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce grief.

Les anomalies sur les commissions et les remboursements de frais professionnel :

Tout au long de la relation contractuelle, dès le mois de janvier 1999 Madame [F] a écrit à son employeur pour se plaindre d' anomalies relevées sur ses bulletins de salaire :

-Ainsi le 8 janvier 1999, elle signalait une distorsion entre les relevés de commissions annexés à la fiche de paye et le montant des commissions mentionnées sur les bulletins de salaire, des écarts en sa défaveur, le fait que le nombre de ses jours de congés à prendre ne figurait plus sur ses derniers bulletins de salaire, qu'elle n'était pas informée du suivi des dossiers traités par ses soins qui avaient été transmis à l'avocat pour recouvrement.

-le 3 août 2001 elle faisait part de ses vives inquiétudes concernant son statut au sein de la société et sa rémunération, et rappelait « vous êtes toujours à me devoir la somme de 30 000 Fr. environ de commissions depuis 1996 (erreur de taux). D'autre part les chiffres que vous m'avez remis le 2 août 2001 comportent des erreurs »

-le 12 novembre 2002, elle signalait avoir constaté sur l'annexe à la feuille de paye de janvier 2002 qu'on lui avait retiré 2006,80 euros de frais ajoutant « j'attire votre attention sur le caractère inacceptable de cette situation. Depuis huit années par-delà les termes du contrat initial ces frais ont toujours été réglés. (') En toute hypothèse il est de principe que les frais qu'un salarié a justifié avoir exposé pour les besoins de son activité professionnelle soient remboursés.(') ». Elle réclamait par ailleurs 13 066,9 euros au titre des commissions sur les années 98 à septembre 2002.

-Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er avril 2003 elle réclamait à nouveau pour 4734,89 euros au titre des frais impayés outre 13 066,9 euros correspondants à des écarts de commissions.

-le 5 mai 2004 : elle signalait à nouveau des erreurs en sa défaveur sur le calcul du taux de commission 2494,48 euros hors-taxes, des frais professionnels restés à sa charge, la soustraction à son salaire de décembre de 2 jours de congés sur la période du 23 décembre 2003 au 5 janvier 2004,

-le 19 mai 2004 une nouvelle anomalie sur le taux de commission entraînant une différence de 336,12 euros à son détriment.

-Le 12 juin 2006 pour signaler que les salaires et accessoires impayés s'élevaient à 76 680 €,

-le 20 septembre 2006 « vous avez en votre possession tous les documents déjà fournis auparavant à vous-même et votre service administratif permettant de rétablir les « erreurs » « oublis » dont je suis victime ».

Madame [F] expose que son employeur lui a appliqué des taux de commissions fantaisistes non prévus par son contrat de travail et qu'à compter de janvier 2005, il a diminué unilatéralement , sans son accord, ses commissions d'un point, contestant en cela être l'auteur du courriel d'acceptation qui a été produit aux débats.

Elle a chiffré sa demande à la somme de 170 671, 15 € outre 17 067,11 euros pour les congés payés qui s'y rapportent.

L'expert judiciaire, Monsieur [V], a exposé et analysé de manière détaillée les éléments contractuels de rémunération, tel qu'ils ressortaient des contrats de travail signés le 2 novembre 1993 et le 16 février 1999.

Le contrat de travail conclu le 16 février 1999 prévoit un fixe annuel de 70 800 Fr. brut 13e mois conventionné inclus pour un horaire mensuel de 169 heures, prime d'ancienneté incluse,

des primes d'objectifs,

des bonus de 2 et 4 % du chiffre d'affaires mensuel hors-taxes,

et une commission proportionnelle au montant hors-taxes des ventes d'espaces publicitaires acceptées par le support, frais techniques inclus, réalisé dans le mois précédent, selon les modalités suivantes :

vente à tarif normal et jusqu'à une remise clients de 15 % inclus : 10 %

vente avec remise clients supérieurs à 15 % et jusqu'à 40 % : 7 %

vente avec remise clients de 40 % et plus : 6,3 %

vente avec remise supérieure à celle autorisée : 0 %

Les primes, commissions et bonus ne sont dus que sur les sommes effectivement encaissées à l'exclusion des impayés et des échanges de marchandises,

les commissions sont versées le mois suivant l'encaissement des règlements des clients, sans attendre la vérification de la bonne fin des encaissements.

En cas d'impayés, les sommes trop perçues primes, bonus et commissions sont déduites des rémunérations du mois suivant.

Pour ce qui concerne la somme de 40 983,67 euros sollicitée par Madame [F] sur la base de l'application de taux de commission erronés , les vérifications de l'expert ont porté sur 51 opérations pour lesquelles il y avait un différend quant au taux de commission applicable. (Rapport page 7 et suivantes). Elles démontrent que l'employeur n'a pas établi clairement toutes les modalités et les conséquences du « dégressif volume », critère susceptible d'affecter le taux de commission et donc de modifier de manière opaque la rémunération de la salariée.

L'expert a constaté par ailleurs que la notion de « taux de remise autorisée » ne correspondait à rien de concret la société Prestige Média n'ayant pas établi avoir convenu d'une telle limite sur telle ou telle affaire.

Faute d'information supplémentaire, il a chiffré a minima le montant des commissions restant à devoir à Madame [F] à la somme de 9102 €, ajoutant que les ventes à l'étranger avaient entraîné des commissions injustement minorées pour Madame [F] du fait, selon la société, « d'erreurs du logiciel ».

Pour ce qui concerne la somme de 102 789,57 euros réclamée au titre des ventes non commissionnées, l'expert a fait porter son analyse sur 45 dossiers identifiés conclus entre 2003 et 2006 ; après vérification, il a chiffré à 12 689,82 euros les commissions que la société Prestige Média reconnaît devoir au titre de dossiers non payés, ajoutant que le différend porte sur la notion de « dégressif volume » dont l'application fait varier le taux de remise, par exemple de 23,58 %, ce qui donne droit à une commission, à 50,96 %, donc supérieur à 40 % et ne donnant pas droit à une commission, comme c'était le cas pour le dossier ARMANI fact. 7304.

Pour ce qui concerne les frais professionnels, le contrat de travail signé en 1993 contient la clause suivante : « les frais que Madame [O] [F] aura engagés pour sa prospection commerciale seront réputés couverts forfaitairement par 30 % des primes et des commissions versées, plafonné à 6500 Fr. par mois.

Madame [O] [F] devra justifier par tous moyens (notes de frais, de repas, d'essence, de péage et kilométrage effectués) la réalité des frais engagés et leur montant. Les sommes correspondantes apparaîtront donc comme remboursement de frais et ne seront pas soumises à cotisations sociales.

Tous justificatifs devront être remis à la direction de SMC en vue d'obtenir le remboursement des frais engagés dans la limite du remboursement plafond »

Le contrat signé de 16 février 1999 contient la clause suivante : « les frais que le salarié engage pour sa prospection sont réputés couverts forfaitairement par sa rémunération et ne donnent pas lieu à remboursement. Les sommes correspondantes seront soustraites du salaire brut et apparaîtront donc comme remboursement de frais et ne seront pas soumises à cotisations sociales.

Les justificatifs des feuilles de route seront remis à la direction de SMC en vue de l'obtention du remboursement des frais engagés »

Madame [F] sollicite le remboursement d'une somme de 72 387 € pour la période d'octobre 2001 à janvier 2007.

L'expert a relevé que sur la période du 19 décembre 2003 au 8 août 2006, pour laquelle il disposait de la comptabilité, ces frais avaient été payés par virement séparés au titre de ses remboursements de frais, après avoir été précédemment déduits des commissions brutes, selon le procédé prévu au contrat consistant à déduire les notes de frais du brut et à les réintroduire en net.

Il s'ensuit que Madame [F] n'est pas fondée à en solliciter le remboursement.

Pour le surplus, sur la période d'octobre 2001 à novembre 2003, le montant des frais dont le remboursement est sollicité est le suivant :

pour 2001 : 5995,70 euros

pour 2002 : 15 257,86 euros

de janvier à novembre 2003:16 069,29 euros

soit au total la somme de 37 322,85 euros qui est justifiée par un tableau (en cote 39) ainsi que par les mentions portées aux bulletins de salaire correspondants (cote 26), somme que la société Stratégie Média Conseil, alors employeur, ne justifie pas avoir effectivement réglée, et qu'elle sera en conséquence condamnée à payer solidairement avec la société Prestige Média, en application des dispositions de l'article L 1224 ' 2 du code du travail qui précisent que « le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont le contrat de travail subsiste, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification. »

Enfin, pour ce qui concerne les primes d'avril et juin 2006, il ressort des pièces versées aux débats que la première prime concerne un contrat FIRST TIME conclu sur le secteur prospecté par Madame [W] et que la seconde prime concerne un contrat ET SHOLTES conclu sur le secteur prospecté par Madame [R].

Pour autant, l'employeur n'a pas démontré avoir imputé ces contrats aux comptes de Mesdames [W] et [R], ce qui doit conduire à condamner la société Prestige Média à payer les sommes réclamées.

En définitive, la cour retiendra que l'expert Monsieur [V] a stigmatisé l'attitude des défendeurs précisant : « nous avons rencontré de grandes difficultés pour remplir la présente mission qui nous a été confiée. En effet, à aucun moment nous n'avons pu compter sur la collaboration des défendeurs.

Bien au contraire, des réponses et des pièces nous ont été promises sans que jamais ces engagements soient suivis d'effet. Cette attitude dilatoire a entraîné une forte perte de temps d'une part et nous a empêché d'autre part de remplir notre mission d'une façon qui nous satisfasse.

Le précédent expert judiciaire, Monsieur [N], avait été contraint pour d'autres raisons de rendre un rapport de carence. »

Au vu des conclusions de l'expert [V], du fait que Madame [O] [F] a étayé sa demande par des pièces qui ont été soumises à l'expert, et de la carence réitérée des sociétés Prestige Média et Stratégie Média Conseil dans l'administration de la preuve de leurs allégations, il sera fait droit à la demande formulée au titre des commissions, et les deux employeurs successifs condamnés solidairement à payer la somme de 170 671, 15 € outre 17 067,11 euros pour les congés payés qui s'y rapportent.

Il sera en outre fait droit à la demande de Madame [F] pour la prime du mois de juin 2006, pour un montant de 877 € le chiffre d'affaires ayant atteint 28 886 €.

La société Prestige Média n'a pas produit les pièces réclamées pour justifier le chiffre d'affaires réalisé au mois d'avril 2006. Il sera fait droit à la demande pour la somme de 305 €.

La société Prestige Média, alors employeur, sera condamnée au paiement de ces sommes.

Les manquements réitérés et persistants de l'employeur, qui a instauré un système de rémunération opaque, ont affecté la rémunération de Madame [F], nécessaire contrepartie de son travail, ce qui justifie de dire, au regard de leur gravité, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

Agée de 60 ans, Madame [F] totalisait 14 ans d'ancienneté. Sa rémunération moyenne brute mensuelle s'établissait à 5665 €. Elle n'a pas fait connaître qu'elle était sa situation après la rupture contractuelle. Son préjudice a justement été évalué à la somme de 68 000 €.

Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

En application des dispositions de la convention collective l'indemnité conventionnelle de licenciement s'établit à 26 136,31 euros et l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 16 971,63 euros outre 1697,16 euros pour les congés payés qui s'y rapportent. Ces montants seront confirmés.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société Prestige Média, alors employeur, au paiement des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande d'indemnité compensatrice de congés payés :

Madame [F] sollicite diverses sommes pour régularisation de ses congés payés sur les périodes de juin 2002 à mai 2007.

Les calculs succincts et théoriques présentés par Madame [F] n'ont pas convaincu la cour.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces demandes.

La demande reconventionnelle des sociétés Stratégie Média Conseil et Prestige Media :

Compte tenu de la solution appliquée au litige cette demande a justement été rejetée par les premiers juges.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Écarte des débats les annexes au rapport d'expertise déposé par Monsieur [V] le 1er mars 2013,

Confirme le jugement rendu le 11 septembre 2013 par le conseil des prud'hommes de Nice, en ce qu'il a fixé à 68 000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à 16 971,63 euros le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, à 1697,16 euros les congés payés qui s'y rapportent, à 26 136,31 euros l'indemnité conventionnelle de licenciement, en ce qu'il a débouté Madame [O] [F] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés et les sociétés Stratégie Média Conseil et Prestige Media de leurs demandes reconventionnelles,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

Dit que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 30 juillet 2008,

Dit que la société Prestige Média est seule tenue du montant des condamnations prononcées,

Pour le surplus, évoquant d'office le fond du droit, en application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile,

Condamne solidairement les sociétés Stratégie Média Conseil et Prestige Media à payer à Madame [O] [F] les sommes suivantes :

37 322,85 euros au titre des frais professionnels exposés sur la période d'octobre 2001 à novembre 2003,

170 671, 15 € au titre des commissions outre 17 067,11 euros pour les congés payés qui s'y rapportent,

Condamne la société Prestige Média à payer à Madame [O] [F] les sommes de 305 € au titre de la prime d'avril 2006 et de 877 € au titre de la prime de juin 2006,

Ces sommes portant intérêt à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,

Déboute Madame [O] [F] de toutes ses autres demandes,

Rejette toute autre demande comme étant infondée ou sans objet,

Condamne solidairement les sociétés Stratégie Média Conseil et Prestige Media à payer à Madame [O] [F] la somme de 2000 € à titre d'indemnité de procédure pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel, et celle de 8188,51 euros correspondants aux frais avancés par elle au titre des expertises,

Les condamne solidairement aux dépens d'appel ainsi qu'à supporter le coût des expertises.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 13/21050
Date de la décision : 09/09/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°13/21050 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-09;13.21050 ?
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