COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 26 JUIN 2014
N° 2014/417
Rôle N° 13/01436
SAS SOCIETE D'ETUDES DE PRODUITS ET TECHNIQUES D'ARMOR 7 D'ARMOR
C/
[C] [P]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Armand ANAVE, avocat au barreau de NICE
Me Dominique CESARI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 13 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1254.
APPELANTE
SAS SOCIETE D'ETUDES DE PRODUITS ET TECHNIQUES D'ARMOR 7 D'ARMOR, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Armand ANAVE, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [C] [P], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Dominique CESARI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Thierry DE SENA, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Mai 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Brigitte PELTIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2014.
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [C] [P] a été embauché par la SAS 7d'ARMOR suivant contrat de travail à durée indéterminée du 18 mai 1994 en qualité de VRP sur le secteur comprenant une partie des Alpes-Maritimes et des Alpes de Haute-Provence, sa rémunération étant constituée des commissions soit 20% sur les ventes.
Par un document, daté et signé du 2 mai 1994 intitulé 'avenant au contrat de représentation', il a été nommé aux fonctions de chef de secteur (départements 2A, 2B, 04 à 06,13 et 84) et à compter du 1er juillet 2003, il a été promu chef de secteur PACA-RHÔNE-ALPES pour un salaire brut mensuel de 2500€.
Par un avenant au contrat de représentation daté du 2 janvier 2007, les parties ont convenu qu'à compter de cette date Monsieur [P] était nommé pour une durée indéterminée aux fonctions de chargé de mission dépendant directement de la direction commerciale et qu'il conservait l'intégralité de sa fonction de représentant avec une production personnelle au moins égale à 6000€ (par mois) .Sa rémunération de chargé de mission a été fixée à 'une prime forfaitaire brute'à 137,20€ par jour effectué à la demande de la direction commerciale et relaté dans un rapport journalier, outre un intéressement sur la réalisation des missions. L'avenant a prévu que sa rémunération ne pourra pas être inférieure à 2950€ brut par mois, cette garantie incluant sa rémunération de VRP-Animateur et sa fonction de chargé de mission.
Ces deux fonctions ont donné lieu à la délivrance de deux bulletins de salaires par mois.
Le salarié a été en arrêt maladie du 18 janvier au 15 mars 2010.
Par lettre du 27 avril 2010, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement et par lettre du 18 mai 2010, il a été licencié pour faute grave dans les termes suivants:
'Nous faisons suite à notre entretien du 11 courant à 11 heures, au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur [Z] [B] représentant du personnel. Vos explications ne nous ont nullement convaincu, et c'est la raison pour laquelle, nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave. Ce licenciement est motivé pour les raisons suivantes:
Au mois d'octobre 2009, vous avez pour ainsi dire cessé votre activité puisque vous n'avez réalisé ce mois là que 3 commandes pour un chiffre d'affaires de 1.854 €. C'est pourquoi une première lettre recommandée avec accusé de réception vous a été adressée le 5 novembre 2009 pour vous rappeler votre objectif de 9.909 € mensuels en application de l'article 8 de votre contrat de travail, et vous réclamer l'envoi de vos rapports d'activité, conformément à l'article 6 du même contrat. Sans nouvelles de votre part, le directeur commercial, ainsi que le directeur de région vous a convié à l'entretien annuel de fin d'année qui s'est déroulé le 18 novembre 2009 et qui a fait l'objet d'un compte rendu signé par vous. Lors de cet entretien, même si vous nous avez clairement annoncé que vous souhaitiez changer de profession, vous vous êtes engagé à établir un compte rendu journalier d'activité, à mettre en place des journées d'accompagnement, et à prospecter de nouvelles cibles. Un objectif à atteindre de 120.000€ pour 2010 a été convenu d'un commun accord. Nous pensions alors que tout allait rentrer dans l'ordre, et que vous reprendriez normalement votre travail après un passage à vide. Or pour le mois de novembre 2009 , vous persistez dans vos errements et avez réalisé 5 ventes pour un chiffre d'affaires très inférieur à votre engagement contractuel. Une nouvelle lettre RAR vous a été adressée le 4 décembre 2009, restée sans réponse.Vos ventes de décembre 2009 restant très insuffisantes, et toujours sans aucun rapport d'activité de votre part, une nouvelle lettre RAR vous a été adressée le 7 janvier 2010, en vain. Puis vous avez fait l'objet d'un arrêt maladie jusqu'au 15 mars 2010. Devant l'indigence des ventes réalisées en mars 2010 et toujours sans aucun rapport d'activité, une quatrième lettre RAR vous a été adressée le 26 mars 2010, vous rappelant que malgré les termes de votre contrat de travail et vos engagements lors de l'entretien de fin d'année 2009, nous n'avions toujours pas reçu le moindre rapport de votre part. Nous vous rappelions à cet égard, puisque vous aviez pris prétexte lors de l'instance de référé, pour justifier le non envoi de vos rapports, du fait que vous n'aviez pas les documents idoines évoqués dans votre contrat de travail, que vos rapports pouvaient utiliser tout support lisible de votre choix. Force est de relever que depuis cette quatrième lettre, vous ne nous avez toujours pas adressé un seul rapport d'activité.
En résumé, pour la période de janvier à avril 2009, nous constatons une chute de chiffre d'affaires de 84 %, une chute de 68 % du nombre de clients, et de 75 % en termes de commandes. Cette baisse dénote un total désintérêt pour votre tâche et va évidemment bien au delà d'une simple baisse conjoncturelle. Votre responsable de région monsieur [I] a pu constater sur le terrain que les clients se fournissaient ailleurs et que vos visites étaient inexistantes.
Au delà de l'insubordination caractérisée que constitue l'absence d'envoi de tout rapport d'activité depuis plusieurs mois, votre comportement, outre le préjudice financier qu'il cause, nuit considérablement à l'image de l'entreprise sur votre secteur géographique et met en péril notre représentation sur ce secteur. Notre siège étant situé à plus de 1000 kms de votre secteur, vous comprendrez sans peine que la seule façon d'être informés de votre activité réside dans l'envoi ponctuel de vos rapports d'activité, que vous vous entêtez à ne pas adresser malgré:
- les termes de votre contrat de travail
- vos engagements lors de l'entretien de fin d'année 2009
- quatre lettres recommandées en ce sens.
Cet envoi étant d'autant plus justifié par la baisse exceptionnellement grave de votre activité.
La présentation de la présente constituera la rupture de votre contrat de travail, sans préavis.
Par la présente, nous vous libérons de votre clause de non concurrence figurant dans votre contrat.
Est joint à la présente votre solde de tout compte avec vos congés payés, votre certificat de travail, votre certificat Assédic., et les documents relatifs au droit à la portabilité de la prévoyance.(par courrier RAR séparé sous forme de lettre d'information).
Concernant le droit individuel à la formation, vous disposez à la date de notification de votre licenciement d'un crédit de 119 heures au titre du DIF. Vous pouvez utiliser ce droit pour financer un bilan de compétence, une action de validation des acquits de l'expérience, ou une formation se déroulant après la rupture de votre contrat de travail, à condition d'en faire la demande auprès de la direction le plus tard avant le 18 Août 2010. La participation de l'entreprise sera égale au coût réel de l'action suivie dans la limite de 1088 €, tout dépassement demeurera à votre charge...'
Contestant son licenciement et réclamant diverses sommes, le salarié a saisi, le 5 juillet 2010, le conseil de prud'hommes de NICE lequel, par jugement du 13 décembre 2013, a dit que l'employeur avait procédé à des rétentions de salaires injustifiées, a dit que le licenciement ne reposait pas sur un faute réelle et sérieuse ni à fortiori sur une faute grave, a dit que les circonstances du licenciement avaient entraîné un préjudice moral distinct et, en conséquence, a condamné l'employeur à payer au salarié les sommes de:
-2352,56€ au titre du rappel de salaire des mois d'avril et mai 2010;
-235,26€ au titre des congés payés s 'y rapportant;
-8850€ au titre du préavis;
-850€ au titre des congés payés s'y rapportant;
-7021€ à titre d'indemnité conventionnelle ;
-70800€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
-10000€ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct;
-1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Le jugement a, en outre, ordonné la remise du bulletin de salaire conforme et l'attestation Pôle-emploi rectifiés et a fixé la rémunération mensuelle brute à la rémunération grantie à concurrence de 2950€.
C'est le jugement dont la société 7 d'ARMOR a régulièrement interjeté appel.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS 7 d'ARMOR demande à la cour de réformer le jugement en ses dispositions l'ayant condamnée et le confirmer en ses dispositions ayant débouté le salarié, le débouter de toutes ses prétentions et le condamner à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Elle soutient , sur le licenciement, qu'il était avéré que le salarié avait refusé d'envoyer les rapports d'activité malgré le contrat de travail qui lui en faisait l'obligation et malgré l'engagement pris par le salarié lors de l'entretien annuel du 18 novembre 2009; que plusieurs lettres recommandées lui avaient été adressées pour le lui rappeler mais en vain; qu'aucune prescription n'était acquise dans la mesure où le comportement du salarié avait persisté dans le délai de deux mois; qu'au demeurant, elle pouvait invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait était constaté dès lors que les deux faits procédaient d'un comportement identique; que l'argument du salarié retenu par le conseil de prud'hommes, tiré du défaut de remise au salarié du support nécessaire à la rédaction d'un rapport, était inopérant dès lors que le salarié avait été informé qu'il pouvait rédiger ses rapports sur tout support; que ces premiers faits constituaient donc bien une faute grave; qu'en outre, il était avéré qu' à compter du mois d'octobre 2009, le salarié avait cessé tout effort quand bien même aurait il déjà atteint ses objectifs à cette date; que la comparaison du nombre des commandes sur la période d'octobre 2009 à mai 2010 par rapport aux mois précédents était éloquente; qu'ainsi, le chiffre d'affaires du début de l'année 2010 avait chuté de 84% par rapport à celui de 2009, que le nombre de clients avait baissé de 68% et celui des commandes de 75%; qu'une telle baisse ne pouvait pas être attribuée à la conjoncture ou à un événement extérieur ou à son arrêt maladie mais bien à l'absence de tout travail du salarié comme celui-ci l'avait d'ailleurs reconnu dans ses écritures judiciaires en faisant référence à 'des problèmes personnels et à une grande fatigue' dont il n'avait jamais fait part à son employeur; qu'en réalité, il avait cessé volontairement de travailler; qu'elle entendait le démontrer par le fait que, lors de l'entretien annuel du 18 novembre 2009, il avait avoué son intention de changer de métier et qu' elle avait découvert ensuite que le salarié avait créé, le 24 juin 2010 soit un peu plus d'un mois après son licenciement, une Sarl Chemsor Industries dont il était le gérant et dont l'objet social était très proche du sien; qu'ainsi, le désintérêt du salarié pour son travail avait été délibéré; que si l'insuffisance de résultats n'avait pas de caractère fautif, il en était tout autrement quand, comme en l'espèce, cette insuffisance était la conséquence d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié; que pour le même motif que celui précédemment exposé, les faits n'étaient pas prescrits; que contrairement à ce que soutenait le salarié concernant une double sanction, elle n'avait aucunement voulu sanctionner une première fois les faits en suspendant le paiement du complément du salaire mais seulement exercer l'exception d'inexécution reconnue en droit du travail dans la mesure où le salarié avait, pour ainsi dire, cessé de travailler; qu'au demeurant, le solde dont s'agit avait finalement été réglé; que le conseil de prud'hommes ne pouvait pas, sans se contredire, retenir qu'il s'agissait d'une sanction interdite tout en considérant que les faits avaient déjà été sanctionnés; que ces seconds faits d'insuffisance de résultats constituaient aussi une faute grave compte tenu du comportement volontaire du salarié; que subsidiairement, la cour devait retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
Monsieur [C] [P] demande à la cour de confirmer le jugement sur le rappel de salaire, sur la cause du licenciement, sur les indemnités de rupture sauf celle allouée au titre du licenciement brutal et vexatoire qu'il demande à la cour de porter à la somme de 35400€ et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 7000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.
Il expose, s'agissant des compléments de salaires, que l'employeur ne lui avait versé, en avril 2009, que la somme de 2000€ au lieu de lui verser la somme de 2950€ et qu'en mai 2010, il ne lui avait versé que celle de 465,77€ au lieu de celle de 1402,50€ de sorte qu'il lui était bien dû la somme de 2352,50€; que s'agissant du licenciement, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes avait jugé qu'en retenant indûment les salaires susvisés sous prétexte d'insuffisance de résultats, l'employeur avait déjà sanctionné les faits une première fois; que l'employeur ne pouvait pas invoquer une quelconque exception d'inexécution puisque les résultats ne pouvaient s'apprécier qu'annuellement; que les faits visés dans le lettre de licenciement étaient prescrits puisque l'employeur avait connaissance des prétendus faits fautifs au moins depuis son courrier du 5 novembre 2009; que subsidiairement, les faits n'étaient pas constitués; qu'en effet, en octobre 2009, il avait déjà atteint ses objectifs de 6000€ par mois soit 72000€ par an comme le montre le classement de septembre 2009 où il figure 24ème sur plus de 80 vendeurs avec un chiffre d'affaires de plus de111000€; que très curieusement, il n'apparaissait plus dans le classement de novembre; que pour l'année 2010, il n'avait jamais consenti à une augmentation de son objectif annuel à 120000€; qu'en tout état de cause, l'employeur ne lui avait pas donné les moyens de le réaliser dans la mesure où, d'une part, à compter de novembre 2009, l'employeur avait cessé de le rémunérer à hauteur du minimum garanti de 2950€ , une ordonnance de référé ayant du être prononcée, le 11 mars 2010, pour condamner l'employeur à payer le solde, et d'autre part, ne lui avait pas laissé le temps de réaliser un tel objectif puisque il avait été en arrêt maladie en début d'année et que l'objectif devait s'apprécier sur une année entière; que pour les rapports d'activité, il fallait savoir que, depuis son embauche en 1994, l'employeur ne lui avait jamais demandé ni aux autres vendeurs le moindre rapport d'activité; que c'était donc à bon droit que le conseil de prud'hommes avait retenu que la clause relative à la rédaction de tels rapports, insérée au contrat de travail, était devenue caduque; qu'au surplus, le document prévu à cet effet par ladite clause ne lui avait jamais été remis par l'employeur; que les VRP avaient attesté n'avoir jamais adressé de tels rapports; que l'exigence de rapport à son encontre était donc discriminatoire; qu'en revanche, il avait toujours transmis régulièrement les rapports d'activité relatifs aux fonctions de chefs de secteur; que l'appelante ne saurait lui reprocher d'avoir créé sa propre entreprise; qu'il entendait invoquer les circonstances de son licenciement particulièrement brutal et vexatoire qui révèlaient, en l'absence d'un motif légitime de licenciement, une volonté farouche de l'employeur de se débarrasser de lui ; que l'employeur n'avait pas hésité à lui retenir ses salaires et à le mettre ainsi dans une situation financière difficile puisqu'il n'avait pas pu faire face aux échéances d'un prêt contracté pour l'achat d'un véhicule automobile destiné à l'exercice de ses fonctions.
SUR CE
Sur le rappel de salaires
Il est constant que le salaire minimum garanti par l'avenant contractuel du 2 janvier 2007 avait été fixé à la somme de 2950€ brut par mois au titre des fonctions cumulées de représentant et de chargé de mission. L'employeur reconnaît n'avoir payé pour le mois d'avril 2010 que la somme de 2000€ soit une retenue de 950€ et pour la période du 1er au 18 mai 2010, la somme de 465,77€ au lieu de 1868,27€ soit une retenue de 1402,50€ . Mais dès lors que le contrat avait prévu un minimum garanti, l'employeur ne pouvait pas, sous couvert d'une insuffisance des résultats commerciaux de son salarié, opérer une retenue financière. Le jugement qui l'a condamné à payer la somme de 2352,50€ outre les congés payés s'y rapportant sera donc confirmé. Il sera fait droit à la demande de rectification des bulletins de salaire mais sans qu'une astreinte ne soit nécessaire à la bonne exécution de cette condamnation.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement s'est explicitement placée sur le terrain disciplinaire en qualifiant les faits de faute grave. Dans ces conditions et en l'état des énonciations de cette lettre qui fixe les limites du litige, le débat ne saurait porter sur la question de savoir si le salarié avait ou non atteint ses objectifs contractuels et, partant, si de tels objectifs avaient été acceptés par lui et s'ils étaient ou non réalisables mais porte exclusivement, comme le retient la lettre de licenciement, sur la question de savoir si le salarié en ne transmettant pas à son employeur ses rapports d'activité avait commis une insubordination et si ses résultats commerciaux révélaient de sa part une volonté fautive de ne pas travailler.
Sur le premier point, le salarié ne conteste pas l'absence de rapports d'activité. En l'espèce, le contrat de travail avait prévu l'obligation de rédiger des rapports d'activité. Il est établi que tout au long de la relation de travail ayant débuté en 1994, l'employeur avait eu pour pratique habituelle de ne pas demander la rédaction de tels rapports à ses représentants et ce n'est qu' à compter du mois de novembre 2009 qu'il avait demandé pour la première fois à Monsieur [P] de lui transmettre de tels rapports. Toutefois, Monsieur [P] ne saurait légitimer sous ce seul motif son refus de rédiger des rapports d'activité. En effet, il importe peu de savoir si l'employeur à l'issue des 14 années de travail avait ou non renoncé à se prévaloir d'une telle clause contractuelle et si elle était ou non devenue caduque alors qu'en tout état de cause Monsieur [P], qui était placé dans un lien de subordination juridique à l'employeur, restait tenu d'une obligation générale de rendre compte, fut elle ou non rappelée dans une clause écrite du contrat de travail, une telle obligation étant indissociable de la relation de travail et ne trouvant ses limites que dans l'interdiction faite à l'employeur de commettre un abus de droit.
Or, en l'espèce, il résulte des échanges de correspondances entre les parties que l'employeur avait motivé ses demandes de rapports en raison d'une baisse chiffrée de l'activité de son salarié, cette baisse étant d'autant plus inquiétante pour l'employeur qu'elle était soudaine et en contradiction avec les résultats commerciaux antérieurs de Monsieur [P]. Ainsi, par une première lettre recommandée datée du 5 novembre 2009, l'employeur lui avait écrit 'nous sommes surpris par votre chiffre d'affaires du mois d'octobre 2009 (1854€). Aussi afin d'établir votre salaire du mois d'octobre, nous vous demandons de nous faire parvenir vos rapports d'activité afin d'essayer de comprendre. Je vous propose de discuter de votre situation lors de notre rencontre prévue le 18 novembre 2009 sur [Localité 1].' Il convient de rappeler que l'objectif mensuel de Monsieur [P] était à cette époque de 6000€ par mois et que cet objectif avait été jusque là largement atteint et régulièrement dépassé. En l'état de ce constat, l'employeur était légitime à s'inquiéter d'une situation devenue subitement difficile pour Monsieur [P] et à laquelle l'employeur n'avait pas été habitué. Il était donc fondé, en tant que responsable de la gestion de son entreprise, à vouloir en connaître les causes et, pour ce faire, à demander en premier lieu à son salarié de lui rendre compte. Contrairement à ce que soutient Monsieur [P], l'employeur en agissant ainsi n'avait pas méconnu le principe d'égalité de traitement entre les représentants puisqu'il n'est pas contesté que Monsieur [P] était le seul à avoir connu une baisse de son activité aussi soudaine qu'importante ce qui constituait une situation objective différente justifiant qu'il lui soit demandé à lui seul de dresser un rapport d'activité. De même, la circonstance tirée de ce qu'à cette époque le salarié avait dépassé son objectif sur l'année soit 72000€ ne l'autorisait pas pour autant à se dispenser de rendre compte.
Ensuite, le compte rendu de l'entretien annuel du 18 novembre 2009, signé par les deux parties, mentionne que sous la rubrique ' attentes du vendeur pour 2010" le salarié avait répondu:
'Changer de métier. Souhaite quitter l'entreprise. Ne veut plus exercer le métier de commercial.'
Ce même compte rendu a mentionné sous la rubrique 'mise en place du plan de progrès' que le salarié devait notamment faire de nouvelles prospections et faire un compte rendu journalier. Cette exigence sur ce dernier point ne saurait être reprochée à l'employeur compte tenu de la lettre du 5 novembre 2009 et surtout des craintes que l'entretien du 18 novembre 2009 avaient légitimement fait naître quant à la bonne volonté du salarié d'exécuter son contrat de travail. Ces craintes étaient d'autant plus fondées qu'avant de signer ce compte rendu, Monsieur [P] y avait manuscrit la mention 'sous réserve d'être encore chez 7 d'ARMOR en 2010."
Par une nouvelle lettre recommandée du 4 décembre 2009, l'employeur constatant un deuxième mois consécutif de baisse de l'activité avait rappelé à son salarié son obligation de transmettre les rapports d'activité qu'il n'avait toujours pas reçus. Par lettre recommandée du 7 janvier 2010, l'employeur lui avait rappelé cette obligation mais en vain. Le salarié ayant été en arrêt maladie du 18 janvier 2010 au 15 mars 2010, l'employeur avait attendu son retour et, par lettre du 26 mars 2010, lui avait encore réclamé les rapports lui rappelant que, comme indiqué lors de l'entretien du 18 novembre 2009, ils pouvaient être dressés sur tout support lisible. Ainsi, l'argument tiré de l'absence de support transmis par l'employeur est inopérant.
Il est finalement établi que Monsieur [P] n'avait jamais déféré aux demandes de son employeur de lui rendre compte et n'avait de surcroît jamais daigné lui expliquer les motifs de sa carence. Les faits consistant pour le salarié à refuser de rendre compte à l'employeur sont constitutifs d'insubordination comme exactement énoncé par la lettre de licenciement. Ils se sont répétés dans le temps de sorte qu'au jour de l'engagement des poursuites disciplinaires, soit le 27 avril 2010 qui est la date de l'envoi de la lettre de convocation à un entretien préalable, ils n'étaient pas prescrits. Il ne saurait davantage être invoqué la circonstance tirée de ce qu'en retenant une partie du salaire des mois d'avril et mai 2010, l'employeur avait déjà sanctionné ces faits alors que la retenue illégale que l'employeur avait opérée visait seulement les faits relatifs à la baisse volontaire d'activité commerciale et non pas les faits d'insubordination qui s'apprécient de façon autonome.
L'insubordination sciemment réitérée constitue bien de la part du salarié une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis de sorte qu'elle constitue à elle seule une faute grave et qu' il n'est pas nécessaire d'examiner le second grief. Le jugement sera dès lors réformé et le salarié débouté de toutes ses prétentions au titre de la rupture.
Sur l'article 700 du code procédure civile
Chacun succombant l'équité ne commande pas d'allouer en cause d'appel une indemnité au titre de l'article 700 du code procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale.
Reçoit la SAS 7d'ARMOR en son appel.
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de NICE du 13 décembre 2012 en ce qu'il a statué sur le rappel de salaire d'avril et mai 2010, sur les congés payés s'y rapportant, sur la délivrance des bulletins de salaires rectifiés, sur l'article 700 du code procédure civile et sur les dépens.
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau.
Dit que le licenciement de Monsieur [C] [P] est fondé sur une faute grave.
Le déboute de toutes ses demandes afférentes au licenciement.
Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à une indemnité supplémentaire au titre de l'article 700 du code procédure civile
Condamne la SAS 7 d'ARMOR aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT