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03/07/2014 | FRANCE | N°12/20009

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 03 juillet 2014, 12/20009


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2014



N° 2014/388













Rôle N° 12/20009







SA BANQUE CHAIX





C/



[A] [B]

[M] [S] épouse [B]

[W] [U]

Michel [C]

SARL PRO RENOVATION ET CREATION





















Grosse délivrée

le :

à :ROBERT

[Adresse 6]

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'Aix en Provence en date du 18 Septembre 2012





APPELANTE



SA BANQUE CHAIX, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

CEDEX 1 représentée et plaidant par Me Pierre ROBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVE...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2014

N° 2014/388

Rôle N° 12/20009

SA BANQUE CHAIX

C/

[A] [B]

[M] [S] épouse [B]

[W] [U]

Michel [C]

SARL PRO RENOVATION ET CREATION

Grosse délivrée

le :

à :ROBERT

[Adresse 6]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'Aix en Provence en date du 18 Septembre 2012

APPELANTE

SA BANQUE CHAIX, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 1]

CEDEX 1 représentée et plaidant par Me Pierre ROBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [A] [B]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 3]

représenté et plaidant par Me Florence BLIEK-VEIDIG, avocat au barreau de MARSEILLE de la SCP LOGOS

Madame [M] [S] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Florence BLIEK-VEIDIG, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [W] [U] es qualité de liquidateur judiciaire de la « SARL PRO RENOVATION ET CREATION », demeurant [Adresse 4]

représenté et plaidant par Me Florence BLIEK-VEIDIG, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [I] [C] ès qualité d'administrateur judiciaire de la SARL PRO RENOVATION ET CREATION

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florence BLIEK-VEIDIG, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL PRO RENOVATION ET CREATION, prise en la personne de son liquidateur Me [W] [U], dont le siège est sis [Adresse 5]

représenté par Me Florence BLIEK-VEIDIG, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Mai 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014,

Rédigé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL PRO RENOVATION & CREATION disposait d'un compte courant professionnel n°0059255620 C ouvert dans les livres de la BANQUE CHAIX.

Monsieur [A] [B], associé et gérant de cette société, a signé en sa faveur un acte de cautionnement tous engagements à hauteur de 65.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, le 7 novembre 2006.

Par un second acte, en date du 29 novembre 2007, il s'est porté caution solidaire et indivisible de cette société à hauteur de 195.000 euros.

Le même jour, Madame [M] [S] épouse [B], également associée dans cette société, s'est portée caution solidaire et indivisible de celle-ci à hauteur de 195 000 €.

Le 21 juin 2010, la banque CHAIX a consenti à la SARL PRO RENOVATION & CREATION, un prêt professionnel n°638548601, sur une durée de 48 mois.

Monsieur [A] [B] s'est porté caution solidaire et indivisible, en vertu d'un acte de cautionnement de garantie d'une opération spécifique, le 22 juin 2010 pour la somme de 39 000 €.

Le 17 novembre 2010, la banque a informé la société emprunteuse de ce que des mobilisations étaient revenues impayées et qu'elle ne souhaitait pas poursuivre les relations contractuelles.

Elle a également dénoncé les conventions de compte et demandé le règlement des sommes dues.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 mars 2011, elle a prononcé la déchéance du terme du prêt et a mis en demeure la SARL PRO RENOVATION & CREATION et les cautions de payer une somme totale de 247.575,01 Euros.

D'autre part, des lettres de change acceptées par les sociétés FISCALITY et LUTHRINGER, présentées par la banque CHAIX sont revenues impayées.

La banque CHAIX a saisi le tribunal de commerce d'une demande en paiement contre la débitrice et les cautions, après quoi la SARL PRO RENOVATION ET CREATION a été placée en redressement judiciaire, Maître [W] [U] étant désigné en qualité de représentant des créanciers.

Elle a déclaré sa créance entre ses mains.

Dans le cadre de l'instance, la SARL PRO RENOVATION ET CREATION a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de la Banque CHAIX à lui payer différentes sommes et les époux [B] ont demandé à être déchargés de leurs engagements de caution.

Par jugement en date du 18 septembre 2012, le Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE, a condamné la SARL FISCALITY en sa qualité de tiré acceptant à payer à la Banque CHAIX la somme de 20 930 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2011 jusqu'à parfait paiement et 13,50 euros au titre des frais de lettre de change impayées, condamné la SARL LUTHRINGER MENUISERIE PRODUCTION BOIS en sa qualité de tiré acceptant à payer à la Banque CHAIX la somme de 78 718,10 euros outre intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2011, jusqu'à parfait paiement et 54 euros au titre des frais de lettre de change impayées, condamné la SARL FISCALITY et la SARL LUTHRINGER MENUISERIE PRODUCTION BOIS à relever et garantir la SARL PRO RENOVATION ET CREATION et les époux [B] de leurs dettes au titre de l'escompte auprès de la Banque CHAIX, condamné la SARL FISCALITY et la SARL LUTHRINGER MENUISERIE PRODUCTION BOIS solidairement à payer la somme de 1 500 euros à la Banque CHAIX au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dit que la Banque CHAIX n'avait commis aucune faute en notifiant les cessions DAILLY remises par la SARL PRO RENOVATION ET CREATION et condamné la SARL PRO RENOVATION ET CREATION à payer au titre du solde du compte courant à la Banque CHAIX la somme de 34 202,81 € outre intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2012 jusqu'à parfait paiement ainsi qu'une somme de 157,75 € au titre des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2012, condamné la SARL PRO RENOVATION ET CREATION à payer à la Banque CHAIX au titre des escomptes la somme de 90 309,94 € outre intérêts à compter du 12 avril 2012, soit 416,07 € jusqu'à parfait paiement, débouté la SARL LUTHRINGER MENUISERIE PRODUCTION BOIS de sa demande de délais de paiement, condamné la Banque CHAIX à indemniser la SARL PRO RENOVATION ET CREATION à hauteur de 143 420,16 €, ordonné la compensation entre les sommes dues respectivement entre la SARL PRO RENOVATION ET CREATION et la Banque CHAIX, débouté la Banque CHAIX de ses demandes à l'égard des époux [B] en tant que caution solidaire, condamné la Banque CHAIX à payer au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile 750 € aux époux [B] et 750 € à la Société PRO RENOVATION ET CREATION, débouté toutes les parties de l'ensemble de leurs autres demandes fins et conclusions, condamné la Banque CHAIX, la SARL FISCALITY et la SARL LUTHRINGER MENUISERIE PRODUCTION BOIS aux dépens de l'instance.

La Banque CHAIX a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 octobre 2012, à l'encontre des époux [B], de la Société PRO RENOVATION ET CREATION, de Me [C], administrateur judiciaire et de Me [U] en sa qualité de mandataire judiciaire.

Le 10 décembre 2013 la société PRO RENOVATION et CREATION a fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, Me [W] [U] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Sur les conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2014 par la banque CHAIX, tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture, l'admission de ses conclusions et de ses pièces, en raison de la situation nouvelle résultant de la mise en liquidation judiciaire de la Société PRO RENOVATION et CREATION intervenue en date du 10 décembre 2013, les autres parties sollicitant également cette révocation , l'ordonnance de clôture a été révoquée et l'affaire renvoyée à l'audience du 20 mai 2014 où les débats ont été ouverts, après révocation de l'ordonnance de clôture du 11 décembre 2013 et clôture de l'instruction prononcée le jour de l'audience.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2014 par la SA BANQUE CHAIX, par lesquelles elle demande à la cour de fixer sa créance au passif de la société PRO RENOVATION et CREATION de la manière suivante,:

1.Au titre du solde du compte courant n°00592556200 :

- solde 34145,06 euros

- Intérêts de retard au 12/04/2012 157,75 euros

2.Au titre des escomptes :

- LCR Impayées au 22/04/2011 89893,87 euros

- Intérêts de retard du 22/04/2011 au 12/04/2012416,07 euros

3.Au titre du prêt n°6385486 :

- capital restant dû au 21/04/2011 104972,70 euros

- Intérêts de retard du 21/04/2011 au 12/04/2012 5030,92 euros

- échéances impayées 20915,44 euros

- intérêts de retard au taux contractuel de 4,90 %

du 21/10/2010 au 12/04/2012 1 513,42 euros

Avec intérêts du 13 avril 2012 jusqu'à la date effective de paiement applicables au taux contractuel de 4,90 %, et intérêts à échoircorrespondant à la somme des intérêts restant à courir sur le tableau d'amortissement entre la date de la dernière échéance précédant le jugement d'ouverture de la procédure collective et le terme du contrat de prêt fixé au 21 juin 2014, soit un total général de 257 045,23 euros.

Elle sollicite également la condamnation de Monsieur et Madame [A] [B] en leur qualité de cautions solidaires indivisibles de la Société PRO RENOVATION et CREATION à lui payer la somme de 34.169,65 € au titre du solde débiteur du compte courant de la Société PRC, outre intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2011 et ce jusqu'à parfait paiement, ainsi que leur condamnation, en leur qualité de cautions solidaires indivisibles de la Société PRO RENOVATION et CREATION à lui payer la somme de 127.599,07 € au titre du prêt professionnel n°6385486 outre intérêts au taux contractuel de 4,90 % à compter du 2 juillet 2011 et ce jusqu'à parfait paiement, le rejet des prétentions de la société PRO RENOVATION et CREATION et des époux [B], la confirmation du jugement en ce qu'il a décidé que la banque CHAIX n'avait commis aucune faute en notifiant les cessions [V] qui lui avaient été remises par la Société PRO RENOVATION et CREATION, de juger, en conséquence qu'elle n'a commis aucune faute justiciable de dommages-intérêts, de juger que la société PRO RENOVATION et CREATION ne rapporte pas la preuve d'un lien de cause à effet entre les notifications de cessions [V] intervenues et la baisse du chiffre d'affaires que celle-ci a connue, d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué ultra petita en octroyant des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 143 420,16 € à la Société PRO RENOVATION et CREATION au motif que la Banque CHAIX en procédant à une réduction des lignes court terme a commis un retrait abusif, de rejeter la demande de dommages-intérêts en relation avec l'octroi d'un prêt de 130 000 € octroyé pour surmonter une difficulté de trésorerie temporaire, de condamner enfin les époux [B] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens d'appel.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 9 avril 2014 par les époux [B] et par la société PRO RENOVATION et CREATION , représentée par son mandataire liquidateur, par lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la BANQUE CHAIX à indemniser la SARL PRO RENOVATION & CREATION à hauteur de 143.420,16 euros et ordonné la compensation des dettes respectives, constater le caractère disproportionné des engagements de caution des époux [B] et dit qu'ils ne pouvait leur être opposés, débouté la BANQUE CHAIX de ses demandes à l'égard des époux [B] en tant que cautions solidaires, condamné la BANQUE CHAIX à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile 750 euros aux époux [B] et 750 euros à la SARL PRO RENOVATION & CREATION, de le réformer en ce qu'il a dit que la BANQUE CHAIX n'avait commis aucune faute en notifiant les cessions Dailly remises par la société PRO RENOVATION & CREATION, de juger que la BANQUE CHAIX a commis une faute en notifiant les cessions [V] aux clients de la société PRC et que cette faute a causé une perte de chiffre d'affaires de cette société avec ces deux plus importants clients, en réparation de la condamner à payer à la société PRO RENOVATION & CREATION, la somme de 662.185,81 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des époux [B], ainsi qu'à la société PRO RENOVATION & CREATION et sa condamnation aux entiers dépens.

Les intimés font valoir que pendant plusieurs années la société PRC n'a connu aucun problème significatif de solvabilité ; qu'elle recourrait fréquemment à la pratique de la cession [V] sans notification, en cédant ses créances professionnelles à la banque CHAIX, et notamment des créances sur la SAS DISTRIBUTION CASINO France ; qu'elle réalisait la plus grande partie de son chiffre d'affaires avec le groupe CASINO et avec l'enseigne de magasins biologiques « L'EAU-VIVE » ; que ces enseignes refusaient par principe de travailler avec des prestataires pratiquant ce genre de cession de créances, en considérant que de telles cessions étaient un signe de vulnérabilité ; qu'elle a donc expressément demandé à la banque CHAIX de ne pas notifier les cessions intervenues, ce qui a été le cas ; que cependant, le 12 février 2010, la banque a pris l'initiative brutale de notifier aux débiteurs de la société PRC la cession d'une créance [V], sollicitant l'acceptation de la cession et le paiement des dettes directement entre ses mains, s'excusant par la suite du caractère fautif de cet envoi ; que suite à cet événement, la SAS DISTRIBUTION CASINO, s'est inquiétée de la solvabilité de la société PRC puis a réduit progressivement le montant des marchés conclus avec elle ; qu'il en a été de même avec les enseignes L'EAU-VIVE ; que la baisse significative du chiffre d'affaires réalisé avec ses société a eu pour conséquence de confronter la société PRC à de graves problèmes de trésorerie, raison pour laquelle, le 21 juin 2008, la banque lui a consenti un prêt professionnel de 130.000 euros, avec un engagement de caution donné par Monsieur [B], par acte du 22 juin 2010 à hauteur de 39.000 euros ; que PRC avait également mandaté , par le biais de lettres de change, les sociétés FISCALITY et LUTHRINGER de payer à la SA BANQUE CHAIX différentes sommes, effets cependant revenus impayés.

SUR CE, LA COUR,

1. Les appelants font valoir que les dettes de la société PRC, trouvent leur origine dans le comportement fautif de la SA BANQUE CHAIX, en raison de son soutien abusif ; qu'en effet, le 21 juin 2010, la SA BANQUE CHAIX a consenti à la société PRC, un prêt professionnel d'un montant de 130.000 euros, d'une durée de 48 mois, avec un TEG de 4,999 % et des échéances d'un montant de 2,987,92 euros mensuels ; que ce prêt a été consenti cinq ans après le début de l'activité de la société, alors que son gérant n'était pas un homme d'affaires chevronné ; qu'auparavant, il était employé en qualité d'ouvrier dans différentes entreprises du bâtiment et était en invalidité depuis déjà plus de 10 ans au moment de la création de la société, n'ayant jamais exercé une autre fonction à responsabilité ni suivi d'études secondaires ; que la banque était donc débitrice d'un devoir de mise en garde à propos de l'emprunt de 130 000 €, qui était excessif eu égard à l'ensemble des charges auxquelles elle devait déjà faire face et alors que sa situation était désastreuse, ce que savait la SA BANQUE CHAIX, puisque son compte courant présentait un solde débiteur récurrent de plus de 36.000 euros (pièce 18), que, pour le seul mois de mai 2010, elle avait refusé plus de 13 opérations de paiement et qu'elle a maintenu en même temps une autorisation de découvert sur le compte courant à hauteur de 30.000 euros, alors que la société devait faire face au rejet de traites pour un montant de 80.000 euros ; qu'en outre, le prêt a été accordé dans un contexte de baisse sensible du chiffre d'affaires de PRC en raison de la perte de ses deux principaux clients et n'a même pas permis que le compte courant revienne à l'équilibre au moment où il a été débloqué ; que l'intervention du médiateur du crédit, dont la banque prend argument, ne peut pas l'exonérer de sa responsabilité, dès lors que ce dernier ne disposait pas de toutes les informations dont bénéficiait la banque ; que le devoir de mise en garde, s'imposait d'autant plus que le prêt accordé par cette dernière a excédé de 30 % le prêt de 100 000 € sollicité par la société ; qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la banque à indemniser la société PRC à hauteur de 143.420,16 euros, au titre du manquement à son obligation de conseil, comme au titre de son retrait abusif.

2. Mais, la société PRC avait déjà plusieurs années d'existence au moment de l'octroi du prêt de 130.000 € le 21 juin 2010 et ne conteste pas que son chiffre d'affaires a atteint 800 000 € en 2005/2006, puis près d'un million d'euros en 2007/2008. Son gérant, Monsieur [B], avait donc une réelle expérience de sa gestion, laquelle lui permettait de prendre la mesure des besoins et des engagements de celle-ci. Il a d'ailleurs fait connaitre, au cours de la médiation du crédit : «Notre besoin est à très court terme car notre carnet de commande est rempli jusqu'à début août 2010 ». Enfin, le fait n'est ni soutenu ni établi que la banque avait sur les revenus, le patrimoine et les facultés de remboursement raisonnablement prévisibles de la société en l'état du succès escompté de ses opérations commerciales, des informations que la société aurait ignorées.

Au demeurant, le prêt n'a pas été accordé dans le contexte de graves difficultés que décrit PRC, mais après la saisine par la société PRC du Médiateur de la Banque de France et pour un besoin à court terme en présence d 'une situation non irrémédiablement compromise, puisque le carnet de commandes était « rempli jusqu'à début août 2010 ».

La banque est également fondée à mettre en avant le fait qu'elle a proposé à PRC un prêt de trésorerie à moyen terme sur une durée de 48 mois en compensation de la ligne [V] supprimée , ceci après l'avoir vainement mise en contact avec deux factors, EUROFACTOR et BYBYFACTOR, qui ont refusé de mettre en place des lignes ; que le crédit de trésorerie a été accordé au vu de ce que PRO RENOVATION avait autofinancé dans les trois dernières années du matériel pour plus de 100 K€ et au vu de l'avis de la Banque de France qui a considéré que le passage difficile pouvait être surmonté.

C'est donc à tort que le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il l'a fait.

3. La banque CHAIX fait valoir, sans être sérieusement contredite, que sa créance sur la société PRO RENOVATION et CREATION s'élève à la somme de 257 045,23 euros ; que les intérêts à compter du 13 avril 2012 jusqu'à la date effective du paiement sont applicables au taux contractuel de 4,90 % et que les intérêts à échoir correspondent à la somme des intérêts restant à courir sur le tableau d'amortissement entre la date de la dernière échéance précédant le jugement d'ouverture de la procédure collective et le terme du contrat de prêt fixé au 21 juin 2014.

En conséquence et par application de l'article L622-22 du Code de Commerce, sa créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de PRC, dans les termes du dispositif.

4. Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Monsieur [A] [B] fait valoir qu'il s'est engagé en qualité de caution à hauteur de 299.000 euros ( 65.000 euros au titre d'un acte de cautionnement tous engagements en date du 7 novembre 2006, 195.000 euros au titre d'un acte de cautionnement tous engagements en date du 29 novembre 2007, 39.000 euros au titre d'un acte de cautionnement en date du 22 juin 2010 en garantie d'un prêt professionnel, tandis que Madame [M] [B] est engagée en qualité de caution à hauteur de 195.000 euros (195.000 euros au titre d'un acte de cautionnement tous engagements en date du 29 novembre 2007) ; qu'il ressort de leurs avis d'imposition que lors de la souscription de leurs engagements ils avaient des revenus particulièrement modestes, tirés quasi-exclusivement d'une pension d'invalidité au bénéfice de Monsieur [B] (Pièce 17), leur revenu fiscal de référence étant pour les années antérieures à leur engagement en tant que cautions solidaires particulièrement faible, soit en 2004 la somme de 2.629 euros (pièce 33), en 2005 la somme de 2.787 euros (pièce 34), en 2006 la somme de 3.547 euros (pièce 35), en 2007 la somme de3.611 euros (pièce 36), en 2008 la somme de 3.658 euros (pièce 37), en 2009 la somme de 3.709 euros (pièce 38), en 2010 la somme de 3.743 euros (pièce 39) et en 2011 la somme de 3.807 euros (pièce 44) ; qu'à la même époque, ils ne possédaient aucun bien immobilier ni éléments significatifs de patrimoine, étant à l'époque, comme ils le sont encore, locataires d'un appartement situé à [Adresse 7] (Bouches-du-Rhône), lequel donne lieu au versement d'une aide au logement par la Caisse d'allocation Familiale (pièce 41 et 43) ; qu'il résulte de leurs dernières déclarations fiscales que leurs revenus ou leurs patrimoines ne se sont pas accrus depuis la date des engagements, de sorte qu'ils ne peuvent faire face à leurs obligations ; que la société PRC ne leur a jamais versé de dividendes, compte tenu de sa situation comptable délicate ; qu'il résulte de la fiche société.com de la société VAL D'AZUR que Monsieur [B] n'a été gérant de cette entité qu'une courte période, avant qu'elle cesse toute activité et soit radiée automatiquement du registre du commerce et des sociétés pour cette raison (pièce 46) ; qu'il n'a d'ailleurs jamais été actionnaire de celle-ci ; que quant à la société SCCV SANTA MARIA, il en est effectivement le gérant non salarié ; que cette société promeut un programme immobilier, lequel a pris énormément de retard compte tenu de l'attitude des voisins (pièce 47) ; que la SCCV SANTA MARIA sera tenue au paiement d'indemnités envers les acquéreurs des appartements construits ; qu'à ce jour, Monsieur [B] n'a tiré aucun revenu de cette société ; que quant à l'argument pris par la banque [P] de la dissimulation de revenus par les époux [B], au vu d'une fiche « état du patrimoine » remplie par eux et qui daterait de l'année 2010 (pièce adverse 38), il s'agit d'un document de deux pages dont la banque ne produit que la première page et qui n'est pas rempli de la main de l'un des deux époux [B] qui ne lui reconnaissent aucune valeur ; qu'il semble, en vérité qu'il s'agisse d'un document à valeur de projet non concrétisé et comportant des erreurs sur leur patrimoine ; qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a jugé que leurs engagements de caution étaient manifestement disproportionnés au sens de l'article L. 341-4 du code de commerce, et que la banque ne pouvait s'en prévaloir.

En réponse, la banque se borne à faire valoir que les époux [B] n'ont pas déclaré l'ensemble de leurs revenus ; qu'en particulier, dans les déclarations souscrites par eux depuis 2004, ils ne mentionnent pas de revenus mobiliers , alors qu'ils détenaient 50 % des parts de la Société PRO RENOVATION et CREATION, laquelle a nécessairement distribué des bénéfices à ses actionnaires durant cette période ; que, par ailleurs, ils ont signé une fiche de renseignement au moment de leur engagement dans laquelle ils ont fait état de revenus annuels en 2010 s'élevant à 30 000 € ; qu'or, l'avis d'imposition sur le revenu 2011 concernant les revenus de l'année 2010 ne fait état que de la perception d'une somme de 4.159 € à titre de pension retraite ou rente ; que les époux ont également omis d'indiquer que Monsieur [B] était gérant de la SCI RESIDENCE SANTA MARIA ayant pour objectif la création d'un programme immobilier important sur la zone de PONTEAU près de MARTIGUES et de la SARL VAL D'AZUR, ayant une activité en matière d'investissements immobiliers ; qu'il existe donc des distorsions entre les revenus réels et les déclarations et l'absence de disproportion manifeste, contrairement à ce qui a été jugé.

5. Mais elle ne produit aucun élément tangible contredisant sérieusement les chiffres avancés par les époux [B] concernant leurs revenus et leur patrimoine et ne fait pas la preuve qu'elle a été trompée par des chiffres qui lui ont donné à croire que leurs revenus ou leurs biens n'étaient pas manifestement disproportionnés à leurs engagements de caution.

Cette disproportion manifeste ayant été justement constatée par les premiers juges, la cour confirmera le jugement entrepris sur ce point.

6. PRC fait valoir que, pendant plusieurs années, elle a travaillé pour les magasins du groupe CASINO (SPAR, VIVAL, PETIT CASINO, Ecco SERVICE, CASINO 24/24, CASITALIA etc...), et pour l'enseigne L'EAU-VIVE ; qu'elle avait pour habitude de céder ses créances professionnelles à la banque CHAIX sous la forme de cession [V] ; que ces cessions n'étaient jamais notifiées aux débiteurs cédés, en raison, notamment, de la méfiance affichée du groupe CASINO face à ce type de financements ; que la banque a donc toujours accepté de ne pas procéder à ces notifications ; qu'il s'agissait là d'une condition essentielle des relations entre la BANQUE CHAIX et la société PRC, compte tenu des exigences du client CASINO ; que pourtant, en date du 12 février 2010 la BANQUE CHAIX a notifié, par courrier recommandé avec accusé de réception, à tous les débiteurs de la société PRC dont les dettes avaient été cédées, l'existence des cessions Dailly et la nécessité d'effectuer désormais le paiement des dettes cédés directement à son bénéfice (pièces 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,10) ; que parmi ces destinataires, outre SAS DISTRIBUTION CASINO, se trouvaient plusieurs franchisés du groupe CASINO ; que suite à cette erreur de la BANQUE CHAIX elle a perdu plusieurs marchés avec le Groupe CASINO et avec les franchisés de ce groupe(pièces 12 et 13) ; que le chiffre d'affaires avec les groupes CASINO et L'EAU-VIVE avait, depuis 2004, augmenté de manière exponentielle pour atteindre la somme de 990.862,59 euros au titre de l'exercice 2007/2008 et 813.772,31 euros au titre de l'exercice 2008/2009 ; qu'à partir de 2010, soit celle au début de laquelle a eu lieu l'envoi fautif, ce chiffre d'affaires a décru pour atteindre au cours de l'exercice 2009/2010 la somme de 707.468,49 euros et au cours de l'exercice 2010/2011 la somme de 257.890,32 euros ; qu'aucun marché avec le groupe CASINO n'a été signé en 2012, de même avec les enseignes L'EAU-VIVE depuis 2011 ; que le lien de causalité entre la faute de la BANQUE CHAIX et le préjudice subi par la société PRC, du fait de la perte de chiffre d'affaires avec ses principaux clients, est ainsi établi.

7. La banque réplique qu'en procédant à la notification litigieuse du 12 février 2010, elle n'a pas commis de faute, puisqu'il n'existe aucune trace écrite de ce que l'absence de notification était une condition essentielle des relations entre la BANQUE CHAIX et la société PRC ; qu'au surplus, l'article L.313-28 du Code monétaire et financier, prévoit une telle notification ; qu'il résulte encore d'une lettre qu'elle a adressée à la SARL PRC le 11 mars 2008 (pièce 29) que cette dernière était informée de la possibilité pour la banque de notifier à tout moment (« Les créances cédées seront notifiées à tout moment à la convenance de la BANQUE CHAIX, auprès des débiteurs cédés ») ; qu'enfin, cette dernière ne fait aucunement la preuve de ce que les notifications litigieuses ont entraîné une baisse sévère de son chiffre d'affaires comme elle le prétend.

8. Mais, il n'est pas contestable et d'ailleurs non sérieusement contesté par la banque, que la pratique en vigueur dans ses relations avec PRC a toujours été celle qu'indique cette société, c'est-à-dire l'absence de notification des créances cédées, ce dont il se déduit que tels étaient les accords contractuels, en dépit des arguments avancés devant la cour.

Cela est si vrai que dans un courrier adressé à la société PRC, la SA BANQUE CHAIX a écrit : « certains de vos clients ont reçu un courrier du 12 février 2010 de la banque CHAIX Avignon correspondant à une notification de paiement à faire entre les mains de la banque CHAIX suite à la mobilisation des différentes factures. Vous voudrez bien ne pas tenir compte de ces courriers que vos clients ont reçus par erreur. Vous remerciant de votre compréhension et espérant que cela n'entrave pas vos relations commerciales compte tenu du fait que vous ne pouvez être tenu pour responsable de cet impair. Veuillez agréer Madame Monsieur, nos sincères excuses » (pièce 11).

Dans ces conditions, la faute de la banque est établie et celle-ci doit en réparer les conséquences, par application des articles 1145 et 1147 du code civil.

Toutefois, la simple constatation de la baisse importante du chiffre d'affaires réalisé avec les débiteurs cédés ne constitue pas la preuve suffisante que celle-ci est intégralement en lien avec la faute commise.

Au regard des éléments soumis à la cour, il apparaît que le préjudice né des perturbations apportées aux relations contractuelles de PRC avec ses clients peut être liquidé à la somme de 30 000 €.

9. La Banque CHAIX qui succombe en ses demandes dirigées contre les époux [B] sera condamnée au paiement des dépens du lien instance avec ces derniers et devra leur payer la somme de 1500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le lien d'instance opposant cette banque à la société PRC, chacune des deux parties succombe partiellement. En conséquence, elles supporteront la charge de leurs propres dépens, l'équité commandant qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la banque CHAIX de ses demandes dirigées contre les époux [B], en leur qualité de caution solidaire,

Le confirme du chef de cette décision concernant les époux [B],

Et, statuant à nouveau,

Fixe la créance de la banque CHAIX au passif de la société PRO RENOVATION ET CREATION, ainsi qu'il suit :

1.Au titre du solde du compte courant n°00592556200 :

- solde 34145,06 euros

- Intérêts de retard au 12/04/2012 157,75 euros

2. Au titre des escomptes :

- LCR Impayées au 22/04/2011 89893,87 euros

- Intérêts de retard du 22/04/2011 au 12/04/2012416,07 euros

3. Au titre du prêt n°6385486 :

- capital restant dû au 21/04/2011 104972,70 euros

- Intérêts de retard du 21/04/2011 au 12/04/2012 5030,92 euros

- échéances impayées 20915,44 euros

- intérêts de retard au taux contractuel de 4,90 %

du 21/10/2010 au 12/04/2012 1 513,42 euros

Avec intérêts du 13 avril 2012 jusqu'à la date effective de paiement applicables au taux contractuel de 4,90 %, et intérêts à échoircorrespondant à la somme des intérêts restant à courir sur le tableau d'amortissement entre la date de la dernière échéance précédant le jugement d'ouverture de la procédure collective et le terme du contrat de prêt fixé au 21 juin 2014, soit un total général de 257 045,23 euros.

Dit que la banque CHAIX a commis une faute en notifiant les cessions de créances « Dailly » et la condamne à payer, de ce chef, à la société PRO RENOVATION ET CREATION la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts,

Ordonne la compensation des dettes réciproques, à due concurrence,

Condamne la Banque CHAIX au paiement des dépens du lien instance l'opposant aux époux [B], ainsi qu'à leur payer la somme de 1500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Dit que la Banque CHAIX, d'une part et la société PRC, d'autre part, conserveront la charge de leurs propres dépens,

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/20009
Date de la décision : 03/07/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/20009 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-03;12.20009 ?
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