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12/06/2014 | FRANCE | N°12/17554

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 12 juin 2014, 12/17554


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2014



N° 2014/ 291













Rôle N° 12/17554







SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY MSC (SA)





C/



SA COVEA FLEET





















Grosse délivrée

le :

à :

[K]

[Z]















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 22 Juin 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2010 003669.





APPELANTE





SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY MSC (SA) Elisant domicile au Cabinet de Me Laurence HENRY,

demeurant [Adresse 1] Suisse



représentée par Me Laurence HENRY, avocat postulant au barr...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2014

N° 2014/ 291

Rôle N° 12/17554

SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY MSC (SA)

C/

SA COVEA FLEET

Grosse délivrée

le :

à :

[K]

[Z]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 22 Juin 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2010 003669.

APPELANTE

SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY MSC (SA) Elisant domicile au Cabinet de Me Laurence HENRY,

demeurant [Adresse 1] Suisse

représentée par Me Laurence HENRY, avocat postulant au barreau de MARSEILLE

plaidant par Me Fabrice LEMARIE, avocat au barreau du HAVRE,

INTIMEE

SA COVEA FLEET ayant son siège social au [Adresse 3], et encore en son Etablissement de [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph-paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Bertrand COURTOIS, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame AUBRY CAMOIN, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014, après prorogation du délibéré,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant facture du 18 janvier 2009, la société BOUTES exerçant à l'enseigne BOUTES TONNELLERIE a vendu à la société VINUM AUSTRALIA PTY LTD 129 fûts en bois de chêne d'une valeur de 92 750 euros dont elle a confié l'organisation du transport de France en Australie à la société BALGUERIE commissionnaire de transport.

La société BALGUERIE, assurée auprès de la société COVEA FLEET, a confié le transport maritime de la marchandise à la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY dont l'agent en France est la société MSC FRANCE ayant son siège social à [Localité 2].

Selon sea waybill émis le 27 janvier 2009, la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY a assuré le transport à bord du navire MSC NATALIA entre le port de [2] et le port d'Adelaïde du conteneur MSCUMS439141 empoté de 129 fûts.

Le sea waybill mentionne la société BOUTES en qualité de chargeur, la société VINUM AUSTRALIA en qualité de destinataire et la société INTRAMAR PTY LTD en qualité de notify.

Le conteneur a été mis à disposition par le transporteur maritime sur le terminal conteneur du port d'[1] le 10 mars 2010 et livré dans les locaux de la société WINE WORKS AUSTRALIA pour le compte de la société VINUM AUSTRALIA le 11 mars 2009.

A l'ouverture des portes le 11 mars 2009, il a été constaté la présence de moisissures sur les fûts.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 13 mars 2009 et tamponnée le 17 mars 2009 par la poste, la société BALGUERIE a émis des réserves en indiquant que la marchandise était mouillée et moisie.

Les fûts refusés par la société VINUM AUSTRALIA en raison de leur état impropre à l'utilisation prévue, ont été réexpédiés en France où ils sont arrivés le 10 août 2009.

La société COVEA FLEET, assureur de la société BALGUERIE, a missionné en qualité d'expert la cabinet [S] qui a procédé à une expertise en Australie le 18 mars 2009 et en France au retour des fûts le 12 août 2009.

L'expert missionné par la société COVEA FLEET a conclu que le conteneur mis à disposition par le transporteur maritime ne répondait pas aux critères requis pour assurer une phase de transport maritime sans dommages, concernant en particulier l'étanchéité du conteneur qui n'était pas assurée au niveau des joints des portes.

L'expert Faro Marine Service missionné par la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY (Australia) PTY LTD a relevé également des défauts d'étanchéité des portes du conteneur.

La société BALGUERIE a indemnisé la société BOUTES et a été elle même indemnisée par sa compagnie d'assurance la société COVEA FLEET qui lui a versé les sommes de 92 750 euros, 14 885,38 US dollars et 8 726,52 euros correspondant à la valeur de la marchandise, aux frais de rapatriement, de stockage et de surestaries.

La société BALGUERIE a établi trois quittances subrogatives au profit de la société COVEA FLEET :

quittance du 1° octobre 2009 pour la somme de 92 750 euros avec paiement le 25 septembre 2009

quittance du 1° octobre 2009 pour la somme de 14 885,38 US dollars avec paiement le 25 septembre 2009

quittance du 8 février 2010 pour la somme de 8 726,52 euros avec paiement le 8 février 2010

Par acte du 9 mars 2010, la société COVEA FLEET a assigné la société MEDITERRANEAN SHIPPPING COMPANY devant le Tribunal de Commerce de Salon de Provence aux fins de la voir déclarée responsable de la perte de la marchandise et condamnée à lui payer les sommes de 92 750 euros, 14 885,38 US dollars et 8 726,52 euros.

Par jugement contradictoire du 22 juin 2012, le Tribunal de Commerce a :

- déclaré la société COVEA FLEET recevable et bien fondée en son action,

- condamné la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY en sa qualité de transporteur maritime à payer à la société COVEA FLEET la contrevaleur de 86 000,43 DTS au jour du jugement correspondant aux limitations fixées par la Convention de Bruxelles de 1924,

- débouté la société COVEA FLEET de ses autres demandes,

- condamné la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY à payer à la société COVEA FLEET la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY aux dépens.

Par déclaration au greffe de la Cour du 21 septembre 2012, la SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY a régulièrement relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 30 mars 2014, la SA MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY demande à la Cour de :

- réformer le jugement déféré en sa totalité sauf en ce qu'il a jugé la société COVEA FLEET recevable à agir,

A titre principal, au visa de l'article 3-6 de la convention de Bruxelles amendée et de l'article 11 du sea waybill

- juger que :

les réserves ont été émises tardivement

la désignation présumée d'un expert ne peut pallier la tardiveté des réserves

le transporteur maritime bénéficie d'une présomption de livraison conforme

la clause 11 du connaissement est licite et opposable à la société COVEA FLEET venant aux droits de la société BOUTES

la preuve de la mise à disposition par la concluante d'un conteneur défectueux n'est pas rapportée

la preuve d'une faute du transporteur maritime n'est pas établie

- débouter la société COVEA FLEET de ses demandes,

A titre subsidiaire

- constater que le chargeur a commis une faute préalablement à l'empotage ou bien à l'occasion de l'empotage du conteneur,

- dire que le transporteur maritime bénéficie du cas excepté de la faute du chargeur,

- débouter la société COVEA FLEET de ses demandes,

A titre très subsidiaire

- constater que les dommages susceptibles d'avoir été causés par le transport maritime sont circonscrits à 80 fûts et que la preuve des frais accessoires n'est pas rapportée,

- débouter la société COVEA FLEET de ses demandes excédant la somme de 55 177,30 euros,

- dire qu'en tout état de cause, la concluante ne pourra être redevable d'aucune condamnation excédant 53 333,60 DTS ou à défaut 84 667,09 DTS au jour de l'arrêt à intervenir,

- débouter la société COVEA FLEET du surplus de ses demandes,

En tout état de cause

- condamner la société COVEA FLEET à payer à la concluante la somme de 7 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 14 mars 2014, la SA COVEA FLEET demande à la Cour au visa de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée, de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- déclarer la société COVEA FLEET recevable et bien fondée en son action,

- dire la société société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY mal fondée à invoquer la clause de non responsabilité rédigée en anglais et totalement illisible stipulée au verso de son connaissement, la preuve que cette clause a été connue de la société BOUTES n'étant pas rapportée, et le connaissement n'étant pas signé par le chargeur,

- dire la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY responsable du préjudice subi par la société BOUTES, indemnisée par la société BALGUERIE et au final par la société COVEA FLEET,

- condamner la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY en sa qualité de transporteur maritime à payer à la société COVEA FLEET la contrevaleur de 86 000,43 droits de Tirage Spéciaux (DTS) au jour du jugement, correspondant aux limitations tirées de la Convention de Bruxelles amendée (666,67 DTS par colis/fût soit 86 000,43 DTS) en réparation du préjudice s'élevant aux sommes de 77 250 euros déduction faite d'une somme de 15 000 euros correspondant aux fûts récupérés, 14 885,38 US dollars ou sa contrepartie en euros et 8 726,52 euros, outre les intérêts capitalisés à compter de l'assignation,

- condamner la société MSC au paiement de la somme de 7 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les réserves

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY soutient qu'elle bénéficie de la présomption de livraison conforme en raison de la tardiveté des réserves exprimées par courrier du 17 mars 2009 reçu le 23 mars 2009.

La société COVEA FLEET conclut à la validité des réserves exprimées par courrier du 13 mars 2009.

*

Aux termes de l'article 3-6 de la Convention de Bruxelles amendée :

'A moins qu'un avis des pertes ou dommages et de la nature générale de ces pertes ou dommages ne soit donné par écrit au transporteur ou à son agent au port de déchargement, avant ou au moment de l'enlèvement des marchandises et de leur remise sous la garde de la personne ayant droit à la délivrance sous l'empire du contrat de transport, cet enlèvement constituera, jusqu'à preuve contraire, une présomption que les marchandises ont été délivrées par le transporteur telles qu'elles sont décrites au connaissement.

Si les pertes ou dommages ne sont pas apparents, l'avis doit être donné dans les trois jours de la délivrance.'

Il est constant en l'espèce que la marchandise a été livrée dans les entrepôts de la société WINE WORKS AUSTRALIA pour le compte de la société VINUM AUSTRALIA le 11 mars 2009, que la moisissure de la marchandise a été constatée dès l'ouverture des portes du conteneur le 11 mars 2009, et que les réserves ont été faites par la société BALGUERIE par lettre recommandée avec accusé de réception supportant le tampon de la poste du 17 mars 2009, la date à prendre en considération étant celle apposée par la poste sur l'enveloppe et non celle figurant en tête de la lettre.

Les réserves ayant été formulées plus de trois jours après la livraison de la marchandise, le transporteur bénéficie de la présomption simple de livraison conforme, sauf preuve contraire que les dommages sont survenus pendant le transport maritime.

Sur la survenance du dommage pendant le transport maritime

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY soutient :

- que la société COVEA FLEET n'administre pas la preuve de l'origine maritime des dommages,

- qu'il n'est pas démontré que la défectuosité du joint existait lors de la remise du conteneur au chargeur, et que l'humidité et la moisissure découvertes à l'intérieur du conteneur soient le fait du transport maritime,

- que les constatations et dires de l'expert de la société COVEA FLEET ne permettent pas d'établir avec certitude un lien de causalité entre la défectuosité du joint et la mouille de la marchandise,

- que la marchandise n'ayant pas voyagé en pontée, elle n'a pu être endommagée par des infiltrations d'eau de mer dans le conteneur,

- que le dommage peut être consécutif au fait que la marchandise aurait été empotée mouillée par le chargeur,

La société COVEA FLEET fait valoir :

- que l'expertise réalisée par le cabinet [S] met en évidence le mauvais état des joints de la porte du conteneur ayant pour conséquence des infiltrations d'eau de mer,

- que les conclusions de l'expert de la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY sont cohérentes avec les conclusions de l'expert de la concluante,

- que les experts s'accordent pour attribuer l'infiltration de l'eau à l'état inapproprié du conteneur qui a été fourni par la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY,

- que la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY ne peut s'exonérer de sa responsabilité en émettant des hypothèses ou des suppositions,

- que la responsabilité du transporteur maritime est engagée dès l'instant que des infiltrations d'eau sont survenue pendant le transport maritime, qu'il s'agisse d'eau de mer ou d'eau de pluie,

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations respectives ;

*

L'expert missionné par la société COVEA FLEET a constaté le 18 mars 2009 que les fûts situés sur le plan inférieur, à proximité des portes du conteneur étaient endommagés par la moisissure et la mouille, que les cartons et plastiques sur lesquels les fûts de la rangée inférieure étaient posés étaient jaunis, déformés par l'humidité et arrachés, que des traces de rouille provenant du cerclage des fûts étaient présentes sur les cartons, et que différents niveaux de moisissure et de décoloration du bois étaient constatés suivant l'emplacement des fûts.

Il a relevé, photos à l'appui :

que le joint d'étanchéité en forme de U, situé dans le bas des portes du conteneur qui a un rôle de drainage, était en mauvais état et était arraché/décollé de sa zone d'encastrement à proximité du centre

que le joint d'étanchéité situé en haut des portes avait été réparé et remplacé par un joint de qualité médiocre

Il a conclu que l'étanchéité du conteneur n'avait pas été assurée pendant le transport et que l'humidité avait pénétré à l'intérieur du conteneur

L'expert de la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY présent aux opérations d'expertise du 18 mars 2009 a fait des constatations identiques concernant les joints et l'état de la marchandise dont il a annexé des photos à son rapport, et a conclu :

'Nous sommes d'avis que les dommages par mouille ont probablement résulté d'une infiltration d'eau à travers le joint de porte endommagé'.

Il est acquis que les portes du conteneur présentaient un défaut d'étanchéité constaté par les deux experts le 18 mars 2009

Le désaccord des experts porte sur l'existence de sel dans l'humidité présente dans le conteneur, l'expert de la société BALGUERIE en ayant relevé des traces à proximité de la porte contrairement à l'expert de la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY.

Selon le plan de chargement du navire, le conteneur MSCU9443388 se trouvait dans la rangée inférieure en fond de cale.

Il est en conséquence cohérent que l'humidité régnant nécessairement en fond de cale sur le plancher du navire se soit infiltrée dans le conteneur par le joint inférieur endommagé et non étanche, pendant la durée du transport maritime de cinq semaines.

Il est établi au regard de ces éléments d'appréciation que la marchandise a été endommagée par l'humidité pendant le transport maritime alors qu'elle se trouvait sous la garde du transporteur maritime, peu important qu'il s'agisse d'eau de mer ou d'eau de pluie, qu'il existe un lien de causalité entre le défaut d'étanchéité du conteneur et le sinistre, et qu'ainsi la responsabilité du transporteur maritime est engagée.

Sur l'opposabilité des clauses 11.1 et 11.2.c du seaway bill au chargeur et le vice apparent du conteneur

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY oppose à la société COVEA FLEET les clauses 11.1 et 11.2.c du sea waybill selon lesquelles d'une part le chargeur est présumé avoir reçu le conteneur en bon état, d'autre part le transporteur n'est pas responsable en cas de défectuosités apparentes du conteneur accepté en cet état par le chargeur.

La société COVEA FLEET conteste l'opposabilité de ces clauses au chargeur en l'absence de signature par celui-ci du sea Waybill et de leur acceptation.

*

Le conteneur litigieux a été fourni au chargeur par la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY

Aux termes de la clause 11.1 du sea waybill :

'Si le conteneur n'est pas empoté par ou pour le compte du transporteur:

Le marchand vérifiera que le conteneur est adapté au transport de sa marchandise avant de l'empoter. L'utilisation du conteneur par le marchand fera présumer qu'il est en bon état et bon pour utilisation'.

Bien que non traduit, l'article 11.2.c du sea waybill est une clause d'irresponsabilité du transporteur concernant notamment les défectuosités apparentes du conteneur.

En l'absence de signature du sea waybill par le chargeur la société BOUTES, il n'est pas démontré que celui-ci ait accepté expressément les clauses précitées, nonobstant les relations d'affaire existant entre les parties.

Ces clauses ne sont pas en conséquence opposables à la société BOUTES, donc au commissionnaire de transport et à l'assureur de ce dernier dans le cadre du recours subrogatoire.

En tout état de cause, il est acquis que les joints hauts et bas des portes du conteneur fourni par la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY étaient pour l'un de qualité médiocre pour l'autre en mauvais état, sans que cette défectuosité préexistante constitue un vice apparent pour le chargeur qui exerce une activité de tonnellerie et ne dispose pas des compétences techniques pour apprécier la qualité et l'état des joints d'un conteneur.

En revanche, aucune pièce ne démontre que le joint d'étanchéité du bas de la porte du conteneur ait présenté pour partie un arrachement de sa zone d'encastrement à la date de la remise du conteneur au chargeur, alors que cette défectuosité a été constatée le 18 mars 2009.

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY n'est en conséquence pas fondée à soutenir que le conteneur aurait été affecté d'une défectuosité apparente l'exonérant de sa responsabilité, en vertu des clauses du sea waybill qui en tout état de cause ne seraient pas applicables.

Sur la faute du chargeur

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY soulève à titre subsidiaire la faute du chargeur en se prévalant de l'article 4-2-i de la Convention de Bruxelles amendée.

La société COVEA FLEET conteste toute faute du chargeur.

*

Aux termes de l'article 4.2. de la Convention de Bruxelles amendée :

'Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant :

i)d'un acte ou d'une omission du chargeur ou propriétaire des marchandises , de son agent ou représentant'.

Aucune pièce ne démontre que le chargeur aurait commis une faute en acceptant en toute connaissance de cause un conteneur affecté d'un défaut d'étanchéité manifestement apparent, serait responsable d'une quelconque façon de l'arrachement du joint inférieur , ou aurait procédé au chargement de la marchandise sous la pluie.

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir de la faute du chargeur pour s'exonérer de sa responsabilité.

Sur l'indemnisation du préjudice

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY soutient :

- que selon l'expertise du 18 mars 2009, seuls 80 fûts ont été constatés endommagés, et qu'il n'est pas établi que les 49 autres fûts aient été impropres à un usage alimentaire,

- que lors de leur retour en France, de nouveaux dommages ont été constatés dus à des chocs, à la présence d'insectes et à l'écartement des joints des fûts,

- que l'aggravation des dommages ne peut être imputée à la concluante alors que les fûts n'ont fait l'objet d'aucune mesure conservatoire pendant cinq mois, qu'ils ont été stockés dans des conditions inconnues et ont été rempotés pêle-mêle,

- que la réparation des dommages ne saurait excéder la valeur de 80 fûts soit la somme de 55 177,30 euros

- que les frais accessoires de réexpédition de la marchandise en France ne sauraient incomber à la concluante en l'absence de pièces justificatives autres que la liste qu'en a dressé l'expert,

- qu'en vertu de la clause 5 de la Convention de Bruxelles amendée relative à la limitation de responsabilité, la concluante ne peut être redevable que de 53 333,60 DTS pour 80 fûts ou à défaut de 84 667,09 DTS pour 127 fûts et non 129 fûts.

La société COVEA FLEET fait observer :

- que la société BALGUERIE en qualité de commissionnaire de transport, a indemnisé la société BOUTES, que la concluante a indemnisé à son tour son assuré la société BALGUERIE, est subrogée dans ses droits en vertu de trois quittances subrogatives, et bénéficie de la subrogation légale et conventionnelle,

- que la concluante rapporte la preuve de la valeur de la marchandise soit 92 750 euros diminuée de la somme de 15 000 euros correspondant au sauvetage d'une partie de la marchandise à son retour en France,

- que la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY n'est fondée à contester ni le dommage dès lors que les fûts se sont révélés impropres à l'usage auquel ils étaient destinés et refusés par le destinataire final, ni les frais de retour en Frnace dont une partie résulte de ses propres facturations,

- qu'il convient par application de la l'article 5 de la Convention de Bruxelles amendée de condamner la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY au paiement de la somme de 86 000,43 DTS au jour du jugement (666,67 DTS x 129 fûts ).

*

Les 129 fûts d'une valeur de 92 750 euros selon la facture produite ont été refusés dans leur intégralité par le destinataire dès lors qu'ils présentaient des dommages à des degrés divers et étaient impropres à la conservation du vin.

Le fait générateur du dommage et du préjudice en résultant pour la société BOUTES sont les infiltrations d'eau dans le conteneur dans les conditions sus-énoncées, dont la réparation incombe dans sa totalité à la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY.

La société COVEA FLEET justifie en procédure de l'indemnisation de la société BOUTES par son assuré le commissionnaire de transport dans les droits duquel elle est subrogée, ainsi que de la valeur de la marchandise, dont a été déduite une somme de 15 000 euros après sauvetage d'une partie de celle-ci, et des frais nécessités par la réexpédition des fûts en France.

Il convient en l'espèce de faire application du plafond d'indemnisation prévu par la Convention de Bruxelles soit 663, 67 DTS par fût, et de confirmer le jugement déféré de ce chef en ce qu'il a condamné la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY à payer à la société COVEA FLEET l'équivalent au jour du jugement de 86 000,43 DTS.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY qui succombe, n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il convient en équité de condamner la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY à payer à la société COVEA FLEET la somme de 7 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a dit que les réserves avaient été effectuées dans les trois jours de la livraison et que la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY était présumée responsable du dommage,

Et statuant à nouveau

Dit que les réserves ont été adressées à la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY plus de trois jours après la livraison de la marchandise,

Dit que la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY bénéficie de la présomption simple de livraison conforme,

Dit que la preuve est rapportée que les dommages sont survenus pendant le transport maritime de la marchandise,

Déclare la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY responsable du dommage,

Déboute la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY de ses demandes tendant à être exonérée de sa responsabilité,

Confirme le jugement déféré sur l'indemnisation du préjudice, l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Déboute la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY à payer à la société COVEA FLEET la somme de 7 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY aux dépens d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 12/17554
Date de la décision : 12/06/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°12/17554 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-12;12.17554 ?
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