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13/06/2014 | FRANCE | N°11/21813

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 13 juin 2014, 11/21813


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2014



N°2014/



Rôle N° 11/21813







[U] [V]





C/



Société JUNGHEINRICH FRANCE

















Grosse délivrée le :



à :



Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Antoine PASQUET, avocat au barreau de PARIS







Copie certifiée conforme délivrée aux parties l

e :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section E - en date du 28 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/197.





APPELANT



Monsieur [U] [V], demeurant [Adresse 1]



comparant...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2014

N°2014/

Rôle N° 11/21813

[U] [V]

C/

Société JUNGHEINRICH FRANCE

Grosse délivrée le :

à :

Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Antoine PASQUET, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section E - en date du 28 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/197.

APPELANT

Monsieur [U] [V], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Société JUNGHEINRICH FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine PASQUET, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2014

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[U] [V], a été embauché par la société Jungheinrich France, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 janvier 2008, au poste de vendeur secteur, niveau 3, échelon 1, statut cadre, de la convention collective du commerce de gros qui régissait les rapports contractuels, au sein de la succursale située à [Localité 2].

Son secteur d'activité, comprenait 35 % du département des Bouches~du-Rhône.

Le salarié, percevait une rémunération brute mensuelle pour un forfait annuel de 214 jours.

Le salarié, a fait l'objet d'un avertissement pour insuffisance professionnelle le 3 décembre 2009 dans les termes suivants :

« Depuis le début de l'année 2009, nous sommes au regret de constater de réelles insuffisances dans votre activité commerciale et dans vos résultats, et cela en dépit :

-des nombreuses formations internes que vous avez suivies (17 jours en 2008)

-du suivi et du soutien de votre chef des ventes qui vous a accompagné au cours de différentes tournées.

Comme votre hiérarchie vous l'a fait remarquer à plusieurs reprises, les visites que vous effectuez se déroulent trop souvent chez les mêmes clients et ne correspondent pas à 1'activité nécessaire pour développer votre secteur comme il se doit.

A titre d'exemples :

-du 28/10 au 17/11/2009, vous avez effectué 3 visites chez le client ABB France dont 2 pour une problématique de « places de foot »

-du 29/10/09 au 10/11/2009, vous avez effectué 4 visites chez le client Brink's Evolution, toutes liées à une même offre de matériel d'occasion

-du 12/11/09 au 20/11/2009, vous avez déclaré 4 visites chez le client Race Racing Car, la dernière correspondant en fait à une annulation de rendez-vous

-du 27/10/09 au 20/11/2009, seules 2 visites sur 56 furent des visites de prospection

Cela explique en partie que votre nombre d'offres depuis le début de l'année ainsi que votre connaissance du besoin soient bien inférieurs à ceux de vos collègues de l'agence :

-vous avez réalisé 88 offres FFZ depuis le début de l'année (hors affaire ADREXO, client grands comptes international IKAM, géré directement par votre chef des ventes sans la moindre intervention de votre part), la moyenne de l'agence de [Localité 2] étant de 152,

-votre connaissance besoin à fin octobre est de 40% alors que la connaissance besoin de l'agence dans sa globalité est de plus de 58%.

Il en est de même de :

-vos ventes secteurs de matériels neufs qui hors1'affaire ADREXO sont à fin novembre au nombre de 9.5 alors que la moyenne agence hors ADREXO est de 37,

-de vos affaires actuellement en phase de conclusions à 99% qui sont au nombre de 2 pour une moyenne de 10.7

Enfin, à plusieurs reprises votre chef des ventes vous a demandé de vous assurer de l'accord de M.[E], vendeur grands comptes, quant à la vente de matériels d'occasion chez notre client Métro, et vous lui aviez indiqué que vous l'aviez fait.

Force est de constater, à la lecture d'un courrier électronique de M.[E] s'étonnant de la vente de matériels d'occasion chez Métro, que vous avez volontairement menti.

Pour 1'ensemble de ces motifs, nous vous adressons un avertissement qui sera porté à votre dossier.

Nous attendons de vous un rapide redressement quidevra se traduire par une augmentation sensible de votre nombre de clients et prospects visités, de votre nombre d'offres de de ventes de matériels neufs, ainsi que de votre connaissance besoin. »

A la suite de cette sanction qu'il n'a pas acceptée, [U] [V], s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie, puis en congés du 18 décembre 2009 au 18 janvier 2010, et encore à compter du 22 mars 2010.

Le salarié, a saisi le conseil des prud'hommes de Martigues d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat.

Après avoir été, par courrier en date du 9 avril 2010, convoqué pour le 21 avril 2010, à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, le salarié a été licencié pour faute grave, par lettre recommandée en date du 28 avril 2010, pour les motifs suivants :

« Pour faire suite à votre entretien du 21/04/2010 avec M. [X] et M. [W], au cours duquel vous étiez assisté par M. [K], nous avons le regret de vous informer par la présente que

nous avons décidé de vous licencier pour les motifs qui.vous ont été donnés durant cet entretien et que nous vous rappelons. Vous avez déclaré des visites commerciales qui n'ont pas eu lieu.

Ainsi, concernant votre client « Grands Moulins Storione vous avez déclare avoir rencontré [L] le 22 janvier 2010.

Pourtant, lors d'une visite de ce client de votre chef des ventes, M. [W], le 23 mars 2010, M; [L] a certifié ne pas vous avoir vu le 22 janvier 2010 pour la simple raison qu'i1 n'était pas présent ce jour-là étant en JRTT.

De la même façon votre chef des ventes, M. [W] a rencontré le 5 avril 2010 M. [J] de la Société SOMEFOR qui s'est plaint d'un manque de suivi de votre part et il lui a été indiqué, contrairement encore une fois à votre déclaration, ne pas vous avoir rencontré le 26 octobre 2009 alors qu'il était absent ce jour-là, étant près de sa femme qui venait d'accoucher le 26 octobre 2009.

Ces faits graves, alors qu'il s'agit de déclarations mensongères, ne font malheureusement que confirmer le doute que nous avions pu avoir sur la réalité de votre activité relativement à votre client Police Municipale de [Localité 2]. En effet, alors que vous nous aviez indiqué dans votre rapport d'entretien avoir rencontré le client le 17 février 2010, vous aviez dans un second temps, face au doute de votre chef des ventes et à sa demande d'explications, modifié votre rapport d'entretien pour indiquer finalement que vous ne l'aviez pas rencontré mais seulement eu au téléphone. Nous considérons ces faits d'autant plus graves et inacceptables qu'ils se doublant d'une insuffisance professionnelle caractérisée notamment par votre manque patent d'activité et de visites commerciales.

C'est ainsi que votre activité commerciale en terme de visites et d'offres de matériels neufs pour la période du 25/01/2010 est insuffisante et ne correspond pas aux objectifs que nous vous avions fixés en début d'année lors d'un entretien le 18/01/2010 en présence de M. [X] et M. [W].

Concernant les offres de matériel neufs série hors clients grands comptes et Adrexo, vous en avez réalisé six sur une période de deux mois pour neuf attendues-par mois.

Concernant les offres pour des clients et prospects magasins grands comptes, vous n'en avec faire aucune pour deux attendues par mois.

Concernant vos visites chez les clients-prospects, vous en avez effectué en moyenne moins de trois par jour alors que nous en attendions en moyenne quatre à cinq jours, chiffre nécessaire pour atteindre vos objectifs.

En outre, un certain nombre de visites ne peuvent pas être considérées comme significatives. A titre d'exemple, votre visite le 30 mars chez Transpalettes Services alors que la personne (M, [T]) est absente ou votre visite du 10 février 2010 chez Leclerc [Localité 1] alors que la personne ne peut pas vous recevoir. Il vous appartient pourtant de qualifier vos visites avant de vous y rendre afin de ne pas vous déplacer-pour rien.

Également lors d'une tournée commune, M. [W] a appris que vous aviez mis en contact votre client Provac avec un autre de vos clients, Métro, pour l'acquisition d'un des vieux matériels de ce dernier qui aurait pu faire l'objet d'une reprise par Jungheinrich pour ferraillage. Cela ne correspond absolument pas aux-pratiques de notre entreprise, et cela d autant plus incompréhensible et regrettable que par le passé, M [W] vous avez déjà oralement reproché d'avoir agi de la sorte avec votre client SCP Pool. L'ensemble de ces faits ne permet plus malheureusement la poursuite de notre collaboration même pendant votre préavis ».

Par jugement en date du 28 octobre 2011, le conseil des prud'hommes de Martigues, statuant en formation de départage, a débouté le salarié de toutes ses prétentions.

Le salarié, a interjeté appel de cette décision le 22 décembre 2011.

Par ordonnance en date du 2 mai 2013, la jonction des affaires N° 11/22 286 et N° 11/21 813 a été ordonnée pour être suivie sous le N° 11/21 813.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le dernier état de ses prétentions, l'appelant demande de :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur au 20 avril 2010,

-dire subsidiairement que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 10.800€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.080 € à titre d'incidence de congés payés,

- 813,75€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 750 € à titre de rappel de prime pour le mois d'octobre 2009,

- 185,66 € à titre de rappel de frais professionnels,

- 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour usage abusif du pouvoir disciplinaire,

- 15.000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail et harcèlement,

- 5000€ à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 3.000€ au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile.

Il demande également, d'enjoindre à l'employeur de produire le rapport de l'inspection du travail sous astreinte de 100 € par jour de retard, ainsi que, sous la même astreinte, par jour de retard et par document, d'ordonner la rectification des bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformément à la décision à intervenir.

Il sollicite encore, les intérêts de droit avec capitalisation.

Exposant à titre liminaire avoir donné satisfaction au cours de la relation de travail, ses performances commerciales ayant été récompensées et n'avoir fait l'objet d'aucune sanction avant décembre 2009, il fait valoir que :

-en raison de la politique de réduction d'effectifs de l'entreprise, ses relations avec son supérieur hiérarchique, M [W], n'ont cessé de se dégrader depuis le début de l'année 2009,

-de même, la dégradation des conditions de travail, du fait de cette politique, a amené d'autres salariés à quitter l'entreprise,

-une enquête sur les risques dans l'entreprise, sollicitée par le Comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, dit Chsct, a révélée des facteurs de risques psychosociaux, trouvant leur source dans l'organisation du travail,

-lui même, ayant choisi de rester, a fait l'objet de man'uvres de déstabilisation, de pressions constantes confinant au harcèlement moral, comme des entretiens avec son supérieur, des réunions de travail, où ses insuffisances ont été évoquées pour la première fois et où il a été menacé de licenciement,

-sa situation de souffrance au travail a été constatée par la médecine du travail,

-l'avertissement infondé dont il a fait l'objet en décembre 2009, caractérisant un usage abusif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, s'inscrit dans ce processus de harcèlement,

-des responsabilités, ainsi que le portefeuille d'un client important, la société Adrexo, lui ont été retirés, l'employeur ayant modifié unilatéralement son contrat de travail et il a été mis ainsi par son employeur dans l'impossibilité de satisfaire à ses obligations contractuelles, ses nouveaux objectifs de vente, fixés unilatéralement par l'employeur, n'étant plus réalisables et subissant une grosse perte de son chiffre d'affaires,

-sa prime sur objectif, ne lui a pas été versée, alors même qu'il avait atteint ses objectifs et il n'a pas non plus été remboursé de ses fais professionnels,

-l'avis médical de la médecine du travail, le compte rendu d'enquête du Chsct, le rapport de l'inspection du travail que l'employeur ne veut pas produire, le rapport d'expertise Isast, confirment la détérioration de ses conditions de travail et sa souffrance morale, consécutives à l'attitude de l'employeur,

-la décision de le licencier a été prise en représailles à la saisine du conseil des prud'hommes,

-l'insuffisance professionnelle, ne peut constituer une faute disciplinaire, alors qu'en outre il n'a jamais fait l'objet d'une mise en garde sur ses résultats,

-la preuve d'une faute grave n'est pas rapportée.

L'employeur intimé, conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite une indemnité de 2000€, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

-Contrairement à ce que soutient le salarié, celui-ci présentait des carences professionnelles à propos desquelles il a été alerté au moyen d'entretiens et de réunions, avant de faire l'objet, dans le cadre d'une réaction graduée, d'un avertissement pour insuffisance professionnelle, qui est parfaitement justifié,

-ainsi, le salarié s'est contenté de gérer les acquis et un client ne demandant aucun travail particulier, la société Adrexo, au lieu de développer son portefeuille de clients, comme il lui était contractuellement demandé,

-la politique de réduction d'effectifs de l'entreprise, n'avait pour but que d'éviter les licenciements,

-le stress dénoncé par le salarié, inhérent à toute activité commerciale, ne suffit pas à caractériser le harcèlement,

-l'enquête effectuée à la demande du Chsct a été réalisée à une période où le salarié se disait lui-même satisfait de son environnement,

-les accusations de pressions exercées par l'employeur et le supérieur hiérarchique sont infondées, les réunions et entretiens dont se plaint le salarié, ayant été en réalité organisées pour l'aider dans ses difficultés,

-aucune modification de son contrat de travail ne peut être invoquée par le salarié, ce dernier conservant le bénéfice des ventes réalisées avec le client Adrexo lui ayant été retiré, et ne subissant par conséquent aucune baisse de sa rémunération variable,

-les nouveaux objectifs de vente impartis au salarié, communs à tous les vendeurs, étaient réalisables,

-le salarié n'avait pas droit à la prime sur objectifs, n'ayant pas réalisé ceux-ci,

-le licenciement est fondé et n'est pas intervenu en représailles à la saisine du conseil des prud'hommes,

-l'insuffisance professionnelle du salarié lui est imputable et résulte de l'insuffisance de son activité, les objectifs lui ayant été assignés étant parfaitement réalisables.

Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures des parties déposées à l'audience, complétées et réitérées lors des débats oraux, ainsi qu'au jugement de première instance qui expose les moyens des parties repris en appel.

SUR CE

Lorsque, comme en l'espèce, un salarié demande la résiliation de son contrat de travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l'employeur d'une gravité telle qu'ils rendent impossible la poursuite de la relation de travail et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Sur la résiliation du contrat de travail

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui fait valoir qu'il a été victime de harcèlement moral, d'établir des faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, lequel s'entend d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Parmi les éléments avancés par le salarié, il convient de retenir que, durant l'année 2009, soit en septembre 2009, le 15 octobre 2009, le 26 novembre 2009, il a été convoqué à plusieurs reprises pour différents entretiens, dont il n'est pas contesté qu'ils avaient pour objet ses insuffisances,.

S'agissant plus particulièrement de la réunion, destinée à lui demander de s'expliquer sur ses résultats, celle-ci a été organisée le 15 octobre 2009 en présence de son chef des ventes, du directeur régional du responsable régional des ventes et du directeur commercial, dans des circonstances de nature à impressionner le salarié, l'employeur reconnaissant d'ailleurs, dans son courrier du 8 février 2010 adressé au salarié, que ce dernier pouvait avoir mal vécu cette entrevue et indiquant que pareille réunion, avec quatre représentants de la hiérarchie, ne se reproduirait plus.

Rien au dossier, n'établit que les résultats du salarié et ses insuffisances justifiaient la répétition de tels entretiens et réunions, en un si bref laps de temps, au surplus organisés dans de telles conditions, s'agissant de l'entrevue précitée du 15 octobre 2009.

De même, le salarié fait valoir, sans se contredire contrairement à ce qui est prétendu, que l'avertissement qui lui a été notifié fait état de ses manquements depuis le début de l'année 2009, alors qu'aucune observation ne lui avait été faite avant septembre 2009, le compte rendu d'évaluation professionnelle de l'intéressé en mars 2009 se bornant à faire état de débuts difficiles pour 2009.

En outre, la situation du salarié a fait l'objet d'un compte rendu d'enquête du comité d'hygiène et de sécurité en date du 22 décembre 2009 pour danger réel et immédiat le concernant, relatant des propos désobligeants du supérieur de l'intéressé, M [W], lors d'une réunion de 2009, de dénigrement de son travail, mentionnant ainsi une situation morale dégradée, due exclusivement aux relations du salarié avec son responsable M [W].

Il convient encore, de prendre en compte l'avis de la médecine du travail en date du 9 décembre 2009, faisant état d'une souffrance au travail et, c'est à tort que le premier juge a estimé, pour rejeter cette pièce, qu'aucune situation de harcèlement moral n'était décrite.

Il doit encore être retenu que, lors de la réunion du 15 janvier 2010, organisée à la suite du rapport du comité d'hygiène et de l'avis de la médecine du travail précités, dont il fait état dans son courrier du 8 février 2010, l'employeur a imparti au salarié de réaliser la vente de 39 matériels neufs hors clients grands comptes et Adrexo, ce dernier client n'étant dès lors plus pris en compte dans l'activité du salarié.

Si l'employeur pouvait parfaitement fixer unilatéralement des objectifs au salarié sans pour autant modifier son contrat de travail et si l'absence de prise en compte du client Adrexo n'a nullement impacté la rémunération variable de l'intéressé, les ventes effectuées chez Adrexo continuant à rentrer dans le calcul de ses commissions, force est de relever toutefois que les ventes réalisées auprès du client Adrexo par l'intéressé, constituaient auparavant une part non négligeable de ses ventes.

Ainsi, l'absence de prise en compte du client Adrexo dans l'activité du salarié et ses résultats, alors que celui-ci connaissait déjà des difficultés, au motif prétendu qu'il se reposait sur ce client, ce afin de l'inciter à développer son portefeuille, ne paraît pas une réponse opportune et adaptée de l'employeur, dans le contexte de souffrance au travail relaté plus haut, et était de nature à aggraver les difficultés de l'intéressé, lui rendant sinon impossible, en tout cas plus difficile la réalisation de ses objectifs de ventes.

De son côté, l'employeur échoue à démontrer que la modification des objectifs impartis au salarié, la multiplication des entretiens et réunions, les circonstances ci-dessus évoquées, sont étrangères à tout harcèlement, l'ensemble des éléments analysés plus haut démontrant au contraire une pression exercée par l'employeur et une dégradation de ses conditions de travail, ayant généré chez le salarié une souffrance au travail.

En conséquence, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge dont la décision est infirmée, ces éléments pris dans leur ensemble laissent effectivement supposer une situation de harcèlement moral, ou assimilable au harcèlement moral, d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail qui produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 28 avril 2010, date du licenciement du salarié.

Tenant l'ancienneté du salarié, supérieure à deux ans, les circonstances de la rupture du contrat, compte tenu des conséquences économiques et morales qu'a eu pour lui la cessation de son contrat, telles que ressortant du dossier, il sera alloué au salarié la somme de 30 000€ à titre de dommages intérêts.

De même, il sera alloué à l'appelant les sommes non contestées dans leur quantum de :

- 10.800€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, conformément à la convention collective applicable,

-1.080 € à titre d'incidence de congés payés,

-813,75€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

La situation de harcèlement moral évoquée plus haut, résulte des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles de sécurité résultat, d'exécution loyale du contrat, ayant généré un unique préjudice pour le salarié, lié à l'exécution du contrat de travail, l'appelant ne pouvant par conséquent prétendre à réparation de préjudices distincts pour harcèlement moral, usage abusif du pouvoir disciplinaire, exécution lourdement fautive du contrat de travail, et violation de l'obligation de sécurité de résultat, déjà intégralement pris en compte par les dommages intérêts octroyés.

L'employeur, sera condamné en conséquence au paiement de la somme de 8000€ à titre de dommages intérêts, en réparation du préjudice subi lié à l'exécution fautive du contrat de travail.

Sur les frais professionnels

Les frais professionnels pour un montant de 185,66€, ayant été payés au salarié à la barre du conseil des prud'hommes, ce dont il est justifié, cette demande sera rejetée.

Sur les autres demandes

Il sera ordonné à l'employeur, de fournir au salarié les documents légaux rectifiés conformément à la présente décision, soit attestation Pôle emploi portant mention du motif de la rupture et bulletin de paie récapitulatif, sans qu'il y ait lieu toutefois à astreinte.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de communication du rapport de l'inspection du travail, celle-ci étant sans objet dès lors qu'il a été fait droit aux prétentions du salarié.

Les intérêts sur les créances salariales courent au taux légal à compter de la réception par l'employeur du procès verbal de conciliation valant sommation de payer, soit le 8 mars 2010, tandis que ceux sur les dommages intérêts courent à compter du présent arrêt.

Les intérêts sur les créances salariales, seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Sur l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1200€ sera allouée au salarié au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en appel.

Succombant en appel, l'employeur sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La COUR :

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Prononce la résiliation du contrat de travail de [U] [V] au 28 avril 2010, aux torts de la société Jungheinrich France,

Condamne la société Jungheinrich France à payer à [U] [V] les sommes suivantes :

- 30 000€ à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8000€ de dommages intérêts au titre du harcèlement moral et de l'exécution fautive du contrat de travail,

- 10.800€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.080 € à titre d'incidence de congés payés,

- 813,75€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts sur les créances salariales courent au taux légal à compter du 8 mars 2010, tandis que ceux sur les dommages intérêts courent à compter du présent arrêt,

Dit que les intérêts sur les créances salariales seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Ordonne à la société Jungheinrich France de communiquer à [U] [V] une attestation Pôle emploi portant mention du motif de la rupture et un bulletin de paie récapitulatif, rectifié conformément au présent arrêt,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Jungheinrich France aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/21813
Date de la décision : 13/06/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°11/21813 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-13;11.21813 ?
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