COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 26 JUIN 2014
N° 2014/331
JONCTION
12/3664 et 12/3674
Joints au
Rôle N° 12/03553
SAM MICROTECHNIC
C/
[G] [I]
SARL MLM
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Elie COHEN, avocat au barreau de NICE
- Me Jerry DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
- Me Delphine FRAHI-MEGYERI, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN - section Industrie - en date du 02 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/181.
APPELANTE
SAM MICROTECHNIC,
demeurant [Adresse 1]
Intimée dans le 12/3664 et 12/3674
représentée par Me Elie COHEN, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [G] [I],
demeurant [Adresse 2]
Appelant dans le 12/3664
comparant en personne, assisté par Me Jerry DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
SARL MLM, prise en la personne de son gérant Monsieur [N] [H], demeurant [Adresse 3]
appelant dans le 12/3674
représentée par Me Delphine FRAHI-MEGYERI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2014, prorogé au 10 avril 2014, 24 avril 2014, 29 avril 2014, 22 mai 2014, 27mai 2014, 05 juin 2014, 10 juin 2014, 19 juin 2014,et 26 juin 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2014.
Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [G] [I] a été embauché en qualité de magasinier selon contrat à durée indéterminée à compter du 7 février 2000 par la SARL MLM pour un salaire mensuel brut de 12.600F soit 1.930€ ; à partir de janvier 2010, sa rémunération a été portée à 2.145,75€. Le contrat prévoyait en son article 4 quant au lieu de travail :' Monsieur [I] [G] exercera ses fonctions à La Motte en priorité et pourra recevoir une affectation momentanée ou permanente dans l'une des sociétés du groupe MICROTECHNIC '.
M.[I] a été élu conseiller des salariés sur le département du Var, selon arrêté préfectoral du 30 mars 2010.
M.[I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique le 25 juin 2010.
M.[I] a été licencié pour motif économique le 15 juillet 2010 ; il a adhéré à une convention de reclassement personnalisé le 22 juillet 2010.
Saisi le 2 août 2010 par le salarié d'une contestation de son licenciement et de diverses demandes en paiement, le conseil de prud'hommes de Draguignan a, par jugement du 2 février 2012, après avoir retenu la société MLM et la société MICROOTECHNIC comme co-employeurs de M.[I] et constaté la violation du statut protecteur, dit que le licenciement de M.[I] reposait sur un motif économique et a condamné solidairement la société MLM et la société MICROTECHNIC à payer à M.[I] les sommes suivantes au titre de :
-des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, 94.413€,
-des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 2.145,75€,
a débouté M.[I] du surplus de ses demandes,
a mis les dépens à la charge des sociétés défenderesses.
Par actes du 22 février 2012, la société MLM et la société MICROTECHNIC ont relevé appel de cette décision. Par acte du 23 février 2012, M.[I] a également interjeté appel de ce jugement.
' Dans ses écritures développées à la barre, M.[I] demande à la cour de :
'Vu le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Draguignan le 2 février 2012,
Le confirmer en ce qu'il alloué à Monsieur [I] les dommages et intérêts suivants:
' 94413 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur
' 2 145,75 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de procédure de licenciement
Le réformer sur le surplus. Et statuant à nouveau,
Dire et juger que le licenciement de Monsieur [I] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamner solidairement la société MLM et la SAM MICROTECHNIC à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes.
' 94 413 euros de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur (confirmation)
' 2 145, 75 euros de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement (confirmation)
' 1 500 euros de dommages et intérêts pour procédé vexatoire lors de l'entretien préalable (réformation)
' 54 640 euros de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (réformation)
' 341,50 euros à titre de rappel de salaire du 21 au 26 juillet 2010 (réformation)
' 34, 15 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire (réformation)
' 341, 50 euros à titre de rappel de prime pour le l3ème mois prorata temporis (réformation)
' 5 000 euros de dommages et intérêts à titre une indemnité forfaitaire pour les grands déplacements (réformation)
' 1 800 euros pour non proposition de la priorité d'embauche (réformation)
' 4291,50 euros à titre de paiement de préavis (2 mois de salaire) (réformation)
' 429,15 euros à titre de congés payés sur préavis (réformation)
Dire et juger que ces condamnations seront majorées des intérêts légaux et moratoires à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes soit le 23 mai 2011.
Les condamner solidairement à rectifier les documents sociaux et le bulletin de paye de juillet 2010 sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
Condamner solidairement l'EURL MLM et la société MICROTECHNIC à payer à Monsieur [I] [G] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner solidairement l'EURL MLM et la société MICROTECHNIC aux entiers dépens'.
' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience, la société MLM demande à la cour de:
'Déclarer recevable l'appel formé par la Société MLM à l'encontre du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Draguignan le 2 février 2012.
Le confirmer en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [G] [I] repose sur un motif économique.
Le réformer en ce qu'il a :
- Evalué à 94413,00 € les dommages et intérêts ayant pour objet la violation du statut protecteur de Monsieur [I]
- Dit et jugé que la Société MLM n'avait pas respecté la procédure de licenciement, le jugement appelé ayant en conséquence condamné la Société MLM à payer à Monsieur [I] une somme de 2145,75 € à ce titre
Statuant à nouveau sur les demandes de réformation formées par la Société MLM,
- Déclarer satisfactoire l'offre faite par la Société MLM de payer à Monsieur [G] [I] une somme globale et forfaitaire de 6437,25 € pour violation du statut protecteur
- Débouter Monsieur [I] de sa demande de dommages et intérêts de 2 145,75 € pour non respect de la procédure de licenciement
Débouter Monsieur [G] [I] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions
Condamner Monsieur [G] [I] en tous les frais de la présente instance'.
,
'Dans ses écritures réitérées oralement à l'audience, la société MICROTECHNIC demande à la cour de :
'- DIRE ET JUGER que la SAM MIROTECHNIC n'est pas employeur de Monsieur [I];
- DEBOUTER Monsieur [I] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la SAM MICROTECHNIC.
-CONDAMNER Monsieur [I] aux entiers dépens ;
- CONDAMNER Monsieur [I] à verser à la SAM MICROTECHNIC la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile '.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité des appels n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur la jonction
Les trois appels ont fait l'objet de trois enregistrements différents, 12/3553, 12/3664 et 12/3674. Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre ces procédures et de dire que désormais elles seront suivies sous le seul numéro 12/3553.
Sur le fond :
-sur la qualité de co-employeur de la société SAM MICROTECHNIC-
M.[I] soutient que la société MICROTECHNIC était également son employeur au même titre que la société MLM. La société MICROTECHNIC le conteste, relevant que la société MLM appartient, certes, au groupe MICROTECHNIC, mais que M.[I] était sous un lien de subordination constant exercé uniquement par la société MLM. Elle indique qu'elle n'était lié à la société MLM que par un contrat de prestation de service logistique.
Pour que la notion de co-employeur soit retenue; , il est nécessaire, à celui qui s'en prévaut, d'établir la réunion de trois confusions entre les deux entités économiques à savoir :
*une confusion d'intérêts
*une confusion d'activités
*une confusion de direction
M.[I] apporte des éléments démontrant qu'il a tout d'abord été engagé par la société MICROTECNIC (missions d'interim ) et qu'il travaillait alors au dépôt de La Motte là où la société MLM, créée postérieurement, a son activité. Par ailleurs s'il n'est pas contesté que la société MLM, filiale de la société MICROTECHNIC était liée à cette dernière par un contrat de prestation logistique, en revanche il n'est aucunement démontré que la société MLM avait une autre activité avec d'autres clients. Ce qui vient corroborer l'affirmation de M.[I] comme quoi, la société MLM, dépôt de La Motte qui ne travaillait que pour MICROTECHNIC, n'était que l'un des sites composant la société MICROTECHNIC et confirmer la présentation de la société MICROTECHNIC telle qu'elle est faite dans le rapport d'audit produit aux débats. De même le salarié établit sa dépendance vis à vis de la société MICROTEHNIC par la production de nombreux courriers électroniques internes avec la société MICROTECHNIC. M.[H], gérant de la société MLM était en relation directe, par exemple, avec la société MICROTEHNIC pour l'évaluation des trois salariés travaillant au dépôt de La Motte ( M.[I], M.[O] et M.[F] ); il ne faisait que transmettre son avis sur ces trois salariés. De même, la société MLM n'explique pas pourquoi l'entretien préalable a été mené par Mme [E], comptable salariée de la société MICROTEHNIC et pourquoi les frais de déplacement (notamment sur le site tunisien de la société MICROTECHNIC) ont été réglés par la société MICROTECHNIC, dont le service de comptabilité établissait les bulletins de salaire de ces trois salariés mais également toute la comptabilité de la société MLM.
Par conséquent, la démonstration du critère de la triple confusion étant rapportée, le jugement
en ce qu'il a retenu ces deux sociétés comme co-employeurs de M.[I] sera confirmé.
-sur la violation du statut protecteur du conseiller du salarié-
M.[I] a été désigné comme conseiller du salarié par arrêté préfectoral du 30 mars 2010. Cette information a été portée à la connaissance de la direction de MLM MICROTECHNIC par lettre recommandée avec avis de réception du 1er avril 2010. De plus, dans l'attestation de M.[H] en date du 26 juillet 2010, cette fonction de conseiller du salarié est bien mentionnée. Selon l'article L2411-21 du code du travail, le licenciement d'un conseiller du salarié ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Or M.[I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 25 juin 2010 qui s'est tenu le 5 juillet 2010. L'employeur affirme que M.[I] ne lui a alors pas rappelé sa situation et l'obligation de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail. M.[I] a été licencié le 15 juillet 2010 sans que l'autorisation nécessaire ait été demandée. De plus la société MLM reproche à M.[I] d'avoir refusé la proposition de rétractation du licenciement qu'elle lui a faite après avoir été alerté par l'inspection du travail sur cette infraction qui avait été signalée par M.[I].
Mais en l'absence d'un accord du salarié sur cette rétractation qui aurait abouti à une nouvelle procédure de licenciement pour motif économique avec cette fois sollicitation de l'autorisation de l'inspection du travail, et à défaut d'établir un comportement frauduleux du salarié, ce licenciement est maintenu et devait être examiné.
Dès lors, en l'absence de l'autorisation administrative préalable obligatoire, la nullité de cet acte doit être constatée. La société MLM, reconnaissant son erreur, propose une indemnisation correspondant à trois mois de salaire.
Or, le salarié, conseiller du salarié, dont le licenciement est nul et qui n'a pas demandé sa réintégration, a droit à une indemnisation forfaitaire égale à ce qu'il aurait perçu de la date de son éviction (21 juillet 2010 ) à la date d'expiration de la période de protection en cours, soit trois ans de mandat, à laquelle s'ajoute la période de protection après mandat de douze mois, soit un total de 44 mois, 2.145,75X 44= 94.413€ . Le jugement en ce qu'il a prévu la condamnation solidaire des co-employeurs de M.[I] à lui payer cette somme sera confirmé dans cette disposition.
Du fait de la nullité du licenciement, le salarié a droit aux indemnités de rupture (préavis versé selon les dispositions prévues en cas d'acceptation d'une convention de reclassement personnalisé et indemnité de licenciement déjà versée au salarié ) ainsi qu'à une indemnité au moins égale à six mois de salaire. Il sollicite plus de deux ans de salaire, 54.640 €. Les co-employeurs de M.[I] seront condamnés solidairement à lui verser la somme de 12.874,50€.
En revanche, il est nul besoin d'examiner la validité du licenciement pour motif économique, quant à la forme et quant au fond, ainsi que les demandes subséquentes de dommages et intérêts tant pour licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse que pour irrégularité de procédure (présence d'un huissier à l'entretien préalable ) et pour circonstances vexatoires ( visant d'ailleurs le même motif que dans la demande précédente, présence d'un huissier à l'entretien préalable ) et également quant à la mention incomplète de la priorité de réembauchage, demandes formulées par M.[I] puisque le licenciement a été déclaré nul et que M.[I] est indemnisé de toutes les conséquences de cette nullité.
-sur les autres demandes -
Sur le rappel de salaire pour la période du 21 au 26 juillet 2010 et le rappel subséquent de prime de treizième mois, à défaut de justifier de cette demande, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes l'en a débouté.
Sur le rappel de salaire au titre des grands déplacements, le jugement ayant rejeté cette demande sera confirmé au vu des motifs pertinents retenus par le premier juge et à défaut d'éléments nouveaux sur cette demande.
Les dépens seront supportés par la société MLM et la société MICROTECHNIC SAM.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit les appels,
Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros suivants 12/3553, 12/3664 et 12/3674 et dit que désormais elles seront suivies sous le seul numéro 12/3553.
Confirme partiellement le jugement entrepris,
Et statuant sur le tout pour plus de clarté,
Dit que la société MLM et la société MICROTECHNIC sont les co-employeurs de Monsieur [G] [I],
Constate l'absence de demande d'autorisation de licenciement auprès de l'inspection du travail du fait du statut de conseiller du salarié de Monsieur [G] [I],
Par conséquent, déclare nul le licenciement de Monsieur [G] [I],
Condamne solidairement la société MLM et la société MICROTECHNIC à payer à Monsieur [G] [I] les sommes suivantes au titre de :
* l'indemnisation forfaitaire du fait de l'absence d'autorisation administrative, 94.413€,
* de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, 12.874,50 €,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne solidairement la société MLM et la société MICROTECHNIC SAM aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT