COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 03 JUILLET 2014
N° 2014/336
Rôle N° 13/10470
[I] [R]
SYNDICAT MARITIME FO DES REGIONS CORSE ET PACA
C/
SOCIETE NATIONALE MARITIME CORSE MEDITERRANEE
ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE
LA CRI - PREVOYANCE
Grosse délivrée
le :
à :
- Monsieur [I] [R]
- SYNDICAT MARITIME FO DES REGIONS CORSE ET PACA
- Me Philippe RAYMOND, avocat au barreau de PARIS
- Me Maxime PLANTARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- LA CRI - PREVOYANCE
Copie pour information délivrée le
à : M. [F] [P] (Délégué syndical ouvrier)
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 23 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/101235.
APPELANTS
Monsieur [I] [R],
demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de M. [F] [P] (Délégué syndical ouvrier)
SYNDICAT MARITIME FO DES REGIONS CORSE ET PACA, demeurant [Adresse 5]
représentée par M. [F] [P] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEES
SOCIETE NATIONALE MARITIME CORSE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Philippe RAYMOND, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 2]) substitué par Me Elvine LOISAUX, avocat au barreau de PARIS
ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Maxime PLANTARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
LA CRI - PREVOYANCE (IONIS PREVOYANCE), demeurant [Adresse 6]
non comparante- ni représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014.
Signé par Madame Fabienne ADAM, Conseiller en remplacement du Président empêché et Mme Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. .
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
M. [R] a été embauché par la SNCM( société nationale Corse Méditerranée) au mois d'Août 1973 et titularisé en qualité d'assistant-mécanicien le 1er janvier 1987 .
Il a été désigné délégué syndical du syndicat CFDT du 1er septembre 1999 au 31 décembre 2005 et élu représentant du comité d'entreprise à compter du 6 novembre 2004.
Le 16/05/2008, M. [R] a demandé son admission au dispositif de cessation anticipé d'activité inclus dans le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la SNCM qu'il a quitté le 10 JUIN 2008 , percevant de ce fait une indemnité de départ de 87.130 € .
Le tribunal d'instance de Marseille saisi par M. [R] a par jugement du 23/04/2013, auquel il est renvoyé pour une plus ample information de la procédure , :
-ordonné la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 10-1235 et 11-4497;
-constaté que les demandes de paiement des salaires ou accessoires antérieures au 30 mars 2005 sont irrecevables car prescrites;
-débouté M. [I] [R] de ses demandes de paiement de rappel d'indemnité de congés payés et d'indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel antérieurs au 30 mars 2005 ainsi que de frais de déplacement pour juin 2004 et d'un forfait mensuel en juillet 2004 ;
-condamné la Société Nationale Corse Méditerranée à payer à M. [I] [R] une indemnité de congés payés de 3.346,05 € pour la période du 1 er avril 2005 au 15 décembre 2005 correspondant à du temps de délégation syndicale décompté en jours de congé et non comme du temps de travail effectif;
-débouté M. [I] [R] du surplus de sa demande de paiement d'un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés et d'une indemnité de congés payés afférente à ce rappel pour la période non prescrite;
-débouté M. [I] [R] du surplus de sa demande de paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral et financier causé par le décompte des jours de congés par la SNCM ;
-débouté M. [I] [R] de sa demande de compensation de pertes de salaires pour les années 2004, 2005 et 2006 ;
-débouté M. [I] [R] de sa demande tendant à l'exécution forcée du procès-verbal de conciliation du 31 mai 2012 et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de la SNCM et de l'ENIM ;
-constaté que l'adhésion de M. [I] [R] au dispositif de cessation anticipée d'activité du personnel navigant inclus dans le Plan de Sauvegarde de l'emploi de la SNCM le 10 avril 2008 s'analyse en une rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié;
-débouté M [R] de ses demandes de paiement d'une indemnité de délai-congé, de dommages et intérêts pour rupture irrégulière du contrat de travail, pour licenciement abusif et pour discrimination syndicale;
-débouté l'Etablissement National des Invalides de la Marine de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive;
-condamné M. [I] [R] et le syndicat le syndicat maritime FO des régions Corse PACA à verser à l'Etablissement National des Invalides de la Marine la somme de 1.000 € (Mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
-débouté M. [I] [R] et le syndicat le syndicat maritime FO des régions Corse PA CA de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;
-DÉBOUTÉ la Société Nationale Corse Méditerranée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
-condamné M. [I] [R] et le syndicat le syndicat maritime FO des régions Corse PACA aux dépens ;
M. [I] [R] et le syndicat le syndicat ont régulièrement fait appel de ce jugement .
.../...
Reprenant oralement leurs conclusions auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens, M. [I] [R] et le syndicat le syndicat sollicitent la réformation du jugement déféré , d'acter la mise hors de cause de IONIS PREVOYANCE, de dire le syndicat maritime FO des régions Corse et PACA recevable auprès de M. [R] , d'acter que M. [R] renonce à sa demande de remise des documents administratifs , d'ordonner l'exécution du procès verbal de conciliation du 31/05/2002, de dire que cette décision est opposable à l'ENIM et de condamner cette dernière à verser à M. [R] 1000 € pour résistance abusive.
Ils demandent en outre à la cour de dire que M. [R] a fait l'objet d'un licenciement irrégulier en la forme , abusif et discriminatoire au fond et de condamner la SNCM à lui payer :
- 8913,12 € d'indemnité compensatrice de délai-congé
- 891,31 € de congés payés y afférents
-les intérêts aux taux légal sur ces deux sommes depuis le 12/06/2008.
- 4456,58 € de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier
-55000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif
-20000 € de dommages-intérêts pour discrimination indirecte
-30865,15 € de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés pour les exercices 2004,2005,et 2006
- 3086,51 € au titre des congés payés y afférents
- 8285,41 € de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés pour les exercices 2004 et 2005 lorsqu'il exerçait la fonction de délégué syndical CFDT
- 828,54 € de congés payés y afférents
- 6149,10 € au titre des pertes de salaire subies en 2004 et 2005 à l'occasion de son mandat de délégué syndical
- 532,93 € de congés payés sur ce rappel de salaire
- 164 € au titre des frais de fonctionnement pour le mois de juin 2004
-15000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier.
- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile in solidum entre la SNCM et M. [R]
La SNCM conclut à la confirmation du jugement et sollicite 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
L'ENIM conclut au débouté de M. [I] [R] et du syndicat FO , demande à la cour de constater que les appelants ne formulent aucune demande à son encontre et en conséquence de la mettre hors de cause e t à titre subsidiaire qu'elle ne peut procéder à l'inscription de ces périodes à défaut de validation préalable par l'employeur de M. [R] et en tout état de cause de condamner les appelants à 1000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
MOTIVATION
Sur la mise hors de cause de l'ENIM:
Les demandes des appelants devant la cour ont été énoncées ci-dessus.
En l'absence de demande formulée à l'encontre de l'ENIM, celle-ci doit être mise hors de cause et M. [I] [R] et le syndicat FO condamnés solidairement à la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
Sur le licenciement:
-sur la régularité du licenciement :
M. [R] estime que son licenciement est irrégulier faute pour la SNCM d'avoir obtenu une autorisation administrative en raison de son statut de salarié protégé du fait de son mandat de membre du CE.
Il soutient que le premier juge a éludé son statut de salarié protégé .
Or , la simple lecture du jugement querellé montre que le tribunal d'instance n'a pas fait l'impasse sur cette difficulté .
En effet, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte que le premier juge a débouté M. [R] de sa demande . M. [R] ayant fait une lecture erronée de la décision , la cour rappelle in extenso celle-ci:
' En vertu de l'article L. 2411-2 du Code du travail bénéficient de la protection contre le licenciement le délégué syndical et le membre du comité d'entreprise.
Selon l'article L. 2411-3 du même code, le licenciement du délégué syndical nécessite l'autorisation de l'inspecteur du travail durant les douze mois qui suivant la date de cessation de ses fonctions.
L'article L. 2411-8 précise que l'ancien membre élu du comité d'entreprise ainsi que l'ancien représentant syndical qui, désigné depuis deux ans, n'est pas reconduit dans ses fonctions bénéficient de cette protection pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat.
En l'espèce, M. [I] [R] a cessé d'exercer le mandat de délégué syndical CFDT à compter du 27 décembre 2005 et a été désigné délégué syndical par le syndicat autonome ULM le 10 septembre 2007, désignation qui a été annulée par jugement du 28 février 2008 au motif que ce syndicat n'était pas représentatif.
M. [I] [R] a par ailleurs été élu membre du comité d'entreprise le 21 octobre 2004 pour une durée de deux ans puisque la loi du 2 août 2005 portant à quatre ans la durée des mandats des représentants au comité d'entreprise n'était pas applicable lors de son élection. Il ne s'est pas présenté aux élections des membres du comité d'entreprise du 18 janvier 2007 de sorte que son mandat a pris fin à cette date.
Dès lors, lorsque M. [I] [R] a adhéré au dispositif de cessation anticipée d'activité le 16 mai 2008,· il n'avait plus la qualité de salarié protégé requérant l'autorisation de l'inspecteur du travail (la période de protection a pris fin le 27 décembre 2006 pour son mandat de délégué syndical et le 18 juillet 2007 pour son mandat de membre élu du comité d'entreprise). '
Le moyen soutenu à nouveau en appel est particulièrement fallacieux.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
-sur la légitimité du licenciement :
Le départ volontaire à la retraite dans le cadre d'un plan social constitue une rupture à l'initiative du salarié .
Le premier juge a justement constaté que M. [R] n'a ' fourni aucun élément permettant de rapporter la preuve qui lui incombe que son consentement était altéré au moment précis de son adhésion au dispositif de départ anticipé à la retraite.'
Il ne le fait pas plus en instance d'appel . Le seul fait qu'un salarié soit malade et même dépressif n'implique pas de facto que son jugement est altéré au point de signer contre son gré une cessation anticipée d'activité qui n'est pas intervenue à la suite d'un seul entretien et qui respecte toutes les modalités prévues par le PSE ( page 36 du Plan de sauvegarde) que la SNCM justifie avoir remplies ( pièces 5)
Le jugement sera à nouveau confirmé en ce qu'il a , par des motifs pertinents et qu'il n'apparaît pas opportun de reprendre ,débouté M. [R] de ses demandes de paiement d'une indemnité de délai-congé ainsi que des dommages-intérêts pour rupture irrégulière du contrat de travail, pour licenciement abusif et pour discrimination syndicale .
Sur la prescription:
C'est encore par une analyse pertinente des textes que le premier juge a considéré que toute demande de paiement des salaires ou accessoires, dont les frais de déplacement de juin 2004 et le forfait mensuel pour juillet 2004, réclamés en vertu du contrat de travail pour la période antérieure au 30 mars 2005 est prescrite, le permis de citer délivré par l'administrateur maritime ne pouvant être assimilé à une demande ou une citation en justice, faisant en cela une juste application des dispositions des articles L.3245-1 du code du travail,2224, 2240 et 2241 du code civil,
Le jugement sera confirmé de ce chef.
ll le sera également en ce qui concerne le rappel d'indemnités des congés payés non sollicités par M. [R], reprenant le principe selon lequel les congés, payés ne sont dus et ne peuvent être pris que lorsqu'ils ont été acquis après une période de travail effectif conformément aux articles L 3141-4 et suivants du code du travail et que compte tenu de son statut de personnel navigant , l'employeur n'était pas tenu de lui fournir du travail à terre et rappelant que , en l'absence de travail effectif et d'exercice d'un travail syndical à terre , le décompte en demi-journée de congé a permis , en accord avec l'inspection du travail maritime, le maintien de la rémunération du marin en contournant l'impossibilité pratique de fournir au marin un travail conforme à ses qualifications et à son statut de personnel navigant
Sur le rappel d'indemnités de congés payés décomptées pendant l'exercice par M. [R] de son mandat de délégué syndical:
M. [R] reproche au premier juge d'avoir minoré sa demande sans raison. Il lui sera rappelé que le premier juge a précisé qu'il tenait compte de ' la période non prescrite postérieure au 30 mars 2005", alors que sa demande initiale porte sur les années 2004 et 2005 pour une somme de 8285,41 € .
La SNCM sollicite quant à elle la réformation du jugement sur ce point au motif que pour nombre des bons de délégation produits , M. [R] posait une délégation pour une demi-journée alors que cette demi-journée était payée en temps de travail effectif et l'autre demi-journée était décomptée sous la forme d'une demi-journée de congé.
La SNCM donne pour exemple 7 journées mais ne conteste pas que pour les bons de délégation d'une journée des jours de congés lui ont été décomptés alors qu'il justifie par la production de ses bons de délégation qu'il exerçait son mandat de délégué syndical .
La contestation de la SNCM n'étant pas fondée sur le tout et la cour n'estimant pas avoir à faire elle-même le décompte des jours décomptés , cette tâche , certes fastidieuse , incombant aux parties, le jugement sera également confirmé sur ce point.
Sur les demandes formées au titre d'une « perte de salaire »,sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, sur l'exécution du procès-verbal de conciliation établi le 31 mai 2002,
Le premier juge a statué par des motifs pertinents que la cour adopte et sur lesquels il n'y a pas lieu de revenir, faute d'éléments nouveaux avancés par les appelants
En conséquence , le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions
Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
M. [R] et le syndicat FO des régions Corse PACA qui succombent supporteront les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière prud'hommale, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Met hors de cause l'ENIM
CONDAMNE solidairement M. [I] [R] et le syndicat FO à payer à l'ENIM la somme de mille euros (1000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil
CONDAMNE les appelants aux dépens .
LE GREFFIER LE CONSEILLER pour
LE PRESIDENT EMPÊCHE