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05/06/2014 | FRANCE | N°12/15682

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 05 juin 2014, 12/15682


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUIN 2014



N° 2014/ 273













Rôle N° 12/15682







Société ARMEEC INSURANCE JSC SOCIETE D'ASSURANCE DE DROIT BULGARE





C/



SOCIETE ENTREPRISE PORTUAIRE D'[1]

SA CMA - CGM





















Grosse délivrée

le :

à :

CAMPOCASSO

SCP BADIE







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 03 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F00517.





APPELANTE



Société ARMEEC INSURANCE JSC, SOCIETE D'ASSURANCE DE DROIT BULGARE, appelante et intimée,

demeurant [Adresse 1], BULGARIA...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUIN 2014

N° 2014/ 273

Rôle N° 12/15682

Société ARMEEC INSURANCE JSC SOCIETE D'ASSURANCE DE DROIT BULGARE

C/

SOCIETE ENTREPRISE PORTUAIRE D'[1]

SA CMA - CGM

Grosse délivrée

le :

à :

CAMPOCASSO

SCP BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 03 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F00517.

APPELANTE

Société ARMEEC INSURANCE JSC, SOCIETE D'ASSURANCE DE DROIT BULGARE, appelante et intimée,

demeurant [Adresse 1], BULGARIA

représentée par Me Sylvie CAMPOCASSO, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Béatrice FAVAREL de la SELARL FAVAREL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMEES

SOCIETE ENTREPRISE PORTUAIRE D'[1],

demeurant [Adresse 2]

défaillante

SA CMA - CGM, intimée et appelante,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Romain BOUILLAUT, du Cabinet DEL VISO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame [H] [Y], Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2014

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2014,

Signé par Madame [H] [Y], Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Trois événements sont survenus le 8 juillet 2006 :

- la société chypriote NORWOOD TRADING LTD a facturé au MINISTERE algérien DE LA DEFENSE NATIONALE la vente de 19 pièces de rechange pour chars et engins de combat au prix total de 402 786 $ 20;

- la même a souscrit une police d'assurance auprès de la société bulgare ARMEEC INSURANCE JSC pour le transport maritime ci-après;

- la S.A. CMA CGM a émis un connaissement mentionnant :

. chargeur : ce vendeur;

. destinataire et notify : cet acheteur;

. 3 conteneurs renfermant des caisses au nombre respectivement de 57, 125, et 102 pour le 3ème n° ECMU 4342673; d'un poids de 16 t 595 et d'une tare de 5 t 500;

. navire [Localité 1];

. chargement à [Localité 4] (Ukraine) et déchargement à [Adresse 2].

A l'escale de MALTE la marchandise a été transbordée sur le navire FAS PROVENCE.

Lors du déchargement du navire dans la matinée du 24 juillet 2006 sa grue n° 2 manoeuvrée par un employé de l'ENTREPRISE PORTUAIRE D'[1] qui est monopolistique a soulevé un conteneur positionné juste au-dessus du 3ème conteneur; mais l'absence de déverrouillage de l'un des 4 twistlocks de ce dernier a fait qu'il a été entraîné par le premier et a chuté dans la mer; un câble fixé à cette grue a été passé autour du 3ème conteneur pour le maintenir près de la surface, puis le lendemain en début d'après-midi ce conteneur a été repêché mais avec des dommages tant pour lui que pour son contenu.

Les pièces militaires endommagées, reconditionnées en 43 caisses, ont été envoyées pour réparation en BULGARIE. Les parties ont établi le 5 avril 2007 un d'inspection commune$gt; chiffrant la valeur des réparations à 226 130 $ 92, et le 16 un procès-verbal d'avarie n° 2533 selon lequel presque toute la marchandise (17 pièces sur 19) est sujette à réparation pour la somme de 220 264 $ 86.

A une date inconnue la société NORWOOD TRADING LTD a établi un devis pour : remise en état pour 221 290 $ 92 + dépenses pour 16 756 $ 60 + ferrailles pour 369 $ 16 + frais d'expertise pour 3 500 $ 00, soit la somme totale de 237 678 $ 36.

La société ARMEEC INSURANCE JSC a pour ce total fait virer deux sommes sur le compte de la société NORWOOD TRADING :

- 3 500 $ 00 le 23 novembre 2006;

- 234 178 $ 00 le 8 octobre 2007.

Une lettre de subrogation a été signée le 23 octobre suivant par la société NORWOOD TRADING en faveur de la société ARMEEC pour l'événement survenu au conteneur ECMU 4342673, mais sans indication d'une somme.

Le 23 janvier 2008 la société ARMEEC a assigné la CMA CGM, laquelle a assigné en garantie l'ENTREPRISE PORTUAIRE D'[1] le 23 avril suivant. Le Tribunal de Commerce de MARSEILLE par jugement du 3 décembre 2010 a :

* déclaré recevable l'action de la société ARMEEC;

* débouté la société ARMEEC de toutes ses demandes à l'encontre de la CMA CGM, au motif que la responsabilité du transporteur maritime cesse dès la remise des marchandises à l'entreprise monopolistique qu'est l'EPAL qu'il n'a pas choisi et qui n'est donc pas son représentant;

* condamné l'EPAL, qui lors du dommage avait les marchandises entre les mains et donc sous sa responsabilité, à payer à la société ARMEEC :

- la contre valeur en euros au jour du règlement de la somme de 237 678 $ 36 avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice;

- la somme de 3 500 € 00 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

* conformément à l'article 1154 du Code Civil dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux;

* condamné l'EPAL au profit de la CMA CGM au paiement de la somme de

3 000 € 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

* ordonné pour le tout l'exécution provisoire.

La société ARMEEC INSURANCE JSC a régulièrement interjeté appel contre la S.A. CMA CGM le 16-17 août 2012 avec rectification le 23-24 suivant. Par conclusions du 21 février 2014 elle soutient notamment que :

- assureur de la cargaison endommagée elle a indemnisé la société NORWOOD TRADING à hauteur de la somme de 237 678 $ 36, comme le prouvent l'ordre de virement pour 234 178 $ 00 et le virement pour 3 500 $ 00 ainsi que l'acte de subrogation; ce paiement était obligé par la police d'assurance; la mouille ayant atteint la marchandise résulte d'une chute du conteneur lors du déchargement sous la responsabilité de la CMA CGM, et n'est donc pas exclue par l'article 10 des conditions générales de la police d'assurance;

- le transport entre l'UKRAINE et l'ALGERIE est soumis à la Convention de [Localité 2] originelle puisque le premier pays n'a pas ratifié celle amendée;

- la responsabilité du transporteur maritime cesse au plus tôt à la remise des marchandises sous palan c'est-à-dire à quai, le déchargement incombant impérativement à l'intéressé; la livraison aux autorités portuaires monopolistiques ne peut se faire qu'à partir de la remise de la marchandise sous palan c'est-à-dire à quai; lorsque le transporteur se trouve privé du choix de son mandataire sa responsabilité ne cesse qu'à la livraison faite sous palan c'est-à-dire à quai à un organisme monopolistique; en l'espèce les dommages sont survenus avant cette livraison;

- le montant de l'indemnité réclamée correspond au coût de remise en état des pièces ainsi qu'aux frais d'expertise; la réparation des pièces militaires a permis de diminuer nettement le montant du dommage par rapport à la perte totale de celles-ci;

- aucun membre du bord n'était auprès du manutentionnaire de l'EPAL en vue de l'assister utilement afin de s'assureur du bon déroulement du déchargement, ce qui exclut la limitation de responsabilité de la CMA CGM;

- si cette limitation est retenue les 102 colis du conteneur litigieux (reconditionnés en 43 caisses) correspondent à 102 x 823 DTS 96 = 84 043 DTS 92.

L'appelante demande à la Cour, vu la Convention de [Localité 2] de 1924, le Code Civil ['] et le Code des Assurances ['], de :

- confirmer le jugement déclarant la recevabilité de son action à l'encontre de la CMA CGM;

- infirmer le jugement la déboutant de sa demande à l'encontre de la CMA CGM;

- déclarer la Convention de [Localité 2] de 1924 ou Règles de [Localité 3] applicables;

- constater que la responsabilité de la CMA CGM est totalement engagée pour les avaries subies par la marchandise;

- déclarer que la CMA CGM a commis une faute inexcusable la privant de la limitation de responsabilité prévue par la Convention;

- condamner la CMA CGM au paiement de la somme en principal de 237 678 $ 36 augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et ordonner la capitalisation de ceux-ci conformément à l'article 1154 du Code Civil;

- à titre subsidiaire si la Cour retient le bénéfice pour la CMA CGM de la limitation de responsabilité prévue par la Convention, la condamner au paiement de la somme de

84 043 DTS 92 ou son équivalent en $ au taux en vigueur au jour de l'arrêt, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et condamner pour le surplus l'EPAL outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et ordonner la capitalisation de ceux-ci conformément à l'article 1154 du Code Civil;

- à titre infiniment subsidiaire si la responsabilité de la CMA CGM n'est pas retenue condamner l'EPAL au paiement de la somme de 237 678 $ 36 augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et ordonner la capitalisation de ceux-ci conformément à l'article 1154 du Code Civil;

- sur l'appel en garantie dire que la responsabilité de l'EPAL ne saurait exclure la CMA CGM de sa propre responsabilité;

- en tout état de cause débouter la CMA CGM et la condamner au paiement de la somme de 10 000 € 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Concluant le 13-14 mars 2014 la S.A. CMA CGM, qui avait interjeté appel contre l'ENTREPRISE PORTUAIRE D'[1] le 18-19 mars 2013, répond notamment que :

- la société ARMEEC ne démontre pas la réalité d'un décaissement/encaissement (par chèque ou virement avec extrait de relevé bancaire) d'une indemnité d'assurance au profit de la société NORWOOD TRADING dans les droits de laquelle elle se prétend subrogée; la clause 10 des conditions générales d'assurance ne couvre pas la mouille de la marchandise transportée en pontée;

- sa responsabilité cesse dès la remise de la marchandise à une entreprise monopolistique telle que l'EPAL chargée de la manutention et/ou de la garde au port de déchargement, entreprise qu'elle n'a pas choisie et qui n'est donc pas son mandataire ni son préposé; le dommage est survenu lors de la prise en charge du conteneur litigieux par cette société, à la suite d'une mauvaise manoeuvre du grutier de celle-ci utilisant la grue du navire; la livraison de la marchandise a été opérée par cette prise en charge;

- la société NORWOOD TRADING ne justifie pas les frais allégués;

- l'article 4.5 de la Convention de [Localité 2] originelle limite sa responsabilité à 100 £ par colis ou unité soit 823 DTS 97, soit pour 17 colis (et non 102 ni même 43) un total de 14 007 DTS 49; à titre subsidiaire sa responsabilité pour ces 43 colis est de 35 430 DTS 71;

- elle n'a pas commis une faute inexcusable privative de cette limitation de responsabilité, n'étant pas tenue de dépêcher un membre d'équipage avec pour mission de surveiller le grutier de l'EPAL pendant le déchargement de chaque conteneur, d'autant que cette surveillance n'est pas un contrôle; elle n'a pas eu l'intention de provoquer le dommage;

- le conteneur est tombé à la mer en raison d'une mauvaise manoeuvre du grutier de l'EPAL.

L'intimée demande à la Cour de :

- principalement infirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable l'action de la société ARMEEC à son encontre, et juger cette action irrecevable pour absence de preuve de la subrogation de cette société dans les droits de la société NORWOOD TRADING;

- à titre subsidiaire confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ARMEEC de toutes ses demandes à son encontre pour absence de responsabilité pour le dommage allégué;

- à titre plus subsidiaire débouter la société ARMEEC de toutes ses demandes à son encontre pour absence de preuve de la réalité et de la valeur du dommage allégué;

- à titre très subsidiaire dire que sa responsabilité pour le dommage allégué ne saurait excéder la somme de 14 007 DTS 49 ou son équivalent en euros, et plus subsidiairement la somme de 35 430 DTS 71;

- à titre infiniment subsidiaire condamner l'EPAL à la relever de toute condamnation;

- en tout état de cause condamner tout succombant à lui payer la somme de 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Assignée le 14 juin 2013 mais sans preuve qu'elle ait été touchée à sa personne l'ENTREPRISE PORTUAIRE D'[1] n'a pas constitué Avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2014. Par conclusions de rejet du 4 avril suivant la CMA CGM demande à la Cour, vu les articles 15 et 16 du Code de Procédure Civile, de rejeter les conclusions signifiées et les pièces communiquées de la société ARMEEC du 17 mars précédent; elle reproche à cet adversaire, qui avait conclu la première fois le 15-16 janvier 2013, d'avoir conclu une deuxième fois le 21 février 2014 soit plus d'un an après, puis une troisième fois le 17 mars suivant c'est-à-dire le jour de la clôture avec des nouveaux moyens et des nouvelles demandes et en outre communication de 6 nouvelles pièces [numéros 26 à 31] qui sont anciennes, ce qui ne met pas elle-même en mesure de répliquer.

----------------------

M O T I F S D E L ' A R R E T :

Sur la procédure :

Les conclusions de la société ARMEEC accompagnées de 6 nouvelles pièces numéros 26 à 31 datent du 17 mars 2014 soit le jour même de l'ordonnance de clôture, ce qui empêche à l'évidence la CMA CGM de pouvoir y répliquer 'en temps utile' au sens de l'article 15 du Code de Procédure Civile c'est-à-dire avant ladite ordonnance; la première société est à l'origine de cet empêchement, car si elle réplique aux conclusions de la seconde du 13-14 mars ses précédentes conclusions du 21 février 2014 sont intervenues ... plusieurs mois après l'avis le 22 novembre 2013 de fixation de l'audience au 7 avril 2014 ... et de nombreux mois après les précédentes conclusions de la CMA CGM de juin 2013. Le respect du principe procédural essentiel du contradictoire conduit en conséquence à rejeter les conclusions et pièces de la société ARMEEC du jour de l'ordonnance de clôture.

Sur la recevabilité :

La police d'assurance n° 0610007010000025346 souscrite par la société NORWOOD TRADING le 8 juillet 2006 auprès de la société ARMEEC pour le transport litigieux exclut dans l'article 10 de ses conditions générales la mouille de la marchandise lorsque cette dernière est transportée soit sur des véhicules ouverts soit sur le pont du navire. Mais en l'espèce la mouille de l'intérieur du 3ème conteneur est survenue non parce qu'il était transporté selon l'un ou l'autre des 2 moyens précités puisque ce conteneur était fermé, mais lors de son déchargement entre le navire et le quai. C'est donc à tort que la CMA CGM invoque le bénéfice de cet article 10.

Suite à l'établissement par la société NORWOOD TRADING d'un devis pour la somme totale de 237 678 $ 36 comprenant les frais d'expertise pour 234 178 $ 00 et les réparations pour 234 178 $ 00, son assureur la société ARMEEC a fait virer sur le compte de celle-ci à la BANQUE bulgare COOPERATIVE CENTRALE AD successivement la somme de 3 500 $ 00 le 23 novembre 2006 puis de 234 178 $ 00 le 8 octobre 2007. Une lettre de subrogation a été signée le 23 octobre 2007 soit concomitamment par cette assurée en faveur de cet assureur pour l'événement survenu au conteneur ECMU 4342673; même si cette lettre ne mentionne pas la somme en cause, celle-ci est à l'évidence égale aux 237 678 $ 36 qui correspondent au préjudice total subi par la société NORWOOD TRADING. Et celle-ci n'a pu signer une telle lettre qu'après avoir effectivement reçu cette somme de la société ARMEEC.

C'est en conséquence à juste titre que le Tribunal de Commerce a déclaré recevable l'action de cette société.

Sur le fond :

Deux rapports d'expertise ont été établis :

- l'un le 22 octobre 2006 sous le n° 560.083 pour l'agence LLOYD'S retient une mauvaise manipulation lors du déchargement du conteneur par le conducteur de grue du navire qui est employé par la société EPAL, ainsi qu'une perte totale de la marchandise composée de 102 éléments;

- l'autre par MARINE SURVEY ALGERIA mentionne un mauvais élinguage et une mauvaise manipulation de la grue par le grutier de la société EPAL, ainsi que la perte de 17 des 19 objets.

Au port d'[1] destination du voyage en cause la manutention est effectuée par l'EPAL qui a un caractère monopolistique, et par suite celui-ci est imposé à la CMA CGM qui ne peut le choisir comme mandataire. Pour autant la responsabilité de ce transporteur maritime subsiste jusqu'à la prise en charge de la marchandise par l'EPAL, notion éminemment matérielle qui consiste en une appréhension effective après remise matérielle par la CMA CGM. L'employé de l'EPAL a pour mission, en faisant fonctionner la grue du navire, d'appréhender un par un les conteneurs se trouvant à bord pour les déposer sur le quai ou sur un véhicule de transport terrestre. Le déverrouillage des twistlocks attachant les conteneurs entre eux à leurs 4 coins ne fait cependant pas partie de la mission de cet employé car il est impossible à réaliser depuis cette grue, ce qui signifie que la prise en charge d'un conteneur par l'EPAL ne commence qu'après que ses 4 twistlocks aient été déverrouillés par le bord.

En l'espèce un des twistlocks du 3ème conteneur, positionné juste au dessous d'un conteneur que la grue allait prendre, n'avait pas été déverrouillé ce qui fait que le premier a été entraîné par le second alors qu'il devait rester en place. Cette absence de déverrouillage est imputable au bord c'est-à-dire à la CMA CGM qui, voyant qu'un conteneur allait quitter le navire, aurait dû vérifier que celui juste en dessous était entièrement déverrouillé. Cette faute du transporteur maritime est seule à l'origine de la chute du 3ème conteneur dans la mer et donc des dommages subis par la marchandise qu'il renfermait. La CMA CGM n'est ainsi pas fondée à invoquer le cas exonératoire de la faute du manutentionnaire de l'article 4-2-q de la Convention de [Localité 2] originelle.

C'est en conséquence à tort que le Tribunal a écarté la responsabilité de la CMA CGM et retenu celle de l'EPAL; le jugement est donc infirmé.

Sur le préjudice :

Le comportement de la CMA CGM constitué par le non-déverrouillage de l'un des quatre twistlocks du 3ème conteneur, faute de preuve que cette société a eu l'intention de provoquer un dommage, ne caractérise ni une faute dolosive ni une faute inexcusable. Est donc applicable l'article 4-5 de la Convention de [Localité 2] originelle limitant la responsabilité à 823 DTS 96 par colis ou unité, ces derniers étant ceux mentionnés dans le connaissement qui seul permet au transporteur maritime de connaître le volume qu'il va acheminer par mer. Le connaissement émis le 8 juillet 2006 indique pour le 3ème conteneur l'existence de 102 caisses, ce qui conduit la Cour à retenir ce chiffre uniquement, sans prendre en considération d'une part que la marchandise comprenait 19 pièces et d'autre part que celle-ci après repêchage avait été reconditionnée en 43 caisses.

La société ARMEEC a droit à 102 x 823 DTS 96 = 84 043 DTS 92 ou son équivalent en $ au jour du paiement, et non à celui du présent arrêt comme le demande à tort cette société. En outre la CMA CGM doit les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, lesquels seront capitalisés selon l'article 1154 du Code Civil.

Enfin ni l'équité, ni la situation économique de la CMA CGM, ne permettent de rejeter en totalité la demande faite par la société ARMEEC sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt de défaut.

Rejette les conclusions et les pièces numéros 26 à 31 de la société ARMEEC INSURANCE JSC du 17 mars 2014.

Confirme le jugement du 3 décembre 2010 uniquement pour avoir déclaré recevable l'action de la société ARMEEC INSURANCE JSC, et infirme tout le reste du jugement.

Condamne la S.A. CMA CGM à payer à la société ARMEEC INSURANCE JSC la somme principale de 84 043 DTS 92 ou son équivalent en $ au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et capitalisation de ceux-ci selon l'article 1154 du Code Civil.

Condamne en outre la S.A. CMA CGM à payer à la société ARMEEC INSURANCE JSC une indemnité de 6 000 € 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la S.A. CMA CGM aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 12/15682
Date de la décision : 05/06/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°12/15682 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-05;12.15682 ?
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