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03/07/2014 | FRANCE | N°13/03107

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 03 juillet 2014, 13/03107


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2014



N° 2014/400













Rôle N° 13/03107







SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC)





C/



[E], [S], [H] [L]



























Grosse délivrée

le :

à :TRUPHEME

BUVAT




















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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2012/1421.





APPELANTE



SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC) agissant poursuites et diligences de son président en exercice, dont le siège est [Adresse 2]

représentée par Me Lise T...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2014

N° 2014/400

Rôle N° 13/03107

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC)

C/

[E], [S], [H] [L]

Grosse délivrée

le :

à :TRUPHEME

BUVAT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2012/1421.

APPELANTE

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC) agissant poursuites et diligences de son président en exercice, dont le siège est [Adresse 2]

représentée par Me Lise TRUPHEME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Céline CHAAR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE de la Selarl CADJI substituant Me TRUPHEME

INTIME

Monsieur [E], [S], [H] [L]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant acte sous seing privé en date du 20 novembre 2009, Monsieur [E] [L], gérant de la SARL LEBOULEUR, s'est porté caution au profit de la SMC de tous les engagements de la SARL LEBOULEUR dans la limite de la somme de 120.000 € couvrant le paiement du principal, des intérêts, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 60 mois.

La SARL LEBOULEUR a fait l'objet d'un redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Marseille le 6 juillet 2011.

La banque a déclaré sa créance et a fait connaître à Monsieur [E] [L], en sa qualité de caution, qu'elle avait l'intention de prendre des mesures conservatoires.

La SARL LEBOULEUR a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 19 décembre 2011.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 janvier 2012, la SMC a mis en demeure Monsieur [E] [L] de lui payer la somme de 120.000 euros, au titre de son engagement de caution, puis elle l'a assigné en paiement de différentes sommes devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, lequel, statuant par jugement du 17 décembre 2012, a prononcé la nullité de l'engagement de caution, débouté la Société Marseillaise de Crédit de toutes ses demandes, condamné cette dernière à payer à Monsieur [E] [L] une somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile, outre les dépens de l'instance.

La SMC a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 14 février 2013.

Vu les conclusions déposées et signifiées le 15 juillet 2013 par la SMC par lesquelles elle demande à la cour de constater que la mention manuscrite apposée par Monsieur [E] [L] dans l'acte de cautionnement du 20 novembre 2009 n'affecte ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite exigée par les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, de constater que l'acte de cautionnement du 20 novembre 2009 est proportionné aux capacités financières de Monsieur [E] [L] eu égard aux revenus et patrimoine immobilier déclarés par la caution, en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce que qu'il a prononcé la nullité du cautionnement du 20 novembre 2009, de débouter Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, de juger que l'acte de cautionnement du 20 novembre 2009 est valable, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que Monsieur [E] [L] n'est pas admis à rechercher la responsabilité de la banque sur le fondement de l'article L. 341-4 du Code de la consommation en l'absence de disproportion et en raison de sa déloyauté, de le condamner à lui payer la somme de 120 000 € en principal, outre intérêts au taux légal du 3 janvier 2012 jusqu'à parfait paiement, au titre de son engagement de caution de la SARL LEBOULEUR, d'ordonner la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du Code Civil, de condamner Monsieur [E] [L] à lui payer la somme de 3000 € € en application de l'article 700 du CPC, outre les dépens d'appel distraits au profit de Maître Lise TRUPHEME, avocat.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 29 mai 2013, par lesquelles Monsieur [E] [L] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de son engagement de caution, de rejeter les demandes de la Société Marseillaise de Crédit, de dire qu'elle ne peut se prévaloir d'un engagement de caution manifestement disproportionné à ses biens et revenus, de rejeter ses demandes , de la condamner à lui payer 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, ceux d'appel distrait au profit de Maître Robert BUVAT, avocat.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 mai 2014.

SUR CE, LA COUR,

1. A peine de la nullité de l'engagement, l'article L. 341-2 du code de la consommation exige l'apposition de la mention manuscrite suivante sur l'acte de cautionnement : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui -même » et, en cas de cautionnement solidaire, la mention manuscrite suivante doit être portée sur l'acte, conformément à l'article L. 341-3 du code de la consommation : « en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du Code civil et en m'obligeant solidairement avec X', Je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X' ».

Or, en l'espèce, la formule apposée par Monsieur [E] [L] sur l'acte de cautionnement du 20 août 2009 est la suivante : « En me portant caution de la SARL LEBOULEUR dans la limite de la somme de 120000 € cent vingt mille euros couvrant le paiement du principal des intérêt, du cas échéant des intérêts de retard et pour la durée de 60 mois je m'engage à rembourser au prêteur, ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apport d'actif les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL LEBOULEUR n'y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec SARL LEBOULEUR, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement SARL LEBOULEUR ».

Les différences résident dans la substitution de la formule « du cas échéant des intérêts de retard » à la mention légale « et, le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard » et dans l'ajout de : « ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apport d'actif », ce dont Monsieur [L] déduit qu'elles entraînent automatiquement la nullité de son engagement de caution.

Mais, les mots ajoutés « ou à toute personne qui lui sera substituée, en cas de fusion absorption, scission ou apport d'actif » constituent une simple précision qui n'affecte ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite puisque le prêteur reste identifié et que la caution ne pouvait se tromper sur la portée de son engagement.

Quant à la formule incorrecte « du cas échéant des intérêts de retard » elle n'est susceptible d'aucune interprétation trompeuse et équivaut à la formule légale « le cas échéant des pénalités et intérêts de retard ».

Il sera donc jugé que l'acte de cautionnement est valable, étant observé qu'en droit, lorsque les mentions exigées par la loi sont convenablement reproduites par la caution, ce qui est ici le cas, les dispositions légales ne font pas obstacle à ce que la caution approuve, par l'apposition d'une unique signature, les deux mentions, qui se font immédiatement suite, écrites de sa main.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a jugé que le cautionnement n'était pas valable et les prétentions de M. [L] seront rejetées.

2. Monsieur [E] [L] fait valoir que dans le cadre de son obligation de vigilance, la banque aurait dû lui demander des informations sur sa situation professionnelle et patrimoniale avant de l'engager pour un acte de cautionnement à hauteur de 120 000 € ; que l'avis d'imposition de l'année 2007 qu'il aurait communiqué alors aurait montré qu'il percevait un revenu annuel de 54 000 € ; qu'il était marié sous le régime de la séparation de biens ; que son épouse ne percevait aucun revenu et que le foyer comptait deux enfants à charge ; que, d'autre part, la banque ne pouvait ignorer au moment de l'engagement, qu'il avait souscrit un prêt personnel de 387 000 € auprès de la Caisse d'Epargne le 30 janvier 2008, impliquant des remboursements mensuels de 2604,60 euros, un autre prêt personnel de 50 000 € le 14 avril 2009, impliquant des remboursements mensuels de 648,79 euros, un troisième prêt personnel de 40 000 € auprès de la SOFINCO impliquant des remboursements mensuels de 950 € ; que, par ailleurs, le Crédit Agricole lui a consenti le 3 octobre 2009 un prêt personnel de 387 000 € remboursable en 240 échéances mensuelles de 2286,90 euros destinés au rachat du premier prêt Caisse d'Epargne pour le financement d'une maison et le 3 décembre 2009, un autre prêt personnel de 200 000 € remboursables par échéances mensuelles de 1222, 53 € ; qu'avant la signature de l'acte du 20 novembre 2009, il a signé un engagement de caution solidaire avec la banque HSBC le 14 août 2008, à hauteur de 156 000 €, un engagement de caution solidaire avec la Caisse d'Epargne à hauteur de 100 000 €, le 21 juillet 2008, un engagement de caution solidaire au profit du Crédit Agricole, à hauteur de 80 000 €, le 12 juin 2009 et un engagement de caution solidaire auprès de la Banque Palatine à hauteur de 125 000 €, le 27 août 2009 ; qu'il a également signé un engagement de caution solidaire au profit de la Lyonnaise de Banque le 20 juillet 2010 pour 60 000 € ; que, contrairement à ce que soutient la banque il n'a pas rempli le document qui lui est opposé et n'en a pas paraphé la première page, ce qui prive cette pièce de tout caractère probant ; qu'au surplus, cette fiche, intitulée « État du patrimoine », datée du 20 novembre 2009, remplie en présence d'un préposé de la banque, dans des conditions douteuses, fait état d'éléments incohérents que la banque devait relever ; qu'en particulier, il est mentionné le cautionnement d'un prêt de 31 800 €, alors que la banque savait parfaitement que la société LEBOULEUR, vu sa taille et son antériorité, travaillait avec d'autres banques au profit desquelles des cautionnements ont été signés ; qu'elle aurait également dû être alertée par la mention d'un salaire annuel de 129 000 € pour un impôt sur le revenu de 7000 €, ce qui est proprement impossible avec trois parts de quotient familial ; qu'il en résulte la preuve d'une légèreté blâmable de la banque et d'un manquement à son devoir de conseil, de loyauté et de discernement, tandis que le tribunal a retenu à tort le prix de vente demandé par Monsieur [E] [L] pour un bien immobilier appartenant aux deux époux séparés de biens, car le chiffre retenu est hypothétique et le bien n'a toujours pas été vendu, alors par ailleurs qu'il est grevé d'hypothèques ; que, par ailleurs, au moment où il a été appelé son patrimoine était nul, en raison de l'importance de ses dettes, puisque ses créanciers lui réclamaient 604 360,17 euros ; qu'il a d'ailleurs dû solliciter l'ouverture d'une procédure de surendettement.

3 . Mais, au moment de l'engagement, Monsieur [E] [L] a signé une fiche de renseignements personnels manuscrite, datée du 20 novembre 2009 (pièce 21), sur laquelle il ne dénie pas formellement son écriture ni sa signature.

Il y a mentionné être propriétaire d'une villa d'une valeur estimée à 600.000 €, dont 350.000 € de capital restant dû. La petite annonce produite en pièce 25 propose cette maison à la vente au prix de 1.300.000 €, ce qui donne la mesure de la valeur actuelle de ce bien, même si elle n'atteint pas ce niveau de prix comme le soutient Monsieur [L].

Il a également mentionné dans la fiche de renseignements qu'il percevait des revenus annuels d'un montant de 129.000 €, chiffre corroboré par l'attestation du cabinet d'expertise comptable CPECF, établie le 17 mars 2009, mentionnant qu'il avait perçu un salaire de 99.000,00 et 30.000,00 € de dividendes.

L'anomalie pointée par Monsieur [L] concernant le montant des impôts déclarés par lui, outre qu'elle n'est confortée par aucun élément tangible, n'enlève rien à la réalité de ces chiffres.

Par ailleurs, au titre des charges, Monsieur [L] a déclaré avoir souscrit un seul cautionnement à hauteur de 31.800 € se rapportant à un prêt immobilier et n'a pas déclaré les autres engagements qu'il évoque dans ses écritures devant la cour.

Dans de telles conditions, la banque est fondée à exciper de la déloyauté de Monsieur [L] qui a dissimulé les charges dont il fait état aujourd'hui et qu'il ne saurait, dès lors, lui opposer, au titre de la disproportion manifeste de son engagement , lequel n'est nullement disproportionné eu égard aux chiffres analysés ci-avant.

En conséquence, les prétentions de Monsieur [L] seront rejetées et il sera condamné à payer à la SMC la somme de 120 000 €, représentant la limite de ses engagements, outre intérêts au taux légal du 3 janvier 2012, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en application de l'article 1154 du Code Civil, ceci à compter de la première demande en justice.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la SMC les frais irrépétibles occasionnés par la présente instance pour le recouvrement de ses créances. Monsieur [L] sera donc condamné à lui payer à ce titre la somme de 2000 € et devra supporter les entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant le jugement entrepris,

Condamne Monsieur [E] [L] à payer à la Société Marseillaise de Crédit la somme de 120 000 € en principal, outre intérêts au taux légal du 3 janvier 2012 jusqu'à parfait paiement, au titre de son engagement de caution de la SARL LEBOULEUR,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du Code Civil, à compter de la première demande en justice,

Rejette toute autre demande,

Condamne Monsieur [E] [L] à payer à la Société Marseillaise de Crédit la somme de 3000 € en application de l'article 700 du CPC, outre les dépens d'appel distraits au profit de Maître Lise TRUPHEME, avocat.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/03107
Date de la décision : 03/07/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°13/03107 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-03;13.03107 ?
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